ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"225"> me est aisé à resoudre, puisqu'il consiste à faire ensorte que le fil noir du chariot soit au nombre des fils blancs qui passent sur les roüets, comme la vîtesse du chariot doit être à celle du quarré. On s'apperçoit bien que nous avons recommandé de mettre un fil noir au chariot, & un fil blanc au quarré, pour qu'on pût reconnoître plus aisément à qui appartient le fil qui molliroit.

Autre mauvaise pratique des Cordiers. Quand le quarré n'est pas rendu aux 120 brasses, qui est la longueur que je suppose que l'on veut donner à la piece de cordage, quoique le toupin touche aux palombes, il y a des Cordiers qui continuent de faire virer la manivelle du quarré, pendant que les manuelles du chantier restent immobiles; ils tordent ainsi la piece de cordage qui se raccourcit, & ne comptent leurs pieces bien commises que quand le quarré est rendu aux 120 brasses qu'ils veulent donner à leur piece; ils prétendent donner par - là plus de grace à leur cordage, & faire qu'il se roue plus aisément: mais ils sont mal fondés à le penser.

Détacher la piece & la faire rasseoir. Quand le maître cordier voit que sa piece est précisément de la longueur qu'il s'est proposé de la faire; quand il pense qu'elle est suffisamment tortillée, qu'elle a toute sa perfection, & qu'elle est en état d'être livrée au magasin des cordages, il fait arrêter la manivelle du quarré, il fait lier avec un fil de carret goudronné, & le plus serré qu'il le peut, les trois torons les uns avec les autres, tant auprès du toupin qu'auprès de la manivelle du quarré, afin que les torons ne se séparent pas les uns des autres: on détache ensuite la piece, tant de la grande manivelle du quarré que des palombes, & or la porte sur des chevalets qui sont rangés à dessein le long du mur de la corderie, ou sur des piquets qui y ont été scellés pour cet usage. On travaille une autre piece de cordage, & pendant ce tems là celle qui vient d'être commise se rasseoit, comme disent les ouvriers, c'est - à - dire que les fils prennent le pli qu'on leur a donné en les commettant; & à la fin de la journée on roüe toutes les pieces qui ont été commises.

Roüer. Il faut de nécessité plier les cordages pour les conserver dans les magasins; ceux qui sont fort gros, comme les cables, se portent tout entiers par le moyen de chevalets à rouleau, ou sur l'épaule: on les place en rond dans le magasin sur des chantiers. A l'égard des cordages de moindre grosseur, on les roüe dans la corderie, c'est - à - dire qu'on en fait un paquet qui ressemble à une roüe, ou plûtôt à une meule. Il faut expliquer comment on s'y prend pour cela.

Le maître cordier commence par lier ensemble deux bouts de corde d'étoupe, d'une longueur & d'une grosseur proportionnées à la grosseur du cordage qu'on vent roüer; mais cette corde doit être tres - peu tortillée, pour qu'elle soit fort souple: ces deux cordes ainsi réunies s'appellent une liasse. On pose cette liasse à terre, de façon que les quatre bouts fassent une croix; ensuite mettant le pié sur l'extrémité de la corde qu'on veut roüer, on en forme un cercle plus ou moins grand, suivant la flexibilité & la grosseur de la corde, & on a soin que le noeud de la liasse se trouve au centre de ce cercle de corde. Quand la premiere révolution est achevée, on lie avec un fil de carret le bout de la corde avec la portion de la corde qui lui répond; & cette premiere révolution étant bien assujettie, on l'enveloppe par d'autres qu'on serre bien les unes contre les autres, en halant seulement dessus, si la corde est menue & n'est point trop roide; ou à coups de maillet, si elle ne veut pas obéir aux simples efforts des bras. On continue à ajoûter des révolutions jusqu'à ce qu'on ait formé une espece de bourlet en spirale, qui ait un pié, un pié & demi, deux piés ou plus de largeur, suivant que la corde est plus ou moins grosse ou longue. Ce premier rang de spirale fait, on le recouvre d'un autre tout semblable, excepté qu'on commence par la plus grande révolution, & qu'on finit par la plus petite; au troisieme rang on commence par la plus petite, & on finit par la plus grande; au quatrieme on commence par la grande, & on finit par la petite: ce que l'on continue alternativement jusqu'à ce que le cordage soit tout roüé. Alors on prend les bouts de la liasse qui sont à la circonférence de la meule de cordages, on les passe dans la croix que forme la liasse au milieu de la meule; & halant sur les quatre bouts à la fois, on serre bien toutes les révolutions les unes contre les autres. Quand on a arrêté les bouts de la liasse, & que la meule est bien assujettie, on la peut porter sur l'épaule, ou passer dans le milieu un levier pour la porter à deux; on peut aussi la rouler, si la grosseur & le poids de la piece le demandent: car on n'a point à craindre que la meule se défasse. Le bitord, le lusin & le merlin sont trop flexibles pour être roüés; on a coûtume de les dévider sur une espece de moulinet en forme d'écheveau, qu'on arrête avec une commande, ou, comme disent les tisserands, avec une centaine. Tous les soirs on porte les pieces qui ont été fabriquées, dans le magasin des cordages, où l'écrivain du Roi, qui en a le détail, les passe en recette après les avoir fait peser; & cette recette doit quadrer avec la consommation qui a été faite au magasin des tourets, parce que dans cette opération il n'y a point de déchet. Le tord qu'on fait prendre aux pieces de cordage, lorsque le toupin est rendu auprès de l'attelier, après qu'elles sont commises, fait qu'elles se roüent plus aisément. Ce tortillement qui ne résulte point de la force élastique des torons, & qui est uniquement produit par la grande manivelle du quarré, donne à toute la piece un degré de force élastique qui fait que, si on la plioit en deux, elle se rouleroit, ou, ce qui est la même chose, les deux portions de cette corde pliée se commettroient un peu; or cette force élastique qui donne aux cordes cette disposition à se rouler, fait aussi qu'elles se roüent plus aisément. Ceux qui prendront la peine de roüer une piece de cordage qui a reçû le tortillement dont nous venons de parler, en concevront aisément la raison; c'est pourquoi nous ne nous y arrêterons pas davantage: il nous suffira de faire remarquer que ce petit avantage doit être négligé, à cause des inconvéniens dont nous allons parler.

Il convient de faire remarquer que sur les vaisseaux on roüe différemment les cordages; car on commence toûjours par la plus petite révolution, soit au premier, soit au second, soit au troisieme rang, jusqu'au bout de la corde. Cette pratique est préférée à bord des vaisseaux, parce que les cordages prennent moins de coques, & on l'appelle roüer à la hollandoise.

Nous avons observé en parlant du bitord, que le tortillement qui étoit produit par l'élasticité des torons, ne pouvoit pas se perdre; mais que celui qui ne résultoit pas de cette élasticité, étoit semblable au tortillement d'un fil de carret, qui se détruit presqu'entierement si - tôt qu'on abandonne ce fil à lui - même. Assûrément le tortillement que les cordiers donnent à leurs pieces de cordage, quand elles sont commises, est dans ce cas. Il est donc certain que ce tortillement se perdra tôt ou tard par le service, d'où on peut déjà conclure qu'il est inutile. Ce tortillement ne laisse pas de subsister quelque tems dans les pieces à qui on l'a donné, ce qui produit une grande disposition à prendre des coques; c'est un défaut considérable pour les manoeuvres qui doivent courir dans les poulies. Si le tortillement dont nous parlons subsistoit [p. 226] dans certaines manoeuvres qui sont arrêtées par les deux bouts, comme les haubans, il rendroit les hélices plus courtes, ce qui est toûjours desavantageux. Enfin par ce tortillement on fait souffrir aux fils un effort considérable qu'on pourroit leur épargner: tout cela prouve qu'il seroit à propos de le supprimer.

Mais on peut remarquer, 1°. que souvent le tortillement se perd par le service, & conséquemment que la dureté qu'il peut communiquer à la corde, s'évanoüit lorsque les hélices s'allongent, & l'inconvénient cesse. 2°. Que la corde détortillée, comme on vient de le dire, en devient plus longue, ce qui contribue à la rendre plus forte, puisqu'alors elle se trouve moins commise; il est vrai que les maîtres cordiers pourroient lui procurer cet avantage sur le chantier; mais comme leur préjugé s'y oppose, nous pourrions, en conservant cette pratique, les rapprocher de nos principes sans qu'ils s'en apperçussent. 3°. Comme il n'est presque pas possible que le toupin coule & s'avance uniformément le long des torons, on égalise à peu de chose près toutes les hélices qui se trouvent le long de la corde, par le tortillement qu'on donne en dernier lieu, puisqu'il est clair que ce seront les parties de la corde les plus molles ou les moins tortillées, qui recevront plus de ce dernier tortillement. 4°. Il arrive souvent que la force élastique occasionnée par le tortillement des torons, n'est pas entierement consommée par le commettage. En donnant à la piece le tortillement dont il s'agit, on répare cette inégalité, qui est toûjours un défaut pour le cordage. Cela arrive assez souvent dans les cordes où l'on prend les deux tiers du raccourcissement de la corde pour tordre les torons; mais cela est encore plus visible dans les cordages de main torse; car quand on ne leur donne pas le tortillement dont il s'agit, après qu'elles ont été commises, on les voit (quand elles sont abandonnées à elles - mêmes) se travailler & se replier comme des serpens, & cela dans le sens du commettage, comme si elles vouloient se tordre davantage, à quoi elles ne peuvent parvenir, soit par leur propre poids, soit par la situation où elles se trouvent.

On peut conclure de tout ce qui vient d'être dit, qu'il est bon de donner aux pieces, lorsqu'elles seront commises, un tortillement capable de les raccourcir d'une brasse ou deux, pourvû qu'on ait soin de le leur faire perdre avant que de les roüer.

Du mouvement de la manivelle du quarré. Nous avons dit qu'on n'employoit la manivelle du quarré que pour tenir lieu de l'émerillon, qui suffit quand on commet du bitord ou du merlin, & que cette grande manivelle devoit agir de concert avec l'élasticité des torons, pour les faire rouler les uns sur les autres, en un mot pour les commettre. Mais si la manivelle du quarré tourne trop lentement, eu égard à la force élastique que les torons ont acquise, quand la corde sera abandonnée à elle - même, elle tendra à se tordre, & elle fera des plis semblables à ceux d'une couleuvre, ce qui est un défaut; si au contraire la manivelle du quarré tourne plus vîte qu'il ne convient, elle donnera aux cordages plus de tortillement que l'élasticité des torons ne l'exige, & il en résultera le même effet que si l'on avoit tortillé la piece après qu'elle a été commise, c'est - à - dire que le cordage aura une certaine quantité de tortillement, qui n'étant point l'effet de l'élasticité des fils, ne pourra subsister, & ne servira qu'à fatiguer les fils, & à rendre les cordages moins flexibles. Ce ne sont cependant pas là les seuls inconvéniens qui résultent de cette mauvaise pratique: nous en allons faire appercevoir d'autres.

Pour mieux reconnoître la défectuosité des prati<cb-> ques que nous venons de blâmer, examinons ce qui doit arriver à une manoeuvre courante, à une grande écoute, par exemple, à un gros cable, &c. en un mot, à un cordage qui soit retenu fermement par un de ses bouts, & qui soit libre par l'autre; & pour le voir sensiblement, imaginons un quarantenier qui soit attaché par un de ses bouts à un émerillon, & qui réponde par l'autre à un cabestan. Si ce cabestan vient à faire force sur le quarantenier, de quelque façon qu'il soit commis, aussi - tôt le crochet de l'émerillon tournera, mais avec cette différence, que si le quarantenier a été commis un peu mou, & s'il n'a été tortillé que proportionnellement à l'élasticité de ses torons, le crochet de l'émerillon tournera fort peu, au lieu qu'il tournera beaucoup plus, si le quarantenier a été commis fort serré, & s'il a été plus tortillé que ne l'exigeoit l'élasticité des torons; c'est une chose évidente par elle - même, & que l'expérience prouve.

Cette petite expérience, toute simple qu'elle est, fait appercevoir sensiblement que les cables des ancres très - tords, qui l'ont été plus que ne l'exigeoit l'élasticité des torons, font un grand effort sur les ancres pour les faire tourner, sur - tout quand à l'occasion du vent & de la lame les vaisseaux forceront beaucoup sur leur ancre; or comme le tranchant de la patte des ancres peut aisément couper le sable, la vase, la glaise, & les fonds de la meilleure tenue, il s'ensuit que pour cette seule raison les ancres pourront déraper & exposer les vaisseaux aux plus grands dangers. Tout le tortillement que la manivelle du quarré fait prendre à une piece de cordage, au - delà de ce qu'exige l'élasticité des torons, donne à ce cordage un degré de force élastique qui fait que quand on en plie une portion en deux, elles se roulent l'une sur l'autre, & se commettent d'elles - mêmes: or il est bien difficile, quand on manie beaucoup de manoeuvres, d'empêcher qu'il ne se fasse de tems en tems des plis. Si la corde est peu tortillée, ces plis se défont aisément & promptement; mais si elle a été beaucoup tortillée, & sur - tout si elle l'a plus été que ne l'exigent les torons dont elle est composée, la portion de la corde qui forme le pli, étant roulée comme nous venons de l'expliquer, il en résulte une espece de noeud qui se serre d'autant plus, qu'on force davantage sur la corde; c'est cette espece de noeud, ou plûtôt ce tortillement bien serré, que les marins appellent une coque. Quand un cordage qui a une coque, doit passer dans une poulie, souvent les étropes, ou la poulie elle - même, sont brisés; la manoeuvre est toûjours interrompue. Un homme adroit a bien de la peine à défaire ces coques avec un épissoir; souvent les matelots sont estropiés, & le cordage en est presque toûjours endommagé; ce qui fait que les marins redoutent beaucoup, & avec raison, les cordages qui sont sujets à faire des coques.

De la charge du quarré. Nous nous sommes contentés d'expliquer ce que c'étoit que le quarré ou la traîne, en donnant sa description, & de rapporter en général quels sont ses usages. Nous avons dit à cette occasion qu'on le rendoit assez pesant par des poids dont on le chargeoit, pour qu'il tînt les fils dans un degré de tension convenable; mais nous n'avons point fixé quelle charge il falloit mettre sur le quarré.

Pour entendre ce que nous avions à dire à ce sujet, il étoit nécessaire d'être plus instruit de l'art du cordier. Il convient donc de traiter cette matiere, qui est regardée comme fort importante par quelques cordiers. Le quarré doit par sa résistance tenir les torons, à mesure qu'ils se raccourcissent, dans un degré de tension qui permette au cordier de les bien commettre: voilà quel est son objet d'utilité. Si le

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