ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"261"> communauté en approche, mais ce n'est pas la même chose: il n'a pas une signification si étendue.

Une corporation peut être établie de trois facons; savoir, par prescription, par lettres patentes, & par un acte du parlement.

Les corporations (corporation signifie ici communauté) sont ou ecclésiastiques ou laiques; les ecclésiastiques sont ou régulieres, comme les abbayes, les prieurés conventuels, les chapitres, &c. ou séculierés, comme les évêchés, les doyennés, les archidiaconats, les cures, &c & les universités, les colléges & les hôpitaux. Voyez Abbaye, Prieuré, Chapitre , &c. Voyez aussi Hôpital, &c les laïques sont les cités, les villes, les mairies, les bailliages, les compagnies ou sociétés de commerçans, &c. Voyez Compagnie, &c.

De plus, une corporation est ou unique, ou un composé de plusieurs; c'est cette derniere que les jurisconsultes appellent un collége. Voyez Collége. Voyez aussi Communauté.

CORPOREITE (Page 4:261)

* CORPOREITE, s.f. terme de Métaphys. C'est la modification qui forme le degré différentiel dans la définition du corps, ou ce qui constitue un corps, une substance corporelle. Les Antropomorphites attribuoient à Dieu la corporéité.

CORPOREL (Page 4:261)

CORPOREL, adj. (Gramm.) se dit de tout ce qui est relatif au corps considéré sous cette relation; ainsi on dit des qualités corporelles, &c.

CORPORELLES (Page 4:261)

CORPORELLES, (Jurisprud.) choses corporelles. Voyez au mot Choses, & ci - après au mot Droits incorporels.

Corporel (Page 4:261)

Corporel, (Fief.) Voyez Fief. (A)

CORPS (Page 4:261)

CORPS, s.m. (Métaphys. & Physiq.) C'est une substance étendue & impénétrable, qui est purement passive d'elle - même, & indifférente au mouvement ou au repos, mais capable de toute sorte de mouvement, de figure & de forme. Voyez Substance, Solide, Mouvement, &c.

Les corps, selon les Péripatéticiens, sont composés de matiere, de forme & de privation; selon les Epicuriens & les Corpusculaires, d'un assemblage d'atomes grossiers & crochus; selon les Cartésiens, d'une certaine portion d'étendue; selon les Newtoniens, d'un système ou assemblage de particules solides, dures, pesantes, impénétrables & mebiles, arrangées de telle ou telle maniere: d'ou résultent des corps de telle ou telle forme, distingués par tel ou tel nom. Voyez Atome.

Ces particules élémentaires des corps doivent être infiniment dures, beaucoup plus que les corps qui en sont composés, mais non si dures qu'elles ne puissent se décomposer ou se briser. Newton ajoute que cela est nécessaire, afin que le monde persiste dans le même état, & que les corps continuent à être dans tous les tems de la même texture & de la même nature. Voyez Matiere, Particule, Solidité, Dureté , &c.

Il est impossible, selon quelques philosophes, de démontrer l'existence des corps. Voici, difent - ils, la suite d'argumens par laquelle nous pouvons arriver à cette connoissance.

Nous connoissons d'abord que nous avons des sensations; nous savons ensuite que ces sensations ne dépendent pas de nous, & de - là nous pouvons conclure que nous n'en sommes donc pas la causeabsolue, mais qu'il faut qu'il y ait d'autres causes qui les produisent; ainsi nous commençons à connoître que nous ne sommes pas les seules choses qui existent, mais qu'il y a encore d'autres êtres dans le monde conjointement avec nous, & nous jugeons que ces causes sont des corps réellement existans, semblables à ceux que nous imaginons. Le docteur Clarke prétend que ce raisonnement n'est pas une démonstration suffisante de l'existence du monde corporel. Il ajoûte que toutes les preuves que nous en pouvons avoir, sont fondées sur ce qu'il n'est pas croyable que Dieu permette que tous les jugemens que nous faisons sur les choses qui nous environnent, soient faux. S'il n'y avoit point de corps, dit - on, il s'ensuivroit que Dieu qui nous représente l'apparence des corps, ne le feroit que pour nous tromper. Voici ce que dit là - desfus le philosophe dont nous parlons. « Il est évident, s'objecte - t - il, que Dieu ne peut pas nous tromper; & il est évident qu'il nous tromperoit à chaque instant, s'il n'y avoit point de corps: il est donc évident qu'il y a des corps. On pourroit, selon quelques philosophes, nier la mineure de cet argument.»

En effet, quand même il seroit possible qu'il existât des corps, c'est - à - dire des substances solides, figurées, &c. hors de l'esprit, & que ces corps fussent analogues aux idées que nous avons des objets extérieurs, comment nous seroit - il possible avec cela de les connoître ? Il faudroit que nous eussions cette connoissance ou par les sens, ou par la raison. Par nos sens, nous avons seulement la connoissance de nos sensations & de nos idées; ils ne nous montrent pas que les choses existent hors de l'esprit telles que nous les appercevons. Si donc nous avons connoissance de l'existence des corps extérieurs, il faut que ce soit la raison qui nous en assûre, d'après la perception des sens. Mais comment la raison nous montrera - t - elle l'existence des corps hors de notre esprit ? Les partisans même de la matiere nient qu'il puisse y avoir aucune connexion entr'elle & nos idées. En effet on convient des deux côtés (& ce qui arrive dans les songes, dans les phrénésies, les délires, les extases, en est une preuve incontestable), que nous pouvons être affectés de toutes les idées que nous avons, quoiqu'il n'existe point hors de nous de corps qui leur ressemblent. De - là il est évident que la supposition des corps exterieurs n'est pas nécessaire pour la production de nos idées. Si donc nous avons tort de juger qu'il y ait des corps, c'est notre faute, puisque Dieu nous a fourni un moyen de suspendre notre jugement. Voici encore ce que dit à ce sujet le docteur Berckley, Principes de la connoissance humaine, p. 59. « En accordant aux Matérialistes l'existence des corps extérieurs, de leur propre aveu ils n'en connoîtront pas davantage comment nos idées se produisent, puisqu'ils avouent eux - mêmes qu'il est impossible de comprendre comment un corps peut agir sur un esprit, ou comment il se peut faire qu'un corps y imprime aucune idée; ainsi la production des idées & des sensations dans notre esprit, ne peut pas être la raison pour laquelle nous supposons des corps ou des substances corporelles, puisque cela est aussi inexpliquable dans cette supposition que dans la contraire. En un mot, quoiqu'il y eût des corps extérieurs, il nous seroit cependant impossible de savoir comment nous les connoissons; & s'il n'y en avoit pas, nous aurions cependant la même raison de penser qu'il y en a que nous avons maintenant.» Id. ibid. pag. 60. 61.

« Il ne sera pas inutile de réfléchir un peu ici sur les motifs qui portent l'homme à supposer l'existence des substances matérielles. C'est ainsi que voyant ces motifs cesser & s'évanoüir par degrés, nous pourrons nous déterminer à refuser le consentement qu'ils nous avoient arraché. On a donc crû d'abord que la couleur, la figure, le mouvement & les autres qualités sensibles, existoient réellement hors de l'esprit; & par cette même raison il sembloit nécessaire de supposer une substance ou sujet non pensant, dans lequelces qualités existassent, puisqu'on ne pouvoit pas concevoir qu'elles existassent par elles - mêmes. Ensuite étant con<pb-> [p. 262] vaincus que les couleurs, les sons & les autres qualités secondaires & sensibles, n'avoient point leur existence hors de l'esprit, on a dépoüillé ce sujet de ces qualités, en y laissant seulement les premieres, comme la figure, le mouvement, &c. qu'on a conçû toûjours exister hors de l'esprit, & conséquemment avoir besoin d'un support matériel. Mais comme il n'est pas possible (c'est toújours Berckley qui parle), qu'aucune de ces qualités existe autrement que dans l'esprit qui les apperçoit, il s'ensuit que nous n'avons aucune raison de supposer l'existence de la matiere.» Id. ibid. p. 115. 119. Voyez Qualité, Existence.

Voilà en substance les raisons du docteur Berckley. Leibnitz ajoûte que quand nous examinons les propriétés des corps, telles que nous les concevons, ces propriétés paroissent renfermer contradiction. De quoi les corps sont - ils composés, peut - on se demander? Qu'on cherche tant qu'on voudra une réponse à cette question, on n'en trouvera point d'autre, sinon que les corps sont eux - mêmes composés d'autres petits corps. Mais ce n'est pas là répondre, car la difficulté reste toûjours la même, & on redemandera ce qui forme les corps composans. Il semble qu'il en faille venir à quelque chose qui ne soit point corps, & qui cependant forme les corps que nous voyons. Mais comment cela est - il possible? On peut faire la même objection sur la cause de la dureté, qui tient de près à celle de l'impénétrabilité. Ces deux propriétés, ainsi que le mouvement & la divisibilité de la matiere, sont sujettes à des difficultés très - fortes. Cependant le penchant que nous avons à croire l'existence des corps, sur le rapport de nos sensations, est si grand, qu'il seroit fou de ne s'y pas livrer, & c'est peut - être le plus grand argument par lequel on puisse prouver que ce penchant nous vient de Dieu même: aussi personne n'a - t - il jamais révoqué vraiment en doute l'existence des corps. Au reste cette opinion de Berckley est encore exposée dans un ouvrage intitulé Dialogues entre Hilas & Philonoüs (ami de l'esprit). Il a été traduit depuis quelques années en françois par un homme d'esprit, métaphysicien subtil & profond. On voit à la tête d'un de ces dialogues, une vignette du traducteur extrèmement ingénieuse. Un enfant voit son image dans un miroir, & court pour la saisir, croyant voir un être réel; un philosophe qui est derriere lui, paroît rire de la méprise de l'enfant; & au bas de la vignette on lit ces mots adressés au philosophe: Quid rides? fabula de te narratur.

Le principal argument du docteur Berckley, & proprement le seul sur lequel roule tout l'ouvrage dont nous parlons, est encore celui - ci: « Notre ame étant spirituelle, & les idées que nous nous formons des objets, n'ayant rien de commun ni d'analogue avec ces objets mêmes, il s'ensuit que ces idées ne peuvent être produites par ces objets. L'objet d'une idée ne peut être qu'une autre idée, & ne sauroit être une chose matérielle; ainsi l'objet de l'idée que nous avons des corps, c'est l'idée même que Dieu a des corps: idée qui ne ressemble en rien aux corps, & ne sauroit leur ressembler.» Voilà, comme l'on voit, le Malebranchisme tout pur, ou du moins à peu de chose près. L'auteur fait tous ses efforts pour prouver que son sentiment differe beaucoup du systême du P. Malebranche; mais la différence est si subtile, qu'il faut être métaphysicien bien déterminé pour l'appercevoir. Le P. Malebranche, intimement persuadé de son système des idées & de l'étendue intelligible, étoit fermement convaincu que nous n'avons point de démonstration de l'existence des corps; il employe un grand chapitre de son ouvrage à le prouver Il est vrai qu'il est un peu embarrassé de l'objection tirée de la réalité de la révélation, & il faut avoüer qu'on le seroit à moins; car s'il n'est pas démontré qu'il y ait des corps, il ne l'est pas que J. C. soit venu, qu'il ait fait des miracles, &c. aussi le Pere Malebranche a - t - il de la peine à se tirer de cette difficulté. L'imagination de ce philosophe, souvent malheureuse dans les principes qu'elle lui faisoit adopter, mais assez conséquente dans les conclusions qu'il en tiroit, le menoit beaucoup plus loin qu'il n'auroit voulu lui - même; les principes de religion dont il étoit pénétré, plus forts & plus solides que toute sa philosophie, le retenoient alors sur le bord du précipice. Les vérités de la religion sont donc une barriere pour les philosophes: ceux qui les ayant consultées ne vont pas au - delà des bornes qu'elles leur prescrivent, ne risquent pas de s'égarer.

Berckley se propose une autre difficulté qui n'est pas moins grande que celle de la révélation: c'est la création, dont le premier chapitre de la Genese nous fait l'histoire. S'il n'y a point de corps, qu'estce donc que cette terre, ce soleil, ces animaux que Dieu a créés? Berckley se tire de cette difficulté avec bien de la peine & avec fort peu de succès, & voilà le fruit de toute sa spéculation métaphysique; c'est de contredire ou d'ébranler les vérités fondamentales. Il est fort étrange que des gens qui avoient tant d'esprit, en ayent abusé à ce'point; car comment peut - on mettre sérieusement en question s'il y a des corps? Les sensations que nous en éprouvons ont autant de force que si ces corps existoient réellement: donc les corps existent; car eorumdem effectuum eadem sunt causoe. Mais nous ne concevons pas, dit - on, l'essence des corps, ni comment ils peuvent être la cause de nos sensations. Et concevez - vous mieux l'essence de votre ame, la création, l'éternité, l'accord de la liberté de l'homme & de la science de Dieu, de sa justice & du peché originel, & mille autres vérités dont il ne vous est pourtant pas permis de douter, parce qu'elles sont appuyées sur des argumens incontestables? Taisez - vous donc, & ne cherchez pas à diminuer par des sophismes subtils, le nombre de vos connoissances les plus claires & les plus certaines, comme si vous en aviez déjà trop.

Nous avons exposé, quoique fort en abrégé, dans leDiscours préliminaire de l'Ency clopédie, p. ij. comment nos sensations nous prouvent qu'il y a des corps. Ces preuves sont principalement fondées sur l'accord de ces sensations, sur leur nombre, sur les effets involontaires qu'elles produisent en nous, comparés avec nos réflexions volontaires sur ces mêmes sensations. Mais comment notre ame s'élance - t - elle, pour ainsi dire, hors d'elle - même, pour arriver aux corps? Comment expliquer ce passage? Hoc opus, hic labor est.

Nous avancerons donc dans cet article comme un principe inébranlable, malgré les jeux d'esprit des philosophes, que nos sens nous apprennent qu'il y a des corps hors de nous. Dès que ces corps se présentent à nos sens, dit M. Musschenbroeck, notre ame en reçoit ou s'en forme des idées qui représentent ce qu'il y a en eux. Tout ce qui se rencontre dans un corps, ce qui est capable d'affecter d'une certaine maniere quelqu'un de nos sens, de sorte que nous puissions nous en former une idée, nous le nommons propriété de ce corps. Lorsque nous rassemblons tout ce que nous avons ainsi remarqué dans les corps, nous trouvons qu'il y a certaines propriétés qui sont communes à tous les corps; & qu'il y en a d'autres encore qui sont particulieres, & qui ne conviennent qu'à tels ou tels corps. Nous donnons aux premieres le nom de propriétés communes; & quant à celles de la seconde sorte, nous les appellons simplement propriétés.

Parmi les propriétés communes il y en a quel<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.