ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"223"> ouvriers qui sont sur les manivelles, de virer tous ensemble, afin que tous fassent un nombre égal de révolutions. Si néanmoins, soit par la négligence des ouvriers, soit par d'autres raisons, il arrive qu'il y ait un toron qui soit moins tors que les autres, le maître cordier s'en apperçoit bien - tôt, ou parce que le quarré est tiré de côté, ou parce qu'il y a un toron qui baisse plus que les autres: alors il ordonne aux manivelles qui répondent aux torons trop tendus, de cesser de virer, afin de laisser l'autre manivelle regagner ce qu'elle a perdu; & quand le toron précédemment trop lâche est bien de niveau avec les autres, il ordonne à toutes les manivelles de virer. Comme cette manoeuvre se répete assez fréquemment pour éviter la confusion, le maître cordier convient avec tous ses ouvriers des noms que chaque toron doit avoir; ce qui fait qu'ils entendent les ordres que le maître cordier donne. Enfin quand les torons ont le degré convenable de tortillement, le maître cordier, avant de mettre le toupin, ne doit jamais manquer de vérifier si ces torons sont bien de niveau, & si le quarré n'est point de biais.

Répartition du raccourcissement. On sait ce que c'est que de commettre un cordage au tiers, au quart, &c. & que l'usage général est de le commettre au tiers; mais lorsqu'on commet une aussiere, il faut que ce tiers de raccourcissement soit réparti entre les deux opérations, savoir de tordre les torons, & de commettre la corde. Il y a des cordiers qui divisent en deux ce raccourcissement, & en employent la moitié pour le raccourcissement des torons, & l'autre pour le commettage: par exemple, s'ils veulent faire une piece de 120 brasses, ils l'ourdissent à 180, il y a donc 60 brasses de raccourcissement; ils en employent 30 pour le tortillement des torons, & les 30 autres pour commettre la piece. Il y en a d'autres qui employent plus de la moitié pour le raccourcissement des torons, quarante brasses, par exemple, & ils ne réservent que vingt brasses pour commettre la piece. Chacune de ces pratiques a ses partisans, & peut - être ses avantages & ses inconvéniens. C'est ce que l'on examinera après avoir achevé le commettage d'une aussiere à trois torons.

Du commettage. Le maître cordier fait ôter la clavette de la manivelle qui est au milieu du quarré; il en détache le toron qui y correspond, & le fait tenir bien solidement par plusieurs ouvriers afir qu'il ne se détorde pas: sur le champ on ôte la manivelle, & dans le trou du quarré où étoit cette manivelle, on en place une plus grande & plus forte, à laquelle on attache non - seulement le toron du milieu, mais encore les deux autres; de telle sorte que les trois torons se trouvent réunis à cette seule manivelle, qui tient lieu de l'émerillon dont nous avons parlé à l'endroit du bitord. Comme il faut beaucoup de force élastique pour ployer ou plûtôt rouler les uns sur les autres des torons qui ont une certaine grosseur, il faudroit tordre extrèmement les torons, pour qu'ils pussent se commettre d'eux - mêmes, s'ils étoient simplement attachés à un émerillon: c'est pour cela qu'au lieu d'un émerillon on employe une grande manivelle qu'un ou deux hommes font tourner, pour concourir avec l'effort que les torons font pour se commettre. Ainsi par le moyen des manivelles, il suffit que les torons ayent assez de force élastique pour ne se point séparer quand ils auront été une fois commis; au lieu qu'il en faudroit une énorme pour obliger des torons un peu gros à se rouler d'eux - mêmes les uns sur les autres par le seul secours de l'émerillon. Veut - on savoir à - peu - près à quoi se monteroit cette force? on n'a qu'à remarquer qu'indépendamment de l'effort que les torons élastiques font pour se commettre, il faut qu'un, deux, trois, & quelquefois quatre hommes, travaillent de toute leur force sur la manivelle, pour aider aux torons élastiques à produire leur effet. Ce n'est cependant pas tout; on est encore obligé, quand les cordes sont grosses, d'en distribuer 20 ou 30, Y, Z, Pl. III. divis. 2. qui avec des manuelles secourent ceux qui sont à la grande manivelle, comme nous l'expliquerons dans un moment: mais on voit dès - à - présent que quand il s'agit de grosses cordes, on romproit plûtôt les torons, que de leur procurer assez d'élasticité pour se rouler & se commettre d'eux mêmes les uns sur les autres. Les torons étant disposés comme nous venons de le dire, on les frotte avec un peu de suif, ou encore mieux de savon, pour que le toupin coule mieux; ensuite on place le toupin, qui doit être proportionné à la grosseur des cordes qu'on commet, & qui doit avoir trois rainures quand l'aussiere qu'on commet est à trois torons; on place, dis - je, le toupin dans l'angle de réunion des trois torons. Si les cordages sont menus, comme des quaranteniers, on ne se sert point de chariot; deux hommes prennent le barreau de bois R, même Pl. même divis. qui traverse le toupin, & le conduisent sans avoir besoin d'autre secours. Mais quand la corde est grosse, on se sert du chariot, qu'on place le plus près que l'on peut du quarré. Les ouvriers qui sont sur la grande manivelle tournent quelques tours, la corde commence à se commettre, & le toupin s'éloigne du quarré: on le conduit à bras jusqu'à ce qu'il soit arrivé à la tête du chariot, où on l'attache très - fortement au moyen de la traverse de bois R; alors toutes les manivelles rournent, tant la grande du quarré que les trois du chantier. Le maître cordier examine si sa corde se commet bien, & il remédie aux défauts qu'il apperçoit, qui dépendent ordinairement, ou de ce que le toupin es mal placé, ou de ce qu'il y a des torons qui sont plus lâches les uns que les autres: on remédie à ce dernier défaut, en faisant virer les manivelles qui répondent aux torons qui sont trop lâches, & en faisant arrêter celles qui répondent aux torons qui sont trop tendus. Enfin quand il voit que sa corde se commet bien régulierement, il met la retraite du chariot: elle est formée par deux longues livardes ou cordes d'étoupe T, même Pl. divis. 2. qui sont bien attachées à la traverse du toupin, & qu'on entortille plus ou moins autour de la piece qui se commet, suivant qu'on veut que le chariot aille plus ou moins vîte. Quand tout est ainsi bien disposé, le chariot avance, la corde se commet, les torons se raccourcissent, & le quarré se rapproche de l'attelier. Lorsque les pieces de cordage sont fort longues, & elles le sont presque toûjours pour la Marine, la grande manivelle du quarré ne pourroit pas communiquer son effet d'un bout à l'autre de la piece; c'est pourquoi un nombre d'hommes Y,Z, même Pl. même div. plus ou moins considérable, suivant la grosseur du cordage, se distribue derriere le toupin; & à l'aide des manuelles, ils travaillent de concert avec ceux de la manivelle du quarré à commettre la corde, ou, comme disent les Cordiers, à faire courir le tord que donne la manivelle du quarré. On voit qu'à mesure que le toupin fait du chemin & que la corde se commet, les torons perdent de leur tortillement; & ils le perdroient entiement, si l'on n'avoit pas l'attention de leur en fournir de nouveau: c'est pour cela que le maître cordier ordonne aux ouvriers qui sont aux manivelles du chantier, de continuer à les tourner plus ou moins vîte, suivant qu'il le juge nécessaire. Pour que la vîtesse des manivelles soit bien réglée, il faut qu'elle répare tout le tord que perdent les torons, & que ces torons restent dans un degré égal de tortillement; les Cordiers en jugent assez bien par habitude. Mais il y a un moyen bien simple pour reconnoître si les torons perdent ou acquierent du [p. 224] tortillement, il ne faut que faire avec un morceau de craie une marque sur un des torons, vis - à - vis un des chevalets qui sont compris entre le toupin & le chantier. Si cette marque reste toûjours sur le chevalet, c'est signe que les manivelles du chantier tournent assez vîte; si la marque de craie sort de dessus le chevalet & s'approche du chantier à commettre, c'est signe que les manivelles tournent trop vîte; si au contraire la marque s'éloigne de ce chantier, c'est signe que les manivelles tournent trop lentement, & que les torons perdent de leur tortillement. La raison de cette épreuve est sensible: si les manivelles tournent trop vîte, elles augmentent le tortillement des torons, les torons qui sont plus tortillés se raccourcissent, & la marque de craie s'approche du chantier: si les manivelles tournent trop lentement, les torons qui perdent de leur tortillement s'allongent, & la marque de craie s'éloigne du chantier; mais elle reste à sa même place si l'on entretient les torons dans un même degré de tortillement, qui est le point où l'on tend. C'est un moyen bien simple & bien commode de reconnoître si les torons conservent leur degré de tortillement; circonstance qui influe beaucoup sur la perfection d'une piece de cordage; puisque si l'on augmentoit le tortillement des torons, la corde seroit plus tortillée du côté du chantier à commettre, que de l'autre bout: le contraire arriveroit si on négligeoit d'entretenir le tortillement des torons; & comme il convient de faire en sorte que les cordes ayent le plus précisément qu'on le peut un certain degré de tortillement, on conçoit qu'il est essentiel que ce degré soit le même dans toute la longueur de la corde. On peut encore reconnoître si la corde se commet bien, en examinant si le toupin avance uniformément; car si les manivelles du chantier tournent trop vîte relativement à la manivelle du quarré, les torons sont plus tortillés qu'ils ne devroient être: ils deviennent donc plus roides & plus difficiles à commettre; ce qui retarde la marche du toupin. Si au contraire on laisse perdre le tortillement des torons, ils deviennent plus flexibles, ils cedent plus volontiers à l'effort que fait la manivelle du quarré avec les manuelles pour commettre le cordage, & pour lors le toupin en avance plus vîte. Les Cordiers savent bien profiter de ces moyens pour donner à leur corde précisément la longueur qu'ils se sont proposée, comme nous allons l'expliquer: mais comme ils tirent vanité de cette justesse, il ne leur arrive que trop souvent de lui sacrifier la bonté de leur ouvrage de la maniere qui suit.

Mauvaise industrie des Cordiers. Nous avons dit qu'on ourdissoit une piece qu'on vouloit qui eût 120 brasses, à 180, pour que les torons pussent se raccourcir de 60 brasses, tant en les tordant qu'en les commettant: nous avons dit outre cela que le raccourcissement des torons, quand on les tord, se montoit à 40 brasses; il reste donc 20 brasses de raccourcissement pour l'opération du commettage. Les Cordiers se font un point d'honneur de donner précisément ce raccourcissement, afin que leur piece de cordage ait juste la longueur qu'ils se sont proposée; ils le font ordinairement: mais la difficulté est de répartir bien égalément ce tortillement dans toute la longueur de la piece; c'est ce qu'il n'est pas aisé de faire, & à quoi ils réussissent très - rarement. Il faudroit pour cela, lorsqu'on commet une aussiere au tiers, que la vîtesse du toupin fût à celle du quarré, précisément comme 140 est à 20, ou comme 7 est à 1, si l'on employe quarante brasses pour le raccourcissement des torons; ou comme 150 est à 30, ou 5 à 1, si l'on employe trente brasses pour le raccourcissement des torons; ou comme 160 est à 40, ou 4 à 1, si l'on n'employe que vingt brasses pour le raccourcissement des torons. Si l'on choisit la premiere hypothese, il faudroit donc que la vîtesse du toupin fût sept fois plus grande que celle du quarré, ou que le toupin fît sept brasses pendant que le quarré en feroit une. On conçoit bien que cette proportion est bien difficile à attraper; c'est pourquoi lorsque les Cordiers s'apperçoivent qu'il leur reste beaucoup de corde à commettre, & que le quarré approche des 120 brasses qu'ils doivent donner à leur piece, ils font tourner très - vîte la manivelle du quarré, & fort lentement celle du chantier; avec cette précaution le quarré n'avance presque plus, & le toupin va fort vîte: au contraire, s'ils voyent que leur corde est presque toute commise, & que le quarré est encore éloigné de 120 brasses, ils sont tourner très - vîte les manivelles du chantier, & lentement celles du quarré; alors les torons prennent beaucoup de tord, le quarré avance peu pendant que la corde se commet & que le chariot avance plus vîte; par ce moyen le quarré arrive aux 120 brasses assez précisément dans le même tems que le toupin touche à l'attelier; & le cordier s'applaudit, quoiqu'il ait fait une corde très - défectueuse, puisqu'elle est beaucoup plus tortillée d'un bout que de l'autre. Il vaudroit mieux laisser la piece de cordage tant soit peu plus longue & un peu moins torse, plûtôt que de fatiguer ainsi les torons par un tortillement forcé. Enfin le toupin arrive peu - à - peu tout près de l'attelier, il touche aux palombes; alors la corde est commise, & les ouvriers qui sont aux manivelles du chantier cessent de virer. Il y auroit un moyen bien simple de régler assez précisément les marches proportionnelles du quarré & du toupin; ce seroit d'attacher au chariot un fil de carret noir qui s'étendroit jusque sous le chantier où un petit garçon le tiendroit; ce fil serviroit à exprimer la vîtesse de la marche du toupin. On attacheroit au quarré une moufle à trois roüets, & au chantier aussi une moufle à pareil nombre de roüets; on passeroit un fil blanc dans ces six roüets; un bout de ce fil seroit attaché à la moufle du quarré, & le petit garçon tiendroit l'autre qu'il joindroit avec le fil noir: ce fil blanc exprimeroit la vîtesse du quarré. Il est évident que si la marche du chariot étoit sept fois plus rapide que celle du quarré, les deux fils que le petit garçon tireroit à lui seroient également tendus; s'il s'appercevoit que le fil blanc devînt plus lâche que le noir, ce seroit srgne que le quarré iroit trop vîte, & on y remedieroit sur le champ en faisant tourner moins vîte les manivelles du chantier, ou plus vîte celle du quarré, ou en lâchant un peu la livarde du chariot: si au contraire le fil noir mollissoit, on pourroit en conclurre que le chariot iroit trop vîte; & il seroit aisé d'y remédier en faisant tourner plus vîte les manivelles du chantier, ou plus lentement celle du quarré, ou en serrant un peu la livarde ou retraite du chariot. Cette petite manoeuvre ne seroit pas fort embarrassante, & néanmoins elle produiroit de grands avantages; car presque toutes les cordes sont commises dans une partie de leur longueur beaucoup plus serrée que le tiers; à d'autres endroits elles ne le sont pas au quart; & il y a bien des cordages où on auroit peine à trouver deux brasses qui fussent commises précisément au même point. Dans l'hypothese présente nous avons supposé qu'on se proposoit de commettre une corde au tiers, & qu'ainsi la marche du chariot devoit être à celle du quarré comme 7 est à 1: il est clair qu'il faudroit varier le nombre des roüets des moufles, si on se proposoit que la marche du chariot fût à celle du quarré comme 5 est à 1, ou comme 4 est à 1; ou, ce qui est la même chose, si au lieu de commettre une corde au tiers, on se proposoit de la commettre au quart ou au cinquieme: mais dans tous ces cas le problè<pb->

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