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Au reste M. Normand cite beaucoup d'auteurs; son ouvrage n'est qu'une chaîne de passages & d'autorités. Une partie de la dissertation d'Hoffman, de fato medico & physico, dans laquelle ce medecin rapporte tout ce que l'on a dit des septenaires, fait le premier chapitre de la dissertation de M. Normand. L'auteur termine ce premier chapitre en citant contre Themison disciple d'Asclepiade, & par conséquent fort opposé aux crises, ce vers de Juvénal:
Bien des gens pourront penser que cette réflexion n'est pas plus concluante contre Themison, que tous les traits de Moliere contre les Medecins françois; il faut la regarder comme la plaisanterie de ce roi d'Angleterre, qui prétendoit que son medecin lui avoit tué plus de soldats que les ennemis. Ce sont - là de ces bons mots dont on ne peut jamais se servir sérieusement contre quelqu'un qu'on veut combattre; ils font honneur à ceux auxquels on les oppose, & on pourroit présumer par le vers seul de Juvénal, que Themison fut un medecin des plus célebres.
Le deuxieme chapitre de la dissertation de M. Normand fait, à proprement parler, le corps de l'ouvrage; on y trouve la plus pure doctrine des anciens: l'auteur n'y a rien changé. Le troisieme chapitre contient des réflexions fort judicieuses sur l'importance des crises & des jours critiques, & sur les différentes voies par lesquelles les crises se font; il remarque que les jours critiques sont rarement de vingt - quatre heures précises, adoequate. Enfin personne ne disconviendra jamais que cet ouvrage ne puisse être de quelque utilité pour ceux qui travailleront dans la suite sur les crises. Il est fâcheux que l'auteur se soit uniquement livré à l'autorité des anciens, & qu'il n'ait pas rapporté quelques - unes de ses observations particulieres, qui n'auroient certainement pas déparé sa dissertation.
On doit se rappeller que j'ai avancé ci - dessus qu'il y avoit toûjours eu dans la faculté de Paris des medecins attachés aux dogmes de Baillou, de Houllier, de Duret, & de Fernel, qui ont renouvellé dans cette fameuse école les opinions des anciens. Je tire mes preuves, tant des différens ouvrages qui sont entre les mains de tout le monde, que du recueil des theses dont M. Baron, doyen de la faculté, vient de faire imprimer le catalogue: ce catalogue fait connoître parfaitement la maniere de penser des Medecins, & les progrès de leurs opinions. C'est une espece de chronologie aussi intéressante pour l'histoire de la Medecine, que pour celle de l'esprit humain; on y découvre les vûes précieuses de nos prédécesseurs, & les traces des efforts qu'ils ont faits pour perfectionner notre art & toutes ses branches: c'est là la source pure des différens systèmes; ils s'y présentent tels qu'ils furent dans leur naissance. Semblable aux anciens temples dans lesquels on consacroit les observations & les découvertes en Medecine, la faculté de Paris conserve le dépôt sacré que ses illustres membres lui ont confié; & il seroit à sou<cb->
Or parmi les theses trop peu connues, qu'on a soûtenues à la faculté, & qui ont quelque rapport au système des crises; j'en choisis une qui est antérieure à tous les ouvrages des modernes dont je viens de parler, & dans laquelle on trouve la doctrine des crises exposée avec beaucoup de précision & de clarté. Cette these a pour titre: An à rectâ crisium doctrinâ & observatione medicina certior? savoir si la saine doctrine des crises & leurs observations rendent la medecine plus certaine. Année 1741. Elle a été soûtenue sous la présidence de M. Murry, qui en est l'auteur; & on voit qu'elle a beaucoup de rapport avec le programme de l'académie de Dijon.
M. Murry, après avoir fait quelques réflexions sur l'importance de la doctrine des crises, & sur la maniere dont elle a été arrêtée & pour ainsi dire ensevelie par les différens systèmes, en fait une exposition tirée d'Hippocrate & de Galien. Il insiste beaucoup après Prosper Martianus & Petrus Castellus, sur la nécessité qu'il y a de ne point compter scrupuleusement les jours naturels dans les maladies; il fait voir qu'il faut s'en tenir aux redoublemens, & qu'en suivant exactement leur marche, on trouve son compte dans le calcul des anciens: ce qui fournit en effet de très - grands éclaircissemens, & qui est conforme à l'avis de Celse, qui étoit ennemi déclaré des jours critiques. D'ailleurs la these dont il est question, est pleine de préceptes sages & de réflexions très - sensées. En un mot, on doit la regarder comme un abregé parfait de tout ce que les anciens ont dit de mieux sur cette matiere, & on y trouve bien des remarques qui sont propres à l'auteur.
Cette these qui manquoit à M. Normand, a beaucoup
servi à M. Aymen, qui a eu la précaution
de la citer. Il en a tiré notamment trois remarques
particulieres. En premier lieu, une observation rare
faite par M. Murry, & conforme en tout à la loi
d'Hippocrate; cette loi est concûe en ces termes:
In febribus ardentibus oculorum distorsio, aut coecitas,
aut testium tumores, aut mammarum elevatio, febrem
ardentem solvit:
Il y auroit bien des réflexions à faire sur tous les ouvrages dont je viens de parler; je les réduis à trois principales. 1°. On ne peut qu'admirer la sagesse de tous ces auteurs modernes, qui se contentent d'admettre la doctrine des crises comme un tissu de phénomenes démontrés par l'observation; ils ne rappellent qu'avec une sorte d'indignation les explications [p. 487]
M'est - il permis, cela étant, & pour ne rien négliger de ce qui peut servir à bâtir un système, de rappeller ici ce que j'ai placé dans mes recherches anatomiques sur les glandes? Supposé, ai - je dit, §. 127, que tel organe agisse tous les jours dans le corps, c'est - à - dire qu'il exerce sa fonction à telle heure précisément, ne pourroit - on pas soupçonner qu'il concourt à produire les phénomenes qu'on observeroit dans ce même tems; & s'il y a des organes dont les actions ou les fonctions se rencontrent de deux en deux, ou de trois en trois jours, ne pourroit - on pas aussi établir les mêmes soupçons, éclaircir par - là bien des phénomenes dont on a tant parlé, les crises & les jours critiques, & distinguer ce qu'il y a d'imaginaire & de réel sur ces matieres? Ce sont - là des problèmes que je me suis proposé, & dont j'attendrai la résolution de la part de quelque grand physiologiste & medecin qui les trouvera dignes de son attention, jusqu'à ce que je sois en droit de proposer mes idées. Je ne puis m'empêchèr de parler d'une prétention d'Hippocrate, qui me paroît fort importante: il dit (de morb. lib. IV.) que la coction parfaite des alimens se fait ordinairement en trois jours; & que la nature suivant les mêmes lois dans les maladies que dans l'état de santé, les redoublemens doivent ordinairement être plus forts aux jours impairs. M. Murry tire un grand parti de cette remarque, qui mérite d'être encore examinée avec attention.
Ma deuxieme remarque roule sur le fameux passage de Celse, qui accusoit les anciens d'avoir été trompés par la philosophie de Pythagore, & d'avoir fondé leur système des jours critiques sur les dogmes de cette école, dans laquelle les nombres, surtout les impairs, joüoient un très - grand rôle. Ce passage porte un coup mortel à la doctrine des crises, il en sape les fondemens; aussi a - t - il été attaqué vi<cb->
Troisiemement enfin, quels que soient les travaux
des modernes que nous venons de citer, quelle que
soit leur exactitude, il ne faut pas penser que les anticritiques
demeurent sans aucune ressource; il leur
reste toûjours bien des raisons qui ont au moins l'air
fort spécieux, pour ne rien avancer de plus. En effet,
diront - ils, nous avoüons qu'il arrive des crises
dans les maladies, & qu'il y a des jours marqués
pour les redoublemens; s'ensuit - il delà que cette doctrine
puisse avoir quelqu'application dans la pratique?
C'est ici qu'il faut en appeller aux vrais praticiens,
à ceux qui sont chargés du traitement des malades: ils ont souvent éprouvé qu'il est pour l'ordinaire
impossible de connoître les premiers tems d'une
maladie: ils nous apprendront qu'ils sont appellés
chaque jour pour calmer de vives douleurs, pour
remédier à des symptomes pressans; que les malades
veulent être soulagés, & que les medecins leur deviennent
inutiles s'ils prétendent attendre & compter
les jours. La marche des crises sera, si l'on veut,
aussi - bien réglée & aussi bien connue que la circulation
du sang; en quoi ces connoissances peuvent - elles être utiles? qui oseroit se proposer d'en faire usage?
Il peut être aussi certain qu'il y a des crises,
comme il est certain qu'il se fait des changemens
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