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Mais pour que l'homme se tienne debout, il faut que le corps soit dans une situation perpendiculaire à l'horison de la tête aux piés; ce qui se fait par la contraction de tous les muscles extenseurs des tarses, des tibia, des fémurs, de la colonne des vertebres & de la tête. Cette action est très - compliquée, parce qu'elle s'opere par le concours des forces d'un nombre très considérable de muscles; c'est pourquoi rien n'est plus pénible que de bien représenter des hommes changés en statue, comme l'éprouvent les acteurs d'opéra, par exemple, dans certains enchantemens: leur rôle exige alors nécessairement qu'ils restent long - tems debout immobiles, sans paroître bouger d'aucune partie du corps: ils ressentent une si grande lassitude par l'effet de cette situation forcée, qu'ils ne peuvent s'empêcher à la fin de chanceler.
On n'a pas jusqu'à présent exactement déterminé quelles sont les puissances qui sont mises en oeuvre pour tenir le corps ferme dans la situation droite; l'art même ne peut pas en représenter l'effet dans les squeletes humains, ni aucun quadrupede ne peut affecter exactement cette attitude: car les animaux qui marchent à deux piés ne peuvent le faire que pendant très - peu de tems, & ne soûtiennent cette situation qu'avec beaucoup de peine, parce qu'ils n'ont pas les os des îles qui forment le bassin aussi larges, ni les cavités cotyloïdes qui reçoivent les fémurs aussi éloignées entre elles, ni la surface des piés sur lesquels ils se portent aussi étendue que l'homme. Haller.
Le corps humain ainsi supposé peut être comparé à un édifice soûtenu par des colonnes; si on en considere la charpente dans le squelete, on voit que les pieces qui servent à porter le tronc sont comme deux piliers divisés, dont les parties sont liées entre elles par des joints arrondis, polis, susceptibles de se mouvoir aisément les uns sur les autres; cette structure fait que ces piliers ne peuvent pas être placés dans une situation droite, sans y être retenus & mis pour ainsi dire en équilibre par le moyen des puissances ambiantes. La raison de cette difficulté se présente aisément, si l'on fait attention aux bases des pieces dont ces piliers sont construits; on voit que ces pieces ne portent les unes sur les autres que par de très petites surfaces, attendu la rondeur de leur extrémité, bien differentes des pierres dont sont construites des colonnes: celles - là sont posées les unes sur les autres de la maniere la plus stable, c'est - à - dire par des surfaces planes étendues selon toute leur largeur, susceptibles d'une contiguité proportionnée.
Il suit de - là que les os des extrémités du corps humain font non - seulement fonction de colonnes ou piliers, mais encore de leviers; ils soûtiennent par leur fermeté le poids de tout le corps dans une situation droite; & lorsque les pieces osseuses sont inclinées les unes sur les autres, & que leur propre poids & celui des parties qu'elles supportent les retiennent dans cet état, elles sont pliées de plus en plus, à moins que l'homme n'employe la force qui lui est naturelle pour les arrêter dans leur chûte, par la contraction des muscles qui tirent les cordes tendineuses par lesquelles ils ont leur attache fixe aux os.
Cela posé, lorsque l'homme est debout, les colonnes osseuses composées des os des piés, de ceux des jambes, des cuisses & de l'épine du dos, sont dressées de façon qu'elles portent les unes sur les autres, à condition cependant que la ligne d'inclinaison du centre de gravité qu'a toute la masse tombe perpendiculairement entre les deux plantes des piés ou sur une des deux; autrement le corps ne pourroit pas rester dans cette situation droite, il tomberoit du
Voici donc par quel méchanisme l'homme se tient droit sur ses piés ou sur un seul. L'exposition qui suit est extraite du traité des muscles du célebre Winslow: on ne peut rien dire, & on ne trouve dans aucun auteur rien d'aussi exact & d'aussi complet sur ce sujet.
Les jambes étant soûtenues verticalement par
la coopération de tous ces muscles, comme par
autant de cordages proportionnément tendus, elles
portent les os des cuisses qui sont affermis dans
leur attitude par l'action des vastes & du crural;
le grêle antérieur ne contribue rien à cette attitude
par rapport à l'os fémur. Les vastes & le crural
sont les principaux moteurs, & ils agissent sans
modérateurs; car ces os étant courbés en - arriere,
la pente & le poids tiennent lieu non - seulement de
modérateurs, mais d'antagonistes très - forts; il n'y
a point ici de directeurs.
Les cuisses ainsi fermement dressées sur les jambes
soûtiennent le bassin: c'est ici que les principaux
moteurs, les modérateurs & les directeurs
sont tous employés pour affermir le bassin dans
cette attitude. Mais ces différens offices changent,
selon qu'on se tient plus ou moins droit pour la station: c'est pourquoi dans la station bien droite on
peut regarder comme presqu'uniforme, & comme
une espece de mouvement tonique, la coopération
de tous les muscles, qui dans cette attitude
peuvent mouvoir le bassin sur les cuisses, principalement
celle des fessiers, des triceps, des grêles
antérieurs, des couturiers, & même des demi - nerveux, des demi - membraneux, & des biceps, surtout
quand on panche tant soit peu la tête enavant.
L'épine du dos avec le thorax est soûtenue dans
la station par la coopération des muscles vertébraux
& des longs dorsaux, qui sont ici les principaux
moteurs, par celle des sacrolombaires, qui sont
en partie principaux moteurs & en partie directeurs;
enfin par celle des quarrés des lombes, qui
font ici la fonction de directeurs. Dans cette attitude
de l'épine le poids de la poitrine & de la tête,
dont la pente naturelle est en - dévant, contrebalance
les vertébraux, les longs dorsaux & les sacrolombaires,
& par conséquent y coopere à la
place des modérateurs.
Dans cette même attitude de station, la tête
avec le cou est soûtenue droite par la coopération
proportionnée de tous les muscles qui servent à la
mouvoir, soit en particulier, soit conjointement
avec le cou. Il n'y a que les obliques postérieurs
inférieurs, appellés communément les grands obliques, que l'on pourroit croire être en inaction, pendant
qu'on tient simplement la tête droite sans la
mouvoir & sans mouvoir le cou.
Ce sont les splenius & les complexus qui sont
ici les principaux acteurs, avec les épineux & les
demi - épineux du cou; les vertébraux antérieurs
du cou sont alors plûtôt de vrais coadjuteurs, que
des modérateurs, par rapport à l'attitude de la tête;
mais par rapport au cou ils sont des antago<pb->
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Les sterno - mastoïdiens n'agissent pas dans cette
attitude comme fléchisseurs, ni comme modérateurs
de l'action uniforme des splenius, des complexus,
& des vertébraux postérieurs; c'est le poids
& la pente de la tête qui contrebalancent cette action.
Cependant le sterno - mastoïdien d'un côté,
conjointement avec le splenius voisin, & le sternomastoïdien
du côté opposé avec l'autre splenius
qui lui est voisin, sont réciproquement acteurs &
modérateurs latéraux, aidés par les transversaires
& les scalenes.
Ce n'est pas seulement la coopération des muscles
qui paroît évidemment par tout ce que je viens de
dire de la station, c'est aussi la variété de leur usage,
& la fausseté de leur dénomination vulgaire. Les
grands jumeaux, le soléaire, & le jambier postérieur,
sont ici extenseurs de la jambe & non pas
du pié; les vastes & le crural étendent ici la cuisse
& non pas la jambe; les grêles antérieurs ne servent
point ici à étendre les jambes, ni les couturiers
à les fléchir; ils sont tous quatre employés à
arrêter le bassin sur les cuisses.
La progression ou l'action de marcher démontre
encore d'une maniere plus palpable tout à la
fois la coopération des muscles & la variété de
leurs fonctions; alors on est alternativement appuyé
sur une des extrémités inférieures, pendant
qu'on tient l'autre extrémité comme suspendue en
l'air. Etre appuyé sur une seule extrémité, c'est
une espece de station incomplete, dans laquelle la
coopération musculaire est à - peu - près semblable à
celle qui se rencontre dans la station complete par
rapport au pié, à la jambe, à la cuisse; mais par rapport
au bassin il y a une différence considérable.
Pour se tenir droit debout sur les deux extrémités,
il suffit d'empêcher le bassin de tomber en - arriere, & même quelquefois en avant; mais quand
on se tient debout sur une seule extrémité, sans aucun
appui étranger, l'autre extrémité étant levée
& suspendue, il faut non - seulement arrêter le bassin
sur la cuisse de maniere qu'il ne tombe du côté
de l'extrémité soûlevée qui l'entraîne, mais encore
empêcher l'épine du dos d'y pencher.
Le bassin est dans ce cas - ci soûtenu contre la
pente latérale par une coopération très - forte du
moyen & du petit fessier, comme des principaux
acteurs, & par celle du grand fessier & du muscle
de la bande large, comme des coadjuteurs. L'épine du dos est en même tems arrêtée & soûtenue
par le sacro - lombaire, par le grand dorsal, & par
le lombaire du même côté.
Dans la session la tête & le tronc restent comme
debout sur le bassin, qui est appuyé sur les deux
tubérosités des os ischion, & par conséquent ne
peut tomber d'un côté ni d'autre: mais il doit être
affermi contre la pente ou la chûte en - arriere &
en - avant. C'est à quoi sert la coopération des grêles
antérieurs, des couturiers, des demi - membraneux, des demi tendineux, & de la portion longue
de l'un & de l'autre biceps. Les iliaques, les
psoas ordinaires, & même les psoas extraordinaires,
quand ils se trouvent, y peuvent aussi coopérer ».
On peut se convaincre aisément de l'action de tous ces muscles dans l'exercice de la fonction dont il s'agit, par la dureté que l'on y sent en les touchant; si quelqu'un de ces muscles vient à se rompre ou à être coupé, le tendon d'Achille par exemple ou celui de la rotule, on ne pourra plus se tenir debout.
Les hommes ne peuvent pas rester droits sur un seul talon la pointe du pié étant élévée, ou sur cette même pointe du pié seule; ils se soûtiennent difficile<cb->
1°. Si quelqu'un ayant le pié fléchi & la plante du pié élevée, ne porte sur le pavé que par le talon, comme cette partie est arrondie, il s'ensuit qu'elle ne peut toucher le sol presque que par un point, que tout le poids du corps porte sur ce point: mais pour que l'homme puisse se tenir debout dans cette situation, il faut que la ligne de direction du centre de gravité tombe constamment sur ce point, c'est - à - dire qu'elle soit perpendiculaire au même plan horisontal. Cette attitude ne peut pas être conservée; il est impossible qu'elle subsiste un certain tems, parce que jamais le corps humain ne peut rester en repos, à cause du mouvement continuel de ses parties solides & fluides, des organes de la respiration, & de mille autres causes externes qui l'agitent & l'ébranlent sans relâche. L'homme ne peut donc sans chanceler continuellement, s'appuyer sur la pointe d'un pié, sur un caillou ou sur un pieu.
2°. Si toute la plante du pié porte à terre, il sera encore assez difficile de se tenir debout dans cette attitude appuyé sur un pié. On pourra cependant s'y tenir, parce que l'homme au moyen de la force musculaire peut se tourner, se plier, & se dresser pour ramener le centre de gravité, qui parcourt tout l'espace du terrein occupé par la plante du pié: cette ligne d'inclinaison peut toûjours être renfermée dans cet espace, & sans cesser d'être perpendiculaire au plan de l'horison; de cette maniere l'homme pourra rester sur un pié.
3°. Enfin si le corps porte sur les deux plantes des piés, il se tient debout très - aisément, parce que le centre de gravité peut être enfermé dans l'espace quadrangulaire occupé par les deux plantes des piés: la ligne de propension peut conserver aisément sa situation perpendiculaire sur le plan horisontal, sans être portée hors de la surface étendue du sol mentionné; & par conséquent, quoique l'homme chancele, il peut conserver sa situation droite sans faire aucune chûte. L'état chancelant d'un homme debout sur les deux plantes des piés, peut être aisément corrigé par l'action musculaire, en tenant les cuisses perpendiculaires à l'horison, & en contractant très - peu, plus ou moins, les extenseurs & les fléchisseurs des piés.
Mais lorsqu'il arrive que la ligne de direction du centre de gravité tombe hors du sol qu'occupe une des plantes du pié, ou hors du parallélogramme formé par les deux plantes du pié, il n'y a point d'effort musculaire qui puisse garantir l'homme de la chûte, à moins que le poids de son corps ne soit contrebalancé par des secours méchaniques, tels que les suivans.
Si la chûte du corps obliquement penché sur le terrein ne se fait que par un mouvement lent & avec peu d'effort, on peut l'empêcher, si on se hâte de tourner le corps de maniere à ramener la tête & le cou vers le côté opposé au penchant, jusqu'à ce que la ligne de direction du centre de gravité du corps rentre dans l'espace occupé par les piés; par ce moyen on évite sa chûte: le poids de la tête ou de la poitrine compense aisément dans ce cas celui du reste du corps, dont la quantité qui l'emportoit hors de sa base, n'avoit pas encore beaucoup d'inclinaison.
L'effet est plus sensible encore, lorsqu'on étend le
bras ou la jambe vers le côté opposé à celui de la
chûte commençante; car alors le membre allongé
fait fonction de levier, dont la longueur compense,
dans le bras sur - tout, le défaut de poids, parce qu'elle
ramene aisément & promptement la ligne de
gravité au lieu d'où elle étoit sortie.
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