ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"652"> du fust des colonnes; mais dans leur tiers inférieur l'on ajoûte des roseaux ou rudentures (voyez Rudentures), qui par leurs formes convexes alterent moins la solidité inférieure de la colonne: de ces roseaux sortent le plus souvent des graines, des feuilles, & des fleurons, qui forment un agréable effet; ainsi qu'on l'a pratiqué aux colonnes des Tuileries, dont les tiges de quelques - unes sont fuselées d'une maniere inimitable. Au reste on doit observer que ce genre de richesse devroit être reservé pour l'ordre corinthien, malgré l'exemple célebre que nous citons; & malgré celles du vestibule du château de Maisons, qui étant d'ordre dorique, en sont encore moins susceptibles, quoique renfermées dans l'intérieur du bâtiment.

L'on voit des colonnes ioniques au palais des Tuileries, où au lieu de cannelures, on a introduit des bossages à bandelettes, enrichis de membres d'architecture & d'ornemens assez précieux: mais il n'est pas moins vrai que cette sorte d'enrichissement est peu convenable à cet ordre, par la raison que les hommes intelligens, accoûtumés au genre de beauté qui se remarque en général dans le rapport de la hauteur d'une colonne avec son diametre, croyent qu'il est détruit, lorsque par des bossages horisontaux (voyez Bossage) l'oeil ne peut sans obstacle parcourir son fust sans distraction.

Les fusts corinthien & composite sont susceptibles des mêmes ornemens dont nous venons de parler, c'est - à - dire de cannelures que l'on orne plus ou moins de listeaux, de rudentures, &c. Mais nous remarquerons qu'aujourd'hui où il semble qu'on porte en général toute son attention à la décoration intérieure des bâtimens, l'on fait peu d'usage des cannelures dans les dehors, même jusque dans nos édifices sacrés: exemple, les portails de saint Roch, des Petits - Peres, de l'Oratoire, &c. où le fust des colonnes qui y sont employées est sans cannelures, & où l'on a supprimé presque tous les ornemens des entablemens.

Quelquefois l'on fait le fust des colonnes en spirale, qui pour cette raison sont nommées torses (voy. Torse); telles que celles qui se voyent au maître autel de S. Pierre à Rome, celles de l'abbaye S. Germain - des - Prés, des Invalides, & du Val - de - Grace à Paris: ces colonnes sont ornées de feuillages, de rinseaux, de pampres, & autres ornemens arbitraires, allégoriques, ou symboliques.

En général, lorsqu'une colonne surpasse deux ou trois piés de diametre, on la nomme colossale; telles que celle de Trajan à Rome, d'ordre toscan, qui en a huit, & qui est ornée de bas - reliefs qui représentent les principales actions de cet empereur dans la guerre qu'il eut contre les Daces: ces bas - reliefs ont été expliqués par plusieurs savans, & Louis XIV. les a fait mouler en plâtre pour en avoir des modeles; preuve incontestable de la beauté de cet ouvrage célebre. Il se voit encore à Rome une colonne colossale, nommée celle d'Antonin, ainsi qu'à Paris celle nommée de Medicis, dans l'emplacement de l'ancien hôtel de Soissons, qui servoit d'observatoire à la reine de ce nom, après l'avoir fait élever près de son palais, dont cette colonne est la seule chose qui ait été conservée. Ces trois colonnes colossales dont nous venons de parler, ne sont couronnées d'aucun entablement, mais seulement élevées sur des piésd'estaux, leur extrémité supérieure étant couronnée de figure colossale; à l'exception de celle de l'hôtel de Soissons, où l'on voit les armatures de fer, propres à porter les instrumens astronomiques dont cette reine faisoit usage. (P)

Colonne, (Page 3:652)

Colonne, (Hist. anc.) Dans la premiere antiquité les colonnes ont servi de monumens historiques. Josephe, liv. I. des antiq. Jud. ch. iij. rapporte que les enfans de Seth érigerent deux colonnes, l'une de pierre & l'autre de brique, sur lesquelles ils graverent les connoissances qu'ils avoient acquises dans l'Astrologie; & il ajoûte que de son tems on voyoit encore celle de pierre dans la Syrie. Les Hébreux se servoient de colonnes pour borner leurs héritages, & les Perses & les Grecs pour marquer les limites des provinces. On écrivoit sur des colonnes les lois, les coûtumes, les traités de paix, & les alliances. Les Grecs en posoient ordinairement sur les tombeaux, avec des inscriptions ou des figures relatives aux morts qu'ils renfermoient; & les Latins imiterent cet usage. Ils en érigeoient encore aux vainqueurs, aux empereurs, ornées de bas - reliefs & de sculptures qui représentoient leurs exploits. Telle est la colonne Trajane, monument élevé à la gloire de Trajan. On en mettoit encore sur les grands chemins de mille en mille pas, qu'on nommoit par cette raison colonnes milliaires. Les Romains désignoient ces milles par ces deux lettres, M. P. avec un chiffre qui marquoit le nombre des milles; par exemple, M. P. XXII. millia passuum viginti duo. Et les Gaulois qui comptoient par lieues, exprimoient les distances par la lettre L. avec le nombre des lieues: ainsi dans les colonnes milliaires découvertes en France, L. VII. signifie leug ou leuc septem, sept lieues. (G)

* Colonne Antonine: elle sut élevée à l'honneur de M. Aurele Antonin. Elle est creuse: on a pratiqué en - dedans un escalier de 206 marches. Elle a 175 piés de hauteur, mesure ancienne, ou 160 mesure Romaine d'aujourd'hui: cinquantesix petites fenêtres l'éclairoient. Le tems & le seu l'avoient beaucoup endommagée. On la répara sous Sixte V. Ce pontife fit placer au haut une statue de S. Paul fondue en bronze & dorée, ornement assez barbare: car qu'y a - t - il de plus mauvais goût, pour ne rien dire de pis, que la statue d'un apôtre du Christianisme au haut d'un monument chargé des actions militaires d'un empereur payen? On y voit la légion sulminante; un orage épouvantable conserve l'armée Romaine prête à périr de soif, & met en suite l'ennemi. Elle est placée en - deçà & à droite della strada del Corso. On y entre par une porte pratiquée à son pié - d'estal: une plate - forme quarrée portant une grille de fer lui sert de chapiteau. On lit sur les faces de la plate - forme, sur la premiere, Sixtus V. sur la seconde, S. Paulo; sur la troisieme, apost. sur la quatrieme, pont. A. IIII. Sur l'une des faces du pié - d'estal on a placé l'inscription suivante: Sixtus V. pont. max. columnam hanc ab omni impietate expurgatam, S. Paulo apostolo area ejus statua inaurata à summo vertice posit. D. D. ann. M. D. LXXXIX. pont. IV. Sur la seconde face: Columnam hanc cochlidem, imp. Antonino dicatam, misere laceravit, ruinosamque prim form restituit, an. M. D. LXXXIX. pont. IV. Sur la troisieme: M. Aurelius imp. Armenis, Parthis, Germanisque bello maximo devictis, triumphalem hanc columnam rebus gestis insignem, imp. Antonino Pio patri dicavit. Et sur la quatrieme: Triumphalis & sacra nunc sum Christi verè Pium discipulumque serens, qui per crucis pradicationem de Romanis Barbarisque triumphavit. C'est une erreur que d'avoir attribué cette colonne à Antonin le Pieux; celle - ci a été trouvée dans la suite sous des maisons, d'où Clément XI. la sit tirer. Elle est de marbre tacheté de rouge, & semblable à celui qui vient de Sienne en Egypte: elle a cinquantecinq piés de hauteur. On lit sur un de ses côtés: Divo Antonino Augusto Pio, Antoninus Augustus, & verus Augustus, filii. On voit ailleurs l'apothéose d'Antonin & une pompe funebre conduite par des gens à pié, à cheval, en chars; ce surent ses fils qui firent sculpter ces bas - reliefs après la mort de leur pere. [p. 653]

Colonne bellique, (Page 3:653)

Colonne bellique, columna bellica, petite colonne placée devant le temple de Bellone à Rome derriere le cirque Flaminien, où est maintenant le couvent di Tor de specchi. Quand on déclaroit la guerre à des peuples, le consul lançoit de dessus ou contre cette colonne un dard vers la contrée qu'ils habitoient.

Hinc solet hasta manu belli prnuntia mitti; In regem & gentes, cum placet arma capi. Ov.

Colonne de César, (Page 3:653)

Colonne de César, columna Casaris: elle étoit de marbre de Numidie; elle avoit vingt piés de hauteur: on l'avoit élevée in foro Romano, à l'honneur de Jule César. On y lisoit l'inscription parenti patria. Le peuple l'avoit en telle vénération qu'il y faisoit des sacrifices, qu'il y terminoit ses différends, & qu'il y juroit par Cesar. Dolabella la sit abattre, & Cicéron l'en loue. Il y en a qui prétendent que ce ne fut dans les commencemens qu'un autel, que le peuple & le faux Marius avoient fait construire; qu'Antoine éleva la colonne sur cet autel, & que l'inscription étoit parenti optime merito.

Colonne de feu & Colonne de fumée, (Page 3:653)

Colonne de feu & Colonne de fumée, c'est la même qui obscure pendant le jour, lumineuse pendant la nuit, servit de signe au peuple Juif pendant sa marche au sortir d'Egypte, & pendant les quarante ans de son séjour dans le desert.

Colonnes du Tabernacle, (Page 3:653)

Colonnes du Tabernacle, column atrii, piliers sur lesquels les rideaux furent tendus autour du tabernacle: les uns disent qu'ils étoient de bronze; d'autres, de bois: il y en avoit vingt du côté du nord, vingt du côté du midi, dix à l'occident, dix à l'orient, ce qui fait soixante; à moins qu'en comptant les piliers des angles pour deux, cela ne réduise le nombre à cinquante - six. Ces piliers avoient des appais d'airain.

Colonne d'Hercule. (Page 3:653)

* Colonne d'Hercule. On dit qu'Hercule arrivé à Gades, aujourd'hui Cadix en Espagne, se crut aux extrémités de la terre; qu'il sépara deux montagnes qui se touchoient, Calpé & Abyla, l'une en Atrique & l'autre en Europe; qu'il sit communiquer l'Océan & la Méditerranée; & qu'il éleva sur ces montagnes deux colonnes, avec cette inscription: Non ultra. Quoi qu'il en soit, on nomma cet endroit port Gaditan, portes de Gadira. Charles V. successeur de Ferdinand & d'Isabelle, sous qui la découverte de l'Amérique s'étoit faite, changea l'inscription, & substitua plus ultra au non ultra d'Hercule.

Colonne lactaire, (Page 3:653)

Colonne lactaire, columna lactaria: elle étoit dans la onzieme région de Rome; toutes les meres y portoient leurs enfans par superstition; quelquesunes les y laissoient exposés par indigence ou par inhumanité: on appelle maintenant le lieu de cette colonne la Piazza Montanara.

Colonnes légales, (Page 3:653)

Colonnes légales, (Hist. anc.) étoient chez les Lacedémoniens des colonnes élevées dans les places publiques, où étoient gravées sur des tables d'airain les lois fondamentales de l'état.

Colonne Mænienne, (Page 3:653)

Colonne Mænienne, columna Mnia; elle étoit dans la huitieme région; elle fut élevée, selon quelques - uns, à l'honneur du consul Mænius, après une victoire remportée sur les Antiates; selon d'autres, par un certain Mænius qui s'étoit réservé ce droit en vendant sa maison aux censeurs Caton & Flaccon, afin de voir de - là le combat des gladiateurs; comme la forme en étoit particuliere, on donna dans la suite aux édifices semblables le nom de Mniana, dont on a fait le nom mignani. Il est mention de deux colonnes Mniennes; c'est au pié d'une de ces deux colonnes que les triumvirs surnommés capitales, jugeoient les voleurs & autres bandits.

Colonnes rostrées, (Page 3:653)

Colonnes rostrées, column rostrat; c'étoit là qu'on attachoit les éperons des vaisseaux pris sur l'ennemi. La premiere fut élevée à l'occasion de la victoire sur mer de C. Duilius sur les Carthaginois. Elle étoit dans le marché Romain; on la trouva en 1260 près de l'arc Septimien. Le cardinal Alexandre Farnese la sit porter au capitole; elle est de marbre blanc. Auguste en avoit fait construire au même lieu quatre autres semblables des éperons des navires qui surent pris sur Cléopatre.

Colonne Trajane, (Page 3:653)

Colonne Trajane, (Hist. anc. Arch.) monument à l'honneur de Trajan, mort l'an 117 de J. C. à l'âge de 64 ans, dans une ville de Cilicie alors nommée Selinunte, depuis la ville de Trajan, Trajanopolis, & que les Turcs appellent à présent lénos.

Un des plus superbes restes de la magnificence Romaine est la colonne Trajane, qui a plus immortalisé l'empereur Trajan, que toutes les plumes des historiens n'auroient pû faire.

Elle avoit 128 piés de haut, & l'on y montoit par un escalier de 185 degrés, éclairé de 45 tenêtres: on y voyoit tout - autour en bas - reliess tous les exploits de Trajan, dont après sa mort les cendres furent placées au haut de cette colonne dans une urne d'or.

Un prince qui le premier avoit ajoûté de son ordre cette expresse condition aux voeux publics qu'on feroit pour sa personne, « que ce ne seroit qu'autant qu'il veilleroit à la conservation de la patrie; & que s'il faisoit rien qui y sût contraire, les dieux détournassent de dessus lui leurs regards & leur protection »: Ut Trajanum dii sospitem incolumenque pr<-> starent, si bene rempublicam ex utilitate omnium rexerit; sin contra, ut ab illius custodia oculos dimoverent: un prince qui pensoit que le souverain bonheur étoit de pouvoir faire tout le bien qu'on veut, & le comble de la grandeur, de pouvoir faire tout le bien qu'on peut: un prince enfin qui, comme le remarque Pline le jeune son ami, n'avoit point de plus grand modele à se proposer que lui même; un tel prince méritoit sans doute les plus sublimes efforts de l'Architecture, pour célébrer sa gloire & ses vertus.

Aussi le sénat & le peuple Romain lui érigerent avec zele ce mausolée, si l'on peut parler ainsi, en reconnoissance de ses rares qualites, & des grands services qu'il avoit rendus à la république.

De plus, dit M. Rollin, dont je ne peux m'empêcher de transcrire ici les réflexions, « le sénat & le peuple réunis voulant que la mémoire de Trajan fût présente à tous les siecles, & qu'elle durât autant que l'empire, ils ordonnerent que ses actions seroient gravées sur le marbre du plus riche style qui ait jamais été employé ».

L'Architecture fut l'historiographe de cet ingénieux genre d'Histoire; & parce qu'elle devoit préconiser un Romain, elle ne se servit pas des ordres Grecs, quoiqu'ils sussent incomparablement plus parfaits & plus en usage dans l'Italie même, que les deux autres originaires du pays, de peur que la gloire de ce monument admirable ne se trouvât en quelque façon partagée, & pour faire voir aussi qu'il n'y a rien de si simple que l'art ne sache perfectionner. Elle choisit done la colonne de l'ordre toscan, qui jusqu'alors n'avoit eu place que dans les choses grossieres & rustiques; & de cette masse informe elle en sit naître le plus riche & le plus noble chef - d'oeuvre du monde, que le tems a épargne & conservé tout entier jusqu'à présent, au milieu d'une infinité de ruines dont Rome est remplie.

C'est en esset, ajoûte M. Rollin, une espece de merveille, de voir que le colisée, le théatre de Marcellus, ces grands cirques, les thermes de Dioclétien, de Caracalla, & d'Antonin, ce superbe mole de la sépulture d'Adrien, le septizone de Sévere, le mausolee d'Auguste, & tant d'autres édifices qui sembloient être bâtis pour l'éternité, soient maintenant si caducs & si délabrés, qu'à peine peut - on remarquer leur ancienne forme, pendant que la colonne

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