RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"396">
Nous inviterons en passant quelques - uns des membres savans de l'académie des inscriptions & belles - lettres, de nous donner un mémoire d'après l'expérience & la raison, sur les fautes qui doivent naturellement échapper aux copistes. Et poursuivant notre objet, nous remarquerons encore que dès les premiers tems qui ont suivi le déluge, on voit dans le texte Hébreu même des guerres & des tributs imposés sur des peuples subjugués, & que le tems marqué par ce texte paroît bien court, quand on le compare avec les évenemens qu'il renferme. Les trois enfans de Noé se sont fait une postérité immense; les peuples ont cessé de connoître leur commune origine; ils se sont regardés comme des étrangers, & traités comme des ennemis; & cela dans l'intervalle de trois cents soixante - sept ans. Car l'Hébreu n'en accorde pas davantage au second âge. Ce second âge n'est que de trois cents soixante - sept ans. L'Hébreu ne compte que trois cents soixante - sept ans depuis le déluge jusqu'à la sortie d'Abraham hors de la ville de Haran ou Charan en Mésopotamie; & Sem en a vécu, selon le même texte, cinq cents deux depuis le déluge. La vie des hommes qui lui ont succédé immédiatement dans ce second âge, étoit de quatre cents ans. Noé lui - même en a survécu après le déluge trois cents cinquante. Ainsi les royaumes se seront fondés; les guerres se seront faites de leur tems; ou ils auront méconnu leurs enfans; ou c'est en vain qu'ils auront crié à ces furieux: malheureux que faites - vous, vous êtes freres, & vous vous égorgez? Abraham aura été contemporain de Noé; Sem aura vû Isaac pendant plus de trente ans, & les enfans d'un même pere se seront ignorés du vivant même de leur pere; cela paroît difficile à croire. Et si la rapidité de ces évenemens ne nous permet pas de penser qu'on s'est trompé sur la naissance d'Adam & les tems qui ont précédé le déluge, elle forme une grande difficulté sur la certitude de ceux qui l'ont suivie. Combien cette difficulté ne s'augmente - t - elle pas encore par la promptitude & le prodige de la multiplication des enfans de Noé! Il ne s'agit pas ici de la fable de Deucalion & de Pirrha, qui changeoient en hommes les pierres qu'ils jettoient derriere eux, mais d'un fait, & d'un fait incontestable, qu'on ne pourroit nier sans se rendre coupable d'impiété.
Ce n'est pas tout que les objections tirées des faits précédens; voici d'autres circonstances qui ne feront guere moins sentir le besoin d'étendre la durée du second âge. C'est une monnoie d'argent publique, qui a son coin, son titre, son poids, & son cours long - tems avant Abraham. La Genese en fait mention comme d'une chose commune & d'une origine ancienne, à l'occasion du tombeau qu'Abraham acheta des fils de Heth. Voilà donc les mines
Convenons donc que, quand on ne renonce pas au bon sens, à la raison, & à l'expérience, on a de la peine à concevoir tous ces évenemens à la maniere de quelques auteurs. Rien ne les embarrasse; les miracles ne leur coûtent rien; & ils ne s'apperçoivent pas que cette ressource est pour & contre, & qu'elle ne sert pas moins à lever les difficultés qu'ils proposent à leurs adversaires, qu'à lever celles qui leur sont proposées.
Mais que disent le bon sens, l'expérience, & la raison? qu'en supposant, comme il est juste, l'autorité de l'Ecriture sainte, les hommes ont vecu ensemble long - tems après le déluge; qu'ils n'ont formé qu'une société jusqu'à ce qu'ils ayent été assez nombreux pour se séparer; que quand Dieu dit aux enfans de Noé de peupler la terre & de se la partager, il ne leur ordonna pas de se disperser cà & là en solitaires, & de laisser le patriarche Noé tout seul; que, quand il les benit pour croître, sa volonté étoit qu'ils ne s'étendissent qu'à mesure qu'ils croitroient; que l'ordre, croissez, multipliez, & remplissez toute la terre, suppose une grande multiplication actuelle; & que par conséquent ceux qui, avant la confusion des langues, envoyent Sem dans la Syrie ou dans la Chaldée, Cam en Egypte, & Japhet je ne sais où, fondent là - dessus des chronologies de royaumes, font regner Cam en Egypte sous le nom de Menez, & lui donnent, après soixante - neuf ans au plus écoulés, trois successeurs dans trois royaumes différens; que ces auteurs, dis - je, fussent - ils cent fois plus habiles que Marsham, nous font l'histoire de leurs imagina tions, & nullement celle des tems.
Que disent le bon sens, la raison, l'expérience,
& la sainte Ecriture? que les hommes choisirent après
le déluge une habitation commune dans le lieu le plus
commode dont ils se trouverent voisins. Que la
plaine de Sennaar leur ayant plû, ils s'y établirent;
que ce fut - là qu'ils s'occuperent à réparer le dégât
& le ravage des eaux; que ce ne fut d'abord qu'une
famille peu nombreuse; puis une parenté composée
de plusieurs familles; dans la suite un peuple: &
qu'alors trop nombreux pour l'étendue de la plaine,
& assez nombreux pour se séparer en grandes colonies,
ils dirent:
Voilà ce que le bon sens, l'expérience, & l'Ecriture font penser; ce que l'antiquité prodigieuse des Chaldéens, des Egyptiens, & des Chinois, autorise; ce que la fable même, qui n'est que la vérité ca. chée sous un voile que le tems épaissit & que l'étude déchire, semble favoriser; mais tout cela n'est pas l'ouvrage de trois siecles que le texte Hébreu compte depuis le déluge jusqu'à Abraham. Que dirons - nous donc à ceux qui nous objecteront ce texte, les guerres, le nombre des peuples, les arts, les religions, les langu s, &c. répondrons - nous avec quelques-uns que les femmes ne manquoient jamais d'accoucher régulierement tous les neuf mois d'un garçon & d'une fille à la fois? ou tâcherons - nous plùtôt d'affoiblir, sinon d'anéamtir cette difficulté, en soutenant les Septante & le texte Samaritain contre le texte Hébreu, & en accordant cent ans de plus aux patriarches? Mais quand les raisons qui precedent ne nous engageroient pas dans ce parti, nous y serions bientôt jettés par les dynasties d'Egypte, les rois de la Chine, & d'autres chronologies qu'on ne sauroit traiter de fabuleuses, que par petitesse d'esprit ou défaut de lecture, & qui remontent dans le tems bien au - de - là de l'époque du deluge, selon le calcul du texte Hébreu. Eh, laissons au moins mourir les peres, avant que de faire regner les enfans; & donnons aux enfans le tems d'oublier leur origine & leur religion, & de se méconnoitr>, avant que de les armer les uns contre les autres.
Secondement, il me semble qu'il saudroit placer la naissance de Thare, pere d'Abraham, à la cent vingt - neuvieme année de l'âge de Nacor, grand-pere d'Abraham, quoique le texte Samaritain la fasse remonter à la soixante dix - neuvieme, & que le texte des Septante la mette à la cent soixante dix - neuvieme, le texte Hébreu à la vingt - neuvieme, & Josephe à la cent vingtieme. Cette grande diversité permet de présumer qu'il y a faute par - tout; & rien n'empêche de soupçonner que le Samaritain a oublié le centenaire, & de corriger cette faute de copiste par les Septante & par josephe, qui ne l'ont pas omis. Quant aux chiffres qui suivent le centenaire, il se peut faire que l'Hébreu soit plus exact; Josephe en approche davantage, & les neuf ans peuvent avoir été omis dans Josephe. On croira, si l'on veut encore, que le Samaritain & les Septante doivent l'emporter, puisqu'ils se trouvent conformes dans le petit nombre. Dans ce cas, tout sera fautif dans cet endroit, excepté les Septante, & Tharé sera né à la cent soixante dix - neuvieme année de l'âge de Nacor son pere.
Texte Samaritain, 79 ans. Septante, 179. Josephe, 120. Texte Hébreu, 29. Sentiment proposé, 129.
Troisiemement. Il paroît que Caïnan mis par les Septante pour troisieme patriarche en comptant de<cb->
Quatriemement. Il est vraissemblable que la somme totale de la vie des patriarches, marquée dans l'Hébreu & le Samaritain, est celle qu'il faut admettre: ces deux textes ne different que pour Heber & Tharé. L'Hébreu fait vivre Heber quatre cents soixante - quatre ans, & le Samaritain lui ôte soixante ans: mais cette différence n'a rien d'important; parce qu'il ne s'agit pas de la durée de leur vie, mais du tem, de leur naissance. Cependant pour dire ce que je pense sur la vie d'Heber, le Samaritain me paroît plus correct que l'Hébreu, scit parce qu'il s'accorde avec les Septante, soit parce que la vie de ces patriarches va toùjours en diminuant à mesure qu'ils s'éloignent du déluge; au lieu que si on accorde à Heber quatre cents soixante - quatre ans, cet ordre de diminution sera interrompu: Heber aura plus vécu que son pere & plus que son ayeul. On trouvera cette conjecture assez foible; mais il faut bien s'en contenter au défaut d'une plus grande preuve. Quant à la différence qu'il y a entre l'Hébreu & le Samaritain sur le tems que Tharé a vécu; comme elle fait une difficulté plus essentielle, & qu'elle touche à la naissance d'Abraham, nous l'examinerons plus au long.
Au reste il résulte de ce qui précede, que des trois textes le Samaritain est le plus correct, relativement à l'endroit de la chronologie que nous venons d'examiner; il ne se trouve fautif que sur le tems où Nacor engendra Tharé: là le centenaire a été omis.
Il ne nous reste plus qu'à examiner le tems de la naissance d'Abraham, & celui de la mort de Tharé. Quoique Joseph & tous les textes s'accordent à mettre la naissance d'Abraham à la soixante - dixieme année de l'âge de Tharé, cela n'a pas empêché plusieurs chronologistes de la reculer jusqu'à la cent trentieme: & voici leurs raisons.
Selon la Genese, disent - ils, Abraham est sorti de Haran à l'âge de soixante - quinze ans; & selon saint Etienne, chap. vij. des Actes des apôtres, il n'en est sorti qu'après la mort de son pere. Mais Tharé ayant vécu deux cents cinq ans, comme nous l'apprennent l'Hébreu & les Septante, il faut qu'Abraham ne soit venue au monde que l'an cent trente de Tharé; car si l'on ôte 75 de 205, reste 130.
Quand on leur objecte qu'il est dit dans la Genese
qu'Abraham naquit à la soixante & dixieme année
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.