ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"221"> fils qui composent cet orbe, seront très - allongées, parce que le mouvement de ces fils sera très - peu différent de celui qu'éprouve le fil A. Les fils qui composent l'orbe C, sont plus éloignés du centre du mouvement, ils décriront une hélice plus courte qui enveloppera l'orbe B. Les révolutions de cet orbe C seront donc plus grandes que celles de l'orbe B; donc les fils de cet orbe se raccourciront plus que ceux de l'orbe B: d'où l'on voit que les fils de l'orbe D se raccourciront encore plus que ceux des orbes qui seront plus près du centre A. Tous les fils qui composent un toron, sont donc dans des différens degrés de tension, lorsque le toron est tortillé; ils résisteront donc inégalement aux poids qui les chargeroient: c'est un défaut qui devient d'autant plus grand, que les torons sont plus gros & plus tortillés. M. Duhamel a fait des tentatives très - délicates pour l'affoiblir, sinon pour l'anéantir; mais il tient à des parties élémentaires de la corde, & à un si grand nombre de circonstances, qu'il lui a été impossible de réussir.

Du nombre de fils nécessaires pour une corde de grosseur donnée, & de la maniere de lui donner une longueur déterminée. Mais avant que de pousser plus loin la maniere de faire les cordes en aussiere à plusieurs torons, il est bon de savoir 1°. que les maîtres d'équipage fixent dans les ports la grosseur que doivent avoir les manoeuvres relativement au rang & à la grandeur des vaisseaux; & que si le maître cordier les faisoit plus grosses qu'on ne les lui a demandées, elles ne pourroient pas passer dans les poulies, ou elles y passeroient difficilement: plus menues, on pourroit craindre qu'elles ne fussent pas assez fortes. Un habile cordier doit donc en ourdissant ses cordages, savoir mettre à chaque toron un nombre de fils suffisant pour que quand la corde sera commise elle ait, à très - peu de chose près, la grosseur convenable. 2°. Qu'on demande aussi quelquefois une corde d'une longueur déterminée. Voici la pratique pour l'un & l'autre cas.

1°. De la grosseur & de la jauge. Les Cordiers ont une mesure pour prendre la grosseur des cordages, ils la nomment une jauge; ce n'est autre chose qu'une laniere de parchemin divisée par pouces & par lignes, qu'on roule & qu'on renferme dans un petit morceau de bois qu'on appelle un barrilet, parce qu'il est tourné en - dessus comme un petit barril, & par dedans il est creusé comme un cylindre; la bande de parchemin se roule & se renferme dans cet étui que l'on porte très - commodément dans la poche. On fait tenir par un ouvrier les trois torons réunis ensemble; & quand tous les fils sont bien arrangés & bien serrés les uns contre les autres, on en mesure la grosseur, & on en conclut celle que la corde aura quand elle sera commise: assûrement lorsque les torons seront tortillés, les fils dont ils sont composés seront rapprochés les uns auprès des autres plus que nele pouvoit faire celui qui les serroit entre ses mains; ainsi occupant moins d'espace, le toron perdra de sa grosseur. Mais d'un autre côtê les torons perdront de leur longueur à mesure qu'on les tortillera, & gagneront en grosseur une partie de ce qu'ils perdront en longueur. Ces deux causes qui doivent produire des effets contraires, se compensent à peu près l'une l'autre, ou du moins par l'usage on sait que ce qui manque à cette compensation, va à - peu - près à un douzieme de la grosseur des fils réunis & serrés dans la main. Ainsi quand un cordier veut faire une aussiere de 18 pouces, il donne à la grosseur de ces fils réunis 19 pouces 6 lignes, & par cette seule méchanique les Cordiers arrivent à peu de chose près à leur but; si la corde étoit trop grosse pour l'empoigner & la mesurer tout - à - la - fois, le cordier donneroit à chaque toron un peu plus de moitié de la circonférence de la corde qu'il voudroit commettre: ainsi pour avoir une aussiere de 18 pouces de circonférence, il donneroit à chaque toron un peu plus de 9 pouces de circonférence; car la proportion des torons est à la grosseur de la corde, à très - peu près comme 57 à 100.

2°. De la longueur nécessaire des fils, pour ourdir une corde de longueur donnee. Nous avons dit en parlant du bitord & du merlin, que les fils se raccourcissoient quand on les tordoit pour leur faire acquerir le degré d'élasticité qui étoit nécessaire pour les commettre, & qu'ils perdoient encore de leur longueur quand on les commettoit en bitord ou en merlin; ce raccourcissement des fils a lieu pour toutes les cordes, ce qui fait voir qu'il est nécessaire d'ourdir les fils à une plus grande longueur que la corde ne doit avoir. Mais qu'est - ce qui doit déterminer cette plus grande longueur qu'on doit donner aux fils? c'est le degré de tortillement qu'on donne à la corde. Il est clair que les fils d'une corde plus tortillée doivent être ourdis à une plus grande longueur que ceux qui doivent faire une corde moins tortillée; c'est pour cela qu'on mesure le degré de tortillement d'une corde, par le raccourcissement des fils qui la composent. Il y a des cordiers qui tordent au point de faire raccourcir leur fil de cinq douziemes; fi ceuxlà veulent avoir une corde de sept brasses, ils ourdissent leur fil à douze brasses, & l'on dit que ces cordes sont commises à cinq douziemes. D'autres cordiers, & c'est le plus grand nombre, font raccourcir leur fil d'un tis; ceux - là ourdissent leur fil à douze brasses pour en avoir huit de cordage; & on dit qu'ils commettent au tiers. Enfin si d'autres ne faisoient raccourcir leur fil que d'un quart, l'ayant ourdi à douze brasses, ils auroient neuf brasses de cordage; & on diroit que ces cordages seroient commis au quart, parce qu'on compte toûjours le raccourcissement sur la longueur des fils ourdis, & non sur celle de la piece commise. C'est une grande question que de savoir à quel point il est plus avantageux de commettre les cordages, si c'est aux cinq douziemes, au tiers, au quart, au cinquieme, &c. L'usage le plus ordinaire, qu'on peut presque regarder comme général, est de commeettre précisément au tiers. Cela posé, continuons la maniere de faire les cordes en aussieres à trois torons.

Suite de la main - d'oeuvre des cordes en aussiere à trois torons. Nous pouvons maintenant supposer que les torons sont d'une grosseur & d'une longueur proportionnées à la grosseur & à la longueur des cordes qu'on veut faire; qu'ils sont dans un degré de tension pareil; qu'ils sont assujettis par une de leurs extrémités aux manivelles du chantier, & par l'autre aux manivelles du quarré; qu'ils sont soûtenus dans leur longueur de distance en distance par des chevalets, & que le quarré est chargé d'un poids convenable. Tout étant ainsi disposé, la piece de cordage étant bien ourdie, il s'agit de faire acquérir aux torons le degré d'élasticité qui est nécessaire pour les commettre, & en faire une bonne corde. C'est dans cette vûe qu'on tortille les torons, ou, pour parier le langage des Cordiers, qu'on donne le tord aux torons.

Comme les torons se raccourcissent à mesure qu'on les tord, on défait l'amarre qui retenoit le quarré, asin de lui donner la liberté d'avancer à proportion que les torons se raccourcissent, & un nombre suffisant d'ouvriers se mettent aux manivelles, tant du chantier que du quarré. Ceux du chantier tournent les manivelles de gauche à droite, ceux du quarre de droite à gauche; les torons so tortillent, ils se raccourcissent, le quarré avance vers le chantier proportionnellement à ce raccourcissement, & les ouvriers qui sont aux manivelles du quarré, suivent les mouvemens du quarré. Enfin quand les torons sont [p. 222] assez tortillés, ce qu'on connoît par leur accourcissement, le maître ordonne qu'on cesse de tourner les manivelles; & cette opération est finie, les torons ayant acquis l'élasticité nécessaire pour être commis.

Il paroîtroit plus convenable de tortiller les torons dans le même sens que les fils l'ont été, surtout après ce que l'on a dit du bitord & du merlin, qu'on tord & qu'on doit tordre avant de les commettre, dans le même sens que les fils ont été filés; pourquoi donc les Cordiers tortillent - ils leurs torons dans un sens opposé au tortillement des fils? Cette question mérite d'être éclaircie avec soin & avec exactitude.

Avant que de commettre le bitord, qui est composé de deux fils, & le merlin qui l'est de trois, on tortille les fils plus qu'ils ne l'étoient au sortir des mains des fileurs, afin d'augmenter leur élasticité, qui est absolument nécessaire pour commettre les cordages. Si dans ce cas on tordoit les fils dans un sens opposé à celui qu'ils ont au sortir des mains des fileurs, au lieu d'augmenter leur élasticité on détruiroit celle qu'ils ont acquise; il convient donc de tordre ces fils dans le sens qu'ils l'ont déjà été par les fileurs. Mais, dira - t - on, cette raison ne doit - elle pas engager à tordre les torons qu'on destine à faire de gros cordages, dans le même sens que les fils l'ont été, de droite à gauche si les fils l'ont été dans ce sens? Pour mieux concevoir ce qui se passe dans cette occasion, faites tordre deux torons, l'un dans le sens des fils, & l'autre dans un sens opposé, vous ne vous écarterez pas en cela de la pratique des Cordiers; car quelquefois ils tordent effectivement les torons dans le sens des fils, pour faire certains cordages qu'on nomme de main torse, ou en garochoir. Quand on fait tordre un toron dans le sens des fils, on apperçoit que les fils se roulent les uns sur les autres, comme le font les fibrilles du chanvre quand on en fait du fil, mais outre cela les fils se tortillent un peu plus qu'ils ne l'étoient: examinez ce qui doit résulter de ce tortillement particulier des fils & de leur tortillement général les uns sur les autres. Les fils, en se roulant les uns sur les autres, acquierent un certain degré de tension qui bande leurs fibres à ressort, lesquelles par leur réaction tendent à se redresser & à reprendre leur premier état: ainsi la direction de leur mouvement quand elles se redresseront, sera contraire à la direction du mouvement qui les aura tortillées. On peut imaginer au centre de chaque toron un fil qui ne feroit que se tordre, si on tournoit les manivelles du chantier dans le même sens que les fils sont tortillés; & l'on voit que tous les autres fils qui recouvrent celui qui est dans l'axe, l'enveloppent en décrivant autour de lui des hélices, qui sont d'autant plus courtes que les fils sont plus éloignés de ce premier fil qui est au centre. Suivant cette méchanique, les fils tendroient par leur force élastique à se redresser par un mouvement circulaire dont le centre est dans l'axe des torons: or c'est - là le mouvement qui est absolument nécessaire pour commettre les torons & en faire une corde. Si l'on examine à présent ce que peut produire le tortillement particulier de chaque fil sur lui - même, on sera obligé de convenir que plus les fils sont tortillés, plus ils acquierent de force élastique, & plus ils tendent à se détordre: mais quelle est la direction de cette réaction? C'est par une ligne circulaire dont le centre du mouvement est dans l'axe de chaque fil, & non pas dans l'axe des torons; chaque fil tendra donc à tourner sur lui - même, ce qui produira un mouvement dont l'effet est presque inutile pour le commettage de la corde, quoiqu'il fatigue beaucoup chaque fil en particulier. Ces fils sont à cet égard comme autant de ressorts qui travaillent chacun en particulier, mais qui ne concourent point à produire de concert l'effet desiré. Il faut néanmoins remarquer que le tortillement que chaque fil acquiert dans le cas dont il s'agît, les roidit: or un toron composé de fils roides doit avoir plûtôt acquis la force élastique qui lui est nécessaire pour être commis, qu'un fil qui est mou, parce que les fils roides tendront avec plus de force à détordre les torons, que ne le feront dés fils mous. D'où il suit que si l'on tord les torons dans le sens des fils, on pourra se dispenser de les tordre autant que si on les tordoit dans un sens opposé à celui des fils; ce qui pourroit faire croire qu'on gagneroit en force par la diminution du tortillement des torons, ce qu'on perdroit par le surcroît de tortillement qu'on donneroit aux fils. Pour que cette conséquence fût juste, il faudroit que toute l'élasticité que les fils acquierent chacun en particulier, fût entierement employée à procurer aux torons l'élasticité qui leur est nécessaire pour se commettre: or cela n'est pas.

Voyons maintenant ce qui arrive lorsqu'on tortille les torons dans un sens opposé au tortillement des fils. A mesure qu'on tortille les torons, les fils se détordent; néanmoins les torons acquierent peu - à - peu l'élasticité nécessaire pour les commettre: il faut nécessairement tordre plus les torons, quand on le fait en sens contraire des fils; que quand on les tord dans le même sens; mais dans ce dernier cas la diminution du tortillement des torons ne compense point le tortillement particulier des fils, qui prennent des coques & qui deviennent dures & incapables de se préter sans dommage aux contours qu'on leur fait prendre; au lieu que quand on tord les torons dans un sens opposé au tortillement des fils, les fils qui perdent une partie de leur tortillement, deviennent souples & plus capables de prendre toutes les formes nécessaires.

Les cordages qu'on nomme de main torse, & à Rochefort des garochoirs, ne different donc des aussieres ordinaires qu'en ce que les derniers ont leurs torons tortillés dans un sens opposé au tortillement des fils, & que les mains torses au contraire ont leurs torons tortillés dans le même sens que les fils, ensorte qu'on profite d'une partie de l'élasticité des fils pour commettre la corde; c'est pour cela que les torons n'ont pas besoin d'être tant tortillés pour acquérir l'élasticité qui leur est nécessaire pour être réduits en corde: aussi se raccourcissent - ils beaucoup moins, & par conséquent la corde reste plus longue, c'est un avantage pour l'économie des matieres. Il reste à savoir s'il est aussi favorable pour la force des cordes, pour cela il faut avoir recours à l'expérience; mais auparavant il faut remarquer que quand on tord les torons dans le sens des fils, si on ne charge prodigieusement le quarré, tous les fils prennent d'intervalle en intervalle des coques ou des commencemens de coques; & pour peu qu'on continue à donner du tortillement aux torons, on apperçoit visiblement que cela dérange la direction du chanvre dans les fils, & produit des inégalités de tension pour chaque fil: d'ailleurs, puisque dans les mains torses le fil se tord plus qu'il ne l'étoit, & que dans les aussieres le fil se détord un peu, on doit regarder les mains torses comme étant faites avec du fil extrèmement tortillé, & les aussieres avec du fil beaucoup plus mou. Or il a été dit, en parlant des fileurs, que ce dernier cas est le plus avantageux, & l'expérience l'a confirmé.

Suite de la main - d'auvre. On a vû à l'occasion du bitord & du merlin, qu'il falloit que les fils qui composent ces menus cordages fussent d'égale grosseur, & dans un égal degré de tension & de tortillement: il en est de même des torons; & les Cordiers prennent des précautions pour qu'ils soient également gros & également tendus: il faut de plus qu'ils ne soient pas plus tortillés les uns que les autres; c'est pourquoi les maîtres Cordiers recommandent aux

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