ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Crocodile (Page 4:502)

* Crocodile, (Myth.) Les Egyptiens ont traité cet animal diversement: il étoit adoré dans quelques contrées, où on l'apprivoisoit: on l'attachoit par les pattes de devant; on lui mettoit aux oreilles des pierres précieuses, & on le nourrissoit de viandes consacrées jusqu'à ce qu'il mourût. Alors on l'embaumoit; on renfermoit sa cendre dans des urnes, & on la portoit dans la sépulture des rois. Il y en avoit d'assez fous pour se féliciter de leur bonheur, s'il arrivoit qu'un crocodile eût dévoré quelques - uns de leurs enfans. Ailleurs on les abhorroit, on les chassoit, & on les tuoit, & cela aussi par un sentiment de religion: ici on croyoit que Typhon le meurtrier d'Osiris & l'ennemi de tous les dieux, s'étoit transformé en crocodile: d'autres en faisoient le symbole de la divinité, & tiroient des présages du bon ou mauvais accueil des vieux crocodiles. Si l'animal recevoit des alimens de la main qui les lui présentoit, cette bonté s'interprétoit favorablement; le refus au contraire étoit de mauvais augure. Il ne s'agit que de mettre l'imagination des hommes en mouvement, bien - tôt ils croiront les extravagances les plus outrées. Le crocodile n'aura point de langue; il aura autant de dents qu'il y a de jours dans l'an; il y aura des tems & des lieux où il cessera d'être malfaisant; certains Egyptiens en étoient là, & souffroient très impatiemment qu'on leur reprochât leur sotte crédulité. Celui qui osoit soûtenir qu'un crocodile avoit attaqué un Egyptien, quoiqu'il fût sur le Nil & dans une barque de papyrus, étoit un impie.

Crocodile (Page 4:502)

Crocodile, (Belles lett.) en termes de Rhétorique, signifie une sorte d'argumentation captieuse & sophistique, dont on se sert pour mettre en défaut un adversaire peu précautionné, & le faire tomber dans un piége. Voyez Sophisme.

On a appellé cette maniere de raisonner crocodile, à cause de l'histoire suivante imaginée par les Poëtes ou par les Rhéteurs. Un crocodile, disent - ils, avoit enlevé le fils d'une pauvre femme, lequel se promenoit sur les bords du Nil; cette mere désolée supplioit l'animal de lui rendre son fils; le crocodile repliqua qu'il le lui rendroit sain & sauf, pourvû qu'elle même répondît juste à la question qu'il lui proposeroit. Veux - je te rendre ton fils ou non, lui demanda le crocodile: la femme soupçonnant que l'animal vouloit la tromper, répondit avec douleur: tu ne veux pas me le rendre; & demanda que son fils lui fût rendu, comme ayant pénétré la véritable intention du crocodile. Point du tout, repartit le monstre, car si je te le rendois, tu n'aurois point dit vrai; ainsi je ne puis te le donner sans que ta premiere réponse ne soit fausse, ce qui est contre notre convention. Voyez Dilemme.

On peut rapporter à cette espece de sophisme, les propositions appellées mentientes ou insolubles, qui se détruisent elles - mêmes; telle qu'est celle de ce poëte Crétois: omnes ad unum Cretenses semper mentiuntur; tous les Crétois, sans en excepter un seul, mentent toûjours. En effet, ou le poëte ment quand il assure que tous les Crétois mentent, ou il dit vrai. Or dans l'un ou l'autre cas il y a quelques Crétois qui ne mentent pas. La proposition générale est donc nécessairement fausse. (G)

CROCOTE (Page 4:502)

* CROCOTE, s. f. (Hist. anc.) habillement leger, de soie, & couleur de safran, à l'usage des comédiennes, des prêtres de Cybele, & des femmes galantes. Ceux qui teignoient les crocotes s'appelloient crocotaires, crocotarii, du mot crocota, crocote.

CROCUS (Page 4:502)

CROCUS. Voyez Safran.

Crocus Martis. Voyez Safran de Mars.

Crocus Metallorum. Voyez Safran des Métaux.

CRODON (Page 4:502)

* CRODON, s. m. (Hist. anc.) une des principales idoles des anciens Germains. C'étoit un vieillard à longue barbe, vêtu d'une robe longue, sanglé d'une bande de toile, tenant dans la main gauche une rouë, ayant à sa main droite un panier plein de fruits & de fleurs, & placé débout sur un poisson hérissé de piquans & d'écailles, qu'on prend pour une perche, soutenu horisontalement par une colonne: on l'adora particulierement à Hartesbourg près de Goslar, jusque sous le regne de Charlemagne, qui fit abbattre la statue de Crodo, & beaucoup d'autres. Il y en a qui font venir crodo de cronos, & qui croyent que ce Crodo des Germains est le Saturne des Grecs & des Romains; mais cette conjecture n'est autorisée par aucun des attributs de la statue de Crodon.

CROIA (Page 4:502)

CROIA, (Géog.) ville forte de la Turquie, en Europe, dans l'Albanie, proche du golfe de Venise, sur l'Hisino. Long. 37. 18. lat. 41. 46.

CROIRE (Page 4:502)

* CROIRE, v. act. & neut. (Métaphysique.) c'est être persuadé de la vérité d'un fait ou d'une proposition, ou parce qu'on ne s'est pas donné la peine de l'examen, ou parce qu'on a mal examiné, ou parce qu'on a bien examiné. Il n'y a guere que le dernier cas dans lequel l'assentiment puisse être ferme & satisfaisant. Il est aussi rare que difficile d'être content de soi, lorsqu'on n'a fait aucun usage de sa raison, ou lorsque l'usage qu'on en a fait est mauvais. Celui qui croit, sans avoir aucune raison de croire, eût - il rencontré la vérité, se sent toûjours coupable d'avoir négligé la prérogative la plus importante de sa nature, & il n'est pas possible qu'il imagine qu'un heureux hasard pallie l'irrégularité de sa conduite. Celui qui se trompe, après avoir employé les facultés de son ame dans toute leur étendue, se rend à lui - même le témoignage d'avoir rempli son devoir de créature raisonnable; & il seroit aussi condamnable de croire sans examen, qu'il le seroit de ne pas croire une vérité évidente ou clairement prouvée. On aura donc bien reglé son assentiment, & on l'aura placé comme on doit, lorsqu'en quelque cas & sur quelque matiere que ce soit, on aura écouté la voix de sa conscience & de sa raison. Si on eût agi autrement, on eût péché contre ses propres lumieres, & abusé de facultés qui ne nous été données pour aucune autre fin, que pour suivre la plus grande évidence & la plus grande probabilité: on ne peut contester ces principes, sans détruire la raison & jetter l'homme dans des perplexités fâcheuses. V. Crédulité, Foi.

CROISADES (Page 4:502)

* CROISADES, s. f. (Hist. mod. & ecclés.) guerres entreprises par les chrétiens, soit pour le recouvrement des lieux saints, soit pour l'extirpation de l'hérésie & du paganisme.

Croisades entreprises pour la conquête des lieux saints. Les fréquens pélerinages que les chrétiens firent à la Terre - sainte, après qu'on eut retrouvé la croix sur laquelle le fils de l'homme étoit mort, donnerent lieu à ces guerres sanglantes. Les pélerins, témoins de la dure servitude sous laquelle gémissoient leurs freres d'Orient, ne manquoient pas d'en faire à leur retour de tristes peintures, & de reprocher aux peuples d'Occident la lâcheté avec laquelle ils laissoient les lieux arrosés du sang de Jesus - Christ, en la puissance des ennemis de son culte & de son nom.

On traita long tems les déclamations de ces bonnes gens avec l'indifférence qu'elles méritoient, & l'on étoit bien éloigné de croire qu'il viendroit jamais des tems de ténebres assez profondes, & d'un étourdissement assez grand dans les peuples & dans les souverains sur leurs vrais intérêts, pour entraîner une partie du monde dans une malheureuse petite contrée, afin d'en égorger les habitans, & de s'emparer d'une pointe de rocher qui ne valoit pas une goutte de sang, qu'ils pouvoient vénérer en esprit de loin comme de près, & dont la possession étoit si étrangere à l'honneur de la religion. [p. 503]

Cependant ce tems arriva, & le vertige passa de la tête échauffée d'un pélerin, dans celle d'un pontife ambitieux & politique, & de celle - ci dans toutes les autres. Il est vrai que'cet évenement extraordinaire fut préparé par plusieurs circonstances, entre lesquelles on peut compter l'intérêt des papes & de plusieurs souverains de l'Europe; la haine des chrétiens pour les musulmans; l'ignorance des laïcs, l'autorité des ecclésiastiques, l'avidité des moines; une passion desordonnée pour les armes, & sur - tout la nécessité d'une diversion qui suspendît des troubles intestins qui duroient depuis long tems. Les laics chargés de crimes crûrent qu'ils s'en laveroient en se baignant dans le sang infidele; ceux que leur état obligeoit par devoir à les desabuser de cette erreur, les y confirmoient, les uns par imbécillité & faux zele, les autres par une politique intéressée; & tous conspirerent à venger un hermite Picard des avanies qu'il avoit essuyées en Asie, & dont il rapportoit en Europe le ressentiment le plus vif.

L'hermite Pierre s'adresse au pape Urbain II; il court les provinces & les remplit de son enthousiasme. La guerre contre les infideles est proposée dans le concile de Plaisance, & prêchée dans celui de Clermont. Les seigneurs se défont de leurs terres; les moines s'en emparent; l'indulgence tient lieu de solde: on s'arme; on se croise, & l'on part pour la Terresainte.

La croisade, dit M. Fleury, servoit de prétexte aux gens obérés pour ne point payer leurs dettes; aux malfaiteurs pour éviter la punition de leurs crimes; aux ecclésiastiques indisciplinés pour secoüer le joug de leur état; aux moines indociles pour quitter leurs cloîtres; aux femmes perdues pour continuer plus librement leurs desordres. Qu'on estime par - là quelle devoit être la multitude des croisés?

Le rendez - vous est à Constantinople. L'hermite Pierre, en sandales & ceint d'une corde, marche à la tète de quatre - vingts mille brigands; car comment leur donner un autre nom, quand on se rappelle les horreurs auxquelles ils s'abandonnerent sur leur route? Ils volent, massacrent, pillent, & brûlent. Les peuples se soulevent contr'eux. Cette croix rouge qu'ils avoient prise comme la marque de leur piété, devient pour les nations qu'ils traversent le signal de s'armer & de courir sur eux. Ils sont exterminés; & de cette foule, il ne reste que vingt mille hommes au plus qui arrivent devant Constantinople à la suite de l'hermite.

Une autre troupe qu'un prédicateur Allemand appellé Godescal traînoit après lui, coupable des mêmes excès, subit le même sort. Une troisieme horde composée de plus de deux cents mille personnes, tant femmes que prêtres, paysans, écoliers, s'avance sur les pas de Pierre & de Godescal; mais la fureur de ces derniers tomba particulierement sur les Juifs. Ils en massacrerent tout autant qu'ils en rencontrerent; ils croyoient, ces insensés & ces impies, venger dignement la mort de Jesus - Christ, en égorgeant les petits - fils de ceux qui l'avoient crucifié. La Hongrie fut le tombeau commun de tous ces assassins. Pierre renforça ses croisés de quelques autres vagabonds Italiens & Allemands, qu'il trouva devant Constantinople. Alexis Comnene se hâta de transporter ces enthousiastes dangereux au - delà du Bosphore. Soliman soudan de Nicée tomba sur eux, & le fer extermina en Asie, ce qui étoit échappé à l'indignation des Bulgares & des Hongrois, & à l'artifice des Grecs.

Les croisés que Godefroi de Bouillon commandoit furent plus heureux; ils étoient au nombre de soixante & dix mille hommes de pié, & de dix mille hommes de cheval. Ils traverserent la Hongrie. Cependant Hugues frere de Philippe I. roi de France, marche par l'Italie avec d'autres croisés; Robert duc de Normandie, fils aîné de Guillaume le Conquérant est parti; le vieux Raimond comte de Toulouse passe les Alpes à la tête de dix mille hommes, & le Normand Boemond, mécontent de sa fortune en Europe, en va chercher en Asie une plus digne de son courage.

Lorsque cette multitude fut arrivée dans l'Asie mineure, on en fit la revûe près de Nicée; & il se trouva cent mille cavaliers & six cents mille fantassins. On prit Nicée. Soliman fut battu deux fois. Un corps de vingt mille hommes de pié & de quinze mille cavaliers assiégea Jérusalem, & s'en empara d'assaut. Tout ce qui n'étoit pas chrétien fut impitoyablement égorgé; & dans un assez court intervalle de tems, les chrétiens eurent quatre établissemens au milieu des infideles, à Jérusalem, à Antioche, à Edesse, & à Tripoli.

Boemond posseda le pays d'Antioche. Baudoüin frere de Godefroi alla jusqu'en Mésopoamie s'emparer de la ville d'Edesse; Godefroi commanda dans Jérusalem, & le jeune Bertrand fils du comte de Toulouse s'établit dans Tripoli.

Hugues frere de Philippe I, de retour en France avant la prise de Jérusalem, repassa en Asie avec une nouvelle multitude mêlée d'Allemans & d'Italiens; elle étoit de trois cents mille hommes. Soliman en défit une partie; l'autre périt aux environs de Constantinople, avant que d'entrer en Asie; Hugues y mourut presqu'abandonné.

Baudoüin regna dans Jérusalem après Godefroi; mais Edesse qu'il avoit quittée ne tarda pas à être reprise, & Jérusalem où il commandoit à être menacée.

Tel étoit l'état foible & divisé des chrétiens en Orient, lorsque le pape Eugene III. proposa une autre croisade. S. Bernard son maître la prêcha à Vezelai en Bourgogne, où l'on vit sur le même échafaud un moine & un souverain exhortant alternativement les peuples à cette expédition. Soixante & dix mille François se croiserent sous Louis le Jeune. Soixante & dix mille Allemans se croiserent peu de tems après sous l'empereur Conrad III, & les historiens évaluent cette émigration à trois cents mille hommes. Le fameux Fréderic Barberousse suivoit son oncle Conrad. Ils arrivent: ils sont défaits. L'empereur retourna presque seul en Allemagne; & le roi de France revint avec sa femme, qu'il répudia bien - tôt après pour sa conduite pendant le voyage.

La principauté d'Antioche subsistoit toûjours. Amauri avoit succédé dans Jérusalem à Baudoüin, & Gui de Lusignan à ce dernier. Lusignan marche contre Saladin, qui s'avançoit vers Jérusalem dans le dessein de l'assiéger. Il est vaincu & fait prisonnier Saladin entra dans Jérusalem; mais il en usa avec les habitans de cette ville de la maniere la plus honteuse pour les chrétiens, à qui il sçut bien reprocher la barbarie de leurs peres. Lusignan ne sortit de ses fers qu'au bout d'un an.

Outre la principauté d'Antioche, les chrétiens d'Orient avoient conservé au milieu de ces desastres Joppé, Tyr, & Tpoli. Ce fut alors que le pape Clément III. rema la France, l'Angleterre, & l'Allemagne en leur faveur. Philippe Auguste régnoit en France, Henri II. en Angleterre, & Fréderic Barberousse en Allemagne. Les rois de France & d'Angleterre cesserent de tourner leurs armes l'un contre l'autre pour les porter en Asie; & l'empereur partit à la tête de cent cinquante mille hommes. Il vainquit les Grecs & les Musulmans. Des commencemens si heureux présageent pour la suite les plus grands succès, lorsque Baberousse mourut. Son armée réduite à sept à huit mille hommes, alla vers Antioche sous la conduite du duc de Soüabe son fils, se joindre

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