ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"91"> ment, où vous voyez que sur toutes riens veut dire sur toutes choses.

Sous la garde de votre chien Vous devez beaucoup moins redouter la colere Des loups cruels & ravissans, Que, sous l'autorité d'une telle chimere, Nous ne devons craindre nos sens.

Il y a ici ellipse & synthese: la synthese se fait lorsque les mots se trouvent exprimés ou arrangés selon un certain sens que l'on a dans l'esprit.

De ce que (ex eo quod, propterea quod) vous êtes sous la garde de votre chien, vous devez redouter la colere des loups cruels & ravissans beaucoup moins; au lieu que nous, qui ne sommes que sous la garde de la raison, qui n'est qu'une chimere, nous n'en devons pas craindre nos sens beaucoup moins.

Nous n'en devons pas moins craindre nos sens, voilà la synthese ou syllepse qui attire le ne dans cette phrase.

La colere des loups. La poésie se permet cette expression; l'image en est plus noble & plus vive: mais ce n'est pas par colere que les loups & nous nous mangeons les moutons. Phedre a dit, fauce improbâ, le gosier, l'avidité; & la Fontaine a dit la faim.

Beaucoup moins, multo minus, c'est une expression adverbiale qui sert à la comparaison, & qui par conséquent demande un correlatif que, &c. Beaucoup moins, selon un coup moins beau, moins grand. Voyez ce que nous avons dit de Beaucoup en parlant de l'article.

Ne vaudroit - il pas mieux vivre, comme vous faites, Dans une douce oisiveté?

Voilà une proposition qui fait un sens incomplet, parce que la correlative n'est pas exprimée; mais elle va l'être dans la période suivante, qui a le même tour.

Comme vous faites, est une proposition incidente.

Comme, adverbe; quomodo, à la maniere que vous le faites.

Ne vaudroit - il pas mieux étre, comme vous êtes, Dans une heureuse obscurité, Que d'avoir, sans tranquillité, Des richesses, de la naissance, De l'esprit & de la beauté?

Il n'y a dans cette période que deux propositions relatives, & une incidente.

Ne vaudroit - il pas mieux étre, comme vous êtes, dans une heureuse obscurité; c'est la premiere proposition relative, avec l'incidente comme vous êtes.

Notre syntaxe marque l'interrogation en mettant les pronoms personnels après le verbe, même lorsque le nom est exprimé. Le Roi ira - t - il à Fontainebleau? Aimez - vous la vérité? Irai - je?

Voici quel est le sujet de cette proposition: il, illud, ceci, à savoir. Etre dans une heureuse obscurité; sens total énoncé par plusieurs mots équivalens à un seul; ce sens total est le sujet de la proposition.

Ne vaudroit - il pas mieux? voilà l'attribut avec le signe de l'interrogation. Ce ne interrogatif nous vient des Latins, Ego ne? Térence, est - ce moi? Adeo ne? Térence, irai - je? Superat ne? Virg. AEnéid. III. vers 339. vit - il encore? Jam ne vides? Cic. voyez - vous? ne voyez - vous pas?

Que, quam, c'est la conjonction ou particule qui lie la proposition suivante, ensorte que la proposition précédente & celle qui suit sont les deux correlatives de la comparaison.

Que la chose, l'agrément d'avoir, sans tranquillité, l'abondance des richesses, l'avantage de la naissance, de l'esprit, & de la beauté; voilà le sujet de la proposition correlative.

Ne vaut, qui est sousentendu, en est l'attribut. Ne, parce qu'on a dans l'esprit, ne vaut pas tant que votre obscurité vaut.

Ces prétendus thrésors, dont on fait vanité, Valent moins que votre indolence.

Ces prétendus thrésors valent moins, voilà une proposition grammaticale relative.

Que votre indolence ne vaut, voilà la correlative.

Votre indolence n'est pas dans le même cas; elle ne vaut pas ce moins; elle vaut bien davantage.

Dont on fait vanité, est une proposition incidente: on fait vanité desquels, à cause desquels: on dit faire vanité, tirer vanité de, dont, desquels. On fait vanité; ce mot vanité entre dans la composition du verbe, & ne marque pas une telle vanité en particulier; ainsi il n'a point d'article.

Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels.

Ils (ces thrésors, ces avantages), ils est le sujet.

Livrent nous sans cesse à, &c. c'est l'attribut.

A des soins criminels, c'est le sens partitif; c'est - à - dire que les soins auxquels ils nous livrent sont du nombre des soins criminels; ils en font partie: ces prétendus avantages nous livrent à certains soins, à quelques soins qui sont de la classe des soins criminels.

Sans cesse, facon de parler adverbiale, sine ulla intermissione.

Par eux plus d'un remords nous ronge.

Plus d'un remords, voilà le sujet complexe de la proposition.

Ronge nous par eux; à l'occasion de ces thrésors, c'est l'attribut.

Plus d'un remords; plus est ici substantif, & signifie une quantité de remords plus grande que celle d'un seul remords.

Nous voulons les rendre éternels, Sans songer qu'eux & nous passerons comme un songe.

Nous, est le sujet de la proposition.

Voulons les rendre éternels sans songer, &c. c'est l'attribut logique.

Voulons, est un verbe actif. Quand on veut, on veut quelque chose. Les rendre éternels, rendre ces thrésors éternels: ces mots forment un sens qui est le terme de l'action de voulons; c'est la chose que nous voulons.

Sans songer qu'eux & nous passerons comme un songe.

Sans songer: sans, préposition: songer est pris ici substantivement; c'est le complément de la préposition sans, sans la pensée que. Sans songer peut aussi être regardé comme une proposition implicite; sans que nous songions.

Que est ici une conjonction, qui unit à songer la chose à quoi l'on ne songe point.

Eux & nous passerons comme un songe: ces mots forment un sens total, qui exprime la chose à quoi l'on devroit songer. Ce sens total est énoncé dans la forme d'une proposition; ce qui est fort ordinaire en toutes les langues. Je ne sai qui a fait cela, nescio quis fecit; quis fecit est le terme ou l'objet de nescio: nescio hoc, nempe quis fecit.

Il n'est, dans ce vaste univers, Rien d'assûré, rien de solide.

Il, illud, nempè, ceci, à savoir, rien d'assûré, rien de solide: quelque chose d'assûré, quelque chose de solide, voilà le sujet de la proposition; n'est (pas) dans ce vaste univers, en voilà l'attribut: la négation ne rend la proposition négative.

D'assûré: ce mot est pris ici substantivement; nehilum quidem certi. D'assûré est encore ici dans un sens qualificatif, & non dans un sens individuel, & c'est pour cela qu'il n'est précédé que de la préposition de sans article. [p. 92]

Des choses d'ici bas la fortune décide Selon ses caprices divers.

La fortune, sujet simple, terme abstrait personnifié; c'est le sujet de la proposition. Quand nous ne connoissons pas la cause d'un évenement, notre imagination vient au secours de notre esprit, qui n'aime pas à demeurer dans un état vague & indéterminé; elle le fixe à des phantômes qu'elle réalise, & auxquels elle donne des noms, fortune, hasard, bonheur, malheur.

Décide des choses d'ici bas selon ses caprices divers, c'est l'attribut complexe.

Des choses, de les choses; de signifie ici touchant.

D'ici bas détermine chose: ici bas est pris substantivement.

Selon ses caprices divers, est une maniere de décider: selon est la préposition; ses caprices divers, est le complément de la préposition.

Tout l'effort de notre prudence Ne peut nous dérober au moindre de ses coups.

Tout l'effort de notre prudence, voilà le sujet complexe; de notre prudence détermine l'effort, & le rend sujet complexe. L'effort de est un individu métaphysique & par imitation, comme un tel homme ne peut, de même tout l'effort ne peut.

Ne peut dérober nous; & selon la construction usuelle, nous dérober.

Au moindre, à le moindre; à est la préposition; le moindre est le complément de la préposition.

Au moindre de ses coups, au moindre coup de ses coups; de ses coups est dans le sens partitif.

Paissez, moutons, paissez, sans regle & sans science; Malgré la trompeuse apparence, Vous êtes plus heureux & plus sages que nous.

La trompeuse apparence, est ici un individu métaphysique personnifié.

Malgré: ce mot est composé de l'adjectif mauvais, & du substantif gré, qui se prend pour volonté, goût. Avec le mauvais gré de, en retranchant le de, à la maniere de nos peres qui supprimoient souvent cette préposition, comme nous l'avons observé en parlant du rapport de détermination. Les anciens disoient maugré, puis on a dit malgré; malgré moi, avec le mauvais gré de moi, cum meâ malâ gratiâ, me invito. Aujourd'hui on fait de malgré une préposition: malgré la trompeuse apparence, qui ne cherche qu'à en imposer & à nous en faire accroire, vous êtes au fond & dans la réalité plus heureux & plus sages que nous ne le sommes.

Tel est le détail de la construction des mots de cette idylle. Il n'y a point d'ouvrage, en quelque langue que ce puisse être, qu'on ne pût réduire aux principes que je viens d'exposer, pourvû que l'on connût les signes des rapports des mots en cette langue, & ce qu'il y a d'arbitraire qui la distingue des autres.

Au reste, si les observations que j'ai faites paroissent trop métaphysiques à quelques personnes, peu accoûtumées peut - être à réfléchir sur ce qui se passe en elles - mêmes; je les prie de considérer qu'on ne sauroit traiter raisonnablement de ce qui concerne les mots, que ce ne soit relativement à la forme que l'on donne à la pensée & à l'analyse que l'on est obligé d'en faire par la nécessité de l'élocution, c'est - à - dire pour la faire passer dans l'esprit des autres; & dès - lors on se trouve dans le pays de la Métaphysique. Je n'ai donc pas été chercher de la métaphysique pour en amener dans une contrée étrangere; je n'ai fait que montrer ce qui est dans l'esprit relativement au discours & à la nécessité de l'élocution. C'est ainsi que l'anatomiste montre les parties du corps humain, sans y en ajoûter de nouvelles. Tout ce qu'on dit des mots, qui n'a pas une relation directe avec la pensée ou avec la forme de la pensée; tout cela, dis - je, n'excite aucune idée nette dans l'esprit. On doit connoître la raison des regles de l'élocution, c'est - à - dire de l'art de parler & d'écrire, afin d'éviter les fautes de construction, & pour acquérir l'habitude de s'énoncer avec une exactitude raisonnable, qui ne contraigne point le génie.

Il est vrai que l'imagination auroit été plus agréablement amusée par quelques réflexions sur la simplicité & la vérite des images, aussi - bien que sur les expressions fines & naïves par lesquelles cette illustre dame peint si bien le sentiment.

Mais comme la construction simple & nécessaire est la base & le fondement de toute construction usuelle & élégante; que les pensées les plus sublimes aussi bien que les plus simples perdent leur prix, quand elles sont énoncées par des phrases irrégulieres; & que d'ailleurs le public est moins riche en observations sur cette construction fondamentale: j'ai cru qu'après avoir tâché d'en développer les véritables principes, il ne seroit pas inutile d'en faire l'applition sûr un ouvrage aussi connu & aussi généralement estimé, que l'est l'idylle des moutons de madame Deshoulieres. (F)

Construction (Page 4:92)

Construction, s. f. (Géométrie.) Ce mot exprime, en Géométrie, les opérations qu'il faut faire pour exécuter la solution d'un problème. Il se dit aussi des lignes qu'on tire, soit pour parvenir à la solution d'un problème, soit pour démontrer quelque proposition. Voyez Problème, &c.

La construction d'une équation, est la méthode d'en trouver les racines par des opérations faites avec la regle & le compas, ou en général par la description de quelque courbe. Voyez Equation & Racine. Nous allons donner d'abord la construction des équations du premier & du second degré.

Pour construire une équation du premier degré, il n'y a autre chose à faire que de réduire à une proportion la fraction qui exprime la valeur de l'inconnue, ce qui s'entendra tres - facilement par les exemples suivans.

1°. Supposons qu'on ait [omission: formula; to see, consult fac-similé version] on en tirera c : a = b : x; ainsi x sera facile à avoir par la méthode de trouver une quatrieme proportionnelle.

2°. Qu'on ait [omission: formula; to see, consult fac-similé version]: on commencera par construire [omission: formula; to see, consult fac-similé version] à l'aide de la proportion [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. Ayant trouvé [omission: formula; to see, consult fac-similé version] & l'ayant nommé g pour abreger, on fera la proportion e : g = c : x, c'est - à - dire, que l'on aura x par la quatrieme proportionnelle à c, g, e.

3°. Que l'on ait [omission: formula; to see, consult fac-similé version]: comme aa - bb est le produit de a - b par a+b, on n'aura autre chose à faire qu'à construire la proportion c:a - b = a + b : x.

4°. Que [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; par le premier cas on trouve une ligne [omission: formula; to see, consult fac-similé version], & une ligne [omission: formula; to see, consult fac-similé version]. De plus, par le même cas on construit aussi une ligne [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; donc x qui est alors = g - i, sera la différence des deux lignes g & i construites par ces proportions.

5°. Que [omission: formula; to see, consult fac-similé version]; on cherchera d'abord [omission: formula; to see, consult fac-similé version] & on fera [omission: formula; to see, consult fac-similé version], ce qui donnera a h = a f + c g, & par conséquent [omission: formula; to see, consult fac-similé version]: ainsi la difficulté sera réduite au cas précédent.

6°. Que [omission: formula; to see, consult fac-similé version]: on cherchera [omission: formula; to see, consult fac-similé version] & on fera [omission: formula; to see, consult fac-similé version], ce qui donnera a f + b c = b h, & par conséquent [omission: formula; to see, consult fac-similé version], d'où l'on tirera h : a = a - d : x.

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