ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"735"> ner quelque chose de plus, puisqu'on n'exige rien au - delà? Concluons: les PP. assemblés au concile de Trente, ne demandent point d'autre disposition que l'exemption du péché mortel..... La sainteté commandée par Jesus - Christ, par l'apôtre, & par l'Eglise, pour recevoir dignement l'eucharistie, consiste donc précisément à être en état de grace, & exempt de péché mortel. Voilà l'oracle qui a parlé, qui osera dire le contraire »?

3°. De la distinction de sainteté commandée & de sainteté conseillée ou de bienséance, qui est la clé de tout l'ouvrage & la base du système du P. Pichon. Il est nécessaire de rapporter ici le texte de l'auteur, quoique fort étendu. Il se trouve aux pages 264, 265 & suiv. de son livre.

« L'abbé. Il faut être saint pour communier dignement; les sacrés my steres ne se donnent qu'aux saints, sancta sanctis, disoit autrefois le diacre à ceux qui devoient communier.

Le docteur. Je le dis aussi - bien que vous, & aussi bien que l'Eglise par la bouche du diacre; mais de quelle sainteté est - il ici question? Distinguons - en de deux sortes; sainteté de précepte, ou sainteté conseillée: la sainteté de précepte est absolument nécessaire, & sans elle on communie indignement & sacrilégement: elle consiste dans l'actuelle exemption du péché mortel, & à être par une foi animée de la charité en état de grace. La sainteté de conseil est l'actuelle exemption de péchés véniels, dans une actuelle disposition de ferveur, de dévotion proportionnée aux graces présentes. On a la sainteté commandée quand on est en état de grace; alors on est juste, on est saint, on est séparé des pécheurs: c'est en ce sens que les apôtres ont appellé les fideles des saints. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .»

L'abbé. Quoi, la seule nécessaire & indispensable disposition pour recevoir dignement Jesus - Christ, c'est l'exemption de tout péché mortel; ensorte qu'étant en état de grace, & possédant Dieu par la charité, je puis communier & espérer que ma communion sera bonne, chrétienne, qu'elle plaira à Dieu, qu'elle augmentera la grace en moi? cela supposé, tout juste peut donc approcher de ce sacrement; c'est - là votre sentiment?

« Le docteur. C'est mon sentiment, parce que c'est celui de Jesus - Christ & celui de l'Eglise; ni l'un ni l'autre ne demandent rien davantage: c'est - là une vérité catholique qu'on ne peut combattre sans errer dans la foi. Concevez bien ma pensée.

L'abbé. Je la conçois bien: vous ne parlez que de la sainteté commandée, & vous dites que l'état de grace suffit, & qu'il est nécessairement requis pour communier dignement; & vous ajoûtez que c'est - là une vérité catholique que l'on ne peut combattre sans errer dans la foi: vos idées sont nettes, & faute de cela je vois bien maintenant que l'on confond tout, que l'on brouille tout; c'est la ressource des novateurs, que j'ai trop écoutés pour mon malheur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L'abbé. Cela est positif; j'en conviens: mais ne déguisons rien; les saints peres sont bien contraires à cette décision; que d'années de pénitence n'exigeoient - ils pas avant que d'admettre à la communion?

Le docteur. Errez - vous toûjours avec vos novateurs? 1°. Il n'est question ici que des justes, que des ames exemptes de péché, que des Chrétiens en état de grace. 2°. Tous les peres ont toûjours pense que selon Jesus - Christ l'exemption du péché mortel étoit une disposition indispensable pour la fréquente communion; mais ils ont aussi pensé que cette disposition étoit suffisante. . . . . . . . . .

Voici donc la vérlté catholique décidée par l'Eglise: l'exemption de tout péché mortel dont on a obtenu la remission dans le sacrement de pénitence, c'est la grande sainteté qui nous rend dignes de communier; tout le reste est conseillé; tout le reste est une sainteté qui n'est pas commandée pour pouvoir communier. Je me fixe là avec l'Eglise, & je conclus: dès - lors que ma conscience ne me reproche aucun péché mortel, soit à cause de l'innocence de ma vie, soit à cause d'une bonne confession où je me suis purifié, j'ai la grande sainteté commandée, la sainteté nécessaire & suffisante pour communier & bien communier: je ne profanerai donc pas le sacrement; je n'y recevrai donc pas ma mort, ma condamnation, mon jugement; ma communion ne sera donc pas indigne ni sacrilége. Si je suis donc assez heureux pour être souvent exempt de fautes mortelles par la demeure du S. Esprit en moi, je puis souvent communier, & communier dignement. Et si par un bonheur encore plus digne d'envie, je suis toûjours exempt de fautes mortelles, je puis toûjours communier, & j'aurai la consolation d'apporter à la communion la grande sainteté commandée par l'Eglise. Voilà ma religion; c'est l'Eglise qui me l'enseigne.

L'abbé. Excluez - vous la sainteté conseillée; & pourvû que l'on soit sans péché mortel, ne demanderiez - vous rien autre chose? Si cela est, n'est - ce pas donner dans un autre excès, & permettre les communions imparfaites, & même celles que l'on feroit avec des péchés véniels?

Le docteur. La sainteté conseillée, ou l'exemption de péché véniel, & d'affection au péché véniel ou à des imperfections, je la conseille aussi, autant que la fragilité humaine en est capable.

L'abbé. S. François de Sales ordonne que pour communier souvent, & même tous les huit jours, on soit exempt de tout péché véniel, & même de toute affection au péché véniel.

Le docteur. Jesus - Christ ni l'Eglise ne l'ordonnant pas, ce saint n'avoit garde de le faire; il étoit trop habile théologien pour cela; mais il le conseille. Cette affection est une volonté délibérée de persévérer dans ses fautes: or quel Chrétien, communiant en Chrétien, ne tâche pas de se purifier de tout ce qui peut en lui déplaire à Dieu?

L'abbé. Dieu me parle par votre bouche, & je me sens animé de plus en plus à communier souvent. Vous exigez avec l'Eglise une préparation sage, digne de Dieu, qui ne desespere point, qui ôte toute inquiétude: vous fixez pour tous une sainteté commandée, une sainteté que tous peuvent aisément avoir: car qui voudroit communier en haïssant Dieu? Vous conseillez toûjours une sainteté plus parfaite; vous y exhortez, & vous en donnez le moyen dans la fréquente communion: c'est le vrai esprit de Jesus - Chist & de l'Eglise.»

4°. On a été révolté d'entendre dire au pere Pichon, « qu'on peut denner pour pénitence de communier souvent, puisque selon les saints conciles la fréquente communion est le moyen le plus efficace & le plus abregé de conversion & de sanctification; qu'un pénitent, quand il est assez heureux pour trouver un directeur qui lui impose pareille pénitence, est sùr d'être conduit par l'esprit de Jesus - Christ & de l'Eglise; qu'il n'y a que l'enfer, les libertins, les mauvais Chrétiens, les novateurs, qui blâment cette pratique. p. 496. 497.»

En conséquence d'avoir substitué la fréquente communion aux oeuvres satisfactoires, voici ses paroles, p. 336. « Vous ne comptez pour pénitence que de vivre dans un desert, de coucher sur la dure, de porter le cilice: ah, messieurs, ce n'est - là que l'ex<pb-> [p. 736] térieur de la pénitence! Et à la page 473. & 474. Pour la plûpart des Chrétiens il n'y a guere, moralement parlant, d'autre moyen de salut que la fréquente communion. Venons à la preuve. Combien ne peuvent pas jeûner? combien ne peuvent pas faire de longues prieres? l'aumône est impossible à tous les pauvres: la solitude & la fuite du monde ne conviennent pas à ceux qui sont mariés, & à ceux qui sont en place. Pour le sauver, ajoùte - t - il, il faudroit une priere fervente & continuelle; les gens du monde sont trop occupés, trop dissipés: il faudroit faire l'aumône, une nombreuse famille met hors d'état de la faire: il faudroit jeûner, dompter sa chair rébelle; un tempérament délicat & insirme s'y oppose: il faudroit par un travail assidu se tirer d'une dangereuse oisiveté; les richesses donnent un funeste epos: votre salut demanderoit la fuite du monde, une profonde solitude; une épouse, des enfans, retiennent dans le tracas du siecle. Que faire donc? Comparons, dit - il, page 369. les moyens de salut mrqués dans l'Evangile: auquel de ces moyens vous déterminerez - vous? est ce à une priere continuelle, à un jeûne continuel, à une solitude profonde, à la distribution de tout votre bien aux pauvres, aux exercices les plus humilians de la charité dans les hôpitaux, dans les prisons, à la pratique d'une pureté virginale? chacun de ces moyens allarme l'amour - propre, effraye les sens, & desespere une foible volonté comme la nôtre: mais communier souvent, souvent nous unir à Jesus - Christ, est une voie bien plus aitée. Et à la page 372. le pauvre & le riche, l'homme d'épée & l'homme de robe, l'artisan & le marchand, tout le monde enfin peut aisément participer à ce sacrement adorable, sans ruiner sa santé, sans abandonner sa famille, son commerce, son emploi; on ne peut y opposer raisonnablement aucune impossibilité: disons mieux, on a pour communier souvent touies les facilités imaginables. D'où cet auteur conclut, p. 472. que c'est un grand mal que de ne pas employer un remede qui est, pour ainsi dire, à la main, qui nous est si proportionné, & qui peut suppléer à tous les autres remedes. Or il avoit dit de ce remede, page 470. qu'il corrige nos défauts sans amertume; qu'il guérit nos plaies sans douleur; qu'il purifie notre coeur sans violence; qu'il sanctifie sans allarme, & presque sans combat; qu'il nous détache & sépare de nous - mêmes, sans nous donner les convulsions de la mort; & qu'il nous arrache aux créatures & nous unit à Dieu sans agonie. N'est - ce pas enseigner assez clairement qu'il n'y a guere pour les gens du monde de pénitence plus facile & plus abregée que la fréquente communion?»

5°. On lui a reproché d'avoir dit, page 355. qu'il en est de l'eucharistie comme du baptême, qui agit sur les enfans & donne la grace sans aucune autre disposition.

6°. D'avoir parlé avec peu de décence de la pénitence publique autrefois en usage dans l'Eglise, en l'appellant, page 323. une pénitence de cérémonie.

7°. D'avoir tronqué, altéré, falsisié des passages des peres, des papes, des conciles, pour en tirer des preuves en faveur de son sentiment.

8°. D'avoir imaginé ou allégué des histoires apocryphes, pour l'appuyer & en tirer des conséquences favorables à ses opinions.

Ce livre sit tant de bruit, que l'auteur se crut obligé de se retracter: & c'est ce qu'il fit par une lettre datée de Strasbourg, le 24 de Janvier 1748, & adressée à M. l'archevèque de Paris, qui la rendit publique. Cette rétractation mit à couvert la personne de l'auteur; mais elle ne garantit pas son livre de la condamnation qu'en porterent vingt évêques de France, les uns par des remarques, les autres par des mandemens ou instructions pastorales, par lesquels ils interdirent la lecture de ce livre dans leurs dioceses. M. l'archevêque de Besançon & M. l'évêque de Marseille rétracterent les approbations qu'ils avoient d'abord données à l'ouvrage; & les évêques se crurent d'autant plus en droit de le condamner, malgré la soûmission de l'auteur, que, comme dit l'un d'entre ces prélats, « un auteur qui condamne de bonne foi son ouvrage, qui se repent amérement devant Dieu de l'avoir donné au public, desire sincerement qu'il ne soit point épargné: plein d'indignation contre ses malheureuses productions, qui ont allarmé tous les gens de bien, il les livre à l'autorité de la justice la plus respectable: plus il déteste toutes les erreurs qui lui ont échapé, plus il souhaite qu'il n'y en ait aucune qui soit exempte de condamnation ». Avis de M. l'archevéque de Tours aux fideles de son diocese.

Les principales autorités qu'on a opposées au pere Pichon sont, outre les passages de S. Chrysostome & de Gennade, que nous avons rapportés au commencement de cet article, 1°. cet endroit de la dixseptieme homélie de S. Chrysostome sur l'épitre aux Hébreux: « Les choses saintes sont pour les saints, sancta sanctis: le cri plein de majesté que le diacre, élevant sa main & se tenant debout, fait retentir au milieu du silence qui regne dans la célébration des saints my steres, est comme une main invisible qui repousse les uns, pendant qu'elle appelle & fait approcher les autres: comme si le ministre sacré disoit: si quelqu'un n'est pas saint, qu'il se retire. II ne dit pas: si quelqu'un n'est pas purifié de ses p<-> chés, mais si quelqu'un n'est pas saint. Car c'est la seule habitation du S. Esprit, & l'abondance des bonnes oeuvres, & non la seule exemption du péché, qui fait les saints. Ce n'est donc pas assez que vous soyez lavés de la boue, j'exige encore que vous soyez éclatans par la blancheur & par la beauté de votre ame. Que ceux - là donc approchent, & touchent avec respect à la coupe sacrée du roi ». 2°. Cet endroit de S. Thomas, in. 4. dist. jx. art. 4. Non esset consulendum alicui quod statim post pecetum mortale, etiam contritus & consessus, ad eucharistiam accederet; sed deberet, nisi magna necessitas urgeret, per aliquod tempus propter reverentiam abstinere. Autorités qui paroissent bien diamétralement opposées à ce qu'a avancé le P. Pichon, que l'exemption de péché mortel étoit la seule disposition nécessaire & suffisante pour communier fréquemment.

2°. Qu'outre cette exemption de péché mortel, le concile de Trente exige, du moins pour la communion fréquente, d'autres dispositions de ferveur: Si non decet ad sacras ullas functiones quempiam accedere nisi sanctè; certe quo magis sanctitas & divinitas calestis hujus sacramenti viro christiano comperta est, diligentius cavere debet, ne absque magnâ reverentiâ & sanctitate ad id percipiendum accedat. Sess. 13. ch. vij.

3°. A sa distinction de sainteté commandée & de sainteté conseillée, on a opposé ce passage de Salazar Jésuite, dans son traité de la pratique & de l'usage de la communion, ch. viij. où à l'exemption du péché mortel il ajoûte la droiture d'intention, l'attention, la révérence, & la dévotion ou desir. « Prétendre, comme le disent quelques - uns, que le défaut d'attention n'est pas contraire à la sainte communion, est une doctrine fausse, contraire à la raison, à la doctrine des saints peres, à de S. Thomas en particulier ». Et à la fin du même chapitre: « Il se collige clairement de tout ce qui a été dit jusqu'ici: Combien se trompent lourdement ceux qui disent que toutes ces dispositions sont seulement de con -

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