ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"358"> eut toûjours successivement dans toutes les années suivantes des aides accordées, soit par les états généraux, soit par les états particuliers tenus dans les provinces; qu'elles furent regies par des députés élûs par les états qui les accordoient, & qu'il y eut toûjours depuis à Paris des députés généraux, auxquels ceux des provinces ressortissoient.

De ces députés particuliers qui avoient la charge des aides & subsides dans les dioceses & principales villes du royaume, & qui étoient élûs par les députés des trois états, est venu le nom d'élû, qui est demeuré aux officiers établis dans les provinces pour avoir en premiere instance la connoissance de tout ce qui concerne les aides & subsides. Le nom de généraux des aides est demeuré aux députés généraux qui étoient préposés pour en avoir la direction générale en la ville de Paris, & recevoir l'appel des députés particuliers ou élûs distribués dans les provinces.

Les mêmes états généraux qui avoient accordé cette aide en 1355, s'étant rassemblés à Paris au premier Mars suivant, ainsi que le portoit la précedente ordonnance, la supprimerent, & imposerent à la place une capitation suivant les facultés & revenus de chacun, dont le clergé & la noblesse furent tenus comme les autres. L'ordonnance faite en conséquence le 13 Mars 1355, avant pâques, porte que l'aide & subside sera levé par les députés des trois états en chaque pays, & qu'à Paris il y aura six généraux députés auxquels on aura recours, & qui auront le gouvernement & ordonnance sur tous les autres députés, & seront leurs souverains & de tous ceux qui se mêleront du fait.

L'espérance que l'on avoit conçue de voir finir la guerre pour laquelle ces aides avoient été accordées, s'évanoüit bien - tôt par la perte de la bataille de Poitiers, qui se donna le 19 Septembre 1356; & la captivité du roi Jean, qui fut fait prisonnier à cette bataille, ayant réduit le royaume à la plus fâcheuse extrémité, il fallut songer à imposer de nouveaux subsides.

Charles dauphin de France reconnu pour lieutenant général du royaume, assembla les états de la Languedoil à Paris, au 15 Octobre 1356; mais ces états s'étant séparés infructueusement, ce prince prit le parti de s'adresser aux bonnes villes pour leur demander une aide, & il paroît que la plûpart en accorderent. A l'occasion des subsides accordés par les états particuliers d'Auvergne, il est parlé des généraux gouverneurs qui connoissoient de la maniere d'imposer ladite finance, oüir les plaintes & doutes, & les remédier & corriger.

Au mois de Février suivant, le dauphin assembla à Paris les états de la Languedoil, qui lui accorderent des subsides pour un an. L'ordonnance du mois de Mars 1356 faite en conséquence, porte que le subside sera levé par les gens élûs par les trois états. Les députés généraux qui devoient prêter serment entre les mains du roi, ne pouvoient rien faire s'ils n'étoient d'accord, ou au moins six d'entr'eux, savoir deux personnes de chaque état. On trouve un mandement du 17 Mai 1357, donné par les généraux élûs à Paris par les gens des trois états du royaume de France, sur le subside octroyé pour la guerre.

Les mêmes états de la Languedoil assemblés à Compiegne le 4 Mai 1358, accorderent au dauphin, qui venoit d'être déclaré régent par le parlement, une aide pour le fait des guerres, la délivrance du roi Jean, & la défense du royaume. Elle devoit commencer le 15 Mai & durer un an. Quoique plusieurs villes & provinces n'eussent point député à ces états, il paroît par une lettre du roi Jean à l'évêque de Soissons, que les états avoient arrêté que l'aide seroit levée, même sur ceux qui n'y avoient pas assisté, ce qui fut exécuté en vertu des états particuliers qui s'assem<cb-> blerent dans les provinces. L'ordonnance du 14 Mai 1358, donnée par le régent au sujet de cette aide, veut que tous autres subsides cessent, remet tout ce qui en pouvoit être dû du passé, révoque les commissions des généraux à Paris & élûs dans les diocèses, & marque que les états ont élû & éliront des personnes de chaque état, qui gouverneront le fait de l'aide présentement octroyée, & qu'ils seront commis par le régent. Il paroît par des lettres du régent, du même jour, que dans cette assemblée les nobles avoient élu de leur part Sohier de Voisins, pour gouverner l'aide en la ville & diocèse de Paris. Cette aide consistoit au dixieme des revenus ecclésiastiques; les nobles devoient payer douze deniers pour livre de leurs rentes; les habitans des villes & châteaux fermés devoient entretenir un homme d'armes par 70 feux; les serfs abonnés, un homme d'armes par 100 feux; les serfs taillables, un pour 200 feux; les pupilles, veuves, & autres qui n'avoient point de feux, douze deniers pour livre de leur revenu; les serviteurs douze deniers pour livre de leurs salaires.

Le 25 Mai 1359, en l'assemblée des mêmes états à Paris, on fit la lecture d'un traité qui avoit été négocié à Londres; mais les conditions ayant révolté tous les esprits, il fut résolu de continuer la guerre, & les états accorderent l'entretien de 1200 glaives; c'étoit des troupes d'infanterie.

On n'a parlé ci - dessus que des états de la Languedoil; ceux de la Languedoc pendant ce tems s'assemblerent séparément. Le 21 Octobre 1356 ils accorderent une aide, qui, suivant l'ordonnance confirmative du mois de Février suivant 1356, devoit être régie sous les ordres de vingt - quatre personnes choisies par les trois états. Après l'assemblée de Compiegne, en Mai 1358, il paroît qu'ils en accorderent une autre; & une ordonnance du 2 Octobre 1360, marque qu'en 1359 ils avoient accordé certaines impositions & gabelles, qui devoient durer jusqu'à noël 1361.

Après la paix de Bretigny, conclue en 1360, le roi Jean revint en France vers la fin d'Octobre; & par son ordonnance du 5 Décembre de cette année, il établit dans toute la Languedoil une aide pour payer sa rançon. Elle consistoit en douze deniers pour livre sur les marchandises & denrées vendues, le cinquieme sur le sel, & le treizieme sur le vin, & devoit être levée par ceux que le roi députeroit sur ce fait. L'ordonnance du 18 Décembre 1360, sur la maniere de lever cette aide, porte que les élûs enverront les deniers à Paris pardevant les généraux thrésoriers ordonnés pour le fait de cette aide, & que s'il arrive aucun trouble ou doute, les élûs des cités en écriront aux généraux thrésoriers à Paris, lesquels leur en feront déclaration.

Cette aide devoit être levée jusqu'à la perfection & entérinement de la paix, c'est - à - dire jusqu'à ce que le roi eût acquitté toutes les sommes qu'il s'étoit engagé de payer pour sa rançon dans l'espace de six ans. Elle devoit par conséquent finir avec l'année 1366; mais elle fut encore prolongée long - tems après ce terme.

M. Secousse remarque que pour imposer cette aide il ne fut peut - être pas nécessaire d'assembler les états, parce qu'elle étoit légitime, c'est - à - dire dûe par une loi suivant laquelle les vassaux & les sujets doivent une aide à leur seigneur lorsqu'il est obligé de payer une rançon; ensorte qu'il faut dire que les états qui ont été assemblés pour cette aide, ne l'ont été que pour régler la maniere dont elle seroit levée & payée.

Le roi imposa en même tems en Languedoc une aide semblable pour sa rançon: elle devoit de même durer six années; mais elle fut aussi continuée après ce tems. [p. 359]

Il paroît que les généraux des aides à Paris commencerent dès lors à être ordinaires. On voit des lettres du 29 Septembre 1361, adressées à nos amés & féaux les géneraux thrésoriers à Paris sur le fait des aides, n'aguere ordonnées pour notre délivrance, ainsi que plusieurs autres lettres des années subséquentes. Et Charles V. à son avenement à la couronne, voulant confirmer, comme il étoit d'usage, les officiers de son royaume, adresse son ordonnance du 17 Avril 1364, à nos amés & féaux les présidens & autres gens de notre parlement & enquêtes, gens de nos comptes, les généraux thrésoriers sur le fait de la délivrance de Mons, & de la défense du royaume, & thrésoriers à Paris, & les confirme dans leurs offices.

Avant que l'aide établie pour la délivrance du roi Jean fût finie, il y eut encore d'autres aides établies pour la guerre: une ordonnance du 19 Juillet 1367 parle des aides ordonnées, tant pour la rédemption de feu notre très - cher seigneur & pere, de laquelle le payement n'est pas encore parfait, comme pour celles ordonnées pour la défense de notre royaume. Les mêmes généraux étoient etablis pour ces deux aides, suivant cette ordonnance, dont l'adresse est à nos amés & féaux conseillers les généraux & élus, tant sur l'un fait comme sur l'autre.

Dans une autre du lendemain 20 Juillet 1367, adressée aux mêmes généraux, le roi, en parlant des aides accordées en 1356, 1357, & 1358, remet tout ce qui pouvoit en être dû du passé; ce qui montre que ces généraux avoient encore en même tems l'administration de ces anciennes aides.

Ces aides pour la guerre subsisterent jusqu'au décès de Charles V. arrivé le 16 Septembre 1380. Ce prince en mourant pria les ducs de Berri, de Bourgogne & de Bourbon, de pourvoir à l'abolition des impositions dont le peuple étoit surchargé, & que les dépenses d'une longue guerre l'avoient forcé de lever: & pour commencer à soulager en partie son peuple, il donna le jour même de sa mort des lettres patentes adressées aux généraux conseillers sur les aides de la guerre, par lesquelles il abolit les foüages, c'est - à - dire les impositions par feux, & remit tout ce qui en étoit dû du passé. Mais le duc d'Anjou déclaré régent après la mort de Charles V. ne se fit pas un devoir d'executer ces dernieres volontés: bien loin d'abolir les impôts, il les augmenta, & on les leva avec une rigueur qui mit le peuple au desespoir, & excita dans plusieurs villes du royaume, & principalement à Paris, plusieurs révoltes pendant les premieres années du regne de Charles VI. Pour les appaiser, le roi se vit forcé de donner une ordonnance le 13 Novembre 1380, par laquelle il abolit tous aides & subsides quelconques, qui pour le fait des guerres ont été imposés depuis le roi Philippe - le - Bel. Il en donna de pareilles aux mois de Janvier & de Mars suivans.

Les troubles ayant été appaisés, le roi Charles VI. rentré dans Paris le 10 Janvier 1382, fit publier le rétablissement de tous les impôts qui avoient eu cours sous Charles V. & par ordonnance du 26 du même mois il établit, pour les régir & gouverner, des généraux conseillers à Paris, dont il regla les fonctions: elles sont les mêmes que celles qui avoient été données par l'ordonnance du 28 Décembre 1355 aux généraux superintendans nommés par les états. L'instruction du 21 du même mois faite sur cette nouvelle aide ordonnée pour la guerre, marque qu'elle devoit commencer le premier Février suivant, & qu'elle consistoit en douze deniers pour livre sur toutes les marchandises vendues ou échangées, la huitieme partie de la vente du vin en détail, & vingt francs d'or par muid de sel.

Il y eut dans la suite quelques changemens ou augmentations faits dans ces aides ou subsides; mais comme elles ont toûjours subsisté depuis, la fonc<cb-> tion, tant des élûs distribués dans les provinces, que des généraux conseillers à Paris, s'est aussi perpétuée depuis ce tems.

On a vû que dans les commencemens, les généraux députés sur le fait des aides étoient nommés & établis par les trois états: mais bientôt le roi se réserva de nommer à ces offices; ce qui a toûjours duré depuis. On voit cependant dans une ordonnance du 26 Février 1413, que dans le cas de vacance d'un office, les autres généraux élisoient un sujet auquel le roi donnoit des provisions.

Ils eurent d'abord la qualité de généraux superintendans, généraux députés. Toutes les lettres du roi Jean leur sont adressées sous le nom de généraux thrésoriers. Celles de Charles V. son successeur les nomment généraux conseillers, & c'est sous ce nom qu'ils ont toûjours été connus depuis. Ils avoient tous indistinctement cette qualité de généraux conseillers, jusqu'en 1398 que Gérard d'Athies archevêque de Besançon fut le premier décoré du titre de président en la chambre de la justice des aides; qualité à laquelle étoit toûjours jointe celle de général conseiller.

Leur origine qu'ils tiroient de l'assemblée des états généraux du royaume, fit qu'il y eut pendant très - long - tems parmi eux les personnes les plus distinguées, soit dans l'état ecclésiastique, soit dans la noblesse; on trouve même à leur tête des princes du sang. Charles d'Albret connétable de France, cousingermain du roi Charles VI. fut commis par lettres du 8 Octobre 1401, pour présider outre & par - dessus les généraux conseillers. Louis duc d'Orléans frere du roi obtint pareilles lettres le 18 Avril 1402. Philippe de France duc de Bourgogne, oncle du roi, en eut de semblables le 24 Juin 1402; & pareillement Jean duc de Berri, aussi oncle du roi: & il paroît par un mandement du 6 Mars 1402, donné par ces trois derniers princes, qu'ils exerçoient cette fonction conjointement.

Aussi les rois ont - ils donné aux officiers de cette compagnie les marques de la plus grande considération: ils prêtoient serment entre les mains du roi: ils assistoient quelquefois au conseil du roi, ainsi qu'on le voit par plusieurs ordonnances données par le roi en son conseil, où étoient les généraux conseillers sur le fait de la guerre. Un grand nombre d'autres sont rendues par le roi, à la relation du conseil étant en la chambre des aides ordonnées pour la guerre. Charles V. par son ordonnance du mois d'Octobre 1374, en nommant les conseils des tuteurs de ses enfans, y place entr'autres un général conseiller sur le fait des aides. Ils avoient pouvoir, en appellant avec eux des gens du grand & étroit conseil, d'augmenter, diminuer, interpréter les instructions & ordonnances faites sur les aides. Une ordonnance du 6 Décembre 1373, leur donne pouvoir d'envoyer des réformateurs dans les diocèses, quant au fait des aides; & effectivement on voit que plusieurs d'entre eux ont eu cette fonction.

Ces généraux conseillers, outre l'administration de la justice, avoient encore la direction de la finance, qu'ils ont conservée pendant long - tems; c'est - à - dire qu'ils avoient seuls droit d'ordonner la distribution des deniers provenans des aides. Aucune dépense ne pouvoit être passée dans les comptes des receveurs des aides, qu'en vertu des lettres signées par les généraux. Ils avoient le pouvoir d'établir les élus, receveurs, grenetiers, contrôleurs, commissaires, sergens, & autres officiers; de les substituer & renouveller, de les corriger & punir; & la connoissance de toutes ces matieres étoit interdite au parlement, à la chambre des comptes, & autres juges & officiers.

Leur nombre n'étoit pas fixe: il y en eut neuf

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.