ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Elle s'établit même derriere les places ennemies & les rivieres par la terreur, soit par des incendiaires déguisés qui sement des billets, soit par les différentes manieres dont on peut faire passer des rivieres à de petits partis, qui doivent s'attacher ou à enlever quelques personnes considérables du pays, ou à brûler une grosse habitation.

En général il doit être tenu des états de toutes les sortes de contributions qui se levent; & le prince doit avoir une attention bien grande sur les personnes qu'il en charge, parce qu'il n'est que trop ordinaire qu'elles en abusent pour leur profit particulier. Mémoires de M. le marquis de Feuquiere. (Q)

CONTRITION (Page 4:145)

CONTRITION, s. f. (Théol.) vient du verbe conterere, qui signifie broyer, briser. C'est une métaphore empruntée des corps, pour marquer l'état d'une ame que son repentir déchire & pénetre de la plus vive douleur: ce que les coups redoublés d'un marteau font sur le fer pour l'amollir, la douleur le fait, pour ainsi dire, sur l'ame pour la convertir.

Ce terme est affecté à la religion, pour exprimer le sentiment de l'ame qui revient de ses égaremens, & qui passe de l'état du péché à celui de la grace; & il est consacré par le langage des Ecritures: Scindite corda vestra, Joël, xj. vers. 13. Cor contritum & humiliatum Deus non despicies. Ps. 50.

Le concile de Trente, sess. 14. ch. jv. définit ainsi la contrition en général: Contritio est animi dolor ac detestatio de peccato commisso, cum proposito non peccandi de coetero; définition qui convient à la contrition, telle qu'elle a été nécessaire dans tous les tems pour obtenir la remission des péchés. Mais sous la loi évangélique elle exige de plus le voeu de remplir tout ce qui est nécessaire pour recevoir dignement le sacrement de pénitence. C'est ce que les anciens scholastiques ont exprimé par cette définition rapportée dans S. Thomas, part. III. quest. j. art. 1. in corpor. Contrition est dolor de peccato assumptus, cum proposito confitendi & satisfaciendi.

Luther s'est étrangement écarté de ces notions, quand il a réduit la pénitence à cette maxime, optima poenitentia nova vita. Il prenoit la partie pour le tout; & selon lui, nulle contrition pour le passé, nulle nécessité de s'accuser de sa faute. Il étoit aisé de lui opposer une foule d'autorités, & entr'autres ces paroles de S. Augustin à Sévere, Ep. 63. Quasi non dolenda sint quoe male gesta sunt, etiamsi quantum possunt, postea corrigantur. Et celles - ci du même pere, serm. 351. Non sufficit mores in melius mutare & à fadis malis recedere, nisi etiam de his quoe facta sunt, satisfiat per poenitentioe dolorem, per humilitatis gemitum, per contriti cordis sacrificium. Le concile de Trente, sess. 14. canon v. a condamné expressément cette erreur de Luther.

Les conditions ou propriétés de la contrition en général sont qu'elle soit libre, surnaturelle, vraie & sincere, vive & véhémente.

Elle doit être libre; c'est un acte de la volonté, & non un sentiment extorqué par les remords de la conscience, comme l'a enseigné Luther, qui a prétendu que la crainte des peines éternelles & la contrition, loin de disposer l'homme à la grace, ne servoient qu'à le rendre hypocrite & pécheur de plus en plus: doctrine affreuse réprouvée par le concile de Trente, sess. 14. canon v.

Elle doit être surnaturelle, tant à raison de la grace, sans le secours de laquelle on ne peut avoir de véritable contrition de ses péchés, qu'à raison du motif qui l'excite. Quelques casuistes relâchés ayant avancé que l'attrition conçûe par un motif naturel, pourvû qu'il soit honnête, suffit dans le sacrement de pénitence, l'assemblée générale du clergé de France en 1700 censura cette proposition, comme hérétique.

La contrition doit être vraie & sincere: une contri<cb-> tion fausse, mais qu'on croiroit vraie, ne seroit nullement suffisante, ni pour recevoir la grace du sacrement, ni pour recevoir le sacrement même.

Enfin elle doit être vive & véhémente, soit quant à l'apprétiation, c'est - à - dire quant à la disposition du coeur, de préférer Dieu à tout, & d'aimer mieux mourir que de l'offenser; soit quant à l'intention ou à la vivacité du sentiment qui porte l'ame vers Dieu, & qui l'éloigne du péché; soit quant à l'extension ou à l'universalité: car la contrition, pour être bonne, doit s'étèndre à tous les péchés qu'on a commis, sans en excepter aucun.

La contrition est nécessaire pour le péché; elle est de précepte. Mais quand ce précepte oblige - t - il? C'est un point sur lequel l'Eglise n'a rien décidé. Le sentiment le plus sûr dans la pratique, est qu'il faut détester le péché dès qu'on l'a commis, & s'en purifier le plûtôt qu'il est possible par le sacrement de pénitence.

Voilà ce que la plus saine partie des Théologiens enseigne sur la contrition en général; & il n'y a guere de partage d'opinions à cet égard, si ce n'est de la part des auteurs relâchés, dont les opinions ne font pas loi.

Tous les Théologiens distinguent encore deux sortes de contrition; l'une qu'ils appellent parfaite, & qui retient le nom de contrition; l'autre imparfaite, & qu'ils nomment attrition.

La contrition parfaite est celle qui est conçûe par le motif de l'amour de Dieu ou de la charité proprement dite; & elle suffit pour reconcilier le pécheur avec Dieu, même avant la réception actuelle du sacrement de pénitence, mais toûjours avec le voeu ou le desir de recevoir ce sacrement; voeu ou desir que renferme la contrition parfaite. Ce sont les termes du concile de Trente, sess. 14. ch. jv.

Selon le même concile, l'attrition ou la contrition imparfaite est une douleur & une détestation du péché, concùe par la considération de la laideur du péché, ou par la crainte des peines de l'enfer; & le concile déclare que si elle exclud la volonté de pécher, & si elle renferme l'espérance du pardon, non seulement elle ne rend point l'homme hypocrite & plus pécheur qu'il n'étoit (comme l'avoit avancé Luther), mais qu'elle est même un don de Dieu & un mouvement du S. Esprit, qui n'habite pas encore à la vérité dans le pénitent, mais qui l'excite à se convertir. Le concile ajoûte que quoique l'attrition par elle - même, & sans le sacrement de pénitence, ne puisse justifier le pécheur, elle le dispose cependant à obtenir la grace de Dieu dans le sacrement de pénitence. Id. ibid. Voyez Attrition.

Il est bon d'observer ici d'après Estius & le P. Morin, que le terme d'attrition a été inconnu à la premiere antiquité, qu'il doit sa naissance aux scholastiques, & qu'on ne le trouve dans aucun écrit en matiere de doctrine avant Alexandre de Halès, Guillaume de Paris, & Albert le grand; c'est - à - dire qu'il a commencé à être usité après l'an 1220, un peu plus d'un siecle après l'origine de la théologie scholastique.

C'est sur - tout depuis le concile de Trente qu'on a vivement disputé sur les limites qui séparent la contrition d'avec l'attrition: c'est ici que commencent les divisions théologiques. Les uns prétendent que le passage de l'attrition à la contrition se fait par des nuances imperceptibles, à - peu - près comme dans la peinture on passe d'une couleur à l'autre; que la contrition ne differe de l'attrition que par la vivacité de la douleur, qui, pour mériter ce nom, doit être portée jusqu'à un certain degré connu de Dieu seul; de sorte que ces deux sentimens d'un coeur repentant ne different entre eux, que par le plus ou moins de douleur qui les accompagne. Les autres [p. 146] ne mesurent point leur différence par les degrés de douleur qui rendent ces deux sentimens plus ou moins vifs, mais par le motif qui s'unit à la douleur: si la crainte des peines de l'enfer, ou cette honte qui suit le péché, animent la douleur, dès - lors elle n'est qu'une simple attrition, quel que soit l'excès du sentiment qui pénetre l'ame. Mais ce motif est - il l'amour de Dieu? dès - lors la douleur que cet amour échauffe devient contrition.

Ceux qui se déclarent pour le premier sentiment, reconnoissent que l'attrition est mêlée de quelqu'amour de Dieu; & c'est en l'envisageant sous cet aspect, qu'ils soûtiennent qu'elle suffit avec le sacrement pour nous reconcilier avec Dieu. Mais ils ne pensent pas tous de la même maniere sur l'amour. Leur division a sa source dans le passage du concile de Trente, où il est dit que la contrition parfaite justifie toûjours le pécheur, même avant qu'il reçoive le sacrement, quoique cette reconciliation soit attachée au voeu de le recevoir. Voici le passage en original: Circa contritionem perfectam duo docet sacro - sancca synodus: primum contingere aliquando eam charitate perfectam esse, hominemque Deo reconciliare, priusquam sacramentum poenitentioe actu suscipiatur: alterum, reconciliationem hanc ipsi contritioni, sine sacramenti vcto, quod in illâ includitur, non esse adscribendam.

Il est vrai que quelques théologiens rigoristes ont chicané sur cet adverbe aliquando qu'on lit dans le texte du concile, & qu'ils en ont inféré que la justification n'étoit point attachée à lá contrition parfaite; mais qu'elle ne l'accompagnoit que dans quelques circonstances, telle que seroit celle où un homme prêt à expirer, sans pouvoir se procurer le sacrement, trouveroit alors sa justification dans le scul sentiment d'un coeur contrit & humilié. Mais il est clair que ces théologiens n'ont nullement saisi le sens du concile, puisqu'il est évident par le texte même, que l'adverbe aliquando, dont ils se prévalent ici pour autoriser leur sentiment, tombe sur la contrition, qui rarement est parfaite dans ceux qui s'approchent du sacrement, & nullement sur la justification, qu'elle produit toûjours indépendamment même du sacrement.

Ce passage a produit parmi ceux qui tiennent pour l'amour dans le sacrement de pénitence, deux sentimens opposés sur le motif qui constitue la contrition parfaite & la contrition imparfaite. Les uns font dépendre la perfection de la contrition des degrés de l'amour, & les autres de l'amour même dans quelque degré qu'il soit, plus ou moins parfait, suivant le motif qui l'anime. Les premiers ne reconnoissent qu'une sorte d'amour, qu'ils appellent charité, & ils prétendent qu'il ne justifie le pécheur avant le sacrement, que lorsqu'il est parvenu à un certain degré d'ardeur, que Dieu a marqué pour la justification, & sur lequel il ne lui a pas plû de nous instruire, pour nous tenir continuellement dans la crainte & dans le tremblement. Les autres, outre cet amour de charité, en admettent un autre qu'ils lui subordonnent, & qu'ils nomment amour d'espérance ou amour de concupiscence. Le premier, disent - ils, nous fait aimer Dieu pour lui - même; le second nous le fait aimer pour notre propre bonheur, que nous ne trouvons, il est vrai, que dans la joüissance de cet Être suprème: le premier, selon ces théologiens, tire de la noblesse de son motif la perfection qu'il communique à la contrition, & qui la rend justifiante, sans le secours du sacrement: le second au contraire anime l'attrition, & opere avec le sacrement.

On a accusé M. Tournely & M. Languet archevêque de Sens, d'avoir imaginé cette distinction des deux amours. Mais on en trouve des traces assez fortes dans S. Thomas, dont voici les paroles. Secunda secundae quest. 17. Spes & omnis appetitivus motus ex amore derivatur. . . . . amor autem quidam est perfectus; quidam imperfectus. Perfectus quidem amor est quo aliquis secundùm se amatur. . . . . Imperfectus amor est quo quis aliquid amat non secundùm ipsum sed ut illud bonum sibi proveniat, sicut homo amat rem quam concupiscit. Primus autem amor pertinet ad charitatem quo inhaeret Deo secundum se ipsum. Sed spes pertinet ad secundum amorem, quia ille qui sperat sibi aliquid obtinere intendit. Et ideo in viâ generationis spes est prior charitate. . . . . Spes introducit ad charitatem, in quantum aliquis sperans remunerari à Deo, accenditur ad amandum Deum, & servandum praeceptum ejus.

Ce système n'est donc pas d'imagination; il est fondé. Mais voici probablement l'avantage qu'en en ont voulu tirer le professeur de Sorbonne & l'archevêque de Sens, pour la consolation des ames timorées. Ils marchoient entre deux écueils: d'un côté le concile de Trente a reconnu que la contrition est parfaite, quand elle est animée par la charité proprement dite; d'un autre il exige, aussi - bien que le clergé de France assemblé en 1700, que ceux qui se disposent à recevoir les sacremens, & sur - tout celui de pénitence, commencent à aimer Dieu comme source de toute justice. Il faut donc pour l'attrition un amour distingué de la charité proprement dite, qui est le motif spécifique de la contrition parfaite. Or l'amour d'espérance est un véritable amour distingué de la charité proprement dite: donc il peut constituer l'attrition; & cela d'autant mieux qu'en s'éloignant par - là du rigorisme qui exige la contrition parfaite, ils s'écartoient également du relâchement qui ne demande nul amour. Car les casuistes relâchés ayant avancé cette proposition: Attritio ex gehennae metu sufficit etiam sine ullâ Dei dilectione, l'assemblée du clergé de 1700 déclare: Neque vero satis adimpleri potest utrique sacramento necessarium vita nova inchoandoe ac servandi mandata divina propositum, si poenitens primi ac maximi mandati, quo Deus toto corde diligitur, nullam curam gerat. Le clergé exige donc aussi quelque amour: mais est - ce un amour de charité proprement dite, est - ce un amour d'espérance? C'est ce que ni le concile ni le clergé de France ne décide; & il me semble que dans une pareille indécision, des théologiens qui proposent un sentiment probable & éloigné des excès, sont beaucoup moins suspects que ceux qui par prévention pour la doctrine outrée ou relâchée, demandent pour la réception du sacrement des dispositions angéliques, ou se contentent d'en admettre de purement humaines.

Passons maintenant au sentiment qui donne l'exclusion à l'amour dans l'attrition même qu'on prétend suffisante dans le sacrement de pénitence. Suarez, Canitolus, & Sanchez, ont reconnu que cette opinion n'étoit ni fort ancienne, ni fort commune; mais elle a acquis depuis de nombreux partisans, entre autres Filiutius, Azor, Tambourin, les PP. Pinthereau & Antoine Sirmond. Nous n'entrerons point à cet égard dans le détail des preuves & des raisons qu'ils ont employées; on peut les voir dans les Provinciales & dans les notes de Wendrock, ou mieux encore dans les écrits de ces casuistes. Nous ne rapporterons qu'un argument des attritionnaires, que nous réfuterons par un raisonnement fort simple.

Si pour obtenir le pardon de nos fautes, disent-ils, il nous est commandé d'aimer Dieu; quel avantage nous autres Chrétiens, qui sommes les enfans, avons - nous sur les Juifs qui etoient les esclaves? A quoi sert le sacrement de pénitence, s'il ne supplée pas au défaut de l'amour, & s'il ne nous décharge pas de l'obligation pénible d'aimer Dieu actuellement?

Il est difficile de concevoir comment la dispense d'aimer Dieu seroit le privilége de la loi évangélique

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