ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"266"> chaux pendant son effervescence avec l'eau, paroît n'être absolument autre chose que le mixte salin volatil de l'eau de chaux formépendant l'effervescence ou par l'effervescence même, sub actu ipso effervescentia, lequel s'évapore par la chaleur plus que suffisante qui est un autre effet de la même effervescence. Ce soupçon qui est presqu'un fait, pourroit être changé en certitude complete, en comparant l'eau de chaux distillée à la vapeur qui s'éleve de la chaux pendant l'effervescence. Au reste la chaux éteinte à l'air differe de la chaux éteinte avec effervescence, en ce que la premiere retient entierement ce mixte volatil, que la derniere laisse échapper en partie; partie sans doute la plus considérable, apparemment la plus subtile: ou peut - être au contraire en ce que le mouvement de l'effervescence, apparemment nécessaire pour porter l'atténuation des parties de la chaux au point de subir la mixtion saline; en ce que ce mouvement, dis - je, a manqué à la chaux éteinte à l'air: deux nouveaux soupçons moins près de la connoissance positive que le premier, mais dont l'alternative examinée par des expériences, doit établir évidemment l'un ou l'autre fait soupçonné. C'est aussi sans doute de l'une ou de l'autre de ces différences qu'il faut déduire l'inaptitude à former du mortier observée dans la chaux éteinte à l'air.

Résurrection de la chaux. La chaux éteinte peut être ressuscitée ou rétablie dans son état de chaux vive; il n'y a pour cela qu'à l'exposer à un feu violent, & à chasser par ce moyen l'eau dont elle s'étoit chargée en s'éteignant. La tenacité de l'eau avec la chaux est telle, qu'un feu médiocre ne suffit pas pour la ressusciter, comme il est prouvé par les expériences de M. Duhamel (Mém. de l'Acad. royale des Sc. ann. 1747.), qui mit dans une étuve de la chaux éteinte, où elle ne perdit que très - peu de son poids; qui l'exposa ensuite dans un creuset à l'action d'un grand feu de bois, qui ne lui fit perdre qu'environ le quart de l'eau qui avoit servi à l'éteindre; & qui enfin ne réussit pas même à l'en priver entierement en l'exposant dans un fourneau de fusion excité par le vent d'un fort soufflet.

Un petit morceau de la chaux qui avoit essuyé cette derniere calcination mis dans un verre avec de l'eau, présenta tous les phénomenes d'une chaux vive assez comparable à la chaux de craie, & qui auroit été apparemment encore plus vive, si la calcination avoit été assez long - tems continuée pour dissiper toute l'eau qui avoit servi pour l'éteindre la premiere fois. Ibid.

Le changement que la chaux opere sur les alkalis salins, est un des faits chimiques les moins expliqués: elle augmente considérablement leur activité; elle rend l'alkali fixe plus avide d'eau; & l'alkali volatil dégagé par son moyen est constamment fluide, & incapable de faire effervescence avec les acides: phénomene unique, & dont la cause n'est pas même soupçonnée. Plusieurs Chimistes regardent ces effets de la chaux sur l'un & l'autre alkali comme les mêmes, & ils les déduisent de l'union que ces sels ont contractée avec un certain principe actif & très - subtil fourni par la chaux. Hoffman qui a adopté ce système, appelle ce principe non salinum, sed quasi terreo - igrieum volatile; ce qui n'est pas clair assûrément. D'autres croyent trouver une cause suffisante de la plus grande causticité de l'alkali fixe, dans une certaine quantité de terre calcaire dont il se charge manifestement lorsqu'on le traite convenablement avec la chaux, & regardent au contraire la fluidité invincible de l'alkali volatil, comme la suite d'une atténuation opérée par simplification, par soustraction. C'est comme augmentant la force dissolvante de l'alkali fixe, que la chaux est employée dans la préparation de la pierre à cautere, & dans celle de la lessive ou eau mere des Savonniers. Voyez Pierre à cautere, Savon, & Sel ammoniac.

Mortier. La théorie de la formation du mortier, de l'espece d'union que contractent les trois matériaux qui le composent, savoir, la chaux, le sable, & l'eau, & de leur action mutuelle, est peu connue des Chimistes. Stahl lui - même, qui a appuyé sa théorie de la mixtion des substances soûterraines, subterraneorum; sur les phénomenes du mortier, n'a pas assez déterminé la forme de la mixtion de ce corps singulier, dont l'examen chimique est encore tout neuf: ce que nous en savons se réduit à un petit nombre d'observations, entre lesquelles celles - ci sont plus particulieres à la chaux: la chaux éteinte à l'air ne se lie pas avec le sable, ou ne fait point de mortier, de quelque façon qu'on la traite: la chaux éteinte à l'eau, plus elle est ancienne, plus elle est propre à fournir un bon mortier. Voyez Mortier.

Union de la chaux au blanc - d'oeuf, &c. La combinaison de la chaux avec le blanc - d'oeuf & les laitages, & la dureté considérable à laquelle parviennent ces mêlanges, fournissent encore un de ces phénomenes chimiques qu'il faut ranger dans la classe des faits purement observés.

Cette observation, qui n'est pas équivoque, doit nous empêcher de compter sur un prétendu assaisonnement du lait que quelques Medecins croyent obtenir en le mêlant avec de l'eau de chaux, qui est évidemment bien plus capable de l'altérer que de le conserver. Au reste le reproche ne doit tomber que sur la licence d'expliquer si commune dans un certain ordre de Medecins, & ordinairement - à - peu - près proportionnelle à leur ignorance; car pour l'effet medicinal, nous nous garderons bien de l'évaluer au poids des analogies physiques.

Becher prétend avoir porté si loin, par une manoeuvre particuliere, l'endurcissement d'un mêlange de chaux vive & de fromage, que la dureté de ce composé artificiel étoit peu inférieure à celle du diamant. La composition des marbres artificiels, la pré paration de plusieurs luts très - utiles dans le manuel chimique, & celle de certains mastics propres à recoller les porcelaines cassées, &c. sont fondées sur cette propriété de la chaux ou du plâtre, qui en ceci est analogue à la chaux. Voyez Lut, Marbre, & Platre.

La chaux coagule aussi les corps muqueux (Voyez Muqueux), & leur procure une certaine dureté. Ce phénomene est proprement le même que le précédent: c'est à ce dernier titre principalement que la chaux est employée dans les raffineries de sucre; elle sert à lui donner du corps. Voyez Sucre.

Dissolution de la chaux par les acides. La chaux est soluble par tous les acides, comme nous l'avons déjà observé; elle s'y unit avec effervescence & chaleur. Voici les principales circonstances de sa combinaison avec chacun de ces acides.

L'acide vitriolique attaque la chaux très - rapidement, & s'y unit avec effervescence & chaleur; il s'éleve pendant l'effervescence des vapeurs blanches qui ont l'odeur de l'acide de sel marin: il résulte de l'union de l'acide vitriolique & de la chaux, un sel neutre, très - peu soluble dans l'eau, qui se crystallise à mesure qu'il se forme, excepté qu'on employe un acide vitriolique très - affoibli, & qu'on ne l'applique qu'à une très - petite quantité de chaux: ce sel est connu parmi les Chimistes modernes sous le nom de sélénite, de sel séléniteux, ou sel sélénitique. Voyez Sélénite. La matiere calcaire suspendue dans l'eau de chaux, forme avec l'acide vitriolique un sel exactement semblable à celui dont nous venons de parler; ce quisemble indiquer que l'eau qui constituoit sa solubilité est précipitée par l'union de la partie terreuse à l'acide vitriolique, qui paroit [p. 267] par - là avoir plus d'affinité avec la terre calcaire, que celle - ci n'en a avec l'eau; & l'on peut tirer de cette considération la raison de l'insolubilité de la sélénite, qu'il faut considérer comme un sel terreux qui ne contient peut - être d'autre eau que celle qui est essentielle à la mixtion de l'acide.

L'acide nitreux versé sur la chaux, produit une violente effervescence, beaucoup de chaleur, quantité de vapeurs blanches, & une odeur pénétrante qui paroît être dûe à un peu d'esprit de sel dégagé par l'acide nitreux, & à l'acide nitreux lui - même volatilisé par le mouvement de l'effervescence & par la chaleur. Une bonne quantité de chaux étant dissoute dans un acide nitreux médiocrement con centré, la dissolution ne se trouble point; elle reste au contraire aussi transparente que l'esprit de nitre qu'on a employé l'étoit auparavant. Cette dissolution évaporée a une douce chaleur, donne une résidence comme gommeuse, dans laquelle on apperçoit de petits crystaux informes, qui étant aussi solubles que la masse saline non crystallisée, ne peuvent en être séparés par aucun moyen. Cette masse saline desséchée attire l'humidité de l'air, & se résout en liqueur; elle est analogue au sel de nitre à base terreuse, qui constitue une partie de l'eau mere du salpetre. M. Duhamel, mém. de l'acad. 1747, a découvert une propriété singuliere dans ce sel: en ayant poussé au feu une certaine quantité dans une cornue, il passa presque tout dans le récipient, & il ne restoit dans la cornue qu'un peu de terre qui étoit soluble par l'acide nitreux, & formoit avec lui un sel qui apparemment auroit été volatilisé tout entier par des cohobations réitérées: cette volatilité le fait différer essentiellement du sel formé par l'union du même acide & de la craie; car ce dernier supporta un feu assez fort auquel on l'exposa dans un creuset pour la préparation du phosphore de Baudouin, Balduinus (Voyez Phosphore de Balduinus, au mot Phosphore), à moins que la circonstance d'être traité dans les vaisseaux fermés ne fùt essentielle à la volatilité du premier; ce qu'on ne peut guere présumer. L'acide vitriolique précipite ce sel avec effervescence, & forme une sélénite avec sa base terreuse.

L'acide du sel marin excite avec la chaux une très - violente effervescence, accompagnée d'une chaleur considérable & de vapeurs blanches & épaisses, qui ne sont autre chose qu'un esprit de sel foible; cette solution évaporée selon l'art, donne une masse saline qui a la consistance du beurre, dans laquelle on distingue quelques petits crystaux qu'il est très - difficile d'en séparer par la lotion à l'eau froide, parce qu'ils sont presque aussi solubles que la masse saline qui les entoure: cette masse séchée est très - déliquescente; elle est précipitée par l'acide vitriolique qui fait avec la chaux une sélénite; elle est soluble par l'acide nitreux, qui ne paroît produire sur elle aucun dérangement sensible, mais concourir avec l'acide du sel marin à la dissolution de sa base.

Ce sel est fixe au feu, ensorte que si on le pousse dans les vaisseaux fermés à un feu très - violent, on n'en sépare qu'un flegme très - légerement acide. Duhamel, Mém. acad. 1747. Le sel qu'on retire du résidu du sel ammoniac distillé par la chaux (& qui est connu dans l'art sous le nom de sel fixe ammoniac lorsqu'on l'a sous forme seche, & sous celui d'huile de chaux lorsqu'il est tombé en deliquium) ce sel, dis - je, est le même que celui dont nous venons de parler; il peut cependant en différer (selon la prétention de plusieurs illustres chimistes) par quelque matiere phlogistique prise dans le sel ammoniac. Voyez Sel ammoniac.

Le vinaigre distillé dissout la chaux avec efferves<cb-> cence & chaleur. Le sel qui résulte de cette union est très - soluble dans l'eau; il crystallise pourtant assez bien, lorsque sa dissolution est très - rapprochée; il se forme en petites aiguilles soyeuses & flexibles. Ce sel est très - analogue au sel de corail, & à tous ceux qui sont formés par l'union de l'acide du vinaigre aux terres absorbantes quelconques. M. Hales a observé que l'effervescence de la chaux avec tous ces acides, étoit accompagnée de fixation d'air. Voyez Clissus & Effervescence.

On trouve dans un mémoire de M. Geoffroi le cadet imprimé parmi ceux de l'académie R. D. S. ann. 1746, une expérience curieuse faite sur la chaux de Melun éteinte avec le vinaigre distillé. C'est ainsi que s'exprime l'auteur: « J'ai mis, dit M. Geoffroi, dans une terrine de grès une livre de chaux de Melun; je l'ai éteinte en versant dessus, peu - à - peu, deux livres de vinaigre distillé; il s'est fait une légere fermentation: après quoi, à mesure que la liqueur s'est évaporée, il s'est formé à la superficie de la masse une croûte saline d'un goût amer & un peu acre. La masse s'est refendue en se séchant; & au bout de quelques mois j'ai trouvé sous la croûte saline, dont je viens de parler, des morceaux d'une matiere compacte pénétrée de la partie acide & huileuse de vinaigre. Ces morceaux ressemblent à des morceaux rompus de pierre - à - fusil; leurs faces cassées sont polies & luisantes; leur couleur est blonde ou cendrée; les bords tranchans des parties minces sont transparents comme ceux du silex, de même couleur; & il est difficile à la simple vûe de distinguer cette matiere factice, de la vraie pierre - à - fusil; car il ne manque à ce caillou artificiel que le poids & la dureté nécessaires pour faire du feu. Pendant les premieres années on en enlevoit des parties avec l'ongle; il y faut maintenant employer le fer; & peut - être que si l'on suivoit avec soin le progrès du vrai silex dans les lits de craie où il se forme, aux environs de Rouen, d'Evreux, & autres endroits, on lui trouveroit différens degrés de dureté relatifs aux époques de sa formation ».

La creme de tartre s'unit aussi à la chaux, & forme avec elle un sel parfaitement semblable par toutes les qualités extérieures au sel végétal. Voy. Sel végétal.

Tous ces acides forment avec l'eau de chaux, les mêmes sels que chacun forme avec la chaux vive ou la chaux éteinte; d'où il faut nécessairement conclure que si la creme de chaux étoit un sel sélénitique, elle différeroit essentiellement de la matiere suspendue dans l'eau de chaux: car on ne sauroit retrouver l'acide vitriolique dans les sels formés par l'union de l'acide nitreux; de l'acide marin, du vinaigre distillé, & de la creme de tartre, avec la substance calcaire dissoute dans l'eau de chaux. L'on divise chacun de ces sels neutres exactement en deux parties; savoir leur acide respectif, & une terre calcaire pure: l'acide vitriolique, s'il s'en trouve dans la creme de chaux, a donc été réellement engendré.

C'est par cette qualité absorbante, que la chaux peut être employée, quoique peut - être avec danger pour la santé, à prévenir ou à corriger l'acidité de certains vins. Voyez Vin.

Action de la chaux sur le soufre, les huiles, &c. La chaux vive agit sur toutes les matieres sulphureuses & huileuses; elle dissout le soufre, soit par la voie humide, soit par la voie seche, & forme avec ce corps un composé concret, & qui subsiste sous forme seche; en cela différent de celui qui résulte de l'union du soufre & de l'alkali fixe. Voyez foie de sousre au mot Soufre. C'est par cette qualité qu'elle dissout l'orpiment, & qu'elle forme avec ce minéral un foie d'arsenic, qui est un des réactifs de l'encre de

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