ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"650"> quinzieme siecle, a multiplié les colonies Européennes, & nous en présente une sixieme espece.

Toutes celles de ce continent ont eu le commerce & la culture tout - à - la - fois pour objet de leur établissement, ou s'y sont tournées: dès - lors il étoit nécessaire de conquérir les terres, & d'en chasser les anciens habitans, pour y en transporter de nouveaux.

Ces colonies n'étant établies que pour l'utilité de la métropole, il s'ensuit:

1°. Qu'elles doivent être sous sa dépendance immédiate, & par conséquent sous sa protection.

2°. Que le commerce doit en être exclusif aux fondateurs.

Une pareille colonie remplit mieux son objet, à mesure qu'elle augmente le produit des terres de la métropole, qu'elle fait subsister un plus grand nombre de ses hommes, & qu'elle contribue au gain de son commerce avec les autres nations. Ces trois avantages peuvent ne pas se rencontrer ensemble dans des circonstances particulieres; mais l'un des trois au moins doit compenser les autres dans un certain degré. Si la compensation n'est pas entiere, ou si la colonie ne procure aucun des trois avantages, on peut décider qu'elle est ruineuse pour le pays de la domination, & qu'elle l'énerve.

Ainsi le profit du commerce & de la culture de nos colonies est précisément, 1° le plus grand produit que leur consommation occasionne au propriétaire de nos terres, les frais de culture déduits; 2° ce que reçoivent nos artistes & nos matelots qui travaillent pour elles, & à leur occasion; 3° tout ce qu'elles suppléent de nos besoins; 4° tout le superflu qu'elles nous donnent à exporter.

De ce calcul, on peut tirer plusieurs conséquences:

La premiere est que les colonies ne seroient plus utiles, si elles pouvoient se passer de la métropole: ainsi c'est une loi prise dans la nature de la chose, que l'on doit restraindre les arts & la culture dans une colonie, à tels & tels objets, suivant les convenances du pays de la domination.

La seconde conséquence est que si la colonie entretient un commerce avec les étrangers, ou que si l'on y consomme les marchandises étrangeres, le montant de ce commerce & de ces marchandises est un vol fait à la métropole; vol trop commun, mais punissable par les lois, & par lequel la force réelle & relative d'un état est diminuée de tout ce que gagnent les étrangers.

Ce n'est donc point attenter à la liberté de ce commerce, que de le restraindre dans ce cas: toute police qui le tolere par son indifférence, ou qui laisse à certains ports la facilité de contrevenir au premier principe de l'institution des colonies, est une police destructive du commerce, ou de la richesse d'une nation.

La troisieme conséquence est qu'une colonie sera d'autant plus utile, qu'elle sera plus peuplée, & que ses terres seront plus cultivées.

Pour y parvenir sûrement, il faut que le premier établissement se fasse aux dépens de l'état qui la fonde; que le partage des successions y soit égal entre les enfans, afin d'y fixer un plus grand nombre d'habitans par la subdivision des fortunes; que la concurrence du commerce y soit parfaitement établie, parce que l'ambition des négocians fournira aux habitans plus d'avances pour leurs cultures, que ne le feroient des compagnies exclusives, & dès - lors maîtresses tant du prix des marchandises, que du terme des payments. Il faut encore que le sort des habitans soit très - doux, en compensation de leurs travaux & de leur fidélité: c'est pourquoi les nations habiles ne retirent tout au plus de leurs colonies, que la dépense des forteresses & des gar<cb-> nisons; quelquefois même elles se contentent du bénéfice général du commerce.

Les dépenses d'un état avec ses colonies, ne se bornent pas aux premiers frais de leur établissement. Ces sortes d'entreprises exigent de la constance, de l'opiniâtreté même, à moins que l'ambition de la nation n'y supplée par des efforts extraordinaires; mais la constance a des effets plus sûrs & des principes plus solides: ainsi jusqu'à ce que la force du commerce ait donné aux colonies une espece de consistance, elles ont besoin d'encouragement continuel, suivant la nature de leur position & de leur terrein; si on les néglige, outre la perte des premieres avances & du tems, on les expose à devenir la proie des peuples plus ambitieux ou plus actifs.

Ce seroit cependant aller contre l'objet même des colonies, que de les établir en dépeuplant le pays de la domination. Les nations intelligentes n'y envoyent que peu - à - peu le superflu de leurs hommes, ou ceux qui y sont à charge à la société: ainsi le point d'une premiere population est la quantité d'habitans nécessaires pour défendre le canton établi contre les ennemis qui pourroient l'attaquer; les peuplades suivantes servent à l'aggrandissement du commerce; l'excès de la population seroit la quantité d'hommes inutiles qui s'y trouveroient, ou la quantité qui manqueroit au pays de la domination. Il peut donc arriver des circonstances où il seroit utile d'empêcher les citoyens de la métropole de sortir à leur gré, pour habiter les colonies en général, ou telle colonie en particulier.

Les colonies de l'Amérique ayant établi une nouvelle forme de dépendance & de commerce, il a été nécessaire d'y faire des lois nouvelles. Les législateurs habiles ont eu pour objet principal de favoriser l'établissement & la culture: mais lorsque l'un & l'autre sont parvenus à une certaine perfection, il peut arriver que ces lois deviennent contraires à l'objet de l'institution, qui est le commerce; dans ce cas elles sont même injustes, puisque c'est le commerce qui par son activité en a donné à toutes les colonies un peu florissantes. Il paroîtroit donc convenable de les changer ou de les modifier, à mesure qu'elles s'éloignent de leur esprit. Si la culture a été favorisée plus que le commerce, ç'a été en faveur même du commerce; dès que les raisons de préférence cessent, l'équilibre doit être rétabli.

Lorsqu'un état a plusieurs colonies qui peuvent communiquer entr'elles, le véritable secret d'augmenter les forces & les richesses de chacune, c'est d'établir entr'elles une correspondance & une navigation suivie. Ce commerce particulier a la force & les avantages du commerce intérieur d'un état, pourvû que les denrées des colonies ne soient jamais de nature à entrer en concurrence avec celles de la métropole. Il en accroît réellement la richesse, puisque l'aisance des colonies lui revient toûjours en bénéfice, par les consommations qu'elle occasionne: par cette même raison, le commerce actif qu'elles font avec les colonies étrangeres, des denrées pour leur propre consommation, est avantageux, s'il est contenu dans ses bornes légitimes.

Le commerce dans les colonies & avec elles, est assujetti aux maximes générales, qui par - tout le rendent florissant: cependant des circonstances particulieres peuvent exiger que l'on y déroge dans l'administration: tout doit changer avec les tems; & c'est dans le parti que l'on tire de ces changemens forcés, que consiste la suprème habileté.

Nous avons vû qu'en général la liberté doit être restrainte en faveur de la métropole. Une autre principe toûjours constant, c'est que tout exclusif, tout ce qui prive le négociant & l'habitant du bénéfice, de la concurrence, les péages, les servitudes, ont [p. 651] des effets plus pernicieux dans une colonie, qu'en aucun autre endroit: le commerce y est si resserré, que l'impression y en est plus fréquente; le découragement y est suivi d'un abandon total: quand même ces effets ne seroient pas instantanés, il est certain que le mal n'en seroit que plus dangereux.

Ce qui contribue à diminuer la quantité de la denrée ou à la renchérir, diminue nécessairement le bénéfice de la métropole, & fournit aux autres peuples une occasion favorable de gagner la supériorité, ou d'entrer en concurrence.

Nous n'entrerons point ici dans le détail des diverses colonies européennes à l'Amérique, en Afrique, & dans les Indes orientales, afin de ne pas rendre cet article trop long: d'ailleurs la place naturelle de ces matieres est au commerce de chaque état. Voy. les mots France, Londres, Hollande, Espagne, Portugal, Danemarck.

On peut consulter sur les colonies anciennes la Genese, chap. x. Hérodote, Thucydide, Diodore de Sicile, Strabon, Justin, la géographie sacrée de Sam. Bochart, l'histoire du commerce & de la navigation des anciens, la dissertation de M. de Bougainville sur les devoirs réciproques des métropoles & des colonies Greques: à l'égard des nouvelles colonies, M. Melon dans son essai politique sur le commerce, & l'esprit des lois, ont fort bien traité la partie politique: sur le détail, on peut consulter les voyages du P. Labat, celui de don Antonio de Ulloa, de M. Fraizier, & le livre intitulé commerce de la Hollande. Cet article est de M. V. D. F.

COLONNAIRE (Page 3:651)

* COLONNAIRE, s. m. (Hist. anc.) columnarium, impôt mis sur les colonnes dont on ornoit les maisons: on dit que ce fut Jules César qui l'imagina, afin d'arrêter le luxe de l'architecture, qui se remarquoit d'une maniere exorbitante dans les bâtimens des citoyens.

COLONNE (Page 3:651)

COLONNE, s. f. terme d'Architecture, du Latin columna, qui a été fait, selon Vitruve, de columen, soûtien; l'on entend sous ce nom une espece de cylindre, qui differe du pilier en ce que la colonne diminue à son extrémité supérieure en forme de cone tronqué, & que le pilier est élevé parallelement.

Sous le nom de colonne l'on comprend les trois parties qui la composent; savoir sa base, son fust, & son chapiteau. Nous nous appliquerons ici particulierement à son fust, après avoir dit en général qu'il est cinq especes de colonnes, savoir la toscane, la dorique, l'ionique, la corinthienne, & la composite, sans en compter une infinité d'autres qui tirent leurs noms de la diversité de leur matiere, de leur construction, de leur forme, de leur disposition, de leur usage, &c. Voyez Chapiteau, voyez aussi Base, renvoyé dans l'errata à la tête du III. volume.

Le fust des colonnes differe par leur diametre; la colonne toscane en ayant sept de hauteur, la dorique huit, l'ionique neuf, la corinthienne & la composite dix. Voyez Ordre. Les anciens & les modernes s'y sont pris différemment pour la diminution du fust des colonnes: les premiers les ont fait diminuer depuis la base jusqu'au sommet; ensuite ils les ont seulement conservées paralleles dans leur tiers inférieur, ne les diminuant que dans les deux tiers supérieurs: la plus grande partie des modernes, tels que Philibert, Delorme, Mansart, & Perraut, les ont diminuées haut & bas, c'est - à - dire ont porté leur véritable diametre à l'extrémité supérieure du tiers inférieur, & les ont diminuées vers les deux extrémités. Cette derniere maniere, quoique assez généralement approuvée par nos Architectes François, n'est cependant pas toûjours bonne à imiter; car il résulte de cette maniere que le foible porte le fort, ce qui est contre toute regle de vraissemblance & de solidité; ce qui devroit faire préférer les colonnes pa<cb-> talleles dans leur tiers inférieur, & les diminuer seulement depuis ce tiers jusqu'à leur sommet. Les Architectes ont aussi différé sur la quantité de diminution qu'ils devoient donner au diametre supérieur des colonnes; Vitruve a prétendu que plus les colonnes avoient d'élévation, & moins elles devoient avoir de diminution; parce qu'étant plus éloignées de l'oeil du spectateur, alors par l'effet de l'optique, elles diminuoient d'elles - mêmes. Ce précepte sans doute est judicieux; mais il n'en faut pas moins prévoir si ces colonnes sont ou colossales, ou isolées, ou flanquées, ou adossées, ou accouplées; car, selon ces différentes situations, il convient d'augmenter ou de diminuer le fust supérieur des colonnes; ce qui exige une expérience fort au - dessus, à cet égard, de la théorie: pour cette raison nous dirons en général, que les Architectes qui ont écrit depuis Vitruve sont assez d'accord, que les colonnes au sommet de leur diametre supérieur, ayent un sixieme de moins qu'à leur diametre inférieur, & cela indistinctement pour les cinq ordres de colonnes dont nous venons de parler; quoique Vignole, par une contradiction qui n'est pas concevable, ait établi une moindre diminution à la colonne toscane qu'aux autres, qui ont néanmoins un caractere plus leger & plus élégant.

Il faut observer que la diminution des colonnes ne se détermine pas par deux lignes droites, mais par des courbes nommées conchoïdes (voyez Conchoïdes) qui donnent beaucoup de graces à leur fust en empêchant de former des jarrets qui deviendroient inévitables, si leur diminution étoit déterminée par des lignes droites: on use de ce même moyen pour les colonnes renflées, c'est - à - dire pour celles qui sont diminuées haut & bas, & dont nous avons déjà parlé.

Les fusts des colonnes sont susceptibles de diverses richesses, selon qu'ils appartiennent aux différens ordres. Nous allons en parler en particulier.

Le fust toscan est le plus ordinairement tenu lice, comme ceux du Palais - Royal, de l'orangerie de Verfailles, &c. cependant on revêt quelquefois son fust de bossages continus, comme ceux du Luxembourg, ou alternatifs, comme ceux du château neuf de Saint - Germain - en - Laye: ces bossages sont quelquefois vermiculés ou ornés de congellation, tels qu'il s'en remarque de cette derniere espece à la grotte du jardin du Luxembourg. L'on voit à Paris au guichet du Louvre du côté de la riviere, un ordre toscan revêtu de bossages enrichis de fort beaux ornemens; mais dont le travail délicat & recherché n'a aucune analogie avec la rusticité de l'ordre.

Le fust dorique se tient encore assez ordinairement lice: quelquefois l'on le revêt de bossages alternatifs, comme au Luxembourg; mais plus communément on l'orne de cannelures (voy. Cannelures) séparées par des listeaux, comme il s'en voit au portail S. Gervais, dont le tiers inférieur est tenu lice pour plus de simplicité. Vignole a proposé des cannelures à l'ordre dorique sans listeau; mais ces cannelures sont non - seulement trop fragiles, mais aussi elles sont peu propres à exprimer la virilité, qui est le véritable caractere de l'ordre dorique, ainsi que nous l'avons observé ailleurs.

Le fust ionique est presque toûjours orné de cannelures; mais comme son diametre est plus élégant que le dorique, au lieu de vingt on en distribue vingt - quatre autour de sa circonférence, & l'on ajoûte aux listeaux qui les séparent, des filets ou d'autres moulures pour les enrichir, ainsi qu'on l'a observé aux colonnes ioniques des galeries du château des Tuileries, du côté des jardins, à celle des colonnes du vestibule du château de Maisons, &c. Ces cannelures regnent ordinairement dans toute la hauteur

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