ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"472"> redoublement ou un accès extraordinaire, qui termine la maladie d'une façon ou d'autre.

La crise se fait ou elle finit par un transport de matiere d'une partie à l'autre, ou par une excrétion; ce qui établit deux différentes especes de crises. Les crises different encore en tant qu'elles sont bonnes ou mauvaises, parfaites ou imparfaites, sûres ou dangereuses.

Les bonnes crises sont celles qui font au moins espérer que le malade se rétablira; & les mauvaises, celles qui augmentent le danger. Les crises parfaites sont celles qui enlevent, qui évacuent ou qui transportent toute la matiere morbifique (voyez Coction); & les imparfaites, celles qui ne l'enlevent qu'en partie. Enfin la crise sûre ou assûrée, est celle qui se fait sans danger; & la dangereuse est celle dans laquelle le malade risque beaucoup de succomber dans l'effort de la crise même. On pourroit encore ajoûter à toutes ces especes de crises, l'insensible, appellée solution par quelques auteurs, & qui est celle dans laquelle la matiere morbifique se dissipe peu - à - peu.

Chaque espece de crise a des signes particuliers, & qui sont différens, suivant que la crise doit se faire par les voies de la sueur, par celles des urines, par les selles, par les crachats, ou par hémorrhagie; c'est à la faveur de ces signes que le medecin peut juger du lieu que la nature a choisi pour la crise. On trouvera dans tous les articles qui regardent les différens organes secrétoires, & notamment aux mots Urine, Crachat, Sueur, Hémorrhagie &c. les moyens de connoître l'événement de la maladie, relativement aux différentes excrétions critiques, ou la détermination de la crise.

Les anciens ne se sont pas contentés d'avancer & de soûtenir qu'il y a une crise dans la plûpart des maladies aiguës, & de donner des regles pour déterminer l'organe, ou la partie spéciale dans laquelle ou par laquelle la crise doit se faire; ils ont crû encore pouvoir fixer le tems de la crise: c'est ce qui a donné lieu à leur doctrine sur les jours critiques, que nous allons exposer, en nous attachant seulement à ce qu'il y avoit de plus communément adopté parmi la plûpart des anciens eux - mêmes; car il y en avoit qui osoient douter de la vertu des regles les plus reçûes. Ce sont ces regles qui furent autrefois les plus reçûes, que nous allons rapporter. Les voici:

Toutes les maladies aiguës se terminent en quarante jours, & souvent plûtôt; il y en a beaucoup qui finissent vers le trentieme, & plus encore au vingt, au quatorze ou au sept. C'est donc dans l'espace de sept, de quatorze, de vingt ou de quarante jours au plus, qu'arrivent toutes les révolutions des maladies aiguës, qui sont celles qui ont une marche marquée par des crises & des jours critiques, ou du moins dans lesquelles ce caractere est plus sensible, plus observable.

Les jours d'une maladie dans lesquels les crises se font, sont appellés critiques, & tous les autres se nomment non - critiques. Ceux - ci peuvent pourtant devenir critiques quelquefois, comme Galien en convient lui - même; mais cet évenement est contraire aux regles que la nature suit ordinairement. De ces jours critiques il y en a qui jugent parfaitement & favorablement, & qui sont nommés principaux ou radicaux par les Arabes, ou bien simplement critiques; tels sont le septieme, le quatorzieme, le vingtieme. Il en est d'autres qui ont été regardés comme tenant le second rang parmi les jours heureux; ce sont le neuvieme, le onzieme & le dixseptieme: le troisieme, le quatrieme & le cinquieme jugent moins parfaitement: le sixieme juge fort souvent, mais il juge mal & imparfaitement; c'est pourquoi il a été regardé comme un tyran; au lieu que le septieme, qui juge pleinement & favorablement, a été comparé à un bon roi. Le huitieme & le dixieme jugent mal aussi, mais ils jugent rarement. Enfin le douzieme, le seizieme & le dix - huitieme ne jugent presque jamais.

[Nota. Tout lecteur entendra parfaitement le sens de ce mot juger que nous venons d'employer, & qui est technique, s'il veut bien se rappeller la signification propre du mot crise, que nous avons expliquée au commencement de cet article.]

On voit par ce précis quels sont les bons & les mauvais jours dans une maladie aiguë; les éminemment bons sont le septieme, le quatorzieme & le vingtieme. Galien dit avoir remarqué dans un seulété plus de quatre cents maladies parfaitement jugées au septieme; & quoiqu'on trouve dans les épidémies d'Hippocrate des exemples de gens morts au septieme, ce n'est que par un accident rare, & dû à la force de leur tempérament, qui a fait que leur maladie s'est prolongée jusqu'à ce terme, qu'elle ne devoit pas atteindre dans le cours ordinaire. C'est toûjours Galien qui parle, & qui veut sauver son septieme jour, qu'il a comparé à un bon prince qui pardonne à ses sujets ou qui les retire du danger, comme nous l'avons déjà observé. Le quatorzieme est le second dans l'ordre des jours salutaires; il est heureux, & juge très - souvent: il supplée au septieme, il a même mérité de lui être préféré par quelques anciens. Quant au vingtieme, il est aussi vraiment critique & salutaire; mais il n'est pas en possession paisible de ses droits: Archigene, dont nous parlerons dans la suite de cet article, lui a préféré le vingt - unieme.

Tous les jours, excepté les trois dont nous venons de parler, sont plus ou moins dangereux & mauvais; ils jugent quelquefois, comme nous venons de le dire, mais ils ne valent pas les premiers, en tant que critiques; ils ne sont pas même précisement regardés comme tels: c'est pourquoi on leur a donné des dénominations particulieres, & on les a distinguées en indices, en intercalaires, & en vuides.

Les jours indices, ou indicateurs, qui forment le premier ordre après les trois critiques, & qu'on appelle aussi contemplatifs, sont ceux qui indiquent ou qui annoncent que la crise sera parfaite, & qu'elle se fera dans un des jours radicaux: de cet ordre sont le quatrieme, le onzieme & le dix - septieme. Le quatrieme qui est le premier des indices, comme le septieme est le premier des critiques, annonce ce septieme, qui n'est jamais aussi parfait qu'il doit l'être, s'il n'est indiqué ou annoncé. Ceux qui doivent être jugés au septieme, ont une hypostase blanche dans l'urine au quatrieme, dit Hippocrate dans ses Aphorismes. Ainsi le quatrieme est, par sa nature, indice du septieme, suivant Galien, pourvû qu'il n'arrive rien d'extraordinaire; car il peut se faire non - seulement qu'il soit critique lui - même (comme nous l'avons remarqué ci - dessus, & comme il est rapporté dans les épidémies d'Hippocrate, de Periclès qui guérit par une sueur abondante au quatrieme), mais encore qu'il n'indique rien, soit par la nature de la maladie, lorsqu'elle est très - aiguë, soit par les mauvaises manoeuvres du medecin, ou par quelqu'autre cause à laquelle il ne faut pas s'attendre ordinairement. Enfin le quatrieme indique quelquefois que la mort peut arriver avant le septieme; & c'est ce qu'il faut craindre, lorsque les changemens qu'il excite passent les bornes ordinaires. Le onzieme est indice du quatorzieme; il est moins régulier, moins exact que le quatrieme, &, comme lui, il devient quelquefois critique, & même plus souvent: car Galien a observé que tous ses malades furent jugés au onzieme dans un certain automne. Le dix - septieme est indice du vingtieme; mais il perd apparemment [p. 473] cette prérogative pour la céder au dix - huitieme, si si le vingtieme cesse d'être critique, ainsi que nous avons dit qu'Archigene l'a prétendu.

Les jours qu'on nomme intercalaires ou provocateurs, sont le troisieme, le cinquieme, le neuvieme, le treizieme & le dix - neuvieme; ils sont comme les lieutenans des critiques, mais ils ne les valent jamais: s'ils font la crise, on doit craindre une rechûre; Hippocrate l'a dit nommément du cinquieme, qui fut mortel à quelques malades des épidémies. Le neuvieme se trouvant entre le septieme & le quatorzieme, peut être quelquefois heureux; Galien le place entre les critiques du second ordre, & cela parce qu'il répare la crise du septieme, ou qu'il avance celle du quatorzieme. Le treizieme & le dix - neuvieme sont très - foibles, le dernier plus encore que le premier.

Les jours vuides, qu'on nomme ainsi parce qu'ils ne jugent pour l'ordinaire que malheureusement, parce qu'ils n'indiquent rien, & qu'ils ne sauroient suppléer aux critiques, sont le sixieme, le huitieme, le dixieme, le douzieme, le seizieme, le dix - huitieme, &c. Galien n'épargne pas sa rhétorique contre le sixieme; il fait contre ce jour une déclamation véhémente: d'abord il le compare à un tyran, comme nous l'avons déja rapporté; & après lui avoir dit cette injure, il descend de la sublimité du trope, pour l'accuser au propre de causer des hémorrhagies mortelles, des jaunisses funestes, des parotides malignes, ce en quoi Actuarius n'a pas manqué de le copier. Le huitieme est moins pernicieux que le sixieme, mais il n'en approche que trop, ainsi que le dixieme. Le douzieme est, si on peut s'exprimer ainsi, un jour inutile; il n'est bon qu'à être compté, non plus que le seizieme & le dix - huitieme.

Tous les jours, excepté le redoutable sixieme, sont, comme on voit, de peu de conséquence, relativement à la figure qu'ils font dans la marche de la nature; mais ils font par cela même très - précieux aux medecins, auxquels ils présentent le tems favorable pour placer leurs remedes: aussi ces jours - là ont - ils été appellés medicinaux; ce sont pour ainsi dire les jours de l'Art, qui n'a presqu'aucun droit sur tous les autres, puisqu'il ne lui est jamais permis de déranger la nature, qui partage son travail entre les jours critiques & indicateurs, & qui se repose ou prend haleine les jours vuides.

Nous n'avons parlé jusqu'ici que des maladies qui ne passent pas le vingtieme jour; mais il y en a qui vont jusqu'au quarantieme, & qui ont aussi dans la partie de leur cours qui s'étend au - delà du vingtieme, leurs crises & leurs jours critiques: de ce nombre sont le vingt - septieme, le trente - quatrieme, & le quarantieme lui - même. On compte ceux - ci de sept en sept, au lieu que depuis le premier jour jusqu'au vingtieme, on les compte non - seulement par sept ou par septenaires, mais encore par quatre ou par quartenaires. Le septieme, le quatorzieme, le vingtieme ou le vingt - unieme, sont les trois septenaires les plus importans; le quatrieme, le huitieme, le douzieme, le seizieme & le vingtieme, sont les quartenaires les plus remarquables, & les seuls auxquels on fasse attention. Quelques anciens ont appellé ces derniers jours demi - septenaires; ils ont aussi divisé les jours en général, en pairs & en impairs. Les uns & les autres avoient plus ou moins de vertu, suivant que les maladies étoient sanguines ou bilieuses, les bilieuses ayant leurs mouvemens aux jours impairs, & les sanguines aux jours pairs.

Il paroît que c'est à ce précis qu'on peut le plus raisonnablement réduire tout ce que les anciens nous ont laissé au sujet de la différence des jours; il seroit fort inutile de relever les contradictions dans lesquelles ils sont tombés quelquefois, & de les sui<cb-> vre dans toutes les tournures qu'ils ont tâché de donner à leur système. Nous ne nous attacherons ici qu'à parler de quelques - uns de leurs principaux embarras, & ces considérations pourront devenir intéressantes pour l'histoire des maladies.

Les anciens ne sont pas d'accord sur la maniere dont on doit fixer le jour. Qu'est - ce qu'un jour en Medecine, ou dans une maladie? Voilà ce que les anciens n'ont pas assez clairement défini. Ils se sont pourtant assez généralement réduits à faire un jour qu'ils appelloient medical ou medicinal, & qui étoit de vingt - quatre heures, comme le jour naturel. La premiere heure de ce jour medical toit la premiere heure de la maladie, qui ne commençant pas toûjours au commencement d'un jour naturel, pouvoit n'être qu'à son second jour lorsqu'on comptoit le troisieme jour naturel depuis son commencement, &c.

Mais il ne fut pas aussi aisé de se fixer à l'égard de ce qu'il faut prendre pour le premier jour dans une maladie. En effet, s'il est des cas dans lesquels une maladie s'annonce subitement & évidemment par un frisson bien marqué, il est aussi des maladies où le malade traîne deux & trois jours, & quelquefois davantage, sans presque s'en appercevoir. On se bornoit dans ces cas à compter les jours de la maladie du moment auquel les fonctions étoient décisivement lésées; mais ce moment - là même n'est pas toûjours aisé à découvrir. La complication des maladies est encore fort embarrassante pour le compte des jours. Par exemple, une femme grosse fait ses couches ayant actuellement la fievre; une autre est saisie de la sievre trois ou quatre jours apres ses couches: où faudra - t - il alors prendre le commencement de la maladie? Hippocrate s'est contredit sur cette matiere, & Galien veut qu'on compte toûjours du moment de l'accouchement, ce en quoi il a été suivi par Rhazès, Amatus Lusitanus, &c. Il y en a eu qui prétendoient faire marcher les deux maladies à la fois, & les compter chacune à part. D'autres, tels qu'Avicenne, Zacutus Lusitanus, &c. ont distingué l'accouchement contre nature d'avec le naturel, & ils ont pris celui - ci pour un terme fixe, & pour leur point de partance dans le compte des jours, en regardant l'autre comme un symptome de la maladie. Mais tout cela n'éclaircit pas assez la question, parce que les explications particulieres ne sont souvent que des ressources que chacun se ménage pour éluder les difficultés. L'histoire des rechûtes, & celle des fievres aiguës entées sur des maladies habituelles ou chroniques, embrouillent encore davantage le compte des jours; & ce qu'il y a de plus fâcheux pour ce système, c'est qu'une crise durant quelquefois trois & quatre jours, on ne fait à quel jour on doit la placer. Il faut l'avoüer, toutes ces remarques que les anciens les plus attachés à la doctrine des crises, avoient faites, & dont ils tâchoient d'éluder la force, rendent leur doctrine obscure, vague, & sujette à des mécomptes qui pourroient être de conséquence, & qui n'ont pas peu contribué à decrier les crises & les jours critiques. Il y a plus, c'est que Galien lui - même est forcé de convenir (ch. vj. des jours critiques) qu'on ne sauroit dissimuler, si on est de bonne foi, que la doctrine d'Hippocrate sur les jours critiques ne soit très - souvent sujette à erreur. Si cela est, si on risque de se tromper très - souvent, à quoi bon s'y exposer en admettant des dogmes incertains? D'ailleurs on trouve des contradictions dans les livres d'Hippocrate, au sujet des jours critiques. (Ces contradictions ont été vivement relevées par Marsilius Cagnatus.) Ce qu'Hippocrate remarque dans ses épidémies, n'est pas toûjours conforme à ses prognostics & à ses aphorismes. Galien a senti de quelle conséquence étoient ces contradictions; il tâche

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