ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"338"> qu'on en pût douter. En effet, il n'y eut peut - être jamais d'empressement pareil à celui qu'on témoigna pour la voir ou pour la faire, tant on avoit de peine à croire le merveilleux qu'on en racontoit. Nos physiciens étoient accablés de gens, qui demandoient à s'assurer par eux - mêmes de ce qui en étoit; elle faisoit le sujet de la conversation ordinaire à la ville & à la cour. Enfin les choses allerent au point que l'électricité, qui jusques - là avoit été renfermée dans les cabinets des physiciens, se donna en spectacle pour de l'argent; des gens avec des machines à électricité s'étant établis dans les foires, & ayant couru les villes & les provinces pour satisfaire à l'envie que l'on témoignoit, comme nous l'avons dit, de toutes parts de faire cette célebre expérience.

C'est ainsi que la Physique venge, si cela se peut dire, de tems en tems les Physiciens du peu de cas que le peuple (& il y en a de plus d'une espece) fait de leurs occupations: elle leur offre des faits si singuliers & si extraordinaires, que les moins curieux ne peuvent s'empêcher de sortir de leur indifférence, pour venir les admirer.

Quelque singulier & extraordinaire que l'empressement dont nous venons de parler puisse paroître, on voit cependant qu'il a une espece de fondement dans la nature de la chose elle - même. En effet, tous les différens phénomenes que nous offre la Physique ne piquent pas également la curiosité; il y en a beaucoup où il n'y a point à admirer pour qui ne sait pas penser; mais dans celui - ci le merveilleux s'y voit, s'y ressent pour ainsi dire. Quoi de plus surprenant, en effet, qu'une bouteille qui ne produit aucune sensation, qui paroît n'avoir apporté aucun changement à votre état, & dont l'effet est tel cependant, que lorsque vous l'empoignez, l'étincelle que vous tiriez auparavant du conducteur sans aucune conséquence en n'éprouvant qu'une légere douleur, vous fait ressentir alors une violente commotion dans les bras & dans la poitrine si brusquement & avec tant de rapidité, qu'il est impossible de l'exprimer.

C'est à Leyde que cette fameuse expérience se fit pour la premiere fois, au commencement de Janvier de l'année 1746. Comme l'on fut quelque tems avant de savoir précisément qui en étoit l'auteur, M. l'abbé Nolet lui donna le nom d'expérience de Leyde' & le merveilleux de ses effets paroissant venir uniquement de la bouteille dont on se sert pour la faire, on l'appella aussi en conséquence la bouteille de Leyde.

Depuis on a appris que nous devions cette découverte à M. Cuneus, d'une des premieres familles de cette ville, qui aime & cultive la Physique. Il la fit par hasard un jour qu'il s'occupoit à repéter quelques expériences d'électricité. [Ceci est tiré d'une note qui se trouve à la page 3 du mémoire de M. l'abbé Nolet sur l'expérience de Leyde, inseré dans les mémoires de l'académie des Sciences de l'année 1746.]

Je me suis un peu étendu sur l'historique de cette expérience, sur l'éclat & la réputation qu'elle a donné à l'électricité; mais j'ai cru que dans un ouvrage consacré à transmettre à la postérité les découvertes des différens siecles, & les circonstances qui les ont accompagnées, on ne seroit pas fâché de trouver une histoire abregée de celle - ci.

On conçoit que cette nouvelle expérience, ou plutôt ce nouveau phénomene de l'électricité, reveilla l'ardeur des Physiciens, & qu'ils s'empresserent à l'envi de reconnoître toutes les différentes circonstances qui l'accompagnent, afin d'en découvrir les causes; c'est aussi ce qui arriva. De - là il est facile d'imaginer qu'il a dû résulter un nombre infini d'expériences qu'il seroit inutile & même impossible de rassembler ici.

Afin de satisfaire cependant à ce que le lecteur a droit d'attendre de nous à ce sujet, nous exposerons ce qui regarde ce phénomene d'une maniere assez étendue, pour qu'il lui soit facile ensuite de se former une idée de la plûpart des expériences qui n'eu sont que des suites.

Pour exécuter ceci d'une maniere plus abrégée, nous commencerons par donner le plus succintement que nous pourrons, une idée de plusieurs propriétés des corps électrisables par communication, & de ceux qui ne le sont pas, dont il sera traité plus amplement à l'article Electricité, auxquels il nous paroît que l'on doit attribuer ce qui arrive dans l'expérience du coup foudroyant; ensuite nous montrerons par l'analyse des faits qu'elle nous présente, qu'ainsi que nous venons de l'avancer, elle n'est qu'une suite de ces propriétés. Au reste, si nous avons suivi cette voie, c'est que nous avons cru pouvoir par son moyen donner un ordre plus systématique à cet article, & exposer plus méthodiquement ce qui en dépend; car nous ne prétendons nullement donner comme une véritable explication des causes de cette expérience ce que nous disons à ce sujet (quoiqu'en le faisant nous ayons tâché de ne suivre d'autre guide que l'analogie des faits), mais plutôt comme une hypothese, des conjectures, ou tout ce que l'on voudra sur ces causes. Pour faire voir que nous regardons cette explication exactement sur ce pié, nous ajoûterons celles qu'ont donné de la même expérience les plus habiles Physiciens, afin que le lecteur puisse choisir, & ne se déclarer que pour celle qui lui paroîtra le mieux quadrer avec les faits.

Au reste, nous n'oublierons rien dans cet article pour rendre justice à tous les Physiciens qui ont travaillé sur cette matiere; & si par hasard nous y manquions, nous les prions de croire que c'est faute d'avoir été bien instruits, & non pour leur ôter rien d'une gloire aussi légitime que celle qui leur revient de leurs travaux.

Une des plus grandes différences qu'il y ait entre les corps électrisables par communication, & ceux qui ne le sont pas, & dont il soit plus important d'être instruit, c'est que les premiers, comme les métaux, les corps animés, l'eau, &c. paroissent être les véritables reservoirs de la matiere électrique, comme M. Watson l'a avancé le premier, & comme nous l'avons prouvé dans un mémoire lû à l'académie des Sciences l'année derniere; & que les seconds, comme le verre, la porcelaine, la cire d'Espagne, &c. paroissent au contraire n'en point contenir du tout, ou du moins être de telle nature que par les moyens connus jusqu'ici nous ne pouvons pas l'en tirer. Ainsi, par exemple, avec quelque force que vous frottiez le verre, vous ne l'électriserez jamais sensiblement, si le corps qui le frotte ne contient de la matiere électrique; car s'il n'en contient pas, s'il en est dépouillé, quelqu'effort que vous fassiez, & quelque tems que vous employiez à le frotter, il ne deviendra jamais électrique.

Il est à propos d'observer à ce sujet, que les métaux, les corps animés, &c. paroissent ne pouvoir contenir qu'une certaine quantité de feu ou fluide électrique dans leurs pores, & qu'aussi - tôt qu'on leur en ajoûte au - delà, le surplus tend à s'échapper de toute part. Il suit de ces propriétés un phénomene assez singulier, que je crois avoir observé le premier; c'est que toutes les fois qu'une personne, ou un corps quelconque électrisable par communication, tire une étincelle d'un corps électrique, le premier, à moins qu'il ne soit isolé, se décharge du feu électrique qu'il a reçû, ou insensiblement (ce qui arrive lorsque le corps est dans un contact immédiat avec quelque grande masse de corps électrisables par communication, comme le plancher); ou d'une maniere sensible & avec une étincelle plus ou moins forte, lorsque ce corps étant [p. 339] comme isolé se trouve près de quelque corps non - électrique par lui - même. Si une personne, par exemple, tire une étincelle du conducteur, elle se déchargera du feu électrique qu'elle aura reçû d'une maniere insensible à - travers ses souliers: mais si elle presse légerement avec ses doigts le bras ou le poignet d'une autre personne, de façon cependant qu'elle ne le touche que dans très - peu de points; dans l'instant qu'elle tirera l'étincelle, elles ressentiront l'une & l'autre, si l'électricité est un peu forte, une légere douleur comme d'une piquûre dans l'endroit où elles se touchoient; douleur produite par une petite partie de l'électricité de la personne qui tire l'étincelle qui passe par cet endroit, tandis que le reste se dissipe par ses souliers. Cet effet ira même plus loin; & si l'électricité est d'une certaine force, il se communiquera à quatre, cinq, ou six personnes se tenant de la même maniere.

Les corps électrisables par communication ont encore cette propriété, qui selon toute apparence tient à la premiere dont nous avons parlé; c'est qu'en les touchant, quoique ce ne soit que dans un point, pourvû que le contact soit bien intime, on leur communique ou leur enleve l'électricité dans un instant.

Pour se former une idée de cette propriété, qu'on suppose un conducteur ou tout autre corps bien électrique: si une personne posant sur le plancher le touche, elle lui enlevera toute son électricité, à moins que le plancher ou ses souliers ne soient fort secs: si au contraire cette personne montée sur un gâteau de resine, touche ce même conducteur supposé électrise de nouveau, elle acquerrera au même instant une électricité égale à la sienne.

A cet égard, le verre, la porcelaine, & les autres substances électriques par elles - mêmes, different extrèmement de celles qui ne le sont pas; car vous pouvez les toucher, & même dans plusieurs points tout - à - la - fois, sans leur enlever pour cela toute leur électricité: de même, ce qui ne paroît que l'inverse de cette qualité, vous ne pouvez les électriser par communication, qu'autant que ie corps qui les électrise les touche tout - à - la - fois dans un grand nombre de points; encore ne peut - on les électriser sensiblement de cette façon que d'une surface à l'autre, c'est - à - dire, par exemple, qu'en électrisant par communication une des surfaces d'un carreau de verre, on électrisera la surface opposée. Il semble que ces substances soient comme composées de parties ayant chacune en particulier leur petite atmosphere d'électricité. On voit par - là que pour desélectriser les corps électriques par eux - mêmes, comme pour les électriser par communication, il faut les toucher tout - à - la-fois dans un grand nombre de points.

Pour donner une idée de leur composition, & de celle des corps électrisables par communication, ou plûtôt de la maniere dont leurs différentes propriétés, dont nous venons de parler, peuvent avoir lieu, on pourroit supposer les premiers comme composés d'un grand nombre de petits globules non électriques par eux - mêmes, mais assez distans les uns des autres pour que l'on puisse enlever l'électricité de l'un d'entr'eux, sans pour cela enlever celle du globule voisin; & les seconds comme composés des mêmes petits globules, se touchant tous de façon que l'on ne pourroit enlever l'électricité de l'un, que l'on n'enlevât en même tems celle de tous les autres. Ainsi, par exemple, en supposant une douzaine de balles de fer toutes isolées, électrisées, & placées à une certaine distance les unes des autres, on conçoit qu'on pourra à différentes reprises tirer des étincelles d'une de ces balles, sans enlever pour cela toute l'électricité des autres; & on aura une idée de ce qui se pasfe dans le verre. Mais si on les suppose rappro<cb-> chées de façon qu'elles se touchent immédiatement, on ne pourra tirer une étincelle de l'une d'entr'elles, qu'on n'enleve en même tems toute ou la plus grande partie de l'électricité des autres; ce qui est le cas des métaux & des autres corps électrisables par communication. Mais passons à une autre propriété des corps électriques par eux - mêmes, ou plus particulierement du verre & de la porcelaine, dans laquelle nous paroît consister tout le mystere du coup foudroyant.

Cette singuliere proprièté du verre est que lorsqu'il est électrisé par communication, ou même par frottement, comme nous l'avons découvert, pendant que la surface opposée à celle que l'on électrise de l'une ou l'autre de ces manieres, est en contact avec du métal ou toute autre substance électrisable par communication, il acquiert la faculté de donner du fluide électrique par la surface qui est électrisée, & en donne effectivement si rien ne l'en empêche, & d'en pomper ou d'en tirer par son opposée en contact avec le corps métallique; & ce qu'il fait effectivement s'il en peut donner par la premiere surface. Eclaircissons ceci par un exemple. Supposons un carreau de verre bien net & bien sec, suspendu horisontalement sur des cordons de soie, & recouvert d'une feuille de plomb d'une figure semblable, mais plus petite dans toutes ses dimensions d'un pouce ou un peu plus, de façon qu'il la déborde en tout sens; supposons encore ce carreau électrisé par communication au moyen de l'électricité que reçoit la feuille du conducteur; imaginons de plus qu'une personne touche sa surface inférieure du plat de la main, sans cependant en toucher les bords: si après l'avoir électrisé de cette maniere pendant un certain tems, on ôte à la feuille de plomb sa communication avec le conducteur; on verra que cette feuille qui auparavant recevoit l'électricité, en fournira, & que la surface inférieure du verre qui en fournissoit, comme nous le dirons dans un moment, en recevra. Pour bien s'assûrer de l'existence de ce fait, présentez à la feuille de plomb une pointe de fer, vous verrez à son extrémité une espece de petit point de lumiere; faites - en de même à la surface inférieure du carreau, au lieu de ce point vous verrez à la pointe une aigrette, ou si vous ne la voyez pas, vous serez toûjours en état de l'exciter en tirant des étincelles de la feuille de plomb. Or, comme on le verra à l'art. Électricité, & comme nous l'avons montré dans le mémoire déjà cité, le point de lumiere indique toûjours l'entrée du fluide électrique dans le corps, & l'aigrette sa sortie; ce qui montre que dans le premier cas il y a un fluide électrique qui sort de la feuille de plomb & entre dans la pointe de fer, & que dans le second il y en a un qui sort de cette pointe pour entrer dans la surface inférieure du verre.

Dans les circonstances que nous avons dites être nécessaires à observer pour que le verre acquît la propriété dont il est ici question, nous avons spécifié particulierement qu'il falloit tenir le plat de la main contre la surface opposée à celle qui recevoit l'électricité. Or quoique tout verre électrisé par une de ses surfaces, soit par frottement, soit par communication, donne toûjours un peu d'électricité par l'autre, comme on peut s'en convaincre en présentant à cette derniere surface la pointe de fer (car on y verra le petit point de lumiere, qui est, comme nous venons de le dire, la preuve qu'il sort un fluide électrique du corps auquel vous la présentez) il paroît cependant par un grand nombre d'expériences, que par le moyen dont nous avons parlé on oblige une plus grande quantité de fluide électrique à sortir de cette surface non électrisée. Ainsi, par exemple, si vous électrisez par communication un tube de verre

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