ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"332"> couleurs naturelles qui dépendent uniquement des propriétés de la lumiere, & qui sont permanentes, du moins tant que les parties extérieures de l'objet demeurent les mêmes.

Personne, dit M. de Buffon, n'a fait avant M. Jurin d'observations sur ce genre de couleurs; cependant elles tiennent aux couleurs naturelles par plusieurs rapports, & voici une suite de faits assez singuliers qu'il nous expose sur cette matiere.

1. Lorsqu'on regarde fixement & long - tems une tache ou une figure rouge, comme un petit quarré rouge, sur un fond blanc, on voit naître autour de la figure rouge une espece de couronne d'un verd foible; & si on porte l'oeil en quelqu'autre endroit du fond blanc, en cessant de regarder la figure rouge, on voit très - distinctement un quarré d'un verd tendre tirant un peu sur le bleu.

2. En regardant fixement & long - tems une tache jaune sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache une couronne d'un bleu pâle; & portant son oeil sur un autre endroit du fond blanc, on voit distinctement une tache bleue de la grandeur & de la figure de la tache jaune.

3. En regardant fixement & long - tems une tache verte sur un fond blanc, on voit autour de la tache verte une couronne blanche légerement pourprée; & en portant l'oeil ailleurs, on voit une tache d'un pourpre pâle.

4. En regardant de même une tache bleue sur un fond blanc, on voit autour de la tache bleue une couronne blanchâtre un peu teinte de rouge; & portant l'oeil ailleurs, on voit une tache d'un rougepâle.

5. En regardant de même avec attention une tache noire sur un fond blanc, on voit naître autour de la tache noire une couronne d'un blanc vif; & portant l'oeil sur un autre endroit, on voit la figure de la tache exactement dessinée, & d'un blanc beaucoup plus vif que celui du fond.

6. En regardant fixement & long - tems un quarré d'un rouge vif sur un fond blanc, on voit d'abord naître la petite couronne d'un verd tendre dont on a parlé; ensuite en continuant à regarder fixement le quarré rouge, on voit le milieu du quarré se décolorer, & les côtés se charger de couleur, & former comme un quadre d'un rouge beaucoup plus fort & beaucoup plus foncé que le milieu: ensuite en s'éloignant un peu & continuant toûjours à regarder fixement, on voit le quadre de rouge foncé se partager en deux dans les quatre côtés, & former une croix d'un rouge aussi foncé; le quarré rouge paroît alors comme une fenêtre traversée dans son milieu par une grosse croisée & quatre panneaux blancs; car le quadre de cette espece de fenêtre est d'un rouge aussi fort que la croisée. Continuant toûjours à regarder avec opiniâtretê, cette apparence change encore, & tout se réduit à un rectangle d'un rouge si foncé, si fort & si vif, qu'il offusque entierement les yeux; ce rectangle est de la même hauteur que le quarré, mais il n'a pas la sixieme partie de sa largeur. Ce point est le dernier degré de fatigue que l'oeil peut supporter, & lorsqu'enfin on détourne l'oeil de cet objet, & qu'on le porte sur un autre endroit du fond blanc, on voit au lieu du quarré rouge réel l'image du rectangle rouge imaginaire exactement dessiné, & d'une couleur verte brillante. Cette impression subsiste fort long - tems, ne se décolore que peu - à - peu, & reste dans l'oeil même après qu'il est fermé. Ce que l'on vient de dire du quarré rouge arrive aussi lorsqu'on regarde un quarre jaune ou noir, ou de toute autre couleur; on voit de même le quadre jaune ou noir, la croix & le rectangle; & l'impression qui reste est un rectangle bleu, si on a regardé du jaune, un rectangle blanc brillant, si on a regardé un quarré noir, &c.

7. Personne n'ignore qu'après avoir regardé le soleil, on porte quelquefois très - long - tems l'image de cet astre sur tous les objets. Ces images colorées du soleil sont du même genre que celles que nous venons de décrire.

8. Les ombres des corps qui par leur essence doivent être noires, puisqu'elles ne sont que la privation de la lumiere, sont toûjours colorées au lever & au coucher du soleil. Voici les observations que M. de Buffon dit avoir faites sur ce sujet. Nous rapporterons ses propres paroles.

« Au mois de Juillet 1743, comme j'étois occupé de mes couleurs accidentelles, & que je cherchois à voir le soleil, dont l'oeil soûtient mieux la lumiere à son coucher qu'à toute autre heure du jour, pour reconnoître ensuite les couleurs & les changemens de couleur causés par cette impression, je remarquai que les ombres des arbres qui tomboient sur une muraille blanche étoient vertes; j'étois dans un lieu élevé, & le soleil se couchoit dans une gorge de montagne, ensorte qu'il me paroissoit fort abaissé au - dessous de mon horison; le ciel étoit serein, à l'exception du couchant, qui quoiqu'exempt de nuages, étoit chargé d'un rideau transparent de vapeurs d'un jaune rougeâtre; le soleil lui - même étoit fort rouge, & sa grandeur apparente au moins quadruple de ce qu'elle est à midi: je vis donc très - distinctement les ombres des arbres qui étoient à vingt ou trente piés de la muraille blanche, colorées d'un verd tendre tirant un peu sur le bleu; l'ombre d'un treillage qui étoit à trois piés de la muraille, étoit parfaitement dessinée sur cette muraille, comme si on l'avoit nouvellement peinte en verd - de - gris: cette apparence dura près de cinq minutes, après quoi la couleur s'affoiblit avec la lumiere du soleil, & ne disparut entierement qu'avec les ombres. Le lendemain au lever du soleil, j'allai regarder d'autres ombres sur une autre muraille blanche; mais au lieu de les trouver vertes comme je m'y attendois, je les trouvai bleues, ou plûtôt de la couleur de l'indigo le plus vif: le ciel étoit serein, & il n'y avoit qu'un petit rideau de vapeurs jaunâtres au levant; le soleil se levoit sur une colline, ensorte qu'il me paroissoit élevé au - dessus de mon horison; les ombres bleues ne durerent que trois minutes, après quoi elles me parurent noires: le même jour je revis au coucher du soleil les ombres vertes, comme je les avois vûes la veille. Six jours se passerent ensuite sans pouvoir observer les ombres au coucher du soleil, parce qu'il étoit toùjours couvert de nuages: le septieme jour je vis le soleil à son coucher; les ombres n'étoient plus vertes, mais d'un beau bleu d'azur; je remarquai que les vapeurs n'étoient pas fort abondantes, & que le soleil ayant avancé pendant sept jours, se couchoit derriere un rocher qui le faisoit disparoître avant qu'il pût s'abaisser au - dessous de mon horison. Depuis ce tems j'ai trè - souvent observé les ombres, soit au lever soit au coucher du soleil, & je ne les ai vûes que bleues, quelquefois d'un bleu fort vif, d'autres fois d'un bleu pâle, d'un bleu foncé; mais constamment bleues, & tous les jours bleues ». (O)

Couleurs passantes, nom que quelques auteurs donnent aux couleurs qui se déchargent ou ne sont pas de longue durée, comme celles de l'arc - en - ciel, des nuages avant ou après le coucher du soleil, &c. Voyez Couleur, &c.

Les couleurs passantes sont la même chose que celles qu'on appelle couleurs fantastiques ou emphatiques, &c. On dit d'une piece de drap que sa couleur est pas<pb-> [p. 333] sante, pour dire qu'elle change promptement & se flétrit à l'air. Chambers.

COULEUR (Page 4:333)

* COULEUR, dans les Arts. Les artistes qui font le plus grand usage des couleurs, sont les Peintres, les Teinturiers & les Vernisseurs. Les Peintres les appliquent ou sur la toile, ou sur le bois, ou sur le verre, ou sur les autres corps transparens; ou sur l'ivoire, ou sur d'autres corps solides & opaques; ou sur l'émail, ou sur la porcelaine, ou sur la fayence, ou sur la terre. Voyez la préparation & l'emploi de ces couleurs, aux articles Peinture, Email, Fayence, Porcelaine, Poterie de terre, Verre , &c. & aux articles Teinture & Vernis.

Couleur (Page 4:333)

Couleur, en terme de Bijoutier, est un mêlange de différens acides qui appliqués sur l'or & mis au feu avec lui, détruisent l'esset des vapeurs noires que l'alliage y excite lors de la cuisson, & lui restitue la couleur jaune ou mate qui lui est naturelle. C'est une opération indispensable dans les ouvrages gravés ou ciselés, pour donner aux ornemens & figures ce beau mat qui les détache du fond de l'ouvrage, quand ce fond est poli; ou qui détache le fond des ornemens, quand celui - ci est pointillé, & que les reliefs sont polis. Il y a deux sortes de mélanges d'acide, connus sous le nom commun de couleur. Le premier, qu'on appelle tirepoil, est composé de sel marin ou commun, de salpetre & d'alun. Le second, de sel commun, de verd - de - gris & de vinaigre, & ne s'employe que sur les ouvrages qui ne pourroient soûtenir un grand degré de chaleur, sans être risqués: on nomme celui - ci verdet.

Pour faire l'opération du tirepoil, on saupoudre la piece du mêlange de ce nom; après l'avoir bien fait dégraisser, on la pose sur un feu vif; on l'y laisse jusqu'à ce que le mélange entierement fondu, se soit réduit en croute: alors on la retire, on la laisse refroidir, & l'on détache la croûte avec une brosse & de l'eau bien chaude.

L'opération du verdet differe peu de celle du tirepoil; on enduit la piece de ce mélange délayé dans le vinaigre; on l'expose à un feu doux, jusqu'à ce que le mêlange soit séché: alors on lave la piece avec de l'urine. Cette couleur est assez belle, mais elle ne dure pas. On l'employe principalement dans les ouvrages émaillés, où la force des acides du tirepoil, & la violence du feu qu'il exige, pourroient faire éclater l'émail. Quand on est forcé de mettre des pieces émaillées au tirepoil, on les étouffe avec précipitation au sortir du feu: cette opération est périlleuse, & s'acheve rarement sans que l'émail ait souffert.

Couleur locale (Page 4:333)

Couleur locale, est en Peinture celle qui par rapport au lieu qu'elle occupe, & par le secours de quelqu'autre couleur, représente un objet singulier, comme une carnation, un linge, une étoffe, ou quelqu'autre objet distingué des autres. Elle est appellée locale, parce que le lieu qu'elle occupe l'exige telle, pour donner un plus grand caractere de vérité aux couleurs qui lui sont voisines. M. de Piles, cours de Peint. par princ. p. 304.

La couleur locale est soumise à la vérité & à l'effet des distances; elle dépend donc d'une vérité tirée de la perspective aërienne. (R)

Couleurs rompues (Page 4:333)

Couleurs rompues, en Peinture, est un mêlange de deux ou plusieurs couleurs, qui tempere le ton de celle qui paroît principalement; elle n'est pas si brillante, mais elle fait briller les autres, qui lui donnent réciproquement de l'effet: c'est elle qui en corrige & attendrit la crudité.

Couleurs rompues est synonyme avec demi - teintes. Voyez Demi - Teintes.

Les couleurs tirent leur effet des oppositions. Il y a telle couleur rompue qui n'est pas fourde; un grand harmoniste sait souvent les rendre brillantes: il les rompt, parce qu'èlles seroient trop hautes s'il les employoit pures. (R)

Couleur (Page 4:333)

Couleur (bonne). Lorsqu'on dit qu'un tableau est de bonne couleur, cela ne signifie pas que les couleurs en soient d'une matiere plus exquise que celles d'un autre, mais que le choix dans la distribution en est meilleur. (R)

Couleur (Page 4:333)

Couleur (belle), se dit en Peinture de tous les objets bien coloriés, mais particulierement en parlant des ciel, lointains, arbres, draperies, &c. C'est un terme que l'on substitue à celui de bien colorié, dont on ne se sert guere qu'en parlant des carnations. V. Coloris, de Piles, & le Dict. de Peint. (R)

Couleur (Page 4:333)

Couleur, (mettre en) en terme de Doreur; c'est peindre d'une couleur apprêtée, les endroits d'une piece où la sanguine n'a pû entrer, ou d'autres endroits réservés pour cela.

Mettre en couleur est aussi faire sortir le jaune de l'or à la surface; ce qui se fait par le moyen d'une composition que l'on applique sur la piece d'or, que l'on fait chauffer ensuite sur le feu, jusqu'à ce que les matieres appliquées soient fondues & calcinées. Voyez Couleur, terme de Bijoutier. C'est cette opération que fait l'ouvrier représenté Pl. du Doreur, fig. 9. (D)

Couleur (Page 4:333)

Couleur, terme de Rubrique usité dans les Eglises greque & latine, pour distinguer les offices des différens mysteres, & des différentes fêtes qu'on y célebre.

Dans l'Eglise latine il n'y a régulierement que cinq couleurs, le blanc, le rouge, le verd, le violet, & le noir.

Le blanc est pour les mysteres de Notre Seigneur, les fêtes de la sainte Vierge, des anges, des vierges, &c.

Le rouge, à Paris, pour les fêtes du saint Esprit, les solennités du saint Sacrement, les offices de la Passion, les fêtes des apôtres & des martyrs; mais où l'on suit le bréviaire romain, on se sert du blanc aux solennités du S. Sacrement.

Le verd, à Paris, pour celles des pontifes, docteurs, abbés, moines, &c. A Rome c'est du blanc, do même que pour les veuves.

Le violet sert en avent & en carême, aux vigiles, aux rogations, aux quatre - tems, & dans tous les tems de pénitence.

Enfin le noir ne sert que dans les offices des morts, les services pour le repos de leurs ames, & dans toutes les cérémonies lugubres. On s'en sert aussi à la distribution des cendres.

Les étoffes d'or & d'argent., & les broderies, servent indifféremment dans toutes les solennités.

Les Grecs modernes ne font plus guere d'attention à cette distinction des couleurs. Le rouge servoit parmi eux à Noël & aux enterremens. Les Anglicans dans leur liturgie ont aussi aboli les couleurs, à l'exception du noir, qui est encore en usage aux enterremens. (G)

Couleur (Page 4:333)

Couleur, (Medecine.) Les changemens dans la couleur de la peau, sont un signe diagnostic de certaines maladies. La rougeur du visage est d'ordinaire une marque de pulmonie, si d'ailleurs le sujet est maigre, attaqué de toux, & d'oppression ou difficulté de respirer.

La couleur jaune plus ou moins foncée, est un signe d'obstructions dans le foie, des vapeurs mélancholiques & hystériques; & un symptome presque caractéristique de l'affection hypocondriaque.

La couleur pâle est le signe de la suppression des regles, de la chlorose, & de la cacochymie même dans les deux sexes.

La couleur rouge jointe à la chaleur, à la sécheresse & à la rigidité de la peau, sont un signe de dé<pb->

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