ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"282"> sont odieuses, on les restrcint aux travaux serviles de la campagne: c'est pourquoi par arrêt rendu en la tournelle civile le 13 Août 1735, on jugea qu'un notaire n'étoit point tenu, pendant les jours de corvée, de recevoir à ce titre tous les actes du seigneur, quoique l'aveu portàt que chaque habitant devoit trois jours de corvées de son métier, comme le laboureur de sa charrue, &c.

On tient communément en pays de droit écrit, que toutes corvées y sont imprescriptibles, si ce n'est du jour de la contradiction. La raison est que dans ces pays elles sont seigneuriales; mais pour leur donner ce privilége d'être imprescriptibles, il faut qu'elles tiennent lieu de cens, autrement la prescription est toûjours favorable de la part des corvéables.

En pays coûtumier, les corvées à volonté ne se prescrivent que du jour de la contradiction, parce que ce sont des droits de pure faculté, qui ne se perdent point par le nonusage, à moins que le seigneur n'eût été cent ans sans en être servi.

Pour ce qui est des autres corvées, soit réelles ou personnelles, elles se prescrivent par trente ou quarante ans, de même que toutes actions & droits personnels ou réels. Les servitudes sont odieuses, la liberté au contraire est toûjours favorable.

Les corvéables sont obligés de se fournir des outils & instrumens nécessaires à la corvée qu'ils doivent; ils sont aussi obligés de se nourrir à leurs dépens pendant le tems même de la corvée: tel est l'usage le plus général du pays coûtumier, à moins que le titre ou la coûtume du lieu ne soit contraire, telles que les coûtumes d'Auvergne & de la Marche, & quelques autres voisines des pays de droit écrit. Si le titre paroît charger le seigneur, il doit être interprété favorablement pour les habitans, qui sont déjà assez grevés de travailler gratuitement, pour qu'il soit juste de la part du seigneur de les nourrir, pour peu que la coûtume ou le titre y incline.

A l'égard des chevaux, boeufs & autres bêtes de labour ou de somme que le corvéable fournit, c'est au seigneur à les nourrir pendant la corvée.

Les corvées ne doivent être acquittées en général que dans les limites de la seigneurie ou justice à laquelle elles sont dûes; il y en a cependant quelquesunes, telles que la dohade ou vinade que le corvéable doit faire même hors les limites, mais toûjours de maniere qu'elle se puisse faire sans découcher. Cela dépend au surplus des termes de la coûtume, des titres & de la possession.

Quand les corvées sont dûes avec charroi & bestiaux, si les corvéables n'en ont pas, ils sont obligés de les faire avec une bête de somme, s'ils en ont une; ou s'ils n'en ont pas non plus, de faire ce qu'ils peuvent avec leurs bras.

Toutes les corvées, soit dé fief ou de justice, réelles ou personnelles, ne sont point dûes qu'elles ne soient demandées; elles ne tombent point en arrérages que du jour de la demande, depuis lequel tems on les évalue en argent: hors ce cas, il n'est pas permis au seigneur de les exiger en argent.

Il y a seulement une exception pour le fermier du domaine, à l'égard duquel on a évalué les charrois à 20 sols, & chaque manoeuvre ou corvée de bras, à 5 sols.

Quoique les corvées à merci ou à volonté annoncent un droit indéfini de la part du seigneur, il ne lui est pas permis cependant d'en abuser pour vexer ses sujets; non - seulement il ne peut en demander que pour son usage, mais elles doivent être reglées modérément, arbitrio boni viri. Si la coûtume n'en détermine pas le nombre, on les fixe ordinairement à douze par an. En Pologne les paysans travaillent cinq jours de la semaine pour leur seigneur, & le dimanche & le lundi pour eux.

Le droit du seigneur, par rapport aux corvées, est un usage personnel, de sorte qu'il ne peut le céder à un autre.

Pour ce qui est des exemptions qui peuvent avoir lieu en faveur de certaines personnes, les ecclésiastiques & les nobles sont exempts des corvées personnelles, dont le ministere est vil & abject; mais quant aux corvées réelles, personne n'en est exempt, parce que c'est le fonds qui doit: ainsi les ecclésiastiques & les nobles y sont sujets comme les autres; ils doivent fournir un homme à leur place, ou payer l'estimation de la corvée en argent.

Il ne nous reste plus qu'à donner dans les subdivisions suivantes, une notion sommaire des différentes sortes de corvées.

Corvée d'animaux, est celle où le sujet est tenu de fournir son boeuf, cheval ou âne, soit pour labourer les terres du seigneur, ou pour voiturer quelque chose pour lui. Le corvéable est quelquefois tenu de mener lui - même ses bêtes, & de les faire travailler: cela dépend du titre.

Corvées artificielles, en latin artificiales seu fabriles, sont celles qui consistent à faire quelqu'oeuvre servile pour le seigneur, comme de faucher ou faner ses foins, labourer ses terres ou ses vignes, scier ses bleds, & autres ouvrages semblables.

Corvées à bras, sont celles où le corvéable n'est tenu de fournir que ses bras, c'est - à - dire le travail de ses mains, à la différence de celles où le corvéable doit fournir quelque bête de somme, ou une charrette ou autre ustensile.

Corvée de charroi, est celle qui consiste à fournir quelques voitures, & à charroyer quelque chose pour le seigneur. Voyez Charroi.

Corvées de convention, sont celles qui sont fondées sur une convention expresse ou tacite, faite entre le seigneur & les corvéables; elle est expresse, quand on rapporte le titre originaire; tacite, lorsqu'il y a un grand nombre de reconnoissances conformes les unes aux autres, antérieures à la réformation des coûtumes, & soûtonues d'une possession constante & non interrompue, qui font présumer un titre constitutif consenti par les habitans, soit en acceptant les clauses d'un affranchissement, soit en acceptant des communes, ou pour quelqu'autre cause légitime.

Corvées de corps, sont celles où le corvéable est obligé de travailler de son corps & de ses bras à quelqu'oeuvre servile, comme de faner, labourer, scier, vendanger, &c. Toutes corvées en général sont de leur nature des corvées de corps; il y en a néanmoins où le corvéable n'est pas censé travailler de corps, telles que les corvées obséquiales, où il est seulement obligé d'accompagner son seigneur, ou lorsqu'il est seulement tenu de lui fournir quelques bêtes de somme ou voitures pour faire des charrois.

Corvées fabriles, du latin fabriles, sont les mêmes que les corvées artificielles ou d'oeuvre servile.

Corvées de fief, sont celles qui ont été reservées par le seigneur par le bail à cens ou autre concession par lui faite aux habitans, à la différence des corvées de justice, qui sont imposées en conséquence de la puissance publique que le seigneur a comme haut-justicier.

Corvées d'hommes & de femmes, sont celles qui sont dûes par tête de chaque habitant, & non par feu & par ménage, ni à proportion des fonds.

Corvées de justice, ou dûes au seigneur à cause de la justice; il y en a en Auvergne, en Languedoc, en Bourbonnois. Voyez ci - devant Corvées de sief.

Corvées à merci ou à volonté, sont celles que le [p. 283] seigneur peut exiger quand bon lui semble, & pendant tout le tems qu'il en a besoin, sans que le tems ni le nombre en foit limité. La jurisprudence des arrêts les réduit néanmoins à douze par an.

Corvées mixtes, sont celles qui sont en partie réelles & en partie personnelles; il y en a peu qui soient véritablement mixtes: car elles sont naturellement ou réelles, c'est - à - dire dûes à cause des fonds; ou personnelles, c'est - à - dire dûes par les habitans, comme habitans: cependant on en distingue deux sortes de mixtes; savoir, les réelles mixtes, telles que les corvées à bras, dûes par les détenteurs des fonds qui en peuvent être chargés; & les mixtes personnelles, qui sont dûes par chaque habitant, comme habitant, mais par charrois & par chevaux; ce qui a toûjours rapport au plus ou moins de fonds qu'il fait valoir.

Corvées obséquiales, sont celles qui consistent en certains devoirs de déférence envers le seigneur, telles que celles qui étoient dûes aux patrons chez les Romains, & qui consistoient à adesse patrono, comitari patronum.

Corvées officieuses ou officiales, en latin officiales, sont la même chose que les corvées obséquiales; elles sont opposées à celles qu'on appelle fabriles.

Corvées particulieres, voyez ci - après Corvées publiques.

Corvées personnelles. Toutes corvées sont dûes par des personnes; mais on entend sous ce nom celles qui sont dûes principalement par la personne, c'est - à - dire par l'habitant, comme habitant, & indépendamment des fonds, soit qu'il en possede ou qu'il n'en possede pas. Voyez ci - devant Corvées mixtes, & ci - après Corvées réelles.

Corvées publiques, sont celles qui sont dûes pour quelques travaux publics, comme pour construire ou réparer des ponts, chaussées, chemins, &c. à la différence des corvées qui sont dûes au seigneur pour son utilité particuliere. Voyez plus bas Corvée, Ponts & Chaussées. (A)

Corvées réelles; sont celles que le sujet doit à cause de quelque fonds qu'il possede en la seigneurie. Voyez ci - devant Corvées mixtes & personnelles.

Corvées seigneuriales, sont celles qui sont stipulées dans les terriers ou reconnoissances, comme un droit du fief, ou comme un droit de justice, à la différence de celles qui peuvent être imposées par convention sur des fonds.

Corvées taillablieres, sont celles qui procedent de la taille réelle, & que l'on regarde elles - mêmes comme une taille. Ces sortes de corvées ont lieu dans les coûtumes de Bourbonnois & de la Marche. En Bourbonnois celles qui procedent de la taille personnelle, & sur le chef franc ou serf, le corvéable doit quatre charrois par an; ou s'il n'a point de charrette & de boeufs, il doit quatre corvées à bras; au lieu que les corvées qui procedent de la taille réelle & à cause des héritages, & que l'on appelle taillablieres, sont reglées à trois charrois par an; ou, à défaut de charrois, à trois corvées à bras.

Corvées à terrier, sont les corvées seigneuriales qui sont établies par le bail à fief, & relatives dans le terrier.

Corvées a volonté, voyez ci - devant Corvées à merci. Voyez la biblioh. de Bouchel, le glossaire de M. de Lauriere, au mot Corvées, & la conférence des coûtumes; le traité des Corvées de M. Guyot, tome I. des fiefs; Henris, tome I. liv. III. ch. iij. quest. 32 & 33. Despeisses, tome III. p. 207. (A)

Corvée (Page 4:283)

Corvée, (Ponts & Chaussées.) La corvée est un ouvrage public, que l'on fait faire aux communautés, aux particuliers, desquels on demande dans les saisons mortes, quelques journées de leur tems sans salaire. Une telle condition est dure sans doute pour chacun de ces particuliers; elle indique par conséquent toute l'importance dont il est de les bien conduire, pour tirer des jours précieux qu'on leur demande sans salaire le plus d'utilité que l'on peut, afin de ne point perdre à la fois & le tems du particulier, & le fruit que l'état en doit retirer.

On peut donc établir sur cette seule considération, que la perfection de la conduite des corvées doit consister à faire le plus d'ouvrage possible dans le moins de tems possible; d'où il s'ensuit qu'il faut de toutes les voies choisir la plus prompte & la plus expéditive, comme celle qui doit être la meilleure.

On n'a déjà que trop éprouvé en plusieurs provinces, qu'une corvée languissante étoit un fardeau immense sur les particuliers, & une servitude dans l'état, qui sans produire le fruit que l'on avoit en vûe, fatiguoit sans cesse les peuples, & gênoit pendant un grand nombre d'années la liberté civile des citoyens. Il suffit, pour en être plus convaincu, de joindre à un peu d'expérience, quelques sentimens de commisération pour les peuples. Il ne s'agit donc que de chercher quelle est la méthode qui répond le mieux à ces principes, premierement pour la distribution & la conduite des travaux, & ensuite pour la police avec laquelle on doit régir les travailleurs.

De la conduite & distribution des travaux. Toutes les actions des hommes ont un mobile; l'argent & l'intérêt sont ceux qui les conduisent aux travaux, mais ce sont des mobiles dont les corvées sont privées; il a fallu y en substituer d'autres pour tenir lieu de ceux - là. Ceux qui ont été reconnus devoir être employés, sont les tâches que l'on donne & qu'il faut indispensablement donner aux corvoyeurs; on a vû que c'étoit l'unique moyen de les intéresser au progrès de l'ouvrage, & de les engager à travailler d'eux - mêmes avec diligence, pour se décharger promptement du fardeau qui leur étoit imposé. Ces tâches font ordinairement naître une telle émulation au milieu d'un attelier si ingrat pour celui qui y travaille, qu'il y a eu des corvées si bien conduites, que leur progrès l'emportoit même sur celui des travaux à prix d'argent.

On peut distribuer ces tâches de différentes manieres, & c'est le choix que l'on en doit faire qu'on aura ici particulierement en vûe; parce que l'on doit encore se servir de ce moyen avec quelques reserves, la distribution de tout un ouvrage public en plusieurs ouvrages particuliers pouvant quelquefois se faire de telle sorte, qu'au lieu d'y trouver l'avantage que l'on y cherche, l'ouvrage public languit & dégenere, parce qu'il change trop de nature.

Un esprit d'équité qu'on ne sauroit trop loüer, joint à l'habitude que l'on a de voir les tailles & les impositions annuelles réparties sur les communautés & reglées pour chaque particulier, est ce qui a fait sans doute regarder les travaux publics comme une autre sorte de taille que l'on pouvoit diviser de même en autant de portions qu'il y avoit d'hommes dans les communautés, sur lesquelles le tout étoit imposé. Rien ne paroît en effet plus naturel, plus simple, & en même tems plus juste que cette idée; cependant elle ne répond point du tout dans l'exécution, au principe de faire le plus d'ouvrage possible dans le moins de tems possible, & de plus elle entraîne des inconvéniens de toute espece.

Il suffiroit pour s'en convaincre de considérer l'état de la route de Tours au Château - du - Loir; cette route a été commencée il y a quinze à dix - huit ans, par conséquent long - tems avant l'arrivée de M. l'intendant & de M. Bayeux dans cette généralité; elle a été divisée en plusieurs milliers de tâches, qui ont été réparties sur tous les particuliers: néanmoins ce n'est encore aujourd'hui qu'avec mille peines qu'on en peut atteindre la fin. On a dû penser vraissem<pb->

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