ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"296"> conservation des forces vives qui s'applique au choc des corps élastiques, & qui n'a point lieu dans les corps durs.

6°. M. de Maupertuis a appliqué cette même loi de la minimité d'action au choc des corps, & il a déterminé le premier par un seul & même principe, les lois du choc des corps durs & des corps élastiques. Il est vrai que l'application est ici un peu plus compliquée, plus détournée, moins simple, & peut - être moins rigoureuse, que dans le cas de la réfraction.

Ce que nous disons ici ne sera point desavantageux dans le fond à M. de Maupertuis, quand nous l'aurons expliqué. Il suppose que deux corps durs A, B, se meuvent dans la même direction, l'un avec la vîtesse a, l'autre avec la vîtesse b, & que leur vîtesse commune après le choc soit x; il est certain, dit - il, que le changement arrivé dans la Nature est que le corps A a perdu la vîtesse a - x, & que le corps B a gagné la vîtesse x - b; donc la quantité d'action nécessaire pour produire ce changement, & qu'il faut faire égale à un minimum, est A (a - x)2 + B (x - b)2, ce qui donne la formule ordinaire du choc des corps durs [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. Tout cela est fort juste. Mais tout dépend aussi de l'idée qu'on voudra attacher aux mots de changement arrivé dans la Nature: car ne pourroit - on pas dire que le changement arrivé consiste en ce que le corps A qui avant le choc a la quantité d'action ou de force A a a, la change après le choc en la quantité A x x, & de même du corps B; qu'ainsi A a a - A x x, est le changement arrivé dans l'état du corps B, & B x x - B b b, le changement arrivé dans le corps B? de sorte que la quantité d'action qui a opéré ce changement, est A a a - A x x + B x x - B b b. Or cette quantité égalée à un minimum ne donne plus la loi ci - dessus du choc des corps durs. C'est une objection que l'on peut faire à M. de Maupertuis, qu'on lui a même faite à peu - près; avec cette différence que l'on a supposé A x x + B x x <-> A a a - B b b, égale à un minimum, en retranchant la quantité A a a - A x x de la quantité B x x - B b b, au lieu de la lui ajoûter, comme il semble qu'on l'auroit aussi pû faire: car les deux quantites A a a - A x x & B x x - B b b, quoique l'une doive être retranchée de A a a, l'autre ajoûtée à B b b, sont réelles, & peuvent être ajoûtées ensemble, sans égard au sens dans lequel elles agissent. Quoi qu'il en soit, il semble qu'on pourroit concilier ou éviter toute difficulté à cet égard, en substituant aux mots changement dans la Nature, qui se trouvent dans l'énoncé de la proposition de M. de Maupertuis, les mots changement dans la vîtesse: alors l'équivoque vraie ou prétendue ne subsistera plus.

On objecte aussi que la quantité d'action, dans le calcul de M. de Maupertuis, se confond en ce cas avec la quantité de force vive: cela doit être en effet; car le tems étant supposé le même, comme il l'est ici, ces deux quantités sont proportionnelles l'une à l'autre, & on pourroit dire que la quantité d'action ne doit jamais être confondue avec la force vive, attendu que le tems, suivant la définition de M. de Maupertuis, entre dans la quantité d'action, & que d'ailleurs, dans le cas des corps durs, le changement se faisant dans un instant indivisible, le tems est = o, & par conséquent l'action nulle. On peut répondre à cette objection, que dès qu'un corps se meut ou tend à se mouvoir avec une vîtesse quelconque, il y a toûjours une quantité d'action réelle ou possible, qui répondroit à son mouvement, s'il se mouvoit uniformément pendant un tems quelconque avec cette vîtesse; ainsi au lieu de ces mots, la quantité d'action nécessaire pour produire ce changement, on pourroit substituer ceux - ci, la quantité d'action quirépond à ce changement, &c. & énoncer ainsi la regle de M. de Maupertuis: Dans le changement qui arrive par le choc à la vitesse des corps, la quantité d'action quirépondra à ce changement, le tems étant supposé constant, est la moindre qu'il est possible. Nous disons, le tems étant supposé constant; cette modification, & l'imitation même si l'on veut, est nécessaire pour deux raisons: 1°. parce que dans le choc des corps durs, où à la rigueur le tems est = o, la supposition du tems constant ou du tems variable, sont deux suppositions également arbitraires, & qu'il faut par conséquent énoncer l'une des deux: 2°. parce que dans le choc des corps élastiques, le changement se fait pendant un tems fini, quoique très - court, que ce tems n'est pas le même dans tous les chocs, qu'au moins cela est fort douteux; & qu'ainsi il est encore plus nécessaire d'énoncer ici la supposition dont il s'agit: en effet le tems qu'on suppose ici constant est un tems pris à volonté, & totalement indépendant de celui pendant lequel se fait la communication du mouvement; & l'on pourroit prendre pour la vraie quantité d'action employée au changement arrivé, la somme des petites quantités d'action consumées, pendant le tems que le ressort se bande & se débande. On dira peut - être qu'en ce cas M. de Maupertuis auroit dû ici se servir du mot de force vive, au lieu de celui d'action, puisque le tems n'entre plus ici proprement pour rien. A cela il répondra sans doute, qu'il a cru pouvoir lier cette loi par une expression commune, à celle qu'il a trouvée sur la réfraction. Mais quand on substitueroit ici le mot de force vive à celui d'action, il seroit toûjours vrai que M. de Maupertuis auroit le premier réduit le choc des corps durs & celui des corps élastiques, à une même loi; ce qui est le point capital: & son theorème sur la réfraction n'y perdroit rien d'ailleurs.

Il est vrai qu'on a trouvé les lois du mouvement sans ce principe: mais il peut être utile d'avoir montré comment il s'y applique. Il est encore vrai que ce principe ainsi appliqué ne sera & ne peut êtte que quelque autre principe connu, présenté différemment. Mais il en est ainsi de toutes les vérités mathématiques; au fond elles ne sont que la traduction les unes des autres. Voyez le Discours préliminaire, pag. viij. Le principe de la conservation des forces vives, par exemple, n'est en effet que le principe des anciens sur l'équilibre, comme je l'ai fait voir dans ma Dynamique, II. part. chap. jv. cela n'empêche pas que le principe de la conservation des forces vives ne soit très - utile, & ne fasse honneur à ses inventeurs.

7°. L'auteur applique encore son principe à l'équilibre dans le levier; mais il faut pour cela faire certaines suppositions, entr'autres que la vîtesse est toûjours proportionnelle à la distance du point d'appui, & que le tems est constant, comme dans le cas du choc des corps; il faut supposer encore que la longueur du levier est donnée, & que c'est le point d'appui qu'on cherche; car si le point d'appui & un des bras étoit donné, & qu'on cherchât l'autre, on trouveroit par le principe de l'action que ce bras est égal à zéro. Au resté les suppositions que fait ici M. de Maupertuis, sont permises; il suffit de les énoncer pour être hors d'atteinte, & toute autre supposition devroit de même être énoncée. L'application & l'usage du principe ne comporte pas une généralité plus grande. A l'égard de la supposition qu'il fait, que les pesanteurs sont comme les masses; cette supposition est donnée par la Nature même, & elle a lieu dans tous les théorèmes sur le centre de gravité des corps, qui n'en sont pas regardées pour cela comme moins généraux.

Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que le principe de la minimité d'action a lieu dans un [p. 297] grand nombre de phénomenes de la nature, qu'il y en a auxquels il s'applique avec beaucoup de facilité, comme la réfraction, & le cas des orbites des planetes, ainsi que beaucoup d'autres, examinés par M. Euler. Voyez les Mém. acad. de Berlin, 1751. & l'article Action; que ce principe s'applique à plusieurs autres cas, avec quelques modifications plus ou moins arbitraires, mais qu'il est toûjours utile en lui - même à la Méchanique, & pourroit faciliter la solution de différens problèmes.

On a contesté à M. de Maupertuis la propriété de ce principe. M. Koenig avoit d'abord avancé pour le prouver un passage de Leibnitz, tiré d'une lettre manuscrite de ce philosophe. Ce passage imprimé dans les actes de Léipsic, Mai 1751, contenoit une erreur grossiere, que M. Koenig assûre être une faute d'impression: il l'a corrigée, & en effet ce passage réformé est du moins en partie le principe de la moindre action. Quand la lettre de Leibnitz seroit réelle (ce que nous ne décidons point), cette lettre n'ayant jamais été publique, le principe tel qu'il est n'en appartiendroit pas moins à M. de Maupertuis; & M. Koenig semble l'avoüer dans son Appel au public du jugement que l'académic des Sciences de Prusse a prononcée contre la réalité de ce fragment. M. Koenig avoit d'abord cité la lettre dont il s'agit, comme écrite à M. Herman; mais il a reconnu depuis qu'il ne savoit à qui elle avoit été écrite: il a produit dans son appel cette lettre toute entiere, qu'on peut y lire; elle est fort longue, datée d'Hanovre le 16 Octobre 1707; & sans examiner l'authenticité du total, il s'agit seulement de savoir si celui qui l'a donnée à M. Koenig, a ajoûté ou altéré le fragment en question. M. Koenig dit avoir reçû cette lettre des mains de M. Henzy, décapité à Berne il y a quelques années. Il assûre qu'il a entre les mains plusieurs autres lettres de Leibnitz, que ce même M. Henzy lui a données; plusieurs sont écrites, selon M. Koenig, de la main de M. Henzy. A l'égard de la lettre dont il s'agit, M. Koenig ne nous dit point de quelle main elle est; il dit seulement qu'il en a plusieurs autres écrites de cette même main, & qu'une de ces dernieres se trouve dans le recueil imprimé in - 4°, & il transcrit dans son appel ces lettres. M. Koenig ne nous dit point non plus s'il a vû l'origina'de cette lettre, écrit de la main de Leibnitz. Voilà les faits, sur lesquels c'est au public à juger si le fragment cité est authentique, ou s'il ne l'est pas.

Nous devons avertir aussi que M. Koenig, dans les act. de Leips. donne un théoreme sur les forces vives, absolument le même que celui de M. de Courtivron, imprimé dans les Mémoir. de l'acad. de 1748, pag. 304. & que M. de Courtivron avoit lû à l'académie avant la publication du mémoire de M. Koenig. Voy. ce théoreme au mot Centre d'équilibre.

Il ne nous reste plus qu'à dire un mot de l'usage métaphysique que M. de Maupertuis a fait de son principe. Nous pensons, comme nous l'avons déjà insinué plus haut, que la définition de la quantité d'action est une définition de nom purement mathématique & arbitraire. On pourroit appeller action, le produit de la masse par la vîtesse ou par son quarré, ou par une fonction quelconque de l'espace & du tems; l'espace & le tems sont les deux seuls objets que nous voyons clairement dans le mouvement des corps: on peut faire tant de combinaisons mathématiques qu'on voudra de ces deux choses, & on peut appeller tout cela action; mais l'idée primitive & métaphysique du mot action n'en sera pas plus claire. En général tous les théoremes sur l'action définie comme on voudra, sur la conservation des forces vives, sur le mouvement nul ou uniforme du centre de gravité, & sur d'autres lois semblables, ne sont que des théoremes mathématiques plus ou moins généraux, & non des principes philosophiques. Par exemple, quand de deux corps attachés à un levier l'un monte & l'autre descend, on trouve, si l'on veut, comme M. Koenig, que la somme des forces vives est nulle; parce que l'on ajoûte, avec des signes contraires, des quantités qui ont des directions contraires: mais c'est - là une proposition de Géométrie, & non une vérité de Métaphysique; car au fond ces forces vives pour avoir des directions contraires, n'en sont pas moins réelles, & on pourroit nier dans un autre sens la nullité de ces forces. C'est comme si on disoit qu'il n'y a point de mouvement dans un système de corps, quand les mouvemens de même part sont nuls, c'est - à - dire quand les quantités de mouvement sont égales & de signes contraires, quoique réelles.

Le principe de M. de Maupertuis n'est donc, comme tous les autres, qu'un principe mathématique; & nous croyons qu'il n'est pas fort éloigné de cette idée, d'autant plus qu'il n'a pris aucun parti dans la question métaphysique des forces vives, à laquelle tient celle de l'action. Voyez la page 15 & 16 de ses oeuvres, imprimées à Dresde, 1752. in - 4°. Il est vrai qu'il a déduit l'existence de Dieu de son principe: mais on peut déduire l'existence de Dieu d'un principe purement mathématique, lorsqu'on reconnoít ou qu'on croit que ce principe s'observe dans la nature. D'ailleurs il n'a donné cette démonstration de l'existence de Dieu que comme un exemple de démonstration tirée des lois générales de l'Univers; exemple auquel il ne prétend pas donner une force exclusive, ni supérieure à d'autres preuves. Il prétend seulement avec raison que l'on doit s'appliquer sur - tout à prouver l'existence de Dieu par les phénomenes généraux, & ne pas se borner a la déduire des phénomenes particuliers, quoiqu'il avoüe que cette déduction a aussi son utilité. Voyez, sur ce sujet, la préface de son ouvrage, où il s'est pleinement justifié des imputations calomnieuses que des critiques ignorans ou de mauvaise foi lui ont faites à ce sujet; car rien n'est plus à la mode aujourd'hui, que l'accusation d'athéisme intentée à tort & à - travers contre les philosophes, par ceux qui ne le sont pas. Voyez aussi, sur cet article Cosmologie, les actes de Léipsic de Mai 1751, l'appel de M. Koenig au public, les mémoires de Berlin 1750 & 1751 (dont quelques exemplaires portent mal - à - propos 1752); & dans les mémoires de l'académie des Sciences de Paris de 1749, un écrit de M. d'Arcy sur ce sujet. Voilà quelles sont (au moins jusqu'ici, c'est - à - dire en Février 1754) les pieces véritablement nécessaires du procès, parce qu'on y a traité la question, & que ceux qui l'ont traitée sont au fait de la matiere. Nous devons ajoûter que M. de Maupertuis n'a jamais rien répondu aux injures qu'on a vomies contre lui à cette occasion, & dont nous dirons: nec nominetur in vobis, sicut decet philosophos. Cette querelle de l'action, s'il nous est permis de le dire, a ressemblé à certaines disputes de religion, par l'aigreur qu'on y a mise, & par la quantité de gens qui en ont parlé sans y rien entendre. (O)

COSMOPOLITAIN, ou COSMOPOLITE (Page 4:297)

COSMOPOLITAIN, ou COSMOPOLITE, (Gram. & Philosoph.) On se sert quelquefois de ce nom en plaisantant, pour signifier un homme qui n'a point de demeure fixe, ou bien un homme qui n'est étranger nulle part. Il vient de XO/SMOS2, monde, & PO/LIS2, ville.

Comme on demandoit à un ancien philosophe d'où il étoit, il répondit: Je suis Cosmopolite, c'est - à - dire citoyen de l'univers. Je prèfere, disoit un autre, ma famille à moi, ma patrie à ma famille, & le genre humain à ma patrie. Voyez Philosophe.

COSMOS (Page 4:297)

COSMOS, s. m. (Hist. mod.) breuvage qui est

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