ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"490"> tions en ordre, à donner des éditions des anciens, comme les Bollandistes, les Bénédictins, & entre autres le P. Mabillon, M. Baluze, Graevius, Gronovius, &c. 4°. Ceux qui ont fait des traités historiques & philologiques des plus célebres bibliotheques, tels que Juste Lipse, Gallois, &c. 5°. Ceux qui ont composé des bibliotheques ou catalogues raisonnés d'auteurs, soit ecclésiastiques, soit profanes, comme M. Dupin, &c. 6°. Les commentateurs ou scholiastes des auteurs anciens, comme Dacier, Bentley, le P. Jouvenci; tous les auteurs dont on a recueilli les notes sous le titre de variorum, & ceux qui sont connus sous celui de critiques dauphins. Enfin, dit M. Baillet, on comprend sous le nom de critiques, tous les auteurs qui ont écrit de la Philologie, sous les titres extraordinaires & bisarres de diverses leçons, leçons antiques, leçons nouvelles, leçons suspectes, leçons mémorables; mélanges, nommés par les uns symmictes, par les autres miscellanées; cinnes, schediasmes ou cahiers, adversaires ou recueils, collectanées, philocalies, observations ou remarques, animadversions ou corrections, scholies ou notes, commentaires, expositions, soupçons, conjectures, conjectanées, lieux communs, éclogues ou électes, extraits ou florides, parergues, vraissemblables, novantiques, saturnales, sémestres, nuits, veilles, journées, heures subcesives ou successives, précidanées, succidanées, centurionats: en un mot, ajoûte - t - il, tous ceux qui ont écrit des Belles - lettres, qui ont travaillé sur les anciens auteurs pour les examiner, les corriger, les expliquer, les mettre au jour; ceux qui ont embrassé cette Littérature universelle qui s'étend sur toutes sortes de sciences & d'auteurs, & qui faisoit anciennement la principale & la plus belle partie de la Grammaire, avant que les mauvais grammairiens l'eussent obligée de changer son nom en celui de Philologie, qui embrasse bien les principales parties de la Littérature & quelques - unes des sciences, mais qui regardant essentiellement les mots de chacune, n'en traite les choses que rarement & par accident: tels ont été chez les anciens Varron, Athénée, Macrobe, &c. & parmi les modernes les deux Scaliger, Lambin, Turnebe, Casaubon, MM. Pithou, Saumaise, les PP. Sirmond & Pétau, Bayle, &c. On peut encore ajoûter aux critiques ceux qui ont écrit contre certains ouvrages. Voyez Philologie, & sur - tout l'article suivant Critique. (G)

Critique, Censure, (Page 4:490)

Critique, Censure, (Synonymes.) Critique s'applique aux ouvrages littéraires; censure aux ouvrages théologiques, ou aux propositions de doctrine, ou aux moeurs. Voyez Censure. (O)

Critique (Page 4:490)

Critique, s. f. (Belles - lettres.) On peut la considérer sous deux points de vûe généraux: l'une est ce genre d'étude à laquelle nous devons la restitution de la Littérature ancienne. Pour juger de l'importance de ce travail, il suffit de se peindre le cahos où les premiers commentateurs ont trouvé les ouvrages les plus précieux de l'antiquité. De la part des copistes, des caracteres, des mots, des passages altérés, défigurés, obmis ou transposés dans les divers manuscrits: de la part des auteurs, l'allusion, l'ellipse, l'allégorie, en un mot, toutes ces finesses de langue & de style qui supposent un lecteur à demi instruit; quelle confusion à démêler dans un tems où la révolution des siecles & le changement des moeurs sembloient avoir coupé toute communication aux idées!

Les restituteurs de la Littérature ancienne n'avoient qu'une voie, encore très - incertaine; c'étoit de rendre les auteurs intelligibles l'un par l'autre, & à l'aide des monumens. Mais pour nous transmettre cet or antique, il a fallu périr dans les mines. Avoüons - le, nous traitons cette espece de critique avec trop de mépris, & ceux qui l'ont exercée si laborieusement pour eux & si utilement pour nous, avec trop d'ingratitude. Enrichis de leurs veilles, nous faisons gloire de posséder ce que nous voulons qu'ils ayent acquis sans gloire. Il est vrai que le mérite d'une profession étant en raison de son utilité & de sa difficulté combinées, celle d'érudit a dû perdre de sa considération à mesure qu'elle est devenue plus facile & moins importante; mais il y auroit de l'injustice à juger de ce qu'elle a été par ce qu'elle est. Les premiers laboureurs ont été mis au rang des dieux avec bien plus de raison que ceux d'aujourd'hui ne sont mis au - dessous des autres hommes. Voy. Manuscrit, Erudition, Texte

Cette partie de la critique comprendroit encore la vérification des calculs chronologiques, si ces calculs pouvoient se vérifier; mais le peu de fruit qu'ont retiré de ce travail les sçavans illustres qui s'y sont exercés, prouve qu'il seroit desormais aussi inutile que pénible de revenir sur leurs recherches. Il faut savoir ignorer ce qu'on ne peut connoître; or il est vraissemblable que ce qui n'est pas connu dans l'histoire des tems, ne le sera jamais, & l'esprit humain y perdra peu de chose. Voyez Chronologie.

Le second point de vûe de la critique, est de la considérer comme un examen éclairé & un jugement équitable des productions humaines. Toutes les productions humaines peuvent être comprises sous trois chefs principaux; les Sciences, les Arts libéraux, & les Arts méchaniques: sujet immense que nous n'avons pas la témérité de vouloir approfondir, sur - tout dans les bornes d'un article. Nous nous contenterons d'établir quelques principes généraux que tout homme capable de sentiment & de réflexion est en état de concevoir; & s'il en est qui manquent de justesse ou de clarté, à quelque sévere examen que nous ayons pû le soûmettre, le lecteur trouvera dans les articles relatifs auxquels nous aurons soin de le renvoyer, de quoi rectifier ou développer nos idées.

Critique dans les Sciences. Les sciences se réduisent à trois points: à la démonstration des vérités anciennes, à l'ordre de leur exposition, à la découverte des nouvelles vérités.

Les vérités anciennes sont ou de fait ou de spéculation. Les faits sont ou moraux ou physiques. Les faits moraux composent l'histoire des hommes, dans laquelle souvent il se mêle du physique, mais toûjours relativement au moral.

Comme l'histoire sainte est révelée, il seroit impie de la soûmettre à l'examen de la raison; mais il est une maniere de la discuter pour le triomphe même de la foi. Comparer les textes, & les concilier entr'eux; rapprocher les évenemens des prophéties qui les annoncent; faire prévaloir l'évidence morale à l'impossibilité physique; vaincre la répugnance de la raison par l'ascendant des témoignages; prendre la tradition dans sa source, pour la présenter dans toute sa force; exclure enfin du nombre des preuves de la vérité tout argument vague, foible ou non concluant, espece d'armes communes à toutes les religions, que le faux zele employe & dont l'impiété se joüe: tel seroit l'emploi du critique dans cette partie. Plusieurs l'ont entrepris avec autant de succès que de zele, parmi lesquels Pascal doit occuper la premiere place, pour la céder à celui qui exécutera ce qu'il n'a fait que méditer.

Dans l'histoire profane, donner plus ou moins d'autorité aux faits, suivant leur degré de possibilité, de vraissemblance, de célébrité, & suivant le poids des témoignages qui les confirment: examiner le caractere & la situation des historiens; s'ils ont été libres de dire la vérité, à portée de la connoître, en état de l'approfondir, sans intérêt de la déguiser: [p. 491] pénétrer après eux dans la source des évenemens, apprécier leurs conjectures, les comparer entr'eux & les juger l'un par l'autre: quelles fonctions pour un critique; & s'il veut s'en acquitter, combien de connoissances à acquérir! Les moeurs, le naturel des peuples, leurs intérêts respectifs, leurs richesses & leurs forces domestiques, leurs ressources étrangeres, leur éducation, leurs lois, leurs préjugés & leurs principes; leur politique au - dedans, leur discipline au - dehors; leur maniere de s'exercer, de se nourrir, de s'armer & de combattre; les talens, les passions, les vices, les vertus de ceux qui ont présidé aux affaires publiques; les sources des projets, des troubles, des révolutions, des succès & des revers; la connoissance des hommes, des lieux & des tems; enfin tout ce qui en morale & en physique peut concourir à former, à entretenir, à changer, à détruire & à rétablir l'ordre des choses humaines, doit entrer dans le plan d'après lequel un sçavant discute l'histoire. Combien un seul trait dans cette partie ne demande - t - il pas souvent, pour être éclaici, de réflexions & de lumieres? Qui osera décider si Annibal eut tort de s'arrêter à Capoue, & si Pompée combattoit à Pharsale pour l'empire ou pour la liberté? Voyez Histoire, Politique, Tactique , &c.

Les faits purement physiques composent l'histoire naturelle, & la vérité s'en démontre de deux manieres: ou en répetant les observations & les expériences; ou en pesant les témoignages, si l'on n'est pas à portée de les vérifier. C'est faute d'expérience qu'on a regardé comme des fables une infinité de faits que Pline rapporte, & qui se confirment de jour en jour par les observations de nos Naturalistes.

Les anciens avoient soupçonné la pésanteur de l'air, Toricelli & Pascal l'ont démontrée. Newton avoit annoncé l'applatissement de la terre, des philosophes ont passé d'un hémisphere à l'autre pour la mesurer. Le miroir d'Archimede confondoit notre raison, & un physicien, au lieu de nier ce phénomene, a tenté de le reproduire, & le prouve en le répetant. Voilà comme on doit critiquer les faits. Mais suivant cette méthode les sciences auront peu de critiques. Voyez Expérience. Il est plus court & plus facile de nier ce qu'on ne comprend pas; mais est - ce à nous de marquer les bornes des possibles, à nous qui voyons chaque jour imiter la foudre, & qui touchons peut - être au secret de la diriger? Voy. Electricite.

Ces exemples doivent rendre un critique bien circonspect dans ses décisions. La crédulité est le partage des ignorans; l'incrédulité décidée, celui des demi - sçavans; le doute méthodique, celui des sages. Dans les connoissances humaines, un philosophe démontre ce qu'il peut; croit ce qui lui est démontré; rejeite ce qui y répugne, & suspend son jugement sur tout le reste.

Il est des vérités que la distance des lieux & des tems rend inaccessibles à l'expérience, & qui n'étant pour nous que dans l'ordre des possibles, ne peuvent être observées que des yeux de l'esprit. Ou ces vérités sont les principes des faits qui les prouvent, & le critique doit y remonter par l'enchaînement de ces faits; ou elles en sont des conséquences, & par les mêmes degrés il doit descendre jusqu'à elles. Voyez Analyse, Synthese.

Souvent la vérité n'a qu'une voie par où l'inventeur y est arrivé, & dónt il ne reste aucun vestige: alors il y a peut - être plus de mérite à retrouver la route, qu'il n'y en a eu à la découvrir. L'inventeur n'est quelquefois qu'un aventurier que la tempête a jetté dans le port; le critique est un pilote habile que son art seul y conduit: si toutefois il est permis d'appeller art une suite de tentatives incertaines & de rencontres fortuites où l'on ne marche qu'à pas tremblans. Pour réduire en regles l'investigation des vérités physiques, le critique devroit tenir le milieu & les extrémités de la chaîne; un chaînon qui lui échappe, est un échelon qui lui manque pour s'élever à la démonstration. Cette méthode sera longtems impraticable. Le voile de la nature est pour nous comme le voile de la nuit, où dans une immense obscurité brillent quelques points de lumiere; & il n'est que trop prouvé que ces points lumineux ne sauroient se multiplier assez pour éclairer leurs intervalles. Que doit donc faire le critique? observer les faits connus; en déterminer, s'il se peut, les rapports & les distances; rectifier les saux calculs & les observations défectueuses; en un mot, convaincre l'esprit humain de sa foiblesse, pour lui faire employer utilement le peu de force qu'il épuise envain; & oser dire à celui qui veut plier l'expérience à ses idées: Ton métier est d'interroger la nature, non de la faire parler. (Voyez les pensées sur l'interp. de la nat. ouvrage que nous réclamons ici, comme appartenant au dictionnaire des connoissances humaines, pour suppléer à ce qui manque aux nôtres de profondeur & d'étendue).

Le desir de connoître est souvent stérile par trop d'activité. La vérité veut qu'on la cherche, mais qu'on l'attende; qu'on aille au - devant d'elle, mais jamais au - delà. C'est au critique, en guide sage, d'obliger le voyageur à s'arrêter où finit le jour, de peur qu'il ne s'égare dans les ténebres. L'éclipse de la nature est continuelle, mais elle n'est pas totale; & de siecle en siecle elle nous laisse appercevoir quelques nouveaux points de son disque immense, pour nourrir en nous, avec l'espoir de la connoître, la constance de l'étudier.

Lucrece, S. Augustin, Boniface, & le pape Zacharie, étoient debout sur notre hémisphere, & ne concevoient pas que leurs semblables pussent être dans la même situation sur un hémisphere opposé: ut per aquas quoe nunc rerum simulacra videmus, dit Lucrece, (De rer. nat. lib. I.) pour exprimer qu'ils auroient la tête en bas. On a reconnu la tendance des graves vers un centre commun, & l'opinion des Antipodes n'a plus révolté personne. Les anciens voyoient tomber une pierre, & les slots de la mer s'élever; ils étoient bien loin d'attribuer ces deux effets à la même cause. Le mystere de la gravitation nous a été révélé: ce chaînon a lié les deux autres; & la pierre qui tombe & les flots qui s'élevent, nous ont paru soûmis aux mêmes lois. Le point essentiel dans l'étude de la nature, est donc de découvrir les milieux des vérités connues, & de les placer dans l'ordre de leur enchaînement: tels faits paroissent isolés, dont le noeud seroit sensible s'ils étoient mis à leur place. On trouvoit des carrieres de marbre dans le sein des plus hautes montagnes; on en voyoit former sur les bords de l'Océan par le ciment du sel marin; on connoissoit le parallélisme des couches de la terre: mais répandus dans la Physique, ces faits n'y jettoient aucune lumiere; ils ont été rapprochés, & l'on reconnoît les monumens de l'immersion totale ou successive de ce globe. C'est à cet ordre lumineux que le critique devroit sur - tout contribuer.

Il est pour les découvertes un tems de maturité avant lequel les recherches semblent infructueuses. Une vérité attend pour éclore la réunion de ses élémens. Ces germes ne se rencontrent & ne s'arrangent que par une longue suite de combinaisons: ainsi ce qu'un siecle n'a fait que couver, s'il est permis de le dire, est produit par le siecle qui lui succede; ainsi le problème des trois corps proposé par Newton, n'a été résolu que de nos jours, & l'a été par trois hommes en même tems. C'est cette espece de fermentation de l'esprit humain, cette digestion de nos

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