ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"488"> dans les urines; on saura l'histoire des crises, comme on sait celle de la transpiration: tout cela n'aboutit après tout, qu'à quelques regles générales que tout le monde sait, & dont personne ne fait usage. Cette doctrine des crises contient de petites vérités de détail, qui ne peuvent frapper que ceux qui ne connoissent pas les maladies par eux - mêmes, & qui cherchent à se faire des regles qui suppléent à leurs lumieres. Attendre les crises, compter les redoublemens d'une maladie, c'est vouloir connoître les vices des humeurs par le microscope, le degré de fievre à la faveur d'un thermometre, ou au moyen d'un pulsiloge ou d'un pendule à pouls, machine puérile, dont l'application seroit encore plus puérile, & que les praticiens regarderont toûjours comme un ornement gothique, qui ne peut qu'être rebuté par les vrais artistes. Cette précision peut amuser, mais elle n'instruit pas; elle a l'air de la science, mais elle n'en a pas l'utilité: ce n'est point par des calculs scrupuleux qu'on apprend à juger d'une maladie, & à faire usage des remedes; on devient en calculant, timide, temporiseur, indéterminé, & par conséquent moins utile à la société: la nature a ses lois; mais on ne les compte pas, on ne sauroit les classer.

Le véritable medecin, diront encore les anticritiques, est l'homme de génie qui porte un coup - d'oeil ferme & décidé sur une maladie; la nature & le grand usage l'ont rendu de concert propre à se laisser emporter par cette sorte d'enthousiasme, si peu connu des théoriciens: il juge des tems d'une maladie, pour a nsi dire, sans s'en appercevoir; il peut avoir appris tout ce que la théorie enseigne, mais il n'en fait point usage, il l'oublie, & il se détermine par l'habitude & comme malgré lui; tel est le praticien. Que la maladie soit organique ou humorale, qu'elle soit un effort salutaire de la nature ou un bouleversement de ses mouvemens, que la crise se prépare ou qu'elle se fasse, que le redoublement soit pair ou impair, l'état présent décide le véritable connoisseur; les symptomes le déterminent à se presser ou à attendre: il vous dira ce malade est mal, & vous devez l'en croire; celui - ci ne risque rien, & l'évenement justifiera pour l'ordinaire son prognostic: si vous lui demandez des raisons, il n'en sauroit donner dans bien des occasions; c'est demander à un peintre pourquoi ce tableau est dans la belle nature, & au musicien les raisons de tous ces accords mélodieux qui enchantent l'oreille. Le praticien qui cherche des raisons peut s'égarer, parce qu'alors son génie ne le guide plus; les expressions doivent lui manquer, parce que le sentiment ne s'exprime pas; l'ensemble des symptomes l'a frappé, sans qu'il puisse vous dire comment; apprenez à voir, s'écrie - t - il, veni & vide. Le goût, le talent, & l'expérience, font le praticien; le goût & le talent ne s'acquerent pas; l'habitude & l'expérience peuvent y suppléer jusqu'à un certain point: l'habitude apprend à connoître les maladies & à en juger, comme elle apprend à connoître les physionomies & les couleurs: les regles, quelles qu'elles soient, restent toûjours dans l'espace immense des généralités; & ces généralités qui peuvent peut - être être utiles à celui qui apprend l'art, sont certainement très - inutiles pour celui qui l'exerce actuellement; elles n'enseignent rien de déterminé, rien de réel, rien d'usuel; inescant, non pascunt. Voyez Medecine.

On voit par tout ce que je viens de détailler sur les crises, sur les jours critiques, & sur la maniere dont chaque parti soûtient son opinion dans cette sorte de controverse, combien elle est importante & épineuse. Je finirai cet article en exhortant tous les medecins qui sont sincerement attachés aux progrès de l'art, à ne pas négliger les occasions & les moyens d'éclaircir toutes ces questions: il s'agit de savoir & de décider par l'observation, s'il y a des crises dans les maladies, si elles ont des jours déterminés, ou s'il y a des jours vraiement critiques & d'autres qui ne le sont pas; si, supposé qu'il y ait des crises, il faut les ménager & les attendre; si les remedes dérangent les crises, & comment & jusqu'à quel point; s'ils les retardent ou s'ils les accélerent, & quels sont les remedes les plus propres à produire ces effets, s'il y en a; s'il y a dans les maladies des jours marqués pour appliquer les remedes, & d'autres dans lesquels on ne doit rien remuer, nihil movendum; si, & en quel sens, & jusqu'à quel point il est utile ou nécessaire de regarder une maladie comme l'effort salutaire de la nature de la machine, ou comme aussi opposée à la vie & à la nature qu'à la santé; si la sûreté du prognostic d'un medecin qui sauroit prévoir les crises, est d'une utilité réelle; si un praticien sage & expérimenté qui ne connoit pas la doctrine des crises, ne sera pas porté, en suivant les symptomes, à agir comme s'il savoit l'histoire des crises; s'il est indifférent d'attendre les crises ou de ne pas les attendre; enfin si un medecin expectateur ne seroit point aussi sujet à se tromper, qu'un medecin actif ou qui se presse un peu.

J'ai dit qu'il faudroit décider tous les problèmes que je viens de proposer par l'observation, ce qui exclud d'abord les idées purement hypothétiques, qui ne sauroient avoir lieu dans des matieres de fait: non point qu'il faille renoncer à toute sorte de système pour expliquer les crises; on peut s'en permettre quelqu'un pour lier les faits & les observations; ceux qui pourront s'en passer sauront le mettre à part; mais il en faut au commun des hommes, comme je l'ai remarqué ci - dessus. Le point principal seroit que les observations fussent bien faites & bien constatées. Je n'entrerai pas là - dessus dans un détail inutile & déplacé; je dirai seulement que j'appellerois une observation constatée, c'est - à - dire celle sur laquelle on pourroit compter, une observation faite depuis longtems, rédigée sans aucune vûe particuliere pour ou contre quelqu'opinion, & présentée avant de la mettreen usage à quelque faculté ou à quelqu'académie. Il seroit bon qu'on exigeât des preuves d'observation, & que chaque observateur eût ses journaux à pouvoir communiquer à tout le monde: ces sortes de précautions sont nécessaires, parce qu'on se trompe souvent soi - même; on adopte une opinion quelquefois par hasard; on se rappelle vaguement tout ce qu'on a vû de favorable à cette opinion, mais pour le reste on l'oublie insensiblement. L'observateur ou celui qui pourroit fournir des observations bien faites, ne seroit point à ce compte celui qui se contenteroit de dire, j'ai vû, j'ai fait, j'ai observé; formules avilies aujourd'hui par le grand nombre d'aveugles de naissance qui les employent. H faudroit que l'observateur pût prouver ce qu'il avance par des pieces justificatives, & qu'il démontrât qu'il a vû & sû voir en tel tems; ce seroit le seul moyen de convaincre les Pyrrhoniens, qui n'ont que trop le droit de vous dire, où avez - vous vû? comment avez - vous vû? & qui plus est encore, de quel droit avez - vous vû? de quel droit croyez - vous avoir vû? qui vous a die que vous avez vû?

Au reste, quels talens ne devroit pas avoir un bon observateur? Il ne s'agit point ici seulement d'être entraîné, pour ainsi dire, passivement, comme le praticien, & de recevoir un rayon de cette vive lumiere qui accompagne le vrai, & qui force au consentement; il faut revenir de cet état passif, & peindre exactement l'effet qu'il a produit, c'est - à - dire exprimer clairement ce qu'on a apperçû dans cette sorte d'extase, & l'exprimer par des traits réfléchis, & combinés de maniere qu'ils puissent éclairer le [p. 489] lecteur comme la nature le feroit. Tel est l'objet de l'observateur, tel est le talent rare qu'il doit posséder; talent bien différent de celui du simple praticien, qui n'a que des idées passageres qu'il ne peut pas rendre, & qui se renouvellent au besoin, mais que le besoin seul fait reparoître, & non la réflexion.

Il est donc évident que l'examen de la doctrine des crises regarde plus particulierement les medecins au - dessus du commun; ceux qui se contenteroient de suivre leurs idées leurs systèmes, & non la nature, ne pourroient que former d'inutiles ou de dangereux romans, fort éloignés du but qu'on doit se proposer. Les observateurs même qui se réduisent à ramasser des faits, sans avoir assez de génie pour distinguer les bons d'avec les mauvais, & pour les lier les uns aux autres, n'en approcheroient pas de plus près. Enfin les praticiens les plus répandus n'ont pas assez de tems à eux; & il est rare, outre ce que nous en avons dit ci - dessus, qu'ils puissent être atteints, lorsque leur réputation est déjà établie, de la passion de faire des réformes générales dans l'Art. Il faudroit que des observateurs suivissent exactement ces praticiens, & fissent un recueil exact de leurs différentes manoeuvres, ainsi que les poëtes & les historiens le faisoient autrefois des belles actions des héros.

Quant aux medecins qui sont faits pour enseigner dans les écoles, ils ne sont que trop souvent obligés de s'attacher à un système qui leur vaut toute leur considération. C'est de cette sorte de medecins, très respectables & très - utiles sans doute, qu'on peut dire avec Hippocrate, unusquisque suoe orationi testimonia & conjecturas addit ... vincitque hic, modo ille, modo iste, cui potissimum lingua volubilis ad populum contiger t: « Chacun cherche à s'appuyer de conjectures & d'autorités.... l'un terrasse aujourd'hui son adversaire, & il vient à en être terrassé à son tour; le plus fort est communément celui dont le peuple trouve la langue la mieux pendue ». Ce sont les malheurs de l'état de prosesseur, qui a bien des avantages d'ailleurs.

En un mot, il est nécessaire pour terminer la question des crises, ou pour l'éclaircir, d'être libre, & initié dans cette sorte de Medecine philosophique ou transcendante, à laquelle il n'est peut - être pas bon que tous les medecins populaires, je veux dire cliniques, s'attachent. En effet on pourroit demander si ces medecins populaires ne sont pas faits la plûpart pour copier seulement, ou pour imiter les grands maîtres de l'Art. N'y auroit - il pas à craindre que ces esprits copistes ou imitateurs, qui sont peut - être les plus sages & les meilleurs pour la pratique journaliere de la Medecine, ne tombassent dans le pyrrhonisme, si on leur laissoit prendre un certain essor? Ce qu'il y a de certain, c'est qu'on doit chercher parmi eux ce que j'appellerois les témoins des faits particuliers en Medecine; & il semble qu'il convienne qu'ils soient assujettis à des regles déterminées, tant pour leur propre tranquillité, que pour la sûreté des malades: Sinc in memoria tibi morborum curationes & horum modi, & quomodo in singulis se habeant; hoc enim principium est in Medicina, & medium & finis: « Le commencement, le milieu & la fin de la Medecine, sont de bien savoir le traitement des maladies, & leur histoire ». Voilà ce qu'Hippocrate exigeoit de ses disciples. De decenti ornat.

Voilà ce qui regarde les medecins ordinaires, voüés à des travaux qui intéressent journellement la société, & dont les services sont d'autant plus précieux qu'ils sont plus réitérés, & qu'ils ne peuvent souffrir aucune sorte de distraction de la part du praticien.

Il y a des questions qui sont réservées pour les législateurs de l'art; telle est la doctrine des crises. J'ap<cb-> pelle un législateur de l'art, le medecin philosophe qui a commencé par être témoin, qui de praticien est devenu grand observateur, & qui franchissant les bornes ordinaires, s'est élevé au - dessus même de son état. Ouvrez les fastes de la Medecine, comptez ses législateurs. Voyez Medecin & Medecine.

Cet article a été fourni par M. de Bordeu docteur de la faculté de Montpellier, & medecin de Paris.

CRISTAL (Page 4:489)

CRISTAL, voyez Crystal.

CRISTE ou CRÊTE MARINE (Page 4:489)

* CRISTE ou CRÊTE MARINE, s. f. (Botan.) Ses feuilles sont étroites, mais plus larges & plus courtes que celles du fenouil; charnues, subdivisées trois à trois, & salées. Sa tige est cannelée, & verte comme un porreau; elle a les fleurs jaunes, & ramassées en parasol. Sa graine ressemble à celle du fenouil, elle est seulement plus grande. Le goût en est agréable, piquant & aromatique. C'est une espece de pourpier de mer: le verd de sa tige va s'éclaircissant à mesure qu'elle croît. Elle meurt tous les ans au commencement de l'hyver, & renaît au printems vers le commencement de Juillet. Les riverains la cueillent & la vendent pour être salée & servir aux salades d'hyver. Il faut la saler avec un vinaigre foible & un peu de sel. Lorsqu'elle a resté environ un mois dans cette premiere saumure, on la transvase, soit dans des barrils ou des pots de terre, où l'on met de nouveau vinaigre plus fort. Le vinaigre blanc de la Rochelle est celui qui y convient le mieux. On ajoûte au sel du gros poivre, des clous de gerofle, quelques feuilles de laurier, & même un peu d'écorce de citron.

La créte marine croît au bord des marais, & sur les bancs de terre que la marée couvre journellement; celle - ci est la plus tendre & la meilleure: celle que l'eau de mer mouille plus rarement, est seche & dure: des femmes, des filles & des enfans en font ordinairement la cueillette, qu'ils portent par sacs & paniers dans les villes voisines: il n'en croît pas sur les sables purs. Cette cueillette est libre & permise à tout le monde.

CRITHOMANCE (Page 4:489)

CRITHOMANCE, s. s. (Divinat. & Hist. anc.) espece de divination, qui consistoit à considérer la pâte ou la matiere des gâteaux qu'on offroit en sacrifice, & la farine qu'on répandoit sur les victimes qu'on devoit égorger.

Comme on se servoit souvent de farine d'orge dans ces cérémonies superstitieuses, on a appellé cette sorte de divination crithomance, de KRI/QH, orge, & MANTEI/A, divination. Dict. de Trév. & Chambers.

Cette superstition a été pratiquée dans le Christianisme même, par de vieilles femmes qui se tenoient autrefois dans les églises auprès des images des saints, & qu'on nommoit pour cela KRI/TRIAI, au rapport de Théodore Balsamon cité par Delrio, lib. IV. cap. ij. quoest. 7. sect. 1. pag. 553. Voyez Alphitomancie. (G)

CRITIQUE (Page 4:489)

CRITIQUE, s. m. (Belles - lett.) auteur qui s'adonne à la critique. On comprend sous ce nom divers genres d'écrivains dont les travaux & les recherches embrassent diverses parties de la Littérature, tels 1° que ceux qui se sont appliqués à rassembler & à faire le dénombrement des ouvrages de chaque auteur; à en faire le discernement, afin de ne point attribuer à l'un ce qui appartient à l'autre; à juger de leur style & de leur maniere d'écrire; à apprendre le succès qu'ils ont eu dans le monde, & le fruit qu'on doit tirer de leurs écrits. Tels ont été Photius, Erasme, le P. Rapin, M. Huet, M. Baillet, &c. 2°. Ceux qui par des dissertations particulieres ont éclairci des points obscurs de l'histoire ancienne ou moderne, tels que Meursius, Ducange, M. de Launoy, & la plûpart de nos savans de l'académie des Belles - lettres. 3°. Ceux qui se sont occupés à recueillir d'anciens manuscrits, à mettre ces collec<pb->

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