ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"89">

Ne vous force point à répandre des larmes. Vòilà tout l'attribut: c'est l'attribut total; c'est ce qu'on juge de on.

Force est le verbe qui est dit de on; c'est pour cela qu'il est au singulier & à la troisieme personne.

Ne point, ces deux mots font une négation: ainsi la proposition est négative. Voyez ce que nous avons dit de point, en parlant de l'article vers la fin.

Vous: ce mot, selon la construction usuelle, est ici avant le verbe; mais, selon l'ordre de la construction des vûes de l'esprit, vous est après le verbe, puisqu'il est le terme ou l'objet de l'action de forcer.

Cette transposition du pronom n'est pas en usage dans toutes les langues. Les Anglois disent, I dress my self; mot à mot, j'habille moi - méme: nous disons je m'habille, selon la construction usuelle; ce qui est une véritable inversion, que l'habitude nous fait préférer à la construction réguliere. On lit trois fois au dernier chapitre de l'évangile de S. Jean, Simon diligis me? Simon amas me? Pierre aimez - vous moi? nous disons Pierre m'aimez - vous?

La plûpart des étrangers qui viennent du Nord disent j'aime vous, j'aime lui, au lieu de dire je vous aime, je l'aime, selon notre construction usuelle.

A répandre des larmes: répandre des larmes, ces frois mots font un sens total, qui est le complément de la préposition à. Cette préposition met ce sens total en rapport avec force, forcer, à cogere ad. Virgile a dit, cogitur ire in lacrymas (AEn. l. IV.v.413.), & vocatit ad lacrymas AEn. l. XI. v. 96.

Répandre des larmes: des larmes n'est pas ici le complément immédiat de répandre; des larmes est ici dans un sens partitif; il y aici ellipse d'un substantif générique: répandre une certaine quantité de les larmes; ou, comme disent les Poëtes Latins, imbrem lacrymarum, une pluie de larmes.

Vous ne formez jamais d'inutiles desirs.

Vous, sujet de la proposition; les autres mots sont l'attribut.

Formez, est le verbe à la seconde personne du présent de l'indicatif.

Ne, est la négation qui rend la proposition négative. Jamais, est un adverbe de tems. Jamais, en aucun tems. Ce mot vient de deux mots latins, jam, & magis.

D'inutiles desirs, c'est encore un sens partitif; vous ne formez jamais certains desirs, quelques desirs qui soient du nombre des desirs inutiles. D'inutiles desirs: quand le substantif & l'adjectif sont ainsi le déterminant d'un verbe ou le complément d'une préposition dans un sens affirmatif, si l'adjectif précede le substantif, il tient lieu d'article, & marque la sorte ou espece, vous formez d'inutiles desirs; on qualifie d'inutiles les desirs que vous formez. Si au contraire le substantif précede l'adjectif, on lui rend l'article; c'est le sens individuel: vous formez des desirs inutiles; on veut dire que les desirs particuliers ou singuliers que vous formez, sont du nombre de les desirs inutiles. Mais dans le sens négatif on diroit, vous ne formez jamais, pas, point, de desirs inutiles: c'est alors le sens spécifique; il ne s'agit point de déterminer tels ou tels desirs singuliers; on ne fait que marquer l'espece ou sorte de desirs que vous formez.

Dans vos tranquilles coeurs l'amour suit la nature.

La construction est, l'amour suit la nature dans vos coeurs tranquilles. L'amour est le sujet de la proposition, & par cette raison il précede le verbe; la nature est le terme de l'action de suit, & par cette raison ce mot est après le verbe. Cette position est dans toutes les langues, selon l'ordre de l'énonciation & de l'analyse des pensées: mais lorsque cet ordre est interrompu par des transpositions, dans les langues qui ont des cas, il est indiqué par une terminaison particuliere qu'on appelle accusatif; ensorte qu'après que toute la phrase est finie, l'esprit remet le mot à sa place.

Sans ressentir ses maux, vous avez ses plaisirs.

Construction, vous avez ses plaisirs, sans ressentir ses maux. Vous est le sujet; les autres mots sont l'attribut.

Sans ressentir ses maux. Sans est une préposition, dont ressentir ses maux est le complément. Ressentir ses maux, est un sens particulier équivalent à un nom. Ressentir, est ici un nom verbal. Sans ressentir, est une proposition implicite, sans que vous ressentiez. Ses maux, est après l'infinitif ressentir, parce qu'il en est le déterminant; il est le terme de l'action de ressentir.

L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture, Qui font tant de maux parmi nous, Ne se rencontrent point chez vous.

Cette période est composée d'une proposition principale & d'une proposition incidente. Nous avons dit qu'une proposition qui tombe entre le sujet & l'attribut d'une autre proposition, est appellée proposition incidente, du latin incidere, tomber dans; & que la proposition dans laquelle tombe l'incidente est appellée proposition principale, parce qu'ordinairement elle contient ce que l'on veut principalement faire entendre.

L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture, Ne se rencontrent point chez vous.

Voilà la proposition principale.

L'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture; c'est là le sujet de la proposition: cette sorte de sujet est appellé sujet multiple, parce que ce sont plusieurs individus qui ont un attribut commun. Ces individus sont ici des individus métaphysiques, des termes abstraits, à l'imitation d'objets réels.

Ne se rencontrent point chez vous, est l'attribut: or on pouvoit dire, l'ambition ne se rencontre point chez vous; l'honneur ne se rencontre point chez vous; l'intérêt, &c. ce qui auroit fait quatre propositions. En rassemblant les divers sujets dont on veut dire la même chose, on abrege le discours, & on le rend plus vif.

Qui font tant de maux parmi nous, c'est la proposition incidente: qui en est le sujet; c'est le pronom relatif; il rappelle à l'esprit l'ambition, l'honneur, l'intérêt, l'imposture, dont on vient de parler.

Font tant de maux parmi nous, c'est l'attribut de la proposition incidente.

Tant de maux, c'est le déterminant de font, c'est le terme de l'action de font.

Tant, vient de l'adjectif tantus, a, um. Tant est pris ici substantivement; tantum malorum, tantum XRHMA malorum, une si grande quantité de maux.

De maux, est le qualificatif de tant; c'est un des usages de la préposition de, de servir à la qualification.

Maux, est ici dans un sens spécifique, indéfini, & non dans un sens individuel: ainsi maux n'est pas précédé de l'article les.

Parmi nous, est une circonstance de lieu; nous est le complément de la préposition parmi.

Cependant nous avons la raison pour partage, Et vous enignorez l'usage.

Voilà deux propositions liées entr'elles par la conjonction &.

Cependant, adverbe ou conjonction adversative, c'est - à - dire qui marque restriction ou opposition par rapport à une autre idée ou pensée. Ici cette pensée est, nous avons la raison; cependant malgré cet avantage, les passions font tant de maux parmi nous. Ainsi cependant marque opposition, contrariété, entre [p. 90] avoir la raison & avoir des passions. Il y a donc ici une de ces propositions que les Logiciens appellent adversative ou discrétive.

Nous, est le sujet; avons la raison pour partage, est l'attribut.

La raison pour partage: l'auteur pouvoit dire la raison en partage; mais alors il y auroit eu un bâillement ou hiatus, parce que la raison finit par la voyelle nasale on, qui auroit été suivie de en. Les Poëtes ne sont pas toûjours si exacts, & redoublent l'n en ces occasions, la raison - n - en partage; ce qui est une prononciation vicieuse: d'un autre côté, en disant pour partage, la rencontre de ces deux syllabes, pour, par, est desagréable à l'oreille.

Vous en ignorez l'usage; vous, est le sujet; en ignorez l'usage, est l'attribut. Ignorez, est le verbe; l'usage, est le déterminant de ignorez; c'est le terme de la signification d'ignorer; c'est la chose ignorée. C'est le mot qui détermine ignorez.

En, est une sorte d'adverbe pronominal. Je dis que en est une sorte d'adverbe, parce qu'il signifie autant qu'une préposition & un nom; en, inde; de cela, de la raison. En est un adverbe pronominal, parce qu'il n'est employé que pour réveiller l'idée d'un autre mot, vous ignorez l'usage de la raison.

Innocens animaux, n'en soyez point jaloux.

C'est ici une énonciation à l'impératif.

Innocens animaux: ces mots ne dépendent d'aucun autre qui les précede, & sont énoncés sans articles: ils marquent en pareil cas la personne à qui l'on adresse la parole.

Soyez, est le verbe à l'impératif: ne point, c'est la négation.

En, de cela, de ce que nous avons la raison pour partage.

Jaloux, est l'adjectif; c'est ce qu'on dit que les animaux ne doivent pas être. Ainsi, selon la pensée, jaloux se rapporte à animaux, par rapport d'identité, mais négativement, ne soyez pas jaloux.

Ce n'est pas un grand avantage.

Ce, pronom de la troisieme personne; hoc, ce, cela, à savoir que nous avons la raison n'est pas un grand avantage.

Cette fiere raison, dont on fait tant de bruit, Contre les passions n'est pas un sûr remede.

Voici proposition principale & proposition incidente.

Cette fiere raison n'est pas un remede sûr contre les passions, voilà la proposition principale.

Dont on fait tant de bruit, c'est la proposition incidente.

Dont, est encore un adverbe pronominal; de laquelle, touchant laquelle. Dont vient de unde, par mutation ou transposition de lettres, dit Nicot; nous nous en servons pour duquel, de laquelle, de qui, de quoi.

On, est le sujet de cette proposition incidente.

Fait tant de bruit, en est l'attribut. Fait, est le verbe; tant de bruit, est le déterminant de fait: tant de bruit, tantum XRMA jactationis, tantam rem jactationis.

Un peu de vin la trouble. Un peu, peu est un substantif, parum vini, une petite quantité de vin. On dit le peu, de peu, à peu, pour peu. Peu est ordinairement suivi d'un qualificatif: de vin, est le qualificatif de peu. Un peu: un & le sont des adjectifs prépositifs qui indiquent des individus. Le & ce indiquent des individus déterminés; au lieu que un indique un individu indéterminé: il a le même sens que quelque. Ainsi un peu est bien différent de le peu; celui - ci précede l'individu déterminé, & l'autre l'individu indéterminé.

Un pen de vin; ces quatre mots expriment une idée particuliere, qui est le sujet de la proposition.

La trouble, c'est l'attribut: trouble, est le verbe; la, est le terme de l'action du verbe. La est un pronom de la troisieme personne; c'est - à - dire que la rappelle l'idée de la personne ou de la chose dont on a parlé; trouble la, elle, la raison.

Un enfant (l'Amour) la séduit; c'est la même construction que dans la proposition précédente.

Et déchirer un coeur qui l'appelle à son aide, Est tout l'effet qu'elle produit.

La construction de cette petite période mérite attention. Je dis période, grammaticalement parlant, parce que cette phrase est composée de trois propositions grammaticales; car il y a trois verbes à l'indicatif, appelle, est, produit.

Déchirer un coeur est tout l'effet, c'est la premiere proposition grammaticale; c'est la proposition principale.

Déchirer un coeur, c'est le sujet énoncé par plusieurs mots, qui font un sens qui pourroit être énoncé par un seul mot, si l'usage en avoit établi un. Trouble, agitation, repentir, remords, sont à - peu - près les équivalens de déchirer un coeur.

Déchirer un coeur, est donc le sujet; & est tout l'effet, c'est l'attribut.

Qui l'appelle à son aide, c'est une proposition incidente.

Qui en est le sujet; ce qui est le pronom relatif qui rappelle coeur.

L'appelle à son aide, c'est l'attribut de qui; la est le terme de l'action d'appelle; appelle elle, appelle la raison.

Qu'elle produit, elle produit lequel effet. c'est la troisieme proposition.

Elle, est le sujet: elle est un pronom qui rappelle raison.

Produit que, c'est l'attribut d'elle: que est le terme de produit; c'est un pronom qui rappelle effet.

Que étant le déterminant ou terme de l'action de produit, est après produit, dans l'ordre des pensées, & selon la construction simple: mais la construction usuelle l'énonce avant produit; parce que le que étant un relatif conjonctif, il rappelle effet, & joint elle produit avec effet. Or ce qui joint doit être entre deux termes; la relation en est plus aisément apperçûe, comme nous l'avons déjà remarqué.

Voilà trois propositions grammaticales; mais logiquement il n'y a là qu'une seule proposition.

Et déchirer un coeur qui l'appelle à son aide: ces mots font un sens total, qui est le sujet de la proposition logique.

Est tout l'effet qu'elle produit, voilà un autre sens total qui est l'attribut; c'est ce qu'on dit de déchirer un coeur.

Toûjours impuissante & sévere; Elle s'oppose à tout, & ne surmonte rien.

Il y a encore ici ellipse dans le premier membre de cette phrase. La construction pleine est: La raison est toûjours impuissante & sévere; elle s'oppose à tout, parce qu'elle est sévere; & elle ne surmonte rien, parce qu'elle est impuissante.

Elle s'oppose à tout ce que nous voudrions faire qui nous seroit agréable. Opposer, ponere ob, poser devans, s'opposer, opposer soi, se mettre devant comme un obstacle. Se, est le terme de l'action d'opposer. La construction asuelle le met avant son verbe, comme me, te, le, que, &c. A tout, Cicéron a dit, opponere ad.

Ne surmonte rien; rien est ici le terme de l'action de surmonte. Rien est toûjours accompagné de la négation exprimée ou sousentendue; rien, nullam rem.

Sur toutes riens garde ces points. Mehun au testa<pb->

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.