ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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ouvriers qui sont sur les manivelles, de virer tous
ensemble, afin que tous fassent un nombre égal de
révolutions. Si néanmoins, soit par la négligence
des ouvriers, soit par d'autres raisons, il arrive qu'il
y ait un toron qui soit moins tors que les autres, le
maître cordier s'en apperçoit bien - tôt, ou parce que
le quarré est tiré de côté, ou parce qu'il y a un toron
qui baisse plus que les autres: alors il ordonne
aux manivelles qui répondent aux torons trop tendus,
de cesser de virer, afin de laisser l'autre manivelle
regagner ce qu'elle a perdu; & quand le toron
précédemment trop lâche est bien de niveau avec
les autres, il ordonne à toutes les manivelles de virer.
Comme cette manoeuvre se répete assez fréquemment
pour éviter la confusion, le maître cordier
convient avec tous ses ouvriers des noms que chaque
toron doit avoir; ce qui fait qu'ils entendent les
ordres que le maître cordier donne. Enfin quand les
torons ont le degré convenable de tortillement, le
maître cordier, avant de mettre le toupin, ne doit
jamais manquer de vérifier si ces torons sont bien de
niveau, & si le quarré n'est point de biais.
Répartition du raccourcissement. On sait ce que c'est
que de commettre un cordage au tiers, au quart,
&c. & que l'usage général est de le commettre au tiers;
mais lorsqu'on commet une aussiere, il faut que ce
tiers de raccourcissement soit réparti entre les deux
opérations, savoir de tordre les torons, & de commettre
la corde. Il y a des cordiers qui divisent en
deux ce raccourcissement, & en employent la moitié
pour le raccourcissement des torons, & l'autre
pour le commettage: par exemple, s'ils veulent faire
une piece de 120 brasses, ils l'ourdissent à 180,
il y a donc 60 brasses de raccourcissement; ils en employent
30 pour le tortillement des torons, & les
30 autres pour commettre la piece. Il y en a d'autres
qui employent plus de la moitié pour le raccourcissement
des torons, quarante brasses, par exemple,
& ils ne réservent que vingt brasses pour commettre
la piece. Chacune de ces pratiques a ses partisans,
& peut - être ses avantages & ses inconvéniens.
C'est ce que l'on examinera après avoir achevé le
commettage d'une aussiere à trois torons.
Du commettage. Le maître cordier fait ôter la clavette
de la manivelle qui est au milieu du quarré; il
en détache le toron qui y correspond, & le fait tenir
bien solidement par plusieurs ouvriers afir qu'il ne
se détorde pas: sur le champ on ôte la manivelle, &
dans le trou du quarré où étoit cette manivelle, on
en place une plus grande & plus forte, à laquelle on
attache non - seulement le toron du milieu, mais encore
les deux autres; de telle sorte que les trois torons
se trouvent réunis à cette seule manivelle, qui
tient lieu de l'émerillon dont nous avons parlé à
l'endroit du bitord. Comme il faut beaucoup de force
élastique pour ployer ou plûtôt rouler les uns sur
les autres des torons qui ont une certaine grosseur, il
faudroit tordre extrèmement les torons, pour qu'ils
pussent se commettre d'eux - mêmes, s'ils étoient simplement
attachés à un émerillon: c'est pour cela
qu'au lieu d'un émerillon on employe une grande
manivelle qu'un ou deux hommes font tourner, pour
concourir avec l'effort que les torons font pour se
commettre. Ainsi par le moyen des manivelles, il
suffit que les torons ayent assez de force élastique
pour ne se point séparer quand ils auront été une
fois commis; au lieu qu'il en faudroit une énorme pour obliger des torons un peu gros à se rouler
d'eux - mêmes les uns sur les autres par le seul secours
de l'émerillon. Veut - on savoir à - peu - près à quoi se
monteroit cette force? on n'a qu'à remarquer qu'indépendamment
de l'effort que les torons élastiques
font pour se commettre, il faut qu'un, deux, trois,
& quelquefois quatre hommes, travaillent de toute
leur force sur la manivelle, pour aider aux torons
élastiques à produire leur effet. Ce n'est cependant
pas tout; on est encore obligé, quand les cordes sont
grosses, d'en distribuer 20 ou 30, Y, Z, Pl. III. divis.
2. qui avec des manuelles secourent ceux qui
sont à la grande manivelle, comme nous l'expliquerons
dans un moment: mais on voit dès - à - présent
que quand il s'agit de grosses cordes, on romproit
plûtôt les torons, que de leur procurer assez d'élasticité
pour se rouler & se commettre d'eux mêmes
les uns sur les autres. Les torons étant disposés comme
nous venons de le dire, on les frotte avec un peu
de suif, ou encore mieux de savon, pour que le toupin
coule mieux; ensuite on place le toupin, qui doit
être proportionné à la grosseur des cordes qu'on commet,
& qui doit avoir trois rainures quand l'aussiere
qu'on commet est à trois torons; on place, dis - je, le
toupin dans l'angle de réunion des trois torons. Si les
cordages sont menus, comme des quaranteniers, on
ne se sert point de chariot; deux hommes prennent
le barreau de bois R, même Pl. même divis. qui traverse
le toupin, & le conduisent sans avoir besoin
d'autre secours. Mais quand la corde est grosse, on
se sert du chariot, qu'on place le plus près que l'on
peut du quarré. Les ouvriers qui sont sur la grande
manivelle tournent quelques tours, la corde commence
à se commettre, & le toupin s'éloigne du
quarré: on le conduit à bras jusqu'à ce qu'il soit arrivé
à la tête du chariot, où on l'attache très - fortement au moyen de la traverse de bois R; alors toutes
les manivelles rournent, tant la grande du quarré
que les trois du chantier. Le maître cordier examine
si sa corde se commet bien, & il remédie aux défauts
qu'il apperçoit, qui dépendent ordinairement, ou de
ce que le toupin es> mal placé, ou de ce qu'il y a
des torons qui sont plus lâches les uns que les autres: on remédie à ce dernier défaut, en faisant virer
les manivelles qui répondent aux torons qui sont
trop lâches, & en faisant arrêter celles qui répondent
aux torons qui sont trop tendus. Enfin quand
il voit que sa corde se commet bien régulierement,
il met la retraite du chariot: elle est formée par
deux longues livardes ou cordes d'étoupe T, même
Pl. divis. 2. qui sont bien attachées à la traverse du
toupin, & qu'on entortille plus ou moins autour de
la piece qui se commet, suivant qu'on veut que le
chariot aille plus ou moins vîte. Quand tout est ainsi
bien disposé, le chariot avance, la corde se commet,
les torons se raccourcissent, & le quarré se
rapproche de l'attelier. Lorsque les pieces de cordage
sont fort longues, & elles le sont presque toûjours
pour la Marine, la grande manivelle du quarré
ne pourroit pas communiquer son effet d'un bout
à l'autre de la piece; c'est pourquoi un nombre d'hommes
Y,Z, même Pl. même div. plus ou moins considérable,
suivant la grosseur du cordage, se distribue derriere
le toupin; & à l'aide des manuelles, ils travaillent
de concert avec ceux de la manivelle du quarré à
commettre la corde, ou, comme disent les Cordiers,
à faire courir le tord que donne la manivelle du
quarré. On voit qu'à mesure que le toupin fait du
chemin & que la corde se commet, les torons perdent
de leur tortillement; & ils le perdroient entiement,
si l'on n'avoit pas l'attention de leur en fournir
de nouveau: c'est pour cela que le maître cordier
ordonne aux ouvriers qui sont aux manivelles
du chantier, de continuer à les tourner plus ou
moins vîte, suivant qu'il le juge nécessaire. Pour
que la vîtesse des manivelles soit bien réglée, il faut
qu'elle répare tout le tord que perdent les torons,
& que ces torons restent dans un degré égal de tortillement;
les Cordiers en jugent assez bien par habitude.
Mais il y a un moyen bien simple pour reconnoître
si les torons perdent ou acquierent du
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tortillement, il ne faut que faire avec un morceau
de craie une marque sur un des torons, vis - à - vis un
des chevalets qui sont compris entre le toupin & le
chantier. Si cette marque reste toûjours sur le chevalet,
c'est signe que les manivelles du chantier tournent
assez vîte; si la marque de craie sort de dessus
le chevalet & s'approche du chantier à commettre,
c'est signe que les manivelles tournent trop vîte; si
au contraire la marque s'éloigne de ce chantier,
c'est signe que les manivelles tournent trop lentement,
& que les torons perdent de leur tortillement.
La raison de cette épreuve est sensible: si les manivelles
tournent trop vîte, elles augmentent le tortillement
des torons, les torons qui sont plus tortillés
se raccourcissent, & la marque de craie s'approche
du chantier: si les manivelles tournent trop lentement,
les torons qui perdent de leur tortillement
s'allongent, & la marque de craie s'éloigne du chantier;
mais elle reste à sa même place si l'on entretient
les torons dans un même degré de tortillement,
qui est le point où l'on tend. C'est un moyen bien
simple & bien commode de reconnoître si les torons
conservent leur degré de tortillement; circonstance
qui influe beaucoup sur la perfection d'une piece de
cordage; puisque si l'on augmentoit le tortillement
des torons, la corde seroit plus tortillée du côté du
chantier à commettre, que de l'autre bout: le contraire
arriveroit si on négligeoit d'entretenir le tortillement
des torons; & comme il convient de faire
en sorte que les cordes ayent le plus précisément
qu'on le peut un certain degré de tortillement, on
conçoit qu'il est essentiel que ce degré soit le même
dans toute la longueur de la corde. On peut encore
reconnoître si la corde se commet bien, en examinant
si le toupin avance uniformément; car si les manivelles
du chantier tournent trop vîte relativement
à la manivelle du quarré, les torons sont plus tortillés
qu'ils ne devroient être: ils deviennent donc
plus roides & plus difficiles à commettre; ce qui retarde
la marche du toupin. Si au contraire on laisse
perdre le tortillement des torons, ils deviennent
plus flexibles, ils cedent plus volontiers à l'effort
que fait la manivelle du quarré avec les manuelles
pour commettre le cordage, & pour lors le toupin
en avance plus vîte. Les Cordiers savent bien
profiter de ces moyens pour donner à leur corde précisément
la longueur qu'ils se sont proposée, comme
nous allons l'expliquer: mais comme ils tirent
vanité de cette justesse, il ne leur arrive que trop
souvent de lui sacrifier la bonté de leur ouvrage de
la maniere qui suit.
Mauvaise industrie des Cordiers. Nous avons dit
qu'on ourdissoit une piece qu'on vouloit qui eût 120
brasses, à 180, pour que les torons pussent se raccourcir
de 60 brasses, tant en les tordant qu'en les
commettant: nous avons dit outre cela que le raccourcissement
des torons, quand on les tord, se
montoit à 40 brasses; il reste donc 20 brasses de raccourcissement
pour l'opération du commettage. Les
Cordiers se font un point d'honneur de donner précisément
ce raccourcissement, afin que leur piece de
cordage ait juste la longueur qu'ils se sont proposée;
ils le font ordinairement: mais la difficulté est
de répartir bien égalément ce tortillement dans toute
la longueur de la piece; c'est ce qu'il n'est pas aisé
de faire, & à quoi ils réussissent très - rarement. Il
faudroit pour cela, lorsqu'on commet une aussiere
au tiers, que la vîtesse du toupin fût à celle du quarré,
précisément comme 140 est à 20, ou comme 7
est à 1, si l'on employe quarante brasses pour le raccourcissement
des torons; ou comme 150 est à 30,
ou 5 à 1, si l'on employe trente brasses pour le raccourcissement
des torons; ou comme 160 est à 40,
ou 4 à 1, si l'on n'employe que vingt brasses pour
le raccourcissement des torons. Si l'on choisit la premiere
hypothese, il faudroit donc que la vîtesse du
toupin fût sept fois plus grande que celle du quarré,
ou que le toupin fît sept brasses pendant que le quarré
en feroit une. On conçoit bien que cette proportion
est bien difficile à attraper; c'est pourquoi lorsque
les Cordiers s'apperçoivent qu'il leur reste beaucoup
de corde à commettre, & que le quarré approche
des 120 brasses qu'ils doivent donner à leur
piece, ils font tourner très - vîte la manivelle du quarré,
& fort lentement celle du chantier; avec cette
précaution le quarré n'avance presque plus, & le
toupin va fort vîte: au contraire, s'ils voyent que
leur corde est presque toute commise, & que le
quarré est encore éloigné de 120 brasses, ils sont
tourner très - vîte les manivelles du chantier, & lentement
celles du quarré; alors les torons prennent
beaucoup de tord, le quarré avance peu pendant
que la corde se commet & que le chariot avance
plus vîte; par ce moyen le quarré arrive aux 120
brasses assez précisément dans le même tems que le
toupin touche à l'attelier; & le cordier s'applaudit,
quoiqu'il ait fait une corde très - défectueuse, puisqu'elle est beaucoup plus tortillée d'un bout que de
l'autre. Il vaudroit mieux laisser la piece de cordage
tant soit peu plus longue & un peu moins torse,
plûtôt que de fatiguer ainsi les torons par un tortillement
forcé. Enfin le toupin arrive peu - à - peu tout
près de l'attelier, il touche aux palombes; alors la
corde est commise, & les ouvriers qui sont aux manivelles
du chantier cessent de virer. Il y auroit un
moyen bien simple de régler assez précisément les
marches proportionnelles du quarré & du toupin; ce
seroit d'attacher au chariot un fil de carret noir qui
s'étendroit jusque sous le chantier où un petit garçon
le tiendroit; ce fil serviroit à exprimer la vîtesse
de la marche du toupin. On attacheroit au quarré
une moufle à trois roüets, & au chantier aussi une
moufle à pareil nombre de roüets; on passeroit un
fil blanc dans ces six roüets; un bout de ce fil seroit
attaché à la moufle du quarré, & le petit garçon
tiendroit l'autre qu'il joindroit avec le fil noir:
ce fil blanc exprimeroit la vîtesse du quarré. Il est évident que si la marche du chariot étoit sept fois plus
rapide que celle du quarré, les deux fils que le petit
garçon tireroit à lui seroient également tendus; s'il
s'appercevoit que le fil blanc devînt plus lâche que
le noir, ce seroit srgne que le quarré iroit trop vîte,
& on y remedieroit sur le champ en faisant tourner
moins vîte les manivelles du chantier, ou plus vîte
celle du quarré, ou en lâchant un peu la livarde du
chariot: si au contraire le fil noir mollissoit, on
pourroit en conclurre que le chariot iroit trop vîte;
& il seroit aisé d'y remédier en faisant tourner plus
vîte les manivelles du chantier, ou plus lentement celle
du quarré, ou en serrant un peu la livarde ou retraite
du chariot. Cette petite manoeuvre ne seroit pas
fort embarrassante, & néanmoins elle produiroit de
grands avantages; car presque toutes les cordes sont
commises dans une partie de leur longueur beaucoup
plus serrée que le tiers; à d'autres endroits elles
ne le sont pas au quart; & il y a bien des cordages
où on auroit peine à trouver deux brasses qui
fussent commises précisément au même point. Dans
l'hypothese présente nous avons supposé qu'on se
proposoit de commettre une corde au tiers, & qu'ainsi
la marche du chariot devoit être à celle du
quarré comme 7 est à 1: il est clair qu'il faudroit varier
le nombre des roüets des moufles, si on se proposoit
que la marche du chariot fût à celle du quarré
comme 5 est à 1, ou comme 4 est à 1; ou, ce qui est
la même chose, si au lieu de commettre une corde
au tiers, on se proposoit de la commettre au quart
ou au cinquieme: mais dans tous ces cas le problè<pb->
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