ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"233"> dans l'axe de l'aussiere, & à mesure que le toupin s'avance vers le chantier, elle coule dans le trou qui le traverse, comme les torons coulent dans les rainures qui sont à la circonsérence du toupin.

Il faut remarquer que comme la meche ne se raccourcit pas autant que les torons qui l'enveloppent, il suffit qu'elle soit un peu plus longue que le cordage ne sera étant commis; un petit garçon a seulement soin de la tenir un peu tendue à une petite distance du toupin pour qu'elle ne se mêle pas, & qu'elle n'interrompe pas la marche du chariot. Pour mieux rassembler les fils des meches, la plûpart des cordiers divisent les fils qui les composent en deux ou trois parties, & en sont une vraie aussiere à deux ou à trois torons.

On conçoit bien que quand les torons viennent à se rouler sur ces sortes de meches, ils les tortillent plus qu'elles ne l'étoient, quand même ils auroient l'attention de les laisser se détordre autant qu'elles l'exigeroient sans les gêner en aucune façon. Or pour peu qu'elles se tortillent, elles augmentent de grosseur & se roidissent; ainsi elles sont dans l'axe de l'aussiere fort roides, fort tendues, & fort pressées par les torons qui les enveloppent. C'est pour cette raison qu'on entend les meches se rompre aux moindres efforts, & que si on défait les cordages après qu'ils en ont éprouvé de grands, on trouve les meches rompues en une infinité d'endroits.

Voilà quel est l'usage ordinaire des Cordiers, & l'inconvénient qui en doit résulter; car il est visible que la meche venant à se rompre, les torons qui sont roulés dessus ne sont plus soûtenus dans les endroits où elle a rompu, alors ils se rapprochent plus de l'axe les uns que les autres, ils s'allongent donc inégalement, ce qui ne peut manquer de beaucoup affoiblir les cordes en ces endroits.

Ne point commettre les meches. Il seroit à souhaiter qu'on eût des meches qui pûssent s'allonger proportionnellement aux torons qui les enveloppent; mais c'est en vain qu'on a essayé d'en faire: on a seulement rendu les meches ordinaires moins mauvaies. Quand des aussieres un peu grosses font des efforts considérables, les torons pressent si fort la meche qu'ils enveloppent, qu'elle ne peut glisser ni s'allonger. Pour meche (au lieu d'une corde ordinaire) il faudra employer un faisceau de fils qui forme le même volume & que l'on placera de la même maniere, mais que l'on tortillera en même tems & dans le même sens que les torons; par ce moyen la meche se tortillera & se raccourcira tout autant que les torons. Il faut se souvenir que quand on commet une corde, la manivelle du quarré tourne dans un sens opposé à celui dans lequel les torons ont été tortillés, & comme ils le seroient pour se détordre. Or comme la meche qui sera déjà tortillée tournera sans obstacle dans ce sens - là, il faut abolument qu'elle se détortille à mesure que la corde se commet; & comme elle ne peut se détortiller sans que les fils qui la composent se relàchent & tendent à s'allonger, la meche restera lâche & molle dans le centre de la corde, tandis que les torons qui sont autour seront fort tendus; & s'il arrive que la corde chargée d'un poids s'allonge, la meche qui sera lâche pourra s'étendre & s'allonger un peu: s'il avoit été possible de la faire si lâche qu'elle ne sît aucun effort, assurément elle ne romproit qu'après les torons; mais jusqu'à présent on n'a pû parvenir à ce point, sur - tout quand les cordages étoient un peu gros.

On convient qu'une meche, de quelqu'espece qu'elle soit, ne peut guere ajoûter à la force des cordes, ainsi il ne faut y employer que du second brin ou même de l'étoupe; tout ce qu'on doit desirer, c'est de les rendre moins cassantes, pour qu'elles soient toûjours en état de tenir les torons en équilibre, & de les empêcher de s'approcher les uns plus que les autres de l'axe des cordes.

Des cordages à plus de trois torons. Comme on est obligé d'employer une meche pour la fabrique des cordages qui ont plus de trois torons, il est évident que cette meche qui est dans l'axe toute droite & sans être roulée en hélices comme les torons, ne peut contribuer à la force des cordages; car si elle résiste, comme elle ne peut pas s'allonger autant que les torons, elle est chargée de tout le poids & elle rompt nécessairement; si elle ne résiste pas, elle ne concourt donc pas avec les torons à supporter le fardeau: ainsi les cordages à meche contiennent nécessairement une certaine quantité de matiere qui ne contribue point à leur force; ces sortes de cordages en sont par conséquent plus gros & plus pesans sans en être plus forts, ce qui est un grand défaut. Encore si cette meche ne rompoit pas, si elle étoit toûjours en état de soûtenir les torons, le mal ne seroit pas si considérable; mais de quelque façon qu'on la fasse, elle rompt quand les cordages souffrent de grands efforts, & quand elle est rompue les torons perdent leur ordre régulier, ils rentrent les uns dans les autres, ils ne forcent plus également, & ils ne sont plus en état de résister de concert au poids qui les charge.

Enfin on ajoûte encore que la meche étant enveloppée de tous côtés par les torons, conserve l'humidité, s'échauffe, pourrit & fait pourrir les torons; d'oùl'onOEconclut qu'il faut proscrire les cordages à plus de trois torons. Cependant on trouve par l'expérience, que quoique la supériorité de force des cordages à quatre & à six torons ne se trouve pas toûjours la même, cependant les torons sont constamment d'autant plus sorts qu'ils sont en plus grand nombre, plus menus, & que leur direction est plus approchante de la parallele avec l'axe de la corde; & cette supériorité est telle, qu'elle compense souvent & même surpasse quelquefois la pesanteur de la meche qui est inutile pour la force des cordages.

Des aussieres à plus de quatre torons. On ne croit pas qu'il soit possible de faire des aussieres avec plus de six torons. Les aussieres à six torons sont assez difficiles à bien fabriquer; elles demandent toute l'attention du cordier pour donner à chaque toron un égal degré de tension & de tortillement: ainsi il faudra se réduire à les faire de quatre, de cinq, ou de six torons tout au plus.

Quoiqu'il soit très - bien prouvé qu'il est avantageux de multiplier le nombre des torons, nous n'oserions néanmoins décider si pour l'usage de la marine il conviendroit toûjours de préférer les aussieres à cinq ou six torons à celles à trois & à quatre, parce que l'avantage qu'on peut retirer de la multiplication des torons s'évanoüit pour peu qu'on laisse glisser quelques défauts dans la fabrique de ces cordages; & peut - on se flatter qu'on apportera tant de précautions dans des manufactures aussi grandes & aussi considérables que les corderies de la marine, tandis que des cordages faits avec une attention toute particuliere, se sont quelquefois trouvés défectueux?

De l'usage de la meche dans les cordages à 4, 5, & 6 torons. L'avantage des cordages à quatre, cinq, ou six torons seroit très - considérable si on pouvoit les commettre sans meche; la chose n'est pas possible pour les aussieres qui ont plus de quatre torons, mais il y a des cordiers assez adroits pour faire des cordages à quatre torons tres - bien commis, sans le secours des meches; ils parviennent à rendre leurs torons si égaux pour la grosseur, pour la roideur & pour le tortillement, & ils conduisent si bien leur [p. 234] toupin, que leurs torons se roulent les uns auprès des autres aussi exactement que si l'axe du cordage étoit plein. Le moyen de les commettre avec plus de facilité, & qui a le mieux réussi, a été de placer au centre du toupin une cheville de bois pointue, qui étoit assez longue pour que son extrémité se trouvât engagée entre les quatre torons, à l'endroit précisément où ils se commettoient actuellement; de cette façon la cheville servoit d'appui aux torons; à mesure que le toupin reculoit, la cheville reculoit aussi, elle sortoit d'entre les torons qui venoient de se commettre, & se trouvoit toûjours au milieu de ceux qui se commettoient actuellement. Avec le secours de cette cheville, on parvient à commettre fort régulierement & sans beaucoup de difficulté des cordages à quatre torons sans meche. Mais, dira - ton, si moyennant cette précaution, ou seulement par l'adresse du cordier, on peut commettre régulierement des cordages à quatre torons sans meche, n'y a - t - il pas lieu de craindre que quand on chargera ces cordages de quelque poids, leurs torons ne se dérangent? n'aura - t - on pas lieu d'appréhender que les torons ne perdent par le service leur disposition réguliere? Encore si on commettoit ces torons bien ferme, on pourroit espérer que le frottement que ces torons éprouveroient les uns contre les autres, pourroit les entretenir dans la disposition qu'on leur a fait prendre en les commettant: mais puisqu'il a été prouvé qu'il étoit dangereux de commettre les cordages trop serrés, rien ne peut empêcher ces torons de perdre leur disposition; & alors les uns roidissant plus que les autres, ils ne seront plus en état de résister de concert au poids qui les chargera.

Ces objections sont très - bonnes: néanmoins s'il y a quelques raisons de penser que les torons qui seront fermement pressés les uns sur les autres par le tortillement seront moins sujets à se déranger, il y a aussi des raisons qui pourroient faire croire que cet accident sera moins fréquent dans les cordages commis au quart que dans ceux qui le seroient au tiers. Car on peut dire: les torons des cordages commis au tiers sont tellement serrés les uns sur les autres par le tortillement, que le poids qui est suspendu au bout de ces cordes tend autant (à cause de leur situation) à les approcher les uns contre les autres, qu'à les étendre selon leur longueur; au lieu que les torons des cordages commis au quart étant plus lâches, & leur direction étant plus approchante d'une parallele à l'axe de la corde, le poids qui est suspendu au bout tend plus à les étendre selon leur longueur, qu'à les comprimer les uns contre les autres. Si la corde étoit commise au cinquieme, il y auroit encore moins de force employée à rapprocher les torons; ce qui paroîtra évident si l'on fait attention que les torons étant supposés placés à côté les uns des autres sans être tortillés, ne tendroient point du tout à se rapprocher les uns des autres, & toute leur force s'exerceroit selon leur longueur.

Effectivement il est clair que deux fils qui se croiseroient & qui seroient tirés par quatre forces qui agiroient par des directions perpendiculaires les unes aux autres, comme A A A A, (fig. 9. Pl. V.) ces fils se presseroient beaucoup plus les uns contre les autres au point de réunion D, que s'ils étoient tirés suivant des directions plus approchantes de la parallele B B B B, & alors ils presseroient plus le point de réunion E, que s'ils étoient tirés suivant des directions encore plus approchantes de la parallele, comme C C C C; c'est un corollaire de la démonstration que nous avons donnée plus haut.

Il est certainement beaucoup plus difficile de bien commettre un cordage à quatre torons sans meche qu'avec une meche; mais cette difficulté même a ses avantages, parce que les Cordiers s'apperçoivent plus aisément des fautes qu'ils commettent; car il est certain qu'en commettant une pareille corde, si l'un des torons est plus gros, plus tortillé, plus tendu, en un mot plus roide que les autres, le cordier s'en apperçoit tout aussi - tôt, parce qu'il voit qu'il s'approche plus de l'axe de la corde que les autres, & il est en état de remédier à cet inconvénient; au lieu qu'avec une meche les torons trouvant à s'appuyer sur elle, le cordier ne peut s'appercevoir de la différence qu'il y a entre les torons, que quand elle est considérable; c'est principalement pour cette raison qu'en éprouvant des cordages qui avoient des meches, il y aura souvent des torons qui rentreront plus que les autres vers l'axe de la corde aux endroits où la meche aura rompu.

On sait par l'expérience, qu'avec un peu d'attention l'on peut fort bien commettre de menues aussieres à quatre torons, qui n'auroient pas plus de quatre pouces de grosseur, sans employer de meche; mais il n'est pas possible de se passer de meche pour commettre des aussieres de cette grosseur lorsqu'elles ont six torons.

On n'a pas essayé de faire commettre sans meche des aussieres à quatre torons qui eussent plus de quatre pouces & demi de grosseur; mais on en a commis & on en commet tous les jours à Toulon de six, huit, dix, douze, & quinze pouces de grosseur, qui ont paru bien conditionnées; en un mot, toutes les aussieres à quatre torons qu'on fait à Toulon n'ont point de meche: on ne se souvient pas qu'on ait jamais mis de meche dans les cordages, & l'on prétend même que la meche étant exactement renfermée au milieu des torons, s'y pourrit & contribue ensuite à faire pourrir les torons.

Mais si, comme il y a grande apparence, on peut se passer de meches pour les cordages à quatre torons, il ne s'ensuit pas qu'il n'en faille point pour les cordages à cinq & à six torons; le vuide qui reste dans l'axe est trop considérable, & les torons étant menus, échapperoient aisément les uns de dessus les autres & se logeroient dans le vuide qui est au centre, d'autant que ce vuide est plus considérable qu'il ne faut pour loger un des torons. Mais les épreuves qu'on a faites pour reconnoître la force des cordages à quatre torons sans meche, prouvent non - seulement qu'on peut gagner de la force en multipliant le nombre des torons, mais encore que quand des aussieres de cette espece seroient bien faites, elles soutiendront de grands efforts sans que leurs torons se dérangent.

Noms & usages des cordages dont on vient de parler. Il y a des ports où l'on employe peu d'aussieres à quatre torons; dans d'autres on en fait quelquefois des pieces de hauban depuis six pouces jusqu'à dix, des tournevires depuis six pouces jusqu'à onze, des itagues de grande vergue depuis six pouces jusqu'à onze, des aussieres ordinaires sans destination précise, des francs - funins, des garants de caliorne, des garants de palants, des rides, &c. depuis un pouce jusqu'à dix.

Des grelins. Si l'on prend trois aussieres, & qu'on les tortille plus que ne l'exige l'élasticité de leurs torons, elles acquerront un degré de force élastique qui les mettra en état de se commettre de nouveau les unes avec les autres; & on aura par ce moyen une corde composée de trois aussieres, ou une corde composée d'autres cordes: ce sont ces cordes composées qu'on appelle des grelins. Ce terme, quoique générique, n'est cependant ordinairement employé que pour les cordages quin'excedent pas une certaine grosseur; car quand ils ont dix - huit, vingt, vingt - deux pouces de circonférence, ou plutôt quand ils sont destinés à servir aux ancres, on les nomme des cables; s'ils doivent servir à retenir les grapins des

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.