ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"217"> de chêne, & que des lambourdes soûtiennent les tourets. Il faut encore veiller à ce que les tourets ne touchent pas aux murs. Moyennant ces précautions, le fil pourra rester assez long - tems, mais non plusieurs années, dans les magasins sans dépérir.

Des commetteurs. Il s'agit maintenant de mettre le fil en cordages.

Il y a deux especes de cordages: les uns simples, ou dont par une seule opération on convertit les fils en corde; on les appelle des aussieres: les autres qu'on peut regarder comme des cordages composés de cordages simples ou d'aussieres commises les uns avec les autres, c'est - à - dire réunies par le tortillement; on les appelle des grelins. Ces deux especes de cordages se subdivisent en un nombre d'autres qui ne different que par leur grosseur, & par l'usage qu'on en fait pour la garniture des vaisseaux. Voyez Cordages (Marine.) La plus petite & la plus simple de toutes les aussieres, qui n'est composée que de deux fils, s'appelle du bitord; une autre un peu plus grosse, qui est composée de trois fils, se nomme du merlin. Pour donner par degré une idée de la corderie, nous traiterons 1°. de la fabrique de ces petites ficelles, parce qu'elles sont les plus simples: 2°. des aussieres qui sont composées de trois torons: 3°. des aussieres qui sont composés d'un plus grand nombre de torons: 4°. des grelins & des cables: 5°. des cordages en queuë de rat, ou qui sont plus gros d'un bout que de l'autre, & des cordages refaits.

Du bitord. Quand un cordier veut unir ensemble deux fils pour en faire du bitord, il se sert du roüet des fileurs, ou bien d'un roüet de fer dont voici la description.

Du roüet. Ce roüet a, Pl. I. fig. 4. est composé de quatre crochets mobiles, disposés en forme de croix; ces crochets tournent en même tems que la roüe, & d'un mouvement bien plus rapide, à l'aide d'un pignon ou lanterne dont chacun d'eux est garni, & qui engrene dans les dents de la roüe qu'un homme fait tourner par le moyen d'une manivelle: la grande roüe imprime donc le mouvement aux quatre lanternes, qui étant égales, tournent toutes également vîte. Il est fort indifférent de se servir du roüet de fer ou des roüets ordinaires. Lorsqu'un cordier veut faire une corde seulement avec deux fils, il n'employe que deux des crochets de son roüet.

Le cordier b prend d'abord un sil qu'il attache par un de ses bouts à un des crochets du roüet; ensuite il l'étend, le bande un peu, & va l'attacher à un pieu qui est placé à une distance proportionnée à la longueur qu'il veut donner à sa corde, & ce fil est destiné à faire un des deux cordons. Cela fait, il revient attacher un autre fil à un crochet opposé à celui où il a attaché le premier: il le tend aussi, il va l'arrêter de même au pieu dont nous venons de parler, & ce fil doit faire le second cordon: de sorte que ces deux fils doivent être de même longueur, de même grosseur, & avoir une égale tension. C'estlà ce qu'on appelle étendre les fils ou les vettes, ou bien ourdir une corde. Cette opération étant faite, la corde étant ourdie, le cordier prend les deux fils qu'il a attachés au pieu, & les unit ensemble, soit par un noeud ou autrement; de sorte que ces deux fils ainsi réunis, n'en forment, pour ainsi dire, qu'un: car ils font précisément le même effet qu'un seul fil qui seroit retenu dans le milieu par le pieu, & dont les deux bouts seroient attachés aux deux crochets du roüet. La plûpart des cordiers suivent cette pratique, c'est - à - dire que le second fil n'est que le prolongé du premier; ce qui est préférable, parce que les deux fils sont alors nécessairement tendus également, aussi longs & aussi forts l'un que l'autre, toutes conditions essentielles pour qu'une corde soit bien ourdie. Au reste, que les fils soient assemblés par leur extrémité qui répond au pieu, ou qu'ils soient d'une seule piece, cela ne rend la corde ni plus forte ni plus foible, pourvû qu'ils soient tendus également. C'est par ce point de réunion que le cordier accroche ces deux fils à un émerillon. Un bout de corde qui tient à l'anneau de l'émerillon, va passer sur une fourche qui est plantée quelques pas plus loin que le pieu où nous avons dit qu'on attachoit les fils à mesure qu'on les étendoit, & cette corde soûtient par son autre extrémité un poids proportionné à la grosseur de la corde qu'on veut commettre; de sorte que ce poids a la liberté de monter ou de descendre plus ou moins le long de la fourche, selon qu'il est nécessaire. Voyez Pl. I. fig. b.

Ce contrepoids sert à tenir également tendus les deux fils ourdis; & comme le tortillement qu'ils doivent souffrir les raccourcit, il faut que le contrepoids qui les tend, puisse monter à proportion le long de la fourche.

Lorsque tout est ainsi disposé, le cordier prend un instiument qu'on appelle le cabre, le masson, le cochoir, le toupin, le sabot, ou le gabieu.

Du toupin. Cet instrument est un morceau de bois tourné en forme de cone tronqué, dont la grosscur est proportionnée à celle de la corde qu'on veut faire; il doit avoir dans sa longueur, & à une égale distance, autant de rainures ou gougeures que la corde a de cordons: ainsi dans cette opération, où il n'est question que d'une corde à deux cordons, le cordier se sert d'un toupin qui n'a que deux rainures diamétralement opposées l'une à l'autre, tel qu'on le voit en c. Ces rainures doivent être arrondies par le fond, & assez profondes pour que les fils y entrent de plus de la moitié de leur diametre. Le cordier place le toupin entre les deux fils qu'il a étendus, en sorte que chacune de ses rainures reçoive un des fils, & que la pointe du toupin touche au crochet de l'émerilion.

Pendant qu'il tient le toupin dans cette situation, il ordonne qu'on tourne la roüe du roüet pour tordre les fils. Chacun des deux fils se tord en particulier; & comme ils sont parfaitement égaux en grosseur, en longueur, & par la matiere qui est également flexible, ils se tordent également; mais à mesure qu'ils se tordent, ils se raccourcissent, & le poids qui pend le long de la fourche, remonte d'autant. Quand le maître cordier juge qu'ils sont assez tords, il éloigne le toupin de l'émerillon, & le fait glisser entre les fils jusqu'auprès du roüet, sans discontinuer de faire tourner la roüe; moyennant quoi les deux fils se rassemblent en se roulant l'un sur l'autre, & font une corde dont on peut se servir, sans craindre qu'elle se détorde par son élasticité: c'est ce que les cordiers appellent commettre une corde. Mais il faut observer que pendant cette seconde opération, c'est - à - dire pendant que la corde se commet, elle continue de se raccourcir, & le poids remonte encore le long de la fourche. En réfléchissant sur cette manoeuvre des cordiers, on conçoit pourquoi une corde ne se détord pas, pendant qu'un fil abandonné à lui - même, perd preque tout le tortillement qu'il avoit acquis. Tandis que le toupin étoit contre l'émerillon, les deux fils étoient tords chacun en particulier, & acquéroient un certain degré de sorce élastique qui tendroit à les détordre, ou à les faire tourner dans un sens opposé - à celui dans lequel ils ont été tortilles, si on leur en donnoit la liberté; ce qui se manifeste par l'effort que le toupin fait pour tourner dans la main du cordier.

Si - tôt donc que le cordier aura écarté le toupin de l'émérillon, la partie du premier fil qui se trouve entre le toupin & l'émérillon étant en liberté, tendra par la force élastique qu'elle a acquise en se tortillant, à tourner dans un sens opposé à son tortille<pb-> [p. 218] ment, c'est - à - dire que si les fils ont été tords de droite à gauche, la partie du premier fil comprise entre le toupin & l'émerillon qui sera en liberté, tendra à tourner de gauche à droite; & effectivement elle tournera en ce sens par sa seule élasticité, en faisant tourner avec elle le crochet mobile de l'émerillon. De même, le second fil ayant été tors de droite à gauche, la partie de ce fil comprise entre le toupin & l'émerillon tendra aussi à se détortiller & à tourner de gauehe à droite, & effectivement elle tournera dans ce sens par sa seule élasticité, en faisant tourner le crochet mobile de l'émerillon. Les deux fils tourneront donc dans le même sens, & s'ils étoient libres ils ne feroient que se détordre; mais comme ils sont attachés au même crochet, ils ne peuvent tourner autour d'un même axe sans se rouler l'un sur l'autre; c'est en effet ce qu'ils exécutent; ils se tordent de nouveau ensemble, mais dans un sens opposé à celui dans lequel ils avoient été tortillés séparément. Le chanvre mou doit être un peu plus tortillé que le dur: il est avantageux de commettre le fil en bitord si - tôt qu'il est filé, & il est important que les fils soient égaux.

Du merlin. Quand le cordier veut faire du merlin, qui est composé de trois fils, après avoir tendu un fil depuis le crochet du roüet jusqu'au crochet de l'émerillon, il lui reste à étendre de même les deux autres fils; pour aller plus vite, il prend ordinairement un fil sur le touret e, fig. 4. Pl. I. il le passe sur un petit touret de poulie, monté d'un crochet qui lui sert de chape, comme on voit en f; il l'attache au crochet de la molette. Cela fait, il va en tenant le croc à poulie (c'est le nom de l'outil f) passer la portion du fil qui étoit sur le touret e, dans le crochet de l'émerillon, & revient au touret; il coupe son fil de longueur; il l'attache au troisieme crochet, & sa corde est ourdie. Alors il prend le toupin à trois rainures; il le place entre les fils prés de l'émerillon; on tourne la roüe du rouet, & sa corde à trois fils se commet comme le bitord. Nous observerons ieulement qu'il y a de l'avantage à employer trois fils fins préterablement à deux fils gros pour une corde de même quantité de chanvre. C'est le résultat de l'expérience & du raisonnement.

Le bitord sert à fourrer les cordages, c'est - à - dire à les couvrir entierement; on empêche aussi que le frottement ne les endommage, & que l'eau ne les pénetre; il se fait de second brin. On le godronne presque tout, & on le plie en paquet de vingt - cinq brasses. Il y en a de fin & de gros; le gros pour les gros cordages, le fin pour les cordages menus. On le commet tout en blanc. On le trempe tout fait dans la cuve pour le godronner.

Du lusin. Le lusin est un vraí fil retors; il se fait de deux fils de premier brin, simplement tortillés l'un avec l'autre & non commis; c'est le goudron qui l'empêche de se détordre. On s'en sert pour arrêter les bouts des manoeuvres coupées quand elles ne sont pas grosses; quand elles sont grosses on y employe le merlin. On ne conserve que peu de merlin en blanc.

Du fil de voile. Ce n'est qu'un bon fil retors. Pour le faire, on prend du chanvre le mieux peigné & le plus fin: on en étend deux longueurs de vingt brasses chacune; on les attache à une molette du roüet, mais disposée de maniere que la corde la fait tourner en un sens opposé à celui qu'ont les molettes, quand l'ouvrier file à l'ordinaire. Ces deux fils sont peu commis, puisqu'ils ne se raccourcissent que de quatre brasses. Quand ce fil est fait, on le lisse, afin qu'il passe mieux quand on s'en servira à assembler des lés de toile à voile.

Des aussieres. On appelle de ce nom tout cordage commis après qu'on a donné aux fils un degré con<cb-> venable d'élasticité par le tortillement; ainsi le bitord & le merlin sont à proprement parler des aussieres. Mais pour faire des cordages plus gros que ceux dont il a été question jusqu'ici, on réunit ensemble plusieurs fils qui forment des faisceaux: on tord à part chacun de ces faisceaux, comme nous avons dit qu'on tordoit les deux fils du bitord & les trois fils du merlin; & ces faisceaux ainsi tortillés s'appellent torons: ainsi il y a des aussieres à deux, à trois, à quatre torons, &c. Nous donnerons d'abord la maniere de fabriquer celle à trois torons; nous parlerons ensuite des autres.

Des quaranteniers. Les cordages en aussieres sont d'un grand usage dans la Marine; il y en a de plusieurs grosseurs, depuis un pouce de circonférence, jusqu'à douze & par - delà. Les plus petits s'appellent quaranteniers; & il y a des quaranteniers à six fils, à neuf, à douze, & à dix - huit. Les aussieres plus grosses se distinguent par leurs usages; on les appelle garands de caliornes, garands de palans, rides, srancs sunins, itagues, haut - bans, &c. Quand ils n'ont point de destination déterminée, ils retiennent le nom générique d'aussieres. Ils se fabriquent tous de la même maniere. Dans les corderies du Roi, où l'on a de grands roüets, on commet ordinairement les quaranteniers à six & à neuf fils, de la même maniere que le merlin, à cela près seulement qu'en ourdissant les quaranteniers à six fils, on accroche deux fils à chacun des trois crochets du roüet, & que pour les quaranteniers à neuf on en attache trois à chaque crochet. Ils se travaillent de même que les merlins; avec cette difference que quand les fils sont ourdis, on les tord pour les commettre dans un sens opposé à celui du tortillement. Entrons maintenant dans l'attelier des commetteurs des aussieres à plusieurs torons; car il a ses dispositions & ses outils particuliers, & commençons par exposer sa disposition générale.

Cet attelier est, comme celui des fileurs, une galerie longue de deux cents brasses, ou de mille piés, large de six à sept brasses, ou de trente à trente - cinq piés. Aux deux bouts de cette galerie sont posés les supports des tourets, qui sont disposés de différente façon.

Des supports des tourets. On sait que le fil de carret est conservé dans les magasins sur des tourets; on en tire la quantité dont on juge avoir besoin, & on les dispose sur des supports, de façon qu'ils puissent tourner tout à la fois sans se nuire les uns aux autres, afin que quand on veut ourdir une grosse corde, au lieu de faire autant de fois la longueur de la corderie qu'on veut réunir de fils ensemble, six fois, par exemple, si l'on a intention de faire un quarantenier à six fils, on puisse, en prenant six bouts de fils sur six tourets différens, ourdir sa corde tout d'une fois. C'est dans cette intention qu'on dispose au bout de la corderie les tourets sur des supports, qui sont quelquefois posés verticalement & d'autres fois horisontalement; pour cela on pose à bas sur le plancher & par le travers de la corderie, une grosse piece de bois quarrée, dans laquelle on assemble un nombre de piés droits, (Planc. III. divis. prem.) plus ou moins, selon la largeur de la corderie; le bout d'enhaut de ces piés droits est assemblé dans une autre piece de bois quarrée qui tient aux solives de la corderie; les piés droits sont entaillés dans leur épaisseur, comme on le voit en B, & c'est dans ces entailles qu'on pose les essieux des roüets. Moyennant cette disposition, l'on peut réunir ensemble les bouts de plusieurs fils, & les étendre ainsi de toute la longueur de la corderie.

Dans beaucoup de corderies on les établit d'une autre façon plus solide & plus commode; il faut imaginer deux assemblages de charpente C C, qui sont posés l'un sur l'autre, de telle sorte que l'un re<pb->

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