ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"235"> galeres, on les nomme des gummes, ou simplement des cordages de fonde; parce qu'on dit en italien, en espagnol, & en provençal, dare fondo, dar fondo, donner fonde, pour dire mouiller.

Suivant l'idée générale que nous venons de donner des grelins, il est clair qu'il suffit pour les faire, de mettre des aussieres sur les manivelles du chantier & du quarré, comme on mettroit des torons, de tourner ces manivelles dans le sens du tortillement des aussieres, jusqu'à ce qu'elles ayent acquis l'élasticité qu'on juge leur être nécessaire, de réunir les aussieres à une seule grande manivelle par le bout qui répond au quarré, de placer le toupin à l'angle de réunion des torons, de l'amarrer sur son chariot, & enfin de commettre ce cordage comme nous avons dit qu'on commettoit les grosses aussieres. C'est à quoi se réduit la pratique des Cordiers pour faire des grelins de toute sorte de grosseur. Il est seulement bon de remarquer que, quoiqu'exactement parlant les grelins soient composés d'aussieres, néanmoins les Cordiers nomment cordons les aussieres qui sont destinées à faire des grelins: ainsi lorsque nous parlerons des cordons, il faut concevoir que ce sont de vraies aussieres, mais qui sont destinées à être commises les unes avec les autres pour en faire des grelins. De cette façon les torons sont composés de fils simplement tortillés les uns sur les autres; les cordons sont formés de torons commis ensemble, & les grelins de cordons commis les uns avec les autres. On appelle souvent cabler, lorsqu'on réunit ensemble plusieurs cordons, au lieu qu'on se sert du terme de commettre lorsqu'on réunit des torons. Il est bon d'expliquer ces ermes, pour se faire mieux entendre des ouvriers.

Les grelins ont plusieurs avantages sur les aussicres. 1°. On commet deux fois les cordages en grelin, afin que lorsqu'ils auront à souffrir quelque frottement violent, les fibres du chanvre soient tellement entrelacées & embarrassées les unes dans les autres, qu'elles ne puissent se dégager facilement: quelques fils viennent - ils à se rompre, la corde est à la vérité affoiblie en cet endroit; mais comme ces fils sont tellement serrés par les cordons qui passent dessus, qu'ils ne peuvent se séparer plus avant, il n'y a que ce seul endroit de la corde qui souffre, tout le reste du cable est aussi fort qu'auparavant; & il n'y a pas à craindre que cet accident le rende défectueux dans les autres parties de la longueur du cordage, duquel on peut se servir après avoir retranché la partie endommagée, supposé qu'elle le soit au point qu'on craignit que le cable ne pût résister dans cet endroit aux efforts qu'il est obligé d'essuyer.

2°. Les Cordiers prétendent, aussi - bien que la plûpart des marins, que l'eau de la mer dans laquelle ces cordages sont presque toûjours plongés, pénétreroit avec plus de facilité dans l'interieur des cables, si on les commettoit en aussiere, & que cela les feroit pourrir plus aisément. Nous ne croyons pas que ce soit la façon de commettre les cordages qui les rend moins perméables à l'eau: il ne faut pas nier que l'eau pénétrera plus promptement & plus abondamment dans un cordage qui sera commis mollement, que dans un qui sera fort dur; mais cette circonstance peut regarder les cordages commis en grelin, comme ceux qui le seroient en aussiere: aussi estce sur une meilleure raison que nous croyons les grelins préférables aux aussieres.

3°. Nous avons prouvé qu'il étoit avantageux de multiplier le nombre des torons; 1°. parce qu'un toron qui est menu, se commet par une moindre force élastique qu'un toron qui est gros; 2°. parce que plus un toron est menu, & moins il y a de différence entre la tension des fils qui sont au centre du toron, & la tension de ceux de la circonférence: le plus sûr moyen de multiplier le nombre des torons, est de faire les cordages en grelin, puisqu'il ne paroît pas qu'on puisse faire des aussieres avec plus de six torons, au lieu que le plus simple de tous les grelins en a neuf; & on seroit maître de multiplier les torons dans un gros cable presqu'à l'infini. On peut faire des grelins avec toute sorte d'aussieres, & les composer d'autant de cordons qu'on met de torons dans les aussieres; ainsi on peut faire des grelins,

        Nombre des Nom des torons de  Somme totale des
         cordons.     chaque cordon.     torons du grelin.
    1       à     3  . . . . . .  3  . . . . . .   9
    2             4  . . . . . .  3  . . . . . .  12
    3             3  . . . . . .  4  . . . . . .  12
    4             3  . . . . . .  5  . . . . . .  15
    5             5  . . . . . .  3  . . . . . .  15
    6             4  . . . . . .  4  . . . . . .  16
    7             3  . . . . . .  6  . . . . . .  18
    8             6  . . . . . .  3  . . . . . .  18
    9             4  . . . . . .  5  . . . . . .  20
   10             5  . . . . . .  4  . . . . . .  20
   11             4  . . . . . .  6  . . . . . .  24
   12             6  . . . . . .  4  . . . . . .  24
   13             5  . . . . . .  5  . . . . . .  25
   14             5  . . . . . .  6  . . . . . .  30
   15             6  . . . . . .  5  . . . . . .  30
   16             6  . . . . . .  6  . . . . . .  36

Des archigrelins. Ce n'est pas tout: il seroit possible de faire des cordes commises trois fois; nous les nommerons des archigrelins, c'est - à - dire des grelins composés d'autres grelins: en ce cas, les plus simples de ces archigrelins seroient à vingt - sept torons; & si l'on faisoit les cordons à six torons, les grelins de même à six cordons, & l'archigrelin aussi avec six grelins, on auroit une corde qui seroit composée de 216 torons. On voit par - là qu'on est maître de multiplier les torons tant qu'on voudra. Les cordes en seroient - elles meilleures? J'en doute; il ne seroit guere possible de multiplier ainsi les opérations, sans augmenter le tortillement; & sûrement on perdroit plus par cette augmentation du tortillement, qu'on ne gagneroit par la multiplication des torons; ces cordes deviendroient si roides qu'on ne pourroit les manier, sur - tout quand elles seroient mouillées. D'ailleurs, elles seroient très - difficiles à fabriquer, & par conséquent très - sujettes à avoir des défauts. Mais tous les grelins qu'on fait dans les ports sont à trois cordons, chaque cordon étant composé de trois torons, ce qui fait en tout neuf torons. On en fait aussi, dans l'intention de les rendre plus propres à rouler dans les poulies, qui ont quatre cordons, composés chacun de trois torons; ce qui fait en tout douze torons. Il est naturel qu'on fasse beaucoup de grelins à neuf torons, puisque ce sont les plus simples de tous & les plus faciles à travailler; c'est la seule raison de préférence qu'on puisse appercevoir.

Mais si l'on veut faire des grelins à douze torons, lequel vaut mieux de les faire avec trois cordons qui seroient composés chacun de quatre torons, ou bien de les faire avec quatre cordons qui seroient chacun composés seulement de trois torons? On apperçoit dans chacune de ces pratiques des avantages qui se compensent: le grelin qui sera fait avec quatre cordons sera plus uni, les hélices que chaque cordon décrira seront moins courbes; il restera un vuide dans l'axe de la corde, ou bien les torons se rouleront sur une meche qui empêchera qu'ils ne fassent des plis si aigus; enfin ces grelins seront plus flexibles. Mais les grelins à trois torons auront aussi des avantages: ils n'auront point de meche; les torons qui composeront les cordons seront assez fins, à [p. 236] moins que le cordage ne soit fort gros, pour qu'un cordier médiocrement habile puisse les commettre sans meche: enfin cette derniere espece de grelin sera plus aisée à commettre; ce qui ne doit pas être négligé. Il paroît donc que ces deux especes de grelin ont des avantages qui se compensent à peu de chose près: mais pourquoi ne fait - on pas des grelins avec quatre cordons, qui seroient chacun composés de quatre torons? ces cordages réuniroient tous les avantages des deux especes dontnous venons de parler; & outre cela, comme ils seroient composés de seize torons, ils auroient encore l'avantage d'avoir leurs torons plus fins que ceux des autres, qui ne sont qu'à douze torons. Qu'on ne dise pas que ce qu'on gagnera par cette multiplication des torons, compensera à peine le poids des meches, puisque les torons seront si fins pour quantité de manoeuvres, qu'on n'aura pas besoin d'employer de meches pour les commettre; on en jugera par l'exemple suivant. Un grelin de sept pouces trois quarts de circonférence, est assez gros pour quantité de manoeuvres courantes; néanmoins en supposant les fils de la grosseur ordinaire, il ne sera composé que de 240 fils, qui étant divisés par seize, qui est le nombre des torons, on trouvera qu'il ne doit entrer que quinze fils dans chaque toron; & ils seroient encore assez menus pour que les cordons composés de quatre de ces torons pussent être commis quatre à quatre sans meche. La grande difficulté qu'il y auroit à commettre des cordages plus composés, fait que nous croyons qu'il ne convient pas d'en fabriquer dans les corderies du Roi, quoiqu'il soit évident que si on pouvoit remédier aux inconvéniens de la fabrication, ils en seroient considérablement plus forts.

De la longueur & du raccourcissement des fils dont on ourdit un grelin. Si l'on prenoit des aussieres ordinaires pour en faire un grelin, comme les fils qui composent ces aussieres se seroient déjà raccourcis d'un tiers de leur longueur, & que pour cabler ces aussieres il faut qu'elles souffrent encore un raccourcissement; il s'ensuit qu'un tel grelin seroit commis plus serré que ne le sont les aussieres, puisqu'il seroit commis au - delà d'un tiers. Beaucoup de cordiers suivent cette pratique. S'ils veulent faire une aussiere qui ait 120 brasses de longueur, ils ourdissent les fils à 190 brasses; en virant sur les torons, ils les raccourcissent de 30; en commettant les torons, ils les accourcissent de 20; en virant sur les cordons, ils les raccourcissent de 10; & enfin en cablant, ils les raccourcissent encore de 10: ainsi le total de raccourcissement est de 70, qui étant retranchés de 190, le grelin reste de 120. C'est - là l'usage le plus commun. Néanmoins quelques cordiers ne commettent leurs grelins qu'au tiers, comme les aussieres; & dans cette vûe, s'ils veulent avoir un cordage de 120 brasses, ils ourdissent leurs fils à 180; en virant sur les torons pour les mettre en état d'être commis en cordons, ils les accourcissent de 30; en commettant les torons, ils les accourcissent de 13; en virant sur les cordons pour les disposer à être cablés, ils les raccourcissent de 9; enfin en cablant, ils les accourcissent encore de 8: le total du raccourcissement se monte à 60, qui fait précisément le tiers de la longueur à laquelle on avoit ourdi les fils; si on le retranche de 180, il restera pour la longueur du grelin 120. Depuis que M. Duhamel a fait des expériences à Rochefort, le maître cordier commet ses grelins un peu moins qu'au tiers ou aux trois dixiemes, comme on le va voir par l'énumération des différens raccourcissemens qu'il a coûtume de leur donner. Il ourdit ses fils à 190 brasses, il raccourcit ses torons de 38 brasses; en les commettant en cordons, 12 brasses; en tordant les cordons, 10 brasses; en commettant le grelin, six brasses; quand piece est finie, deux brasses; ce qui fait 68 brasses, qui etant retranchées de 190, il reste pour la longueur du cable 122 brasses. Il n'est pas douteux que le petit nombre de cordiers qui suivent cette derniere méthode, ne fassent des grelins beaucoup plus forts que les autres: mais on peut faire encore beaucoup mieux, en ne commettant les grelins qu'au quart ou au cinquieme, & en ce cas on pourra suivre à - peu - près les regles suivantes.

Regle pour commettre un grelin au quart. On ourdira les fils à 190 brasses; en virant sur les torons, on les accourcira de 12; en commettant, de 11; en virant sur les cordons, de 12 & demie; enfin en cablant, de 12 brasses; raccourcissement total, 47 brasses & demie; reste pour la longueur du grelin 142 brasses & demie, plus long qu'à l'ordinaire de 22 brasses & demie.

Regle pour commettre un grelin au cinquieme. Il faudra ourdir les fils à 190 brasses; on les raccourcira en virant sur les torons, de 10; en commettant les torons, de 9; en virant sur les cordons, de 10; enfin en cablant, de 9; total du raccourcissement, 38 brasses; reste pour la longueur du grelin 152 brasses, plus long qu'à l'ordinaire de 52 brasses: ainsi pour commettre toute sorte de grelins au quart, il faut commencer par diviser la longueur des fils par quatre; si ces fils ont 190 brasses, on trouvera 47 brasses & demie, qui expriment tout le raccourcissement que les fils doivent éprouver. Ensuite comme il y a quatre opérations pour faire un grelin, il faut diviser ces 47 brasses & demie par quatre; on trouvera au quotient 59 piés 9 pouces, qui doivent être employés à chaque raccourcissement, & on met, si l'on veut, la fraction de neuf pouces en augmentation du tortillement des cordons, ce qui fait que le grelin s'entretient mieux commis. M. Duhamel, pour plusieurs de ses expériences, a même diminué du tortillement des deux premieres opérations, & a augmenté proportionnellement le tortillement des deux dernieres: on peut voir par ce qu'on a dit des aussieres, que la répartition du tortillement entre les diverses opérations n'est pas une chose indifférente. A l'égard des grelins commis au cinquieme, on divise la longueur des fils par cinq, & ce qui se trouve au quotient par quatre. Pour s'assûrer de l'exactitude des raisonnemens précédens, on a consulté l'expérience, & on a toûjours trouvé que les expériences s'accordoient avec la théorie à rendre les cordes d'autant plus fortes, qu'on multiplie davantage le nombre des torons. Les aussieres à quatre torons sont plus fortes que celles qui n'en ont que trois; les aussieres à six torons sont plus fortes que celles à quatre. Les grelins les plus simples, ceux qui n'ont que neuf torons, sont plus forts que les aussieres à six torons. On augmente la force des grelins en les faisant de seize & de vingt - quatre torons; & si les archigrelins ou grelins composés d'autres grelins, ne suivent pas exactement la même loi, c'est qu'il est difficile d'en fabriquer, où les défauts de maind'oeuvre ne diminuent pas la force d'une quantité plus grande, qu'elle n'y est augmentée par la multiplication des torons.

Noms & usages des glins. Il y a des maîtres d'équipage & des officiers de port qui employent beaucoup plus de cordages en grelin les uns que les autres; & on doit conclure de ce qui vient d'être dit, qu'il est à - propos d'employer beaucoup de grelins. Il y a à la vérité plus de travail à faire un grelin qu'à faire une aussiere; mais on sera bien dédommagé de cette augmentation de dépense, par ce qu'on gagnera sur la force de ces cordages.

Des cables. Tous les cables pour les ancres, & les gumènes pour les galeres, depuis 13 pouces de grosseur jusqu'à 24, sont commis en grelin; ils ont

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