ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"484"> tenaire, ce quinzieme jour sera aussi le premier jour, & le premier redoublement du troisieme septenaire: il est vrai cependant que c'est en faire un double emploi. Quoi qu'il en soit, l'auteur a construit suivant cette idée une table fort curieuse, où, en supposant les jours de maladie de vingt - trois heures, on voit les six septenaires compris en quarante jours naturels; espace qui est le terme des maladies aiguës & des maladies critiques régulieres.

Il ne regarde pas les jours critiques comme des jours de combat entre la nature & la maladie, suivant l'idée des anciens; mais il croit que c'est la fievre elle - même qui, si elle est simple, opere par son méchanisme la guérison de la maladie: si au contraire elle est troublée & dérangée par des accidens étrangers d'une certaine violence, on n'apperçoit rien dans les jours de redoublement qui puisse faire prédire la mort, que le progrès de ces épiphénomenes dangereux, & le défaut des signes de coction. Il examine ensuite les différentes crises, en particulier les principaux signes qui les annoncent, & les voies par lesquelles elles se font. Il définit la crise en général, le produit de la derniere exacerbation de la fievre, par laquelle la cause de la maladie est incorporée dans l'humeur purulente, & chassée avec celle - ci hors des voies de la circulation par les excrétoires du corps.....» C'est - là le jugement porté par l'auteur du journal des savans (Juill. 1753), sur ce que M. Quesnay avance au sujet des crises.

L'académie de Dijon avoit proposé pour le prix de l'année 1751, d'examiner si les jours critiques sont les mêmes en nos climats, qu'ils étoient dans ceux où Hippocrate les a observés, & quels égards on doit y avoir dans la pratique. L'académie a couronné la dissertation de M. Aymen docteur en Medecine. Cette dissertation vient d'être rendue publique. Je ne saurois m'empêcher d'en dire ici quelque chose, & je ne manquerai pas de parler de celle de M. Normand medecin de Dole, qui avoit été adressée à la même académie, & qui a vû le jour par hasard.

M. Aymen prétend que dans nos climats les jours critiques sont les mêmes que dans ceux où Hippocrate les a observés; que tous les jours de la maladie sont décrétoires ou critiques; que ces jours critiques existent réellement, mais qu'ils ne sont pas bornés au nombre septenaire ou quartenaire; qu'ils arrivent aussi les autres jours; que la combinaison, le rang des jours décrétoires prouvent la superstition des anciens, & que cette doctrine est fondée sur les observations d'Hippocrate.

J'employe les propres expressions de M. Aymen. Telle est son opinion sur la premiere partie de la question proposée, qui est celle sur laquelle il s'est le plus étendu. Il établit son sentiment, en faisant l'énumération d'une grande quantité d'observations répandues dans les différens auteurs. Il commence par le premier jour, il finit par le vingtieme; & il prouve par des faits qu'il y a eu des crises dans tous ces jours, le premier, le second, le troisieme, le quatrieme, le 5e, &c. jusqu'au 20e (& non le 21); d'où M. Aymen conclut que les crises arrivent dans tous les jours d'une maladie indifféremment. Cette conclusion paroît d'abord nécessaire & évidente; elle peut pourtant donner lieu à quelques considérations particulieres, qui me paroissent mériter l'attention de l'auteur.

1°. Les partisans de l'antiquité ne conviendront pas avec M. Aymen, qu'Hippocrate ait crû que les crises se font dans tous les jours d'une maladie indifféremment, Cette doctrine, dit - il, est la même que celle du célebre auteur des Coaques. Comment cela seroit - il possible, puisqu'Hippocrate paroît avoir établi dans les Aphor. 23 & 24. de la seconde section; Aphor. 36. & 32. sect. 4. lib. I. des Epid. sect. 3. Coac. proenot. proesag. lib. 3. & ailleurs, qu'il y a des jours qui sont les uns plus remarquables & plus heureux que les autres? D'ailleurs tous les commentateurs, les Grecs & les Arabes, qui ont travaillé après lui, se sont appuyés de sa décision là - dessus; il est regardé comme le créateur des quartenaires & des septenaires, ainsi que de toute la doctrine que j'ai exposée ci - dessus: Septenorum quartus est index, alterius septimanoe, octavus principium; est autem & undecimus contemplabilis; ipse enim quartus est alterius septimanoe; rursùs vero & decimus - septimus contemplabilis, ipse siquidem quartus est à quarto - decimo, septimus vero ab undecimo, dit Hippocrate, Aphor. 24. sect. 2. Voilà les septenaires, les quartenaires, les indices, les jours vuides & les critiques, établis dans un seul aphorisme.

On est donc très - formellement opposé à Hippocrate, lorsqu'on soûtient que tous les jours sont indifférens pour les crises. Il est bien vrai qu'on peut prouver par les observations répandues dans les différens écrits d'Hippocrate, qu'il est en contradiction avec lui - même, comme je l'ai remarqué au commencement de cet article; mais Galien, Dulaurens & tous les autres, tâchent de concilier ces contradictions, comme je l'ai aussi observé. Les adversaires d'Hippocrate s'en sont servis pour détruire son opinion. M. Aymen auroit donc pû raisonner ainsi: Je prouve par les observations d'Hippocrate même, qu'il se fait des crises dans d'autres jours que les jours appellés critiques; je ne suis donc pas du sentiment d'Hippocrate. C'est, encore une fois, le raisonnement qu'ont fait les antagonistes de ce medecin grec. D'ailleurs tous les partisans des crises, & notamment Galien, de dieb. decret. cap. ij. lib. I. ont avoüé que les jours indites & les jours vuides pouvoient juger quelquefois. C'est - là encore une observation que j'ai faite plus haut, & que je devois à la bonne foi des anciens. Je n'en connois point qui ayent dit formellement que les crises ne pouvoient se faire que les jours qu'ils ont désignés, pour me servir de l'expression de M. Aymen (p. 32.) c'est - à - dire les jours vraiment critiques. Il s'agit de savoir s'il n'y a pas des jours qui jugent plus parfaitement, plus heureusement & plus communément que d'autres. La nature a plûtôt choisi le septieme qu'un autre nombre (dit Dulaurens, trad. de Gelée) pour ce que Dieu le pere & créateur de toutes choses, lui a imposé cette loi; car il a sanctifié le septieme jour; il l'a recommandé aux enfans d'Israël, comme le plus célebre de tous, & s'est voulu reposer en icelui de ses oeuvres, après avoir parachevé la création: & partant la nature particuliere, comme chambriere & imitatrice de l'universelle, fait en chaque septieme jour des crises parfaites.... Les crises se sont aussi quelquefois aux jours intercalaires.

2°. M. Aymen dit lui - même qu'Hippocrate observa le premier les crises, ou le changement subit de la maladie qui suit l'évacuation; (ce qui est fort douteux, pour le dire en passant, comme on peut s'en convaincre dans le commentaire d'Hecquet sur les Aphorismes.) M. Aymen ajoûte qu'Hippocrate vit que ce changement arrivoit plus souvent certains jours que d'autres; qu'il nomma ces jours critiques ou décrétoires (p. 24.) que les crises arrivent plûtôt certains jours que d'autres. Il convient (p. 28.) que les maladies finissent le plus souvent les jours qui ont été remarqués; que quelques affections ont leur tems limité: (p. 41.) que dans notre partie du monde les maladies aiguës finissent le plus souvent les jours que les medecins ont notés: (p. 108.) que plusieurs maladies sont terminées le même jour, c'est - à - dire dans un espace reglé; que les maladies sont terminées d'une ou d'autre façon, plus souvent certains jours que d'autres. Il y a donc des jours critiques marqués: tous les jours ne sont donc pas cri<pb-> [p. 485] tiques indifféremment; ils n'ont pas la même force, la même vertu; ou s'ils sont critiques, ce n'est que par accident, comme disoient les anciens. L'observation des jours n'est donc point une observation inutile & superstitieuse, diroient les amateurs de la vieille Medecine.

3°. Ils pourroient encore dire, en lisant l'ouvrage de M. Aymen, que puisqu'il donne un moyen certain de déterminer le jour critique, qui est de faire attention aux jours indicatifs, & qu'il soûtient sur la parole de Solano qu'il cite, que tous les jours, quels qu'ils soient pour le quantieme, dans lesquels on apperçoit les signes indicatifs d'une crise décisive, doivent être tenus comme le quatrieme jour avant la crise à venir: les partisans des anciens pourroient, dis - je, avancer qu'il faut qu'il y ait quelque différence entre le jour indicatif & l'indiqué ou le critique, & plus encore entre ces deux jours & les intermédiaires que Galien auroit appellés vuides. Or si plusieurs observations ont démontré que le quatrieme jour, par exemple, est souvent indicatif du septieme, & le onzieme du quatorzieme, &c. (ce que les anciens prétendent, ainsi que Solano, que M. Aymen ne peut pas récuser), il est essentiel de se le tenir pour dit dans le traitement des maladies; d'où il suit qu'il y a une différence marquée entre les jours. C'est sur ces différences que sont fondées les regles d'Hippocrate & de Galien. Il est bon de remarquer que M. Aymen est beaucoup plus opposé à ces regles, par exemple, que Chirac, comme on peut le voir dans ce que nous avons rapporté ci - dessus de ce dernier; ainsi Chirac qui déchire les anciens par ses épigrammes, est plus conforme au fond à leur maniere de penier, que M. Aymen qui ne cesse d'en faire l'éloge.

4°. Quant à la maniere dont M. Aymen prétend prouver son opinion, on ne peut s'empêcher d'être surpris qu'après avoir avancé (p. 107.) que les crises sont indiquées quatre jours avant qu'elles arrivent, & que les signes de coction précedent toûjours le ugement; il s'efforce d'établir par des faits pris dans les différens auteurs, que le premier jour, le deux, & le trois sont decrétoires: car enfin ou ces jours ne sont pas decrétoires, ou la crise n'est pas indiquée quatre jours avant qu'elle arrive, ou bien les signes de coction ne précedent pas toûjours le jugement. D'ailleurs les observations que M. Aymen rapporte pour prouver que le premier jour est decrétoire, sont elles bien concluantes? Hippocrate, dit - il, a vû des fievres éphemeres; ces fievres sont - elles définitivement jugées dès le premier jour, comme Hoffman le prétend? M. Aymen ajoûte que dans la constitution de Thasos certains malades qui paroissoient guérir le six, retomboient, & que le premier jour de la rechûte étoit distinctif: n'est - il pas évident que ces maladies étoient jugées au sept ou au neuf, & non point au premier jour? La rechûte arrivoit, parce que les maladies n'étoient pas jugées; parce que le six, auquel elles changeoient, n'est pas un bon jour; la rechûte suppose que la maladie a toûjours duré, & qu'elle n'étoit pas terminée. Un Gascon, ajoûte encore M. Aymen, eut sur la fin d'une maladie une catalepsie qui l'enleva en vingt - quatre heures: cette catalepsie arrivée à la fin d'une maladie, étoit la crise de cette maladie; la catalepsie étoit perturbatio critica. Tout le monde est convenu que le redoublement qui précede la crise est extraordinaire. M. Aymen fait bien de passer sous silence des apoplexies qui enlevent les malades en peu d'heures; & il trouvera bien des medecins qui prétendront que les fievres malignes dont il parle, & qui ont été terminées en vingt - quatre heures, ne sauroient être regardées comme des maladies d'un jour; elles se préparoient ou parcouroient leur tems depuis bien des jours; elles étoient insensibles, mais elles n'en existoient pas moins: d'ailleurs les anciens & les modernes conviennent, ainsi que Baglivi l'a dit expressément, qu'il y a des fievres malignes qui ne suivent pas les regles ordinaires.

5°. Tout lecteur peut aisément appliquer ces réflexions à ce que M. Aymen dit du deuxieme jour, du troisieme, & de bien d'autres, & il n'est pas difficile d'appercevoir qu'il a eu plus de peine à trouver des exemples de crises arrivées aux jours vuides, qu'aux jours vraiment critiques. Ainsi, quoique M. Aymen présente le sept, le quatorze, le vingt, & le neuf avec les autres jours, & qu'il les fasse pour ainsi dire passer dans la foule, ils méritent pourtant d'être distingués par la grande quantité de crises observées dans ces jours - là précisément. Je n'en apporterai ici d'autre preuve que celle qu'on peut tirer des observations de Forestus, que M. Aymen rapporte d'après M. Nihell, mais dont il ne fait pas le même usage que le medecin Anglois: de quarante - huit malades, dit - il, p. 113. de fievre putride, ardente, maligne, dont Forestus rapporte les observations dans son second livre, dix - neuf ont été jugés heureusement par des flux critiques. M. Aymen auroit pû achever la remarque de M. Nihell, & ajoûter que de ces quarante - huit malades, cinq furent jugés au quatre, vingt - deux au sept, sept au quatorze, deux au onze, un au dix - sept & un au vingt - un; & cette observation auroit démontré la différence des jours: car si de quarantehuit maladies les trois quarts finissent aux jours critiques, ces jours - là ne sauroient être confondus avec les autres; & si parmi ces jours critiques il y en a qui de trente maladies en jugent vingt - deux, d'autres sept, comme le sept & le quatorze l'ont fait dans les observations dont il s'agit, il n'est pas douteux que ce sept & ce quatorze ne méritent une sorte de préférence sur tous les autres jours. En voilà assez, ce me semble, pour justifier le calcul des anciens.

Au reste je suis fort éloigné de penser que tout ce que je viens de rapporter doive diminuer en rien la gloire de M. Aymen. Sa dissertation est des plus savantes, & les connoisseurs la trouvent très - sagement ordonnée. Le public me paroît souscrire en tout à la décision de l'académie de Dijon. Il est aisé d'appercevoir que M. Aymen est assez fort pour résister à une sorte de critique dictée par l'estime la moins équivoque, ou plûtôt à l'invitation qu'on lui fait de continuer ses travaux sur cette importante matiere, & sur - tout de joindre ses observations particulieres aux lumieres que son érudition lui fournira. Les amateurs de l'art doivent être bien - aises qu'il se trouve parmi nous des gens propres à le cultiver sérieusement; M. Aymen paroît être du nombre de ces derniers.

J'ai dit que je ne manquerois pas de parler de la dissertation de M. Normand, medecin de Dole, qui s'est placé de lui - même à côté de M. Aymen. Mais ce n'est point à moi à prendre garde aux motifs qui l'ont porté à faire imprimer son ouvrage; chacun peut voir dans sa préface le détail de ses raisons, sur lesquelles le journaliste de Trévoux s'est expliqué assez clairement. M. Normand avoit quelques doutes, qui ne lui restent apparemment plus depuis la publicité de la dissertation de M. Aymen. Je n'ai qu'un mot à dire sur la raison qu'il a eu d'écrire sa dissertation en latin: c'est, dit - il après Baglivi, de peur d'instruire les cuisinieres, & de leur apprendre à disputer avec les Medecins; linguâ vernaculâ docere mulierculas è culinâ, cum ipsis etiam medicinoe principibus arroganter disputare. Ces précautions pourront paroître usées, & peu nécessaires aujourd'hui. Celse auroit ri sans doute de ceux qui lui auroient dit qu'il falloit traiter la Medecine en grec dans le sein de Rome.

Quoi qu'il en soit, la dissertation de M. Normand,

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