ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"414"> en se donnant la peine de parcourir les definitions des objets généraux qui y sont examinés, & qui peuvent être pris dans différentes acceptions, par exemple, celle du mouvement, & ensuite de voir dans quel corps les Physiciens considerent le mouvement; 3° enfin en portant la vûe sur le petit nombre d'objets particuliers dont s'occupe la Physique, & qui nous sont communs avec elle, tels que l'eau, l'air, le feu, &c. Ces recherches lui découvriront que c'est toûjours des masses qu'il est question en Physique; que le mouvement dont le Physicien s'occupe principalement est le mouvement propre aux masses; que l'air est pour lui un fluide qui se comprime & qui se rétablit aisément, qui se met en équilibre avec les liquides qu'il soûtient à de certaines hauteurs, dans de certaines circonstances, dont les courans connus sous le nom de vents, ont telle ou telle vîtesse, qui est la matiere des rayons sonores, en un mot que l'air du Physicien n'est uniquement que l'air de l'atmosphere, & par conséquent de l'air aggregé ou en masse; que son eau est un liquide humide, incompressible, capable de se réduire en glace & en vapeur, soûmis à toutes les lois de l'hydraulique & de l'hydrostatique, qui est la matiere des pluies & des autres météores aqueux, &c. or toutes ces propriétés sont évidemment des propriétés de masse, excepté cependant l'humidité; aussi est - elle mal entendue pour l'observer en passant: car je demande qu'on me montre un seul liquide qui ne soit pas humide, sans en excepter même le mercure, & je conviendrai que l'humidité peut être un caractere spécial de quelques liquides. Quant au feu & à la qualité essentielle par laquelle Boerhaave, qui est celui qui en a le mieux traité physiquement, caractérise ce sluide; savoir, la faculté de raréfier tous les corps: c'est évidemment à des masses de feu, ou au feu aggregé, que cette propriété convient; aussi le traité du fee de Boerhaave, à cinq ou six lignes près, est - il tout physique. La lumiere, autre propriété physique assez générale du feu, appartient uniquement au feu aggregé.

La plupart des objets physiques sont sensibles ou en eux - mêmes, ou au moins par leurs effets immédiats. Une masse a une figure sensible; une masse en mouvement parcourt un espace sensible dans un tems sensible; elle est retardée par des obstacles sensibles, ou elle est retardée sensiblement, &c. une masse élastique est applatie par le choc dans une partie sensible de sa surface, &c. cette circonstance soûmet à la précision géométrique la détermination des figures, des forces, des mouvemens de ces corps; elle four nit au géometre des principes sensibles, d'après lesquels il bâtit ce qu'il appelle des théories, qui depuis que le grand Newton a fait un excellent ouvrage en décorant la Physique du relief de ces sublimes connoissances, sont devenues la Physique.

La Physique d'aujourd'hui est donc proprement la collection de toutes les sciences physico - mathématiques: or jusqu'à présent on n'a calculé que les forces & les effets des masses: car quoique les plus profondes opérations de la Géométrie transcendante s'exercent sur des objets infiniment petits, cependant comme ces objets passent immédiatement de l'abstraction à l'état de masse, qu'ils sont des masses figurées, douées de forces centrales, &c. dès qu'ils sont considérés comme êtres physiques, les très - petits corps du Physicien géometre ne sont pas les corpuscules que nous avons opposés aux masses; & les calculs faits sur ces corps avec cette sagacité & cette force de génie que nous admirons, ne rendent pas les causes & les effets chimiques plus calculables, du moins plus calculés jusqu'à présent.

Les Physiciens sont très - curieux de ramener tous les phénomenes de la nature aux loix méchaniques, & le nom le plus honnête qu'on puisse donner aux causes qu'ils assignent, aux agens qu'ils mettent en jeu dans leurs explications, c'est de les appeller mechaniques.

La Physique nous avouera elle - même sans doute sur la nature des objets que nous lui attribuons, & d'autant plus que nous ne lui avons pas enlevé ceux qu'elle a usurpés sur nous, & dont la propriété pouvoit la flater; nous avons dit seulement que son objet dominant étoit la contemplation des masses.

Que la Chimie au contraire ne s'occupe essentiellement que des affections des différens ordres de principes qui forment les corps sensibles; que ce soit là son but, son objet propre, le tableau abregé de la Chimie, tant théorique que pratique, que nous allons tracer dans un moment, le montrera suffisamment.

Nous observerons d'avance, pour achever le contraste de là Physique & de la Chimie:

1°. Que tout mouvement chimique est un mouvement intestin, mouvement de digestion, de fermentation, d'effervescence, &c. que l'air du Chimiste est un des principes de la composition des corps, surtout des corps solides, s'unissant avec des principes différens selon les loix d'affinité, s'en détachant par des moyens chimiques, la chaleur & la précipitation; qu'il est si volatil, qu'il passe immédiatement de l'état solide à l'expansion vaporeuse, sans rester jamais dans l'état de liquidité sous le plus grand froid connu, vûe nouvelle qui peut sauver bien des petitesses physiques; que l'eau du Chimiste est un élément, ou un corps simple, indivisible, & incommutable, contre le sentiment de Thalès, de Van - Helmont, de Boyle, & de M. Eller, qui s'unit chimiquement aux sels, aux gommes, &c. qui est un des matériaux de ces corps, qui est l'instrument immédiat de la fermentation, &c. que le feu, considéré comme objet chimique particulier, est un principe capable de combinaison & de précipitation, constituant dans différens mixtes dont il est le principe, la couleur, l'inflammabilité, la métallicité, &c. qu'ainsi le traité du feu, connu sous le nom des trecenta de Stahl, est tout chimique.

Nous avons dit le feu considéré comme objet chimique particulier, parce que le feu aggregé, considéré comme principe de la chaleur, n'est pas un objet chimique, mais un instrument que le Chimiste employe dans les opérations de l'art, ou un agent universel dont il contemple les effets chimiques dans le laboratoire de la nature.

En général quoique le Chimiste ne traite que des aggregés, puisque les corps ne se présentent jamais à lui que sous cette forme, ces aggregés ne sont jamais proprement pour lui que des promptuaria de sujets vraiment chimiques, de corpuscules; & toutes les altérations vraiment chimiques qu'il lui fait essuyer, se réduisent à deux. Ou il attaque directement ses parties intégrantes, en les combinant une à une, ou en très - petite quantité numérique avec les parties intégrantes d'un autre corps de nature différente, & c'est la dissolution chimique ou la syncrese. Voyez Menstrue, Syncrese, & la suite de cet article. Cette dissolution est le seul changement chimique qu'il puisse produire sur un aggregé d'élémens. Ou il décompose les parties intégrantes de l'aggregé, & c'est - là l'analyse chimique ou la diacrese. Voy. Diacrese, Analyse végétale, au mot Végétal, & la suite de cet article. En un mot, tant qu'il ne s'agit que des rapports des parties intégrantes de l'aggregé entr'elles, le phénomene n'est pas chimique, quoiqu'il puisse être dû à des agens chimiques; par exemple, la division d'un aggregé, poussée même jusqu'à l'unité individuelle de ses parties, n'est pas chimique; c'est ainsi que la pulvérisation même phi<pb-> [p. 415] losophique ne l'est point quant à son effet; la diacrese, pour être chimique, doit séparer des parties spécisiquement dissemblables.

Il faut observer pourtant que quoique certains changemens intestins que la chaleur fait éprouver aux corps aggregés, ne soient chimiques à la rigueur que lorsque leur énergie est telle qu'ils portent jusque sur la constitution intérieure des corpuscules, il faut observer, dis - je, que ces changemens n'étant en général que des effets gradués de la même cause, ils doivent être considérés dans toute leur extension comme des objets mixtes, ou comme des effets dont le degré physique même est très - familier au Chimiste. Ces effets de la chaleur modérée, que nous appellons proprement physiques, sont la raréfaction des corps, leur liquéfaction, leur ébullition, leur vaporation, l'exercice de la force élastique dans les corps comprimés, &c. Aussi les Chimistes sont - ils de bons physiciens sur toutes ces questions; du moins il me paroît que c'est en poursuivant sur ces effets une analogie conduite de ceux où la cause agit le plus manifestement (or ceux - là sont des objets familiers au seul Chimiste) à ceux où son influence est plus cachée, que je suis parvenu à rapprocher plusieurs phénomenes qui sont généralement regardés comme très - isolés; à découvrir par exemple que le méchanisme de l'élasticité est le même dans tous les corps, qu'ils sont tous susceptibles du même degré d'élasticité, & que ce n'est que par des circonstances purement accidentelles que les différens corps qui nous environnent ont des différences spécifiques à cet égard; que l'élasticité n'est qu'un mode de la rareté & de la densité, & qu'au premier égard elle est par conséquent toûjours dûe à la chaleur aussi bien que tous les autres phénomenes attribués à la répulsion Newtonienne, qui n'est jamais que la chaleur. Voy. Feu, Rapport.

2°. Les objets chimiques n'agissent pas sensiblement. L'effet immédiat du feu & celui des menstrues, qui sont les deux grands agens chimiques, sont insensibles. La mixtion se fait dans un tems incommensurable, in instanti; aussi ces actions ne se calculent - elles point, du moins n'a - t - on fait là - dessus jusqu'à présent que des tentatives malheureuses.

3°. Les Chimistes ne s'honorent d'aucun agent méchanique, & ils trouvent même fort singulier que la seule circonstance d'être éloignés souvent d'un seul degré de la cause inconnue, ait rendu les principes méchaniques si chers à tant de philosophes, & leur ait fait rejetter toute théorie fondée immédiatement sur les causes cachées, comme si être vrai n'étoit autre chose qu'être intelligible, ou comme si un prétendu principe méchanique interposé entre un effet & sa cause inconnue, les rassûroit contre l'horreur de l'inintelligible. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas par le goût contraire, par un courage affecté, que les Chimistes n'admettent point de principcs méchaniques, mais parce qu'aucun des principes méchaniques connus n'intervient dans leurs opérations; ce n'est pas aussi parce qu'ils prétendent que leurs agens sont exempts de méchanisme, mais parce que ce méchanisme est encore inconnu. On reproche aussi très - injustement aux Chimistes de se plaire dans leur obscurité; pour que cette imputation fûtraisonnable, il faudroit qu'on leur montrât des principes évidens & certains: car enfin ils ne seront pas blâmables tant qu'ils préféreront l'obscurité à l'erreur; & s'il y a quelque ridicule dans cette maniere de philosopher, ils sont tous résolus à le partager avec Aristote, Newton, & cette foule d'anciens philosophes dont M. de Buffon a dit dans son histoire naturelle qu'ils avoient le génie moins limité, & la philosophie plus étendue; qu'ils s'étonnoient moins que nous des faits qu'ils ne pouvoient expli<cb-> quer; qu'ils voyoient mieux la nature telle qu'elle est; & qu'une sympathie, une correspondance n'étoit pour eux qu'un phénomene, tandis que c'est pour nous un paradoxe, dès que nous ne pouvons le rapporter à nos prétendues lois de mouvement. Ces hommes savoient que la nature opere la plûpart de ses effets par des moyens inconnus; que nous ne pouvons nombrer ses ressources; & que le ridicule réel, ce seroit de vouloir la limiter, en la réduisant à un certain nombre de principes d'action, & de moyens d'opérations; il leur suffisoit d'avoir remarqué un certain nombre d'effets relatifs & de même ordre pour constituer une cause. Les Chimistes font - ils autre chose?

Ils recevroient avec empressement & reconnoissance toute explication méchanique qui ne seroit pas contredite par des faits: ils seroient ravis par exemple de pouvoir se persuader, avec J. Keill & Freind, que le méchanisme de l'effervescence & de la fermentation consiste dans l'action mutuelle de certains corpuseules solides & élastiques, qui se portent avec force les uns contre les autres, qui rejaillissent proportionnellement à leur quantité de mouvement & à leur élasticité, qui se choquent de nouveau pour rejaillir encore, &c. Mais cette explication, aussi ingénieuse qu'arbitraire, est démentie par des faits qui font voir clairement que le mouvement d'effervescence & celui de fermentation sont dûs au dégagement d'un corps subtil & expansible, opéré par les lois générales des affinités, c'est - à - dire par un principe très - peu méchanique. Voyez Effervescence & Fermentation.

Plùtôt que de s'avouer réduits à énoncer simplement qu'une dissolution n'est autre chose que l'exercice d'une certaine tendance ou rapport par lequel deux corps miscibles sont portés l'un vers l'autre, n'aimeroient - ils pas mieux se figurer une dissolution sous l'image très - sensible d'un menstrue armé de parties roides, solides, massives, tranchantes, &c. d'un côté; sous celle d'un corps percé d'une infinité de pores proportionnés à la masse & même à la figure des parties du menstrue, de l'autre; & enfin sous celle de chocs réitérés des parties du menstrue contre la masse des corps à dissoudre, de leur introduction forcée dans ses pores, sous celle d'un édifice long - tems ébranlé, & enfin ruiné jusque dans ses derniers matériaux; images sous lesquelles les Physiciens ont représenté ce phénomene. Ils l'aimeroient mieux sans contredit, parce qu'une explication est une richesse dans l'ordre des connoissances; qu'elle en grossit au moins la somme; que le relief que cette espece de faste savant procure n'est pas un bien imaginaire; & qu'au contraire un énoncé tout nud décele une indigence peu honorable: mais si l'explication dont il s'agit ne suppose pas même qu'on se soit douté des circonstances essentielles du phénomene qu'on a tenté d'expliquer; si cette destruction de la masse du corps à dissoudre, dont on s'est mis tant en peine, est purement accidentelle à la dissolution qui a lieu de la même façon entre deux liqueurs; & enfin si cette circonstance accidentelle a si fort occupé le théoricien qu'il a absolument oublié la circonstance essentielle de la dissolution, savoir l'union de deux substances entre lesquelles elle a eu lieu, il n'est pas possible de se payer d'une monnoie de si mauvais aloi. Boerhaave lui - même, que nous sommes ravis de citer avec éloge lorsque l'occasion s'en présente, a connu parfaitement le vice de cette explication, qu'il a très - bien refutée. Voyez Boerhaave, de menstruis, Element. Chymia, part. II.

Nous voudrions bien croire encore avec Freind que la dissolution est de toutes les opérations chimiques celle qui peut être ramenée le plus facilement aux lois méchaniques, & en admettre avec lui ces

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