ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"340"> plein de limaille de fer ou de sable, il paroîtra peu d'électricité au - dehors, pendant qu'elle passera toute au - dedans. De même si vous vuidez ce tube d'air, ce qui, comme on le verra à l'article Electricité, revient à la même chose que de l'emplir de limaille, vous verrez encore dans l'obscurité l'électricité passer au - dedans, & y faire plusieurs jets d'un feu pâle & rare, &c. enfin on observera toûjours qu'il sort beaucoup plus de fluide électrique de la surface opposée à celle qu'on électrise, lorsque la premiere est en contact avec quelque corps électrisable par communication, que dans tout autre cas.

On a vû par ce qui a été dit plus haut, comment, lorsque le carreau de verre a été fortement électrisé, sa surface qui a reçû l'électricité en fournit, & comment son opposée en pompe des corps environnans qui en peuvent donner. Mais nous avons dit que dès que le verre est électrisé par une de ses surfaces, pendant que l'autre est en contact avec un corps électrisable par communication, il acquiert une tendance à produire cet effet, s'il n'en est pas empêché; c'est ce qui demande à être expliqué un peu plus au long. Quant au fait, voici ce qui arrive, & que l'on observera constamment dés qu'on commencera à électriser le carreau de verre. Par exemple, tout étant de même que nous l'avons supposé plus haut, on verra, si l'on retire pour un moment la main de dessous la surface inférieure; on verra, dis - je, en y présentant la pointe de fer, le point de lumiere à cette pointe; preuve, comme nous l'avons dit, que le fluide sort de cette surface. Mais à mesure que le carreau de verre deviendra plus électrique, ce point ira toûjours en s'affoiblissant, comme on pourra s'en appercevoir en retirant la main de tems en tems, & présentant la pointe. Enfin lorsque ce verre aura acquis le plus grand degré d'électricité que la vertu électrique du globe pourra lui communiquer, si l'on présente de nouveau cette pointe à la surface inférieure, le point de lumiere paroîtra comme insensible, ou s'évanoüira tellement, que pour peu que l'électricité du conducteur vienne à diminuer en en tirant des étincelles, ou par quelqu'autre cause, ce point se changera aussi - tôt en aigrette, qui est la marque d'un fluide électrique sortant de cette pointe, & tendant à entrer dans le corps auquel vous la présentez. Cependant la tendance de ce carreau à fournir de l'électricité, n'a pas moins lieu pendant tout le tems de son electrisation: mais comme c'est avec peu de force, elle ne se manifeste que dans les cas où elle peut véritablement entrer en action, comme lorsqu'on diminue tout - d'un - coup par une forte étincelle l'électricité du conducteur. Car si dans le même moment ayant retiré la main de sa surface inférieure, on présente à cette surface la pointe de fer, on en verra sortir une aigrette, au lieu du point de lumiere que nous avons dit précédemment qu'on y observoit. Voici à - peu - près comment nous concevons que ces différens effets ont lieu. Lorsque vous commencez à électriser le carreau de verre, la force qu'il acquiert pour fournir du fluide électrique par sa surface électrisée, est inférieure de beaucoup à celle avec laquelle le globe tend à en fournir par le conducteur: celle - ci l'emportant donc, l'électricité qu'il fournit doit passer au - travers du verre, & en sortir, comme on a vû que cela arrivoit, à - peu - près comme deux courans d'air opposés qui se rencontreroient dans un tuyau; celui qui auroit le plus de vîtesse repousseroit l'autre, & l'obligeroit à lui livrer passage. Mais comme à mesure que le carreau de verre est électrisé, il acquiert plus de force pour pousser du fluide par la surface électrisée, &c. la force avec laquelle l'électricité vient du globe l'emporte de moins en moins sur celle avec laquelle il tend à en donner; de façon que le fluide électrique qui passe à - travers le carreau va toûjours en diminuant, jusqu'à ce qu'enfin la force que le carreau a pour en fournir, étant égale à celle que le globe a pour lui en communiquer, il n'en peut plus passer. Ces deux forces une fois parvenues à l'égalité, dès que celle avec laquelle le conducteur agit s'affoiblit, soit que l'on diminue l'électricité en en tirant des étincelles, ou que le globe en fournisse moins, la force avec laquelle le carreau tend à fournir du fluide électrique l'emporte; & il en donne par la surface électrisée, pendant qu'il en pompe par l'autre, ainsi que nous l'avons dit. Au reste il paroît que toutes les substances électriques par elles - mêmes, n'ont pas la propriété du verre dont nous venons de parler: on ne connoît encore que la porcelaine & le talc qu'on lui puisse substituer dans l'expérience du coup foudroyant. M. Dutour de Riom, correspondant de l'académic des Sciences, est le premier que je sache qui ait parlé de cette propriété du talc.

Ayant mis sous les yeux du lecteur ces différentes propriétés des substances électriques & non électriques par elles - mêmes, nous passerons à l'analyse des moyens que l'on employe pour faire l'experience du coup foudroyant, & de ce qui se passe dans cette expérience.

Dans la description que nous avons donnée de la maniere dont elle se fait, nous avons dit que l'on emplissoit la bouteille à moitié, ou un peu plus, & que l'on faisoit tremper dans l'eau de cette bouteille, un fil de métal partant du conducteur. Nous avons dit en même tems qu'il falloit la tenir d'une main, en l'empoignant de façon que l'on touche les parties de sa surface qui répondent à celle que l'eau touche intérieurement, & ensuite tirer une étincelle du conducteur. Nous allons, d'après les différentes propriétés du verre, & des corps électrisables par communication, que nous avons rapportées, essayer de faire voir comment de cette disposition & de ces propriétés il en doit résulter un choc dans la personne qui fait l'expérience. Par les propriétés du verre, que nous venons de rapporter, on voit, 1°. que l'eau étant électrisée par le moyen du fil de métal venant du conducteur, elle doit électriser le verre dans tous les points où elle le touche, puisque, comme nous l'avons dit, le verre s'électrise ainsi par communication. On sent facilement aussi pourquoi on ne doit pas emplir la bouteille d'eau au - dessus d'une certaine hauteur, & pourquoi elle doit être fort seche dans toute la partie extérieure & intérieure au - dessus de la surface de l'eau; car si cette liqueur montoit trop haut dans la bouteille, ou que ses deux surfaces fussent humides, l'électricité pourroit glisser le long de ces surfaces, se transmettre à la main, &c. & de - là se perdre dans le plancher; ainsi le verre ne pourroit plus s'électriser, puisqu'il ne resteroit plus d'électricité: on voit donc la nécessité d'un intervalle, rebord ou marge de verre, qui sépare les deux substances électrisables par communication, qui le touchent. On voit, 2°. que la main, qui est un électrisable par communication, touchant la bouteille par sa surface extérieure, doit obliger une partie de l'électricité que reçoit l'intérieure, à passer au - travers du verre, comme nous avons dit que cela arrivoit dans ce cas. 3°. Que parlà, au bout d'un certain tems d'électrisation, cette bouteille acquiert la propriété de pouvoir fournir de l'électricité par sa surface intérieure, & d'en pomper extérieurement par les pores répondans à ceux qui ont été électrisés en - dedans. Ceci étant bien entendu, si l'on se rappelle que tous les corps électrisables par communication, contiennent beaucoup de fluide électrique, on concevra comment on doit éprouver un choc, lorsqu'en tenant la bouteille d'une main, on tire de l'autre une étincelle du conducteur; car dès que [p. 341] vous tirez cette étincelle, vous acquérez du fluide électrique qui tend à se décharger de toutes parts, & qui se déchargeroit effectivement au plancher à - travers vos souliers, si dans le même instant le cul de la bouteille ne l'attiroit: or comme dans le même tems que d'une main vous tirez l'étincelle du conducteur, la bouteille tire ou pompe l'électricité de l'autre main qui la touche, comme nous l'avons dit, vous devez en conséquence sentir instantanément deux secousses dans les parties du corps opposées, c'est - à - dire dans le poignet, &c. de la main qui tient la bouteille, & dans celui de celle qui tire l'étincelle. En effet, dans le bras qui tire l'étincelle, vous devez sentir une secousse produite par le fluide électrique qui y entre; & dans celui qui tient la bouteille, une autre secousse produite au contraire par le fluide qui en sort: & c'est aussi ce que l'on ressent, non - seulement dans les poignets, mais encore dans les coudes, &c. comme nous l'avons dit au commencement de cet article. Cette double sensation distingue d'une maniere bien précise l'effet de cette expérience, de celui d'une simple étincelle que l'on tire du conducteur. Dans ce dernier cas on ne ressent qu'une seule secousse, & cela dans la partie qui tire l'étincelle. Il est vrai que lorsque l'électricité est très - forte, on en ressent une aussi quelquefois en même tems dans la cheville du pié; ce qui a fait dire à quelques physiciens, que le choc de l'expérience de Leyde ne différoit de celui que produit une simple étincelle, que par la force; mais ils ne faisoient pas attention à cette double sensation simultanée, que l'on éprouve toûjours dans cette expérience, quelque foible même que soit l'électricité, & qui par - là en fait, pour ains dire, le caractere.

L'expérience suivante forme une nouvelle preuve en faveur de l'explication que nous venons de donner des causes du coup foudroyant.

Que, tout restant de même, on suppose la bouteille placée sur un guéridon de bois, & deux personnes ayant chacune une main posée dessus, toûjours dans la partie qui répond à celle où l'eau se trouve intérieurement; si l'une d'elles tire une étincelle du conducteur, elles seront frappées toutes les deux en même tems; mais l'une, celle qui tout à la fois touche la bouteille & tire l'étincelle, recevra le coup foudroyant; & l'autre, dont la main repose dessus, ne sera frappée, quoiqu'assez vivement, que dans le bras & le poignet de la main qui touche à la bouteille. La raison en est sensible. Lorsqu'une des personnes tire l'étincelle du conducteur, le verre de la bouteille pompe le fluide électrique de tous les corps qui touchent les points de sa surface extérieure répondant à ceux que touche l'eau intérieurement: il doit donc non - seulement en pomper de la personne qui tire l'étincelle, & par - là lui faire recevoir le coup foudroyant, mais encore de celle qui ne fait que reposer sa main dessus, quoique cette personne ne participe aucunement au reste de l'expérience.

Avant d'aller plus loin, il est à propos de répondre à une difficulté que l'on pourroit nous faire. Selon vous, nous dira - t - on, les secousses que l'on ressent dans le coup foudroyant, sont produites par l'entrée du fluide électrique d'un côté, & par sa sortie de l'autre. Or ce fluide entrant par la main qui tire l'étincelle, & sortant par celle qui tient la bouteille, il sembleroit que ces secousses devroient se faire sentir aux deux mains, & cependant vous dites que c'est aux poignets, aux coudes, &c. Comment cela se fait - il? Le voici. Cen'est pas tant l'entrée ni la sortie du fluide électrique dans un corps, qui produit un effet ou une sensation, que la maniere dont ce fluide entre ou sort. La raison en est que la transmission de l'électricité d'un corps à un autre qui le touche immédiatement, se fait sans choc, sans étincelle, enfin sans aucun effet apparent; au lieu que si elle se fait d'un corps à un autre qui ne le touche pas, il y a toûjours étincelle & choc. Ainsi, que l'on électrise une chaîne de fer non tendue, & dont les chaînons soient à quelque distance les uns des autres, le passage de l'électricité de l'un à l'autre deviendra sensible par une étincelle qui partira successivement de chacun d'eux; mais si la chaîne est bien tendue, ensorte que tous les chaînons se touchent bien intimement, la transmission se fera d'n bout à l'autre dans un instant, & sans que l'on s'en apperçoive. Appliquons ceci à ce qui se passe dans un homme qui fait l'expérience du coup foudroyant. Dans cet homme se trouvent des articulations aux poignets, aux coudes, aux épaules, &c. Dans ces parties la continuité n'est pas bien entiere; elles ressemblent donc en quelque façon aux chaînons qui ne se touchent pas immédiatement: il s'ensuit donc qu'il doit y avoir une espece de choc, lorsque l'électricité passe de l'une à l'autre, comme nous avons dit qu'on l'observe. Cependant le doigt ne laisse pas de ressentir une douleur, mais plûtôt d'une forte piquure brûlante; & si la main qui touche la bouteille ne ressent rien ordinairement, c'est que le fluide électrique se déchargeant par tous ses pores, l'impression qu'elle fait est trop foible pour être apperçue. Vous vous assûrerez que c'en est - là l'unique cause, si au lieu d'appuyer la main toute entiere sur une bouteille bien électrisée, vous ne la touchez que du bout des doigts; car vous y ressentirez une douleur très - vive en faisant l'expérience, le fluide électrique faisant alors une impression fort sensible, parce qu'il ne sort que par le petit nombre de pores qui sont au bout des doigts.

Non - seulement l'expérience que nous avons rappotrée plus haut, paroît confirmer notre explication des effets de la bouteille de Leyde, mais encore la plûpart de celles que l'on peut faire avec cette bouteille; ainsi lorsqu'elle fait partie d'un système de corps électrisés, quoique d'abord l'électricité paroisse plus soible que lorsqu'il n'y en a pas, cependant elle augmente successivement jusqu'à devenir très - forte: ce qui arrive lorsque cette bouteille a acquis la plus grande vertu possible, relativement à l'intensité de la force électrique qui vient du globe. On dit alors qu'elle est chargée, & l'électricité devient en quelque façon constante, & n'augmente ni ne diminue point à chaque instant, comme cela arrive lorsque cette bouteille ne fait point partie du système des corps électrisés; ensorte qu'elle forme comme une espece de réservoir à l'électricité: or cet effet est une suite naturelle de ce que nous avons dit plus haut de la propriété qu'a le verre, de fournir du fluide électrique par la surface qui en a reçû, & d'en pomper par celle qui en a donné: car par cette propriété on voit que lorsque le verre de la bouteille de Leyde a été fortement électrisé, si le globe vient à fournir moins d'électricité, ce verre en redonne à l'eau, &c. en en pompant de la personne ou du support nonélectrique sur lequel il est appuyé: la force qu'ont le globe & la bouteille pour fournir chacun de l'électricité, étant, comme nous l'avons dit plus haut, pour ainsi dire en équilibre lorsque celle - ci est bien chargée. On voit encore, par la même raison, que la vertu qu'a cette bouteille de conserver long - tems son électricité, est une suite de la même propriété. En effet, tant qu'elle conserve la faculte de pomper du fluide électrique des corps qui la touchent, elle conserve celle d'en fournir, & par conséquent de paroître électrique. Le tems que cette bouteille conserve son électricité, va quelquefois jusqu'à trente - six, quarante heures, & plus.

Dans la description que nous avons donnée du procédé que l'on observe dans cette expérience,

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