ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"733"> vens ab ingressu ecelesia arceatur, & moriens christianâ careat sepulturd. Il est bon de remarquer dans ce canon, que par le mot ad minus, le concile montre qu'il souhaite que les fideles ne se bornent point à communier à Pâque, mais qu'ils le fassent plus souvent, pour ramener la pratique des premiers siecles où l'on communioit plus fréquemment: 2°. que le concile laisse à la prudence du confesseur à décider si dans certaines occasions il n'est pas expédient de différer la communion même paschale, eu égard aux dispositions du pénitent; ce qui prouve que le concile n'a pas eu moins d'attention que les peres à la nécessité de ces dispositions.

Le concile de Trente a renouvellé le même canon, sess. 13. ch. xjx. Mais pour ce qui regarde la communion fréquente, voici comme il s'exprime dans la même session, ch. viij. Paterno affectu admonet sancta synodus per viscera misericordia Dei nostri . . . . . ut panem illum supersubstantialem frequenter fideles percipere possint. Et dans la session 22. ch. vj. Optaret quidem sancta synodus ut in singulis missis fideles adstantes, non solum spirituali affectu, sed sacramentali etiam eucharistia perceptione communicarent, quo ad cos sanctissimi hujus sacrificii fructus uberior perveniret. Tel est le voeu de l'Eglise sur la fréquente communion; mais ce n'est ni une ordonnance ni un decret formel. Quant aux dispositions à la communion en général, outre que le concile exige l'état de grace ou l'exemption de péché mortel pour ne pas recevoir indignement l'eucharistie, qui, selon le langage de l'école, est un sacrement des vivans & non des morts, il exige encore que pour communier avec fruit, on s'en approche avec des dispositions plus éminentes; & quant à la communion fréquente, voici ce qu'il enseigne, sess. 13. ch. viij. Hac sacra mysteria corporis & sanguinis Domini omnes & singuli, ea fidei constantia & firmitate, ea animi devotione ac pietate & cultu credant & venerentur, ut panem illum supersubstantialem frequenter suscipere possint. Il enseigne encore dans la même session, qu'un Chrétien ne doit pas s'approcher de l'eucharistie sans un grand respect & une grande sainteté. Nous verrons bien - tôt ce que les peres & les maîtres de la vie spirituelle entendent par cette sainteté.

La nécessité ou la suffisance des dispositions requises pour la communion fréquente, ont jetté divers théologiens modernes dans des excès & des erreurs bien opposées à la doctrine des peres & à l'esprit de l'Eglise. Les uns uniquement occupés de la grandeur & de la dignité du sacrement, & de la distance infinie qu'il y a entre la majesté de Dieu & ia bassesse de l'homme, ont exigé des dispositions si sublimes, que non - seulement les justes, mais les plus grands saints, ne pourroient communier même à Pâque. Telle est la pernicieuse doctrine condamnée dans ces deux propositions par le pape Alexandre VIII. Sacrilegi judicandi sunt, qui jus ad communionem percipiendam pratendunt, antequam condignam de delictis sais panitentiam egerint . . . . Similiter arcendi sunt à saerd communione quibus nondum inest amor Dei purissimus, & omnis mixtionis expers. Les autres oubliant le respect dû à J. C. présent dans l'eucharistie, & uniquement attentifs aux avantages qu'on retire ou qu'on peut retirer de la communion fréquente & même journaliere, n'ont cherché qu'à en faciliter la pratique, en négligeant d'insister ou d'appuyer sur les dispositions que demande un sacrement si auguste. Ils ont donc enseigné que la seule exemption du péché mortel suffit pour communier souvent, très souvent, & même tous les jours: que les dispositions actuelles de respect, d'attention, de desir, & la pureté d'intention, ne sont que de conseil: qu'il est meilleur & plus salutaire de recevoir la communion, & même tous les jours, sans ces dispositions, que de la différer pendant quelque tems pour les acqu<-> rir: que jamais, & dans aucune occasion, il n'est permis à un juste de s'éloigner de la communion par respect: que tout pécheur, coupable même de crimes énormes & multipliés, doit communier aussi - tôt après l'absolution reçûe: qu'il ne faut ni plus de disposition ni plus de perfection pour communier tous les jours, que pour communier rarement: que les confesseurs ne doivent jamais imposer pour pénitence le délai de la communion, quelque court qu'il puisse être; que les pénitens sont seuls juges par rapport à eux dans cette matiere: que pour communier plus ou moins souvent, ils ne doivent ni demander conseil à leurs directeurs, ni suivre leur avis, surtout s'il tend à les éloigner de la sainte table, ne fûtce que pour quelque tems: enfin ils taxent d'imprudence les regles des communautés religieuses qui fixent le nombre des communions, quoique ces regles soient approuvées par les souverains pontifes, & autorisées par l'usage constant de tous les ordres religieux.

Comme on a accusé M. Arnauld d'avoir établi le rigorisme dans son livre de la fréquente communion, & qu'on taxe le pere Pichon jésuite de favoriser ouvertement le relâchement dans son ouvrage intitulé l'esprit de Jesus - Christ & de l'Eglise sur la fréquente communion, nous allons donner au lecteur une idée de ces deux fameux écrits.

Le livre de la fréquente communion fut composé par M. Arnauld à cette occasion. Le pere de Saismaisons Jésuite ayant vû, par le moyen d'une de ses pénitentes, une instruction que M. de S. Cyran avoit dressée pour la direction de madame la princesse de Guimené qui se conduisoit par ses avis, crut y trouver des maximes dangereuses, & entreprit aussi - tôt de le refuter par un écrit intitulé, question, s'il est meilleur de communier souvent que rarement. Cette réfutation étant tombée entre les mains de M. Arnauld, il se crut obligé d'y répondre.

Cet ouvrage est divisé en trois parties. Dans la premiere, M. Arnauld traite de la véritable intelligence de l'Ecriture & des peres, que le pere de Saismaisons allegue pour la fréquente communion; 2°. des conditions d'un bon directeur pour regler les communions; 3°. si l'on doit porter indifféremment toutes sortes de personnes à communier tous les huit jours; 4°. de l'indisposition que les péchés véniels peuvent apporter à la fréquente communion. Dans les vingt - sept premiers chapitres ce docteur discute les passages de l'Ecriture & des peres allégués par le Jésuite. Depuis le chapitre xxviij. jusqu'au xxxjv, inclusivement, on expose les qualités prescrites par le pere de Saismaisons même pour un bon directeur. Le troisieme objet remplit les chapitres xxxv. xxxvj. xxxvij. & xxxviij. où l'on combat encore des raisons assez legeres, que le pere de Saismaisons avoit alléguées pour prouver qu'on peut permettre indifféremment la communion à toutes sortes de personnes tous les huit jours. Les deux chapitres suivans sont destinés à prouver, pa des témoignages des peres &c par des exemples des saints, qu'on a eu égard aux péchés véniels pour regler les communions.

Dans la seconde partie M. Arnauld examine cette question, s'ii est meilleur & plus utile aux ames qui se sentent coupables de péchés mortels, de communier aussi - tôt qu'elles se sont confessées, ou de prendre quelque tems pour se purifier par la pénitence avant que de se présenter au saint autel. Il divise sa reponse en trois points: 1°. il examine les autorités de l'Ecriture, des peres, & des conciles, dont le P. de Saismaisons appuyoit son sentiment: 2°. il examine si ce n'a jamais été la pratique de l'Eglise de faire pénitence plusieurs jours avant que de communier; & sur ce point il conclut de la discipline de [p. 734] l'Eglise primitive sur la pénitence, à l'usage présent de l'Eglise; & c'est sans doute ce qui a donné occasion à ce rigorisme introduit dans la spéculation & dans la pratique, & qui a fait dire sans distinction, que c'est une condmite pleine de sagesse, de lumiere & de charité, de donner aux ames le tems de porter avec humilité & de sentir l'état du péché, de demander l'esprit de pénitence & de contrition, & de commencer au moins à satisfaire à la justice de Dieu avant que de les reconcilier; c'est la quatre - vingt - septieme proposition du P. Quesnel condamnée par la bulle, & évidemment fausse dans sa généralité: 3°. M. Arnauld s'efforce de prouver que c'est à tort qu'on condamne de témérité ceux qui s'efforcent de fléchir la miséricorde de Dieu par la mortification de leur chair & l'exercice des bonnes oeuvres avant que de s'approcher du sanctuaire; & il le prouve assez bien par différentes autorités qui concernent les péchés mortels publics ou d'habitude. Mais on sait assez jusqu'où les rigoristes ont porté les conséquences de ce principe, qui est vrai & incontestable à quelques égards.

La troisieme partie roule sur quelques dispositions plus particulieres pour communier avec fruit: M. Arnauld y examine si l'on doit s'approcher de l'eucharistie sans aucune crainte, dans quelque froideur, indévotion, inapplication aux choses de Dieu, privation de grace, plénitude de l'amour de soi - même, & prodigieux attachement au monde que l'on se trouve, & si le délai ne peut point servir à communier avec plus de révérence & meilleure disposition: il montre qu'au moins pour la communion fréquente on doit avoir beaucoup d'égards à toutes ces indispositions.

Il résulte de cet ouvrage que M. Arnauld, & tous ceux qui pensent comme lui, exigent pour la fréquente communion des dispositions bien sublimes, & par conséquent rares dans la plûpart des Chrétiens: aussi leurs adversaires les ont - ils accusés de retirer d'une main la communion aux fideles, tandis qu'ils la leur présentoient de l'autre.

Quoi qu'il en puisse être des intentions & de la conduite de M. Arnauld & de ses partisans, dans la pratique; le livre de la fréquente communion parut imprimé en 1643, muni des approbations de seize archevêques & évêques de France, & de vingt - quatre docteurs de Sorbonne: on peut les voir à la tête de l'ouvrage. ces premiers prélats se joignit deux ans après, la province ecclésiastique d'Ausch, composée de son archevêque & de dix évêques suffragans, qui avec quantité d'ecclésiastiques du second ordre, approuverent le livre tout d'une voix dans une assemblée provinciale tenue en 1645.

Cet ouvrage dès sa naissance excita des plaintes très - vives. Il fut dénoncé à Rome. Les seize évêques premiers approbateurs en écrivirent, en 1644, au pape Urbain VIII. une longue lettre, où ils font l'éloge du livre, & s'en déclarent les défenseurs. Les mêmes évêques, excepté trois qui étoient morts, écrivirent l'année d'après, sur le même sujet, au pape Innocent X. qui avoit succédé à Urbain VIII. Ces deux lettres surent rendues au pape par M. Bourgeois, l'un des vingt - quatre docteurs de Sorbonne qui avoient approuvé le livre; & il lui présenta depuis une procuration signée de quatre archevêques & de seize évêques, qui lui donnoient le pouvoir de comparoître pour eux & en leur nom devant le pape, pour y défendre le livre de la fréquente communion. Ce docteur fut reçu par la congrégation en qualité de contradicteur; on lui communiqua les plainces & accusations: il y répondit par des mémoires: il in struisit les cardinaux, les officiers, & les théologiens de la congrégation; & enfin l'affaire ayant été rapportée & mise en délibération, tous les cardinaux conclurent d'une voix à laisser le livre sans atteinte; & jamais depuis le livre de la fréquente communion n'a été condamné à Rome. Les lettres des évêques approbateurs aux papes Urbain VIII. & Innocent X. se trouvent à la fin des nouvelles éditions de cet ouvrage.

Cependant le P. Nouet Jésuite, avoit prêché publiquement dans Paris contre le livre de la fréquente communion, sans ménager l'auteur ni les évêques approbateurs. D'un autre côté, le fameux P. Petau entra en lice, tant par une lettre qu'il adressa à la reine régente Marie Anne d'Autriche, que par un autre écrit plus étendu, où il combattit méthodiquement le livre de M. Arnauld: celui - ci répondit à l'un & à l'autre, 1° par un avertissement sur quelques sermons prêchés à Paris; 2° par une lettre à la reine, & par une préface qu'on trouve à la tête de la tradition de l'Eglise, sur le sujet de la pénitence & de la communion.

Le livre du P. Pichon Jésuite, dont nous avons déjà rapporté le titre, parut en 1745, muni des approbations ordinaires, & annoncé avec éloge par le journaliste de Trévoux, Octob. 1745. art. lxxxvij. Il fut depuis approuvé formellement par M. l'archevêque de Besançon, par M. l'évêque de Marseille, & par M. l'évêque & prince de Bâle. Les archevêques de Paris, de Sens, de Tours, de Roiien; les évêques d'Evreux, de Lodève, de Saint Pons, &c. n'en porterent pas le même jugement.

Ces prélats furent donc choqués d'entendre le P. Pichon enseigner, 1°. que lorsque l'apôtre dit, probet autem se ipsum homo, « c'est comme s'il disoit: avant de communier tous les jours, à quoi il exhorte, examinez bien si vous êtes exempt de péché mortel; & si vous l'êtes, communiez; si vous ne l'êtes pas, purifiez - vous au plûtôt, afin de ne pas manquer à la communion quotidienne. Entrel. II. pag. 212.»

2°. « Que la coûtume de l'Eglise déclare que cette épreuve consiste en ce que nulle personne sentant sa conscience souillée d'un péché mortel, quelque contrition qu'il lui semble en avoir, ne doit s'approcher de la sainte eucharistie sans avoir fait précéder l'absolution sacramentelle; ce que le saint concile de Trente ordonne devoir être observé par tous les Chrétiens, & même par les prêtres qui se trouvent obligés de célébrer par le devoir de leur emploi ». Les évêques déclarent que le P. Pichon a puisé cette maxime dans le livre de Molinos sur la fréquente communion, & ils la condamnent, aussi bien que le commentaire suivant qu'en fait le Jésuite à la page 283 de son ouvrage.

« Le concile ne demande point en rigueur d'autre disposition, parce qu'il n'en connoît point d'autre qui soit absolument nécessaire: autrement il n'auroit pas manqué un point d'une aussi grande conséquence, sur - tout pour les prêtres qui communient tous les jours. L'exemption du péché mortel, ou l'état de grace, est donc la seule disposition nécessaire: elle est donc une disposition suffisante pour bien communier. Bien plus, le concile exhorte à la communion de tous les jours, sans dire un mot d'une plus grande disposition: il le pouvoit, & s'il eût été nécessaire, il le devoit; cependant il se tient ferme à dire, que les prêtres obligés par office de célébrer tous les jours, sont obligés seulement, s'ils sont coupables d'un péché mortel, de s'en confesser, sans quoi ils ne peuvent pas célébrer. Avec cette disposition, ils le peuvent donc faire. Cette disposition est donc suffisante, & seule commandée. Une comparaison, ajoûte le P. Pichon, rendra la chose sensible. Vous voulez acheter une charge; on exige dix mille livres; ce n'est qu'à ce prix que vous la posséderez: ne suffit - il pas de donner ce qu'on exige? est - il nécessaire de don,

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