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Nous pouvons assûrer la même chose de certains mouvemens intestins que plusieurs aggregés peuvent éprouver; par exemple, de celui qui constitue l'essence de la liquidité, selon le sentiment de Descartes, & le témoignage même des sens. Je dis selon le témoignage des sens, parce que le mouvement de l'ébullition, qui assurément est très - sensible, ne differe de celui de la liquidité que par le degré, & qu'ainsi, à proprement parler, tout liquide, dans son état de liquidité tranquille, est un corps insensiblement bouillant, c'est - à - dire agité par un agent étranger, par le feu, & non pas un corps dont les parties soient nécessairement en repos, comme plus d'un Newtonien l'a avancé sur des preuves tirées de vérités géométriques. Les vérités géométriques sont assurément très - respectables; mais les Physiciens géometres les exposeront mal adroitement à l'irrévérence des Physiciens non géometres, toutes les fois qu'ils mettront une démonstration à la place d'un fait physique, & une supposition gratuite ou fausse, soit tacite soit énoncée, à la place d'un principe physique que l'observation peut découvrir, & qui quelquefois est sensible, comme dans le cas dont il s'agit: ce que n'a point balancé d'assûrer M. d'Alembert, que j'en croirai là - dessus aussi volontiers que j'en crois Sthal décriant la transmutation. Lorsque M. Desaguiliers, par exemple, pour établir que toutes les parties d'un fluide homogene sont en repos, a démontré à la rigueur, & d'une façon fort simple, qu'un liquide ne sauroit bouillir, il ne l'a fait, ce me semble, que parce qu'il a supposé tacitement que les parties d'un liquide sont libres, sui juris; au lieu qu'une observation facile découvre aux sens même que le feu les agite continuellement, & qu'il n'est point de liquidité sans chaleur; ce que presque tous les Newtoniens semblent ignorer ou oublier, quoique leur maître l'ait expressément avancé. Voyez optiq. quest. xxxj. Pour revenir à mon sujet, je dis que le mouvement de liquidité, & celui d'ébullition qui n'en est que le degré extrème, peuvent n'appartenir qu'à la masse, & que ce n'est qu'à la masse qu'ils appartiennent réellement dans l'eau, & dans plusieurs autres liquides.
Les qualités sensibles des corps peuvent au moins
ne pas appartenir à leurs parties intégrantes; un
corps fort souple peut être formé de parties fort roides,
comme on en convient assez généralement pour
l'eau; il seroit ridicule de chercher la raison du son
dans une modification intérieure des parties intégrantes
du corps sonore; la couleur sensible d'une
masse d'or, c'est - à - dire une certaine nuance de jaune,
n'appartient point à la plus petite particule qui
est or, quoique celle - ci soit nécessairement colorée,
& que des faits démontrent même évidemment qu'elle
l'est, mais d'une façon différente de la masse. Ceci
est susceptible de la preuve la plus complette (V. la
doctrine chimique sur les couleurs au mot
Toutes ces qualités, je les appellerai extérieures, ou physiques, & j'observerai d'abord qu'elles sont accidentelles, selon le langage de l'école, qu'elles peuvent périr sans que le corpuscule soit détruit, ou cesse d'être un corps tel; ou, ce qui est la même chose, qu'elles sont exactement inutiles à la spécification du corps, non - seulement par la circonstance de pouvoir périr sans que l'être spécifique du corps soit changé, mais encore parce que réciproquement elles peuvent se rencontrer toutes dans un corps d'une espece différente. Car quoiqu'il soit très difficile de trouver dans deux corps intérieurement différens un grand nombre de qualités extérieures semblables, & que cette difficulté augmente lorsqu'on prend l'un des deux corps dans l'extrème de sa classe, qu'il en est, par exemple, le plus parfait, comme l'or dans celle des métaux, cependant cette ressemblance extérieure ne répugne point du tout avec une différence intérieure essentielle. Par exemple, je puis disposer l'or, & un autre corps qui ne sera pas même un métal, de façon qu'ils se ressembleront par toutes leurs qualités extérieures, & même par leur gravité spécisique; car s'il est difficile de procurer à un corps non métallique la gravité spécifique de l'or, rien n'est si aisé que de diminuer celle de l'or: celui qui aura porté ces deux corps à une ressemblance extérieure parfaite, pourra dire de son or imité, en aurum Physicorum, comme Diogene disoit de son coq plumé, en hominem Platonis.
Outre toutes ces propriétés que j'ai appellées extérieures ou physiques, j'observe dans tout aggregé des qualités que j'appellerai intérieures, de leur nom générique, en attendant qu'il me soit permis de les appeller chimiques, & de les distinguer par cette dénomination particuliere des autres qualités du même genre, telles que sont les qualités très - communes des corps, l'étendue, l'impénétrabilité, l'inertie, la mobilité, &c. Celles dont il s'agit ici sont des propriétés intérieures particulieres; elles spécifient proprement le corps, le constituent un corps tel, font que l'eau, l'or, le nitre, &c. sont de l'eau, de l'or, du nitre, &c. & non pas d'autres substances; telles sont dans l'eau la simplicité, la volatilité, la faculté de dissoudre les sels, & de devenir un des matériaux de leur mixtion, &c. dans l'or, la métallicité, la fixité, la solubilité par le mercure & par l'eau régale, &c. dans le nitre, la salinité neutre, la forme de ses crystaux, l'aptitude à être décomposé par le phlogistique & par l'acide vitriolique, &c. or ces qualités appartiennent toutes essentiellement aux parties intégrantes.
Toutes ces qualités sont dépendantes les unes des autres dans une suite qu'il est inutile d'établir ici, & elles sont plus ou moins communes: l'or, par ex. est soluble par le mercure comme métal; il est fixe comme metal parfait; il est soluble dans l'eau régale en un degré d'affinité spécifique comme métal parfait tel, c'est - à - dire comme or.
De ces qualités internes, quelques - unes ne sont essentielles aux corps que relativement à notre expérience, à nos connoissances d'aujourd'hui: la fixi<pb-> [p. 413]
Il est d'autres propriétés internes qui sont tellement inhérentes au corps, qu'il ne sauroit subsister que par elles: ce sont toutes celles qui ont leur raison prochaine dans l'être élémentaire, ou dans l'ordre de mixtion des corpuscules spécifiques de chaque corps; c'est ainsi qu'il est essentiel au nitre d'être formé par l'union de l'acide que nous appellons nitreux & de l'alkali fixe; à l'eau, d'être un certain élément, &c.
Toutes les distinctions que nous avons proposées jusqu'à présent peuvent n'être regardées que comme des vérités de précision analytique, puisque nous n'avons considéré proprement dans les corps que des qualités; nous allons voir que les différences qu'ils nous présenteront comme agens physiques ne sont pas moins remarquables.
1°. Les masses exercent les unes sur les autres des
actions très - distinctes de celles qui sont propres aux
corpuscules, & cela selon des lois absolument différentes
de celles qui reglent les affections mutuelles
des corpuscules. Les premieres se choquent, se
pressent, se résistent, se divisent, s'élevent, s'abaissent,
s'entourent, s'envelopent, se pénetrent, &c. les
unes les autres à raison de leur vîtesse, de leur masse,
de leur gravité, de leur consistance, de leurs figures
respectives; & ces lois sont les mêmes, soit que l'action
ait lieu entre des masses homogenes, soit qu'elle
se passe entre des masses spécisiquement différentes.
Une colonne de marbre, tout étant d'ailleurs égal,
soûtient une masse de marbre comme une masse de
plomb; un marteau d'une matiere convenable quelconque,
chasse de la même façon un clou d'une matiere
convenable quelconque. Les actions mutuelles
des corpuscules ne sont proportionnelles à aucune de
ces qualités; tout ce que les dernieres éprouvent les
unes par rapport aux autres, se reduit à leur union &
à leur séparation aggrégative, à leur mixtion, à leur
décomposition, & aux phénomenes de ces affections:
or il ne s'agit dans tout cela ni de choes, ni de pressions,
ni de frottemens, ni d'entrelassement, ni d'introduction,
ni de coin, ni de levier, ni de vitesse, ni
de grosseur, ni de figure, &c. quoiqu'une certaine
grosseur & une certaine figure soient apparemment
essentielles à leur être spécifique. Ces actions dépendent
des qualités intérieures des corpuscules, parmi
lesquelles l'homogénéité & l'hétérogénéité méritent
la premiere considération, comme conditions essentielles: car l'aggrégation n'a lieu qu'entre des substances
homogenes, comme nous l'avons observé
plus haut; l'hétérogénéité des principes au contraire
est essentielle à l'union mixtive. Voyez
2°. Toutes les masses gravitent vers un centre
commun, ou sont pesantes, elles ont chacune un degré
de pesanteur connu, & proportionnel à leur quantité
de matiere propre sous un volume donné: la
gravité absolue de tous les corpuscules n'est pas démontrée
(Voyez
3°. Les masses adherent entre elles à raison de
leur vicinité, de leur grosseur, & de leur figure: les
corpuscules ne connoissent point du tout cette loi;
c'est à raison de leur rapport ou affinité que se font
leurs unions (Voyez
4°. Les corpuscules peuvent être écartés les uns
des autres par la chaleur, cause avec laquelle on
n'a plus besoin de la répulsion de Newton; les masses
ne s'éloignent pas les unes des autres par la chaleur.
Voyez
5°. Certains corpuscules peuvent être volatilisés;
aucune masse n'est volatile. Voyez
Jusqu'à présent nous n'avons opposé les corpuscules aux aggregés, que par la seule circonstance d'être considérés solitairement, & nous n'avons cu aucun égard à la constitution intérieure des premiers: ce dernier aspect nous fournira de nouveaux caracteres distinctifs. Les voici:
1°. Les aggregés sont homogenes: & les corpuscules
ou sont simples, ou sont composés de matériaux
essentiellement différens. La premiere partie de
cette proposition est fondée sur une définition ou demande;
la seconde exprime une vérité du même
genre, & elle a d'ailleurs toute l'évidence que peut
procurer une vaste expérience que nous avons à ce
sujet. Voyez
2°. Les matériaux des corpuscules composés different
non seulement entre eux, mais encore du corpuscule
qui résulte de leur union, & par conséquent
de l'aggregé formé par l'assemblage de ces corpuscules: c'est ainsi que l'alkali fixe & l'acide nitreux
different essentiellement du nitre & d'une masse de
nitre; & si cette division est poussée jusqu'aux élémens, nous aurons toute la différence d'une masse
à un corps simple. Voyez notre doctrine sur les élémens
au mot
3°. Les principes de la mixtion ou de la composition
des corpuscules, sont unis entre eux par un
noeud bien différent de celui qui opere l'union aggrégative
ou le rapport de masse: le premier peut
être rompu par les moyens méchaniques, aussi - bien
que par les moyens chimiques; le second ne peut
l'être que par les derniers, savoir, les menstrues &
la chaleur; & dans quelques sujets même ce noeud
est indissoluble, du moins par les moyens vulgaires:
l'or, l'argent, le mercure, & un très - petit nombre
d'autres corps, sont des mixtes de cette derniere
classe. Voyez
Les bornes dans lesquelles nous sommes forcés de nous contenir, ne nous permettent pas de pousser plus loin ces considérations: les propositions qu'elles nous ont fournies, quoique simplement énoncées pour la plûpart, prouvent, ce me semble, suffisamment que les affections des masses, & les affections des différens ordres de principes dont elles sont formées, peuvent non - seulement être distinguées par des considérations abstraites, mais même qu'elles different physiquement à plusieurs égards; & l'on peut au moins soupçonner dès - à - présent que la physique des corps non organisés peut être divisée par ces différences en deux sciences indépendantes l'une de l'autre, du moins quant aux objets particuliers. Or elles existent ces deux sciences, la division s'est faite d'elle - même; & l'objet dominant de chacune remplit si exactement l'une des deux classes que nous venons d'établir, que ce partage qui a précédé l'observation raisonnée de sa nécessité, est une nouvelle preuve de la réalité de notre distinction.
L'une de ces sciences est la Physique ordinaire, non pas cette Physique universelle qui est définie à la tête des cours de Physique; mais cette Physique beaucoup moins vaste qui est traitée dans ces ouvrages.
La seconde est la Chimie.
Que la Physique ordinaire, que je n'appellerai
plus que Physique, se borne aux affections des masses,
ou au moins que ce soit là son objet dominant,
c'est un fait que tout lecteur peut vérifier 1° sur la
table des chapitres de tout traité de Physique; 2°
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