ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"264"> lis volatils, & d'être réciproquement précipitée par ces sels. Cette réciprocité d'action dérange l'ordre de rapport des substances alkalines avec les acides, établi dans la premiere colonne de la table des rapports de M. Geoffroi; elle a fourni matiere à une des premieres objections faites contre cette table, auxquelles son célebre auteur a répondu dans un mémoire imprimé dans les mém. de l'acad. royale des Sciences, an 1720. M. Geoffroi répond à celle dont il s'agit ici, que la chaux doit moins être regardée comme une simple terre que comme un sel, & il prouve cette assertion par l'énumération de toutes les qualités communes à la chaux & aux alkalis fixes, parmi lesquelles il compte celle qui est en question.

« La chaux, dit M. Geoffroi, de même que les alkalis fixes, absorbe l'acide dans le sel ammoniac, & détache le sel volatil urineux, ce que ne font point les terres absorbantes ». Mais il n'est pas possible d'admettre le dernier membre de la proposition; car des expériences sans doute peu répandues du tems de M. Geoffroi, nous ont appris que non - seulement les terres absorbantes, telles que la craie, &c. mais même des chaux métalliques, telles que le minium, décomposent le sel ammoniac. On ne sauroit soûtenir non plus que l'affinité des alkalis volatils avec les acides soit un peu plus grande que celle des terres absorbantes, sur ce qu'on prétendroit que les alkalis volatils décomposent les sels à base terreuse sans le secours du feu; au lieu que les terres absorbantes ne précipitent les sels ammoniacaux qu'à l'aide d'un certain degré de chaleur car tous les artistes savent que la chaux décompose le sel ammoniac à froid: les petits flacons pleins d'un mêlange de sel ammoniac & de chaux, qu'on vend au peuple pour du sel d'Angleterre, exhalent pendant assez long - tems, sans être échauffés, un alkali volatil très - vif; ce qui détruit évidemment la prétention que nous combattons. L'objection subsiste donc dans son entier, & cela ne doit pas nous faire juger que l'affinité de ces matieres avec l'acide est à - peu - près la même; car cette proposition, au lieu d'exprimer que les alkalis volatils & la chaux se précipitent réciproquement, porteroit à croire au contraire que l'une de ces substances ne devroit point séparer l'autre d'avec un acide. Nous devons donc nous en tenir encore à la seule exposition du phénomene, dont l'explication présente aux Chimistes un objet curieux & intéressant, quoiqu'il ne soit pas unique. Voyez Rapport & Précipitation.

Au reste, il y a apparence que c'est à cette propriété de précipiter les sels ammoniacaux dont jouit la chaux, qu'est dûe l'élevation des alkalis volatils, dès le commencement de la distillation des substances animales exécutées avec cet intermede, qu'il ne saut regarder par conséquent que comme la suite d'un simple dégagement, contre l'opinion de plusieurs Chimistes, qui pensent que ce produit de l'analyse animale est réellement formé, qu'il est une créature du feu. Voyez Substance animale.

Les propriétés communes à la chaux & aux alkalis fixes salins sont: la saveur vive & brante, l'attraction de l'eau de l'atmosphere, la vertu caustique, ou la propriété d'attaquer les matieres animales, voyez Caustique; l'action sur les matieres sulphureuses, huileuses, graisseuses, résineuses, bitumineuses; la précipitation en jaune du sublimé corrosif, &c. C'est précisément cette analogie avec les sels alkalis qui a donné naissance au problème chimique sur l'existence du sel de la chaux, dont nous parlerons dans la suite de cet article; problème qui a exercé tant de Chimistes.

Les qualités spéciales de la chaux, sont son effervescence avec l'eau; la propriété d'animer les alkalis salins, dont jouissent aussi quelques chaux métalli - ques, ce qu'il est bon d'observer en passant, voyez Chaux métallique; celle de fournir cette matiere assez peu connue que nous appellons creme de chaux; l'espece d'union qu'elle contracte avec l'eau & le sable dans la formation du mortier; l'endurcifsement du blanc - d'oeuf, des laitages, & des corps muqueux procurés par son mêlange à ces matieres; & enfin cette odeur que nous avons appellée phlogistique.

Ce sont sur - tout ces propriétés spéciales qui méritent une considération particuliere, & sur lesquelles nous allons entrer dans quelque détail.

Extinction de la chaux. 1°. La chaux fait avec l'eau une effervescence violente, accompagnée d'un sifflement considérable, d'une fumée épaisse, de l'éruption d'un principe actif & volatil, sensible par une odeur piquante, & par l'impression vive qu'il fait sur les yeux, & d'une chaleur si grande qu'elle est capable de mettre le feu à des corps combustibles, comme cela est arrivé à des bateaux chargés de chaux.

La chaux se réduit avec l'eau, lorsqu'on n'en a employée que ce qu'il faut pour la saturer, en un état pulvérulent, parfaitement friable, ou sans la moindre liaison de parties. Elle attire de l'air paisiblement & sans effervescence la quantité d'eau suffisante pour la réduire précisément dans le même état. La chaux ainsi unie à l'eau est connue sous le nom de chaux éteinte.

Si l'on employe à l'extinction de la chaux une quantité d'eau plus que suffisante pour opérer cette extinction, ou qu'on verse une certaine quantité de nouvelle eau sur de la chaux simplement éteinte, cette eau surabondante réduit la chaux en une consistance pultacée, ou en une espece de boue que quelques Chimistes appellent chaux fondue.

Lait de chaux. Une quantité d'eau plus considérable encore est capable de dissoudre les parties les plus tenues de la chaux, d'en tenir quelques autres suspendues, mais sans dissolution, & de former avec ces parties une liqueur blanche & opaque, appellée lait de chaux.

Eau de chaux. Le lait de chaux débarrassé par la résidence ou par le filtre des parties grossieres & non dissoutes qui causoient son opacité, & chargé seulement de celles qui sont réellement dissoutes, est connu dans les laboratoires des Chimistes & dans les boutiques des Apoticaires, sous le nom d'eau de chaux; & la résidence du lait de chaux, sous le nom de chaux lavée.

L'union que les parties les plus subtiles de la chaux ont subi avec l'eau, dans la formation de l'eau de chaux, doit être regardée comme une mixtion vraiment saline; cette union est si intime qu'elle ne se dérange pas par l'évaporation, & que le mixte entier est volatil. L'eau de chaux a d'ailleurs tous les caracteres d'une dissolution saline; cette dissolution est transparénte, elle découvre plus particulierement son caractere salin par son action corrosive sur le soufre, les graisses, les huiles, &c. & même par son goût. Sthal, spec. becher. part. I. sect. 11. memb. 11. thes. 11. 8.

Ce mixte terro - aqueux, dont M. Stahl a reconnu la volatilité, peut pourtant être concentré selon lui sous la forme de crystaux salins. Si ces crystaux étoient formés par le mixte salin essentiel à l'eau de chaux, ils seroient évidemment le véritable sel de chaux, sur l'existence & la nature duquel les Chimistes ont tant disputé; mais on va voir que M. Stahl s'en est laissé imposer par ce résdu crystallisé de l'eau de chaux.

Le fond du problème sur le fameux sel de chaux, exactement déterminé, a roulé sur ce point; savoir, si la chaux produisoit ses effets d'alkali par un sel, par conséquent alkali, ou par sa substance terreuse. [p. 265] Les expériences de M. du Fay sont celles qui ont été le plus directement dirigées à la solution du problème; elles lui ont découvert un sel dont il n'a pas déterminé la nature, & que nous savons à présent, par des expériences de M. Duhamel, n'avoir dû être autre chose qu'un peu de sel marin à base terreuse, qui se trouve dans la plûpart des chaux, ou un peu de ce sel nitreux proposé par M. Naudot. Acad. royale des Scien. mem. des sav. étrang. t. II. Ce sont sans doute ces sels qui ont four li à M. Stahl son résidu crystallisé de l'eau de chaux; mais il est clair que cette matiere saline est absolument étrangere à la chaux, ou purement accidentelle, ensorte qu'aucune autre expérience n'étant favorable à l'opinion qui suppose un alkali fixe dans la chaux, il est clair que le sel de chaux n'existe point, ou qu'il n'est autre chose que ce mixte terre - aqueux suspendu dans l'eau de chaux, que nous avons admis avec Stahl.

Quant aux sels acides admis dans la chaux par plusieurs Chimistes, & tout récemment même par M. Pott, cont. de sa Lithogeognosie, p. 215. ne peut - on pas très - raisonnablement soupçonner que c'est une portion de l'acide de ces sels neutres dont nous avons parlé, que ces auteurs ont dégagé par quelque manoeuvre particuliere; & qu'ainsi leurs découvertes concourent exactement à établir le sentiment que nous venons d'embrasser sur le sel de chaux.

Nous n'entrerons point ici dans la discussion des prétentions d'un grand nombre de Chimistes, qui, comme Vanhelmont & Kunckel, n'ont supposé divers sels dans la chaux que pour en déduire plus commodément la théorie de ses principaux phénomenes: ces suppositions, qui ne doivent leur naissance qu'au besoin que ces auteurs croyent en avoir, sont comptées pour si peu dans la méthode moderne, qu'elles ne sont pas même censées mériter le moindre examen, & qu'elles tombent de plein droit, par la seule circonstance d'avoir devancé les faits.

Lorsqu'on laisse le lait de chaux s'éclaircir par le repos, il se forme après un certain tems à la surface de la liqueur une pellicule crystalline, blanche, & demi - opaque, qui se reproduit un grand nombre de fois, si après l'avoir enlevée on a soin de mêler de nouveau la liqueur éclaircie avec sa résidence; car sans cette manoeuvre, l'eau de chaux est bientôt épuisée, par la formation successive de quelques pellicules, de la matiere propre à en produire de nouvelles; ces pellicules portent le nom de creme de chaux.

Creme de chaux. La vraie composition de la creme de chaux étoit fort peu connue des Chimistes, lorsque M. Malouin curieux de connoître la nature du sel de chaux, s'est attaché à l'examen de la creme dont il s'agit, qu'il a crû être le vrai sel de chaux, cet être qui se refusoit depuis si long - tems aux recherches de tant d'habiles Chimistes. M. Malouin a apperçu dans la creme de chaux quelques indices d'acide vitriolique; il a fait du tartre vitriolé & du sel de Glauber en précipitant la creme de chaux par l'un & l'autre sel alkali fixe, & du soufre artificiel en traitant cette creme avec des substances phlogistiques; il a donc pû conclure légitimement de ces moyens qui sont très chimiques, que la creme de chaux étoit un vrai sel neutre de la nature de la sélénite.

Il nous resteroit pourtant à savoir, pour avoir une connoissance complete sur cette matiere, en quelle proportion les deux ingrédiens de la creme de chaux concourent à sa formation, ou du moins sont annoncés par les experiences; car l'absolu ne suffit pas ici, & il est telle quantité de tartre vitriolé, de sel de Glauber, ou de soufre artificiel, qui ne prouveroit rien en faveur de l'acide vitriolique soupçonné dans la creme de chaux.

Mais cet acide vitriolique, s'il existe dans la creme de chaux, d'où tire - t - il son origine? préexistoit - il dans la pierre - à - chaux? est - il dû au bois ou au charbon employés à la préparation de la chaux, comme l'a soupçonné M. Geoffroi, ou cet acide s'est - il formé dans l'eau de chaux même? est - il dû à la mixtion saline réellement subie par les parties terreuses les plus subtiles de la terre calcaire, & peut - être d'une terre plus simple mêlée en très - petite quantité parmi celle - ci, comme de fortes analogies en établissent au moins la possibilité? C'est un probleme bien digne de la sagacité des vrais Chimistes. Au reste ce sel sélénitique ne pourroit jamais être regardé comme le sel de chaux sur lequel les Chimistes ont tant disputé: ce sont les propriétés salines de la chaux qui les ont portés à soupçonner un vrai sel dans cette matiere, comme nous l'avons déjà remarqué: or la sélénite peut à peine être regardée comme un sel, & elle n'a assûrément aucune des propriétés salines de la chaux.

Effervescence avec chaleur de la chaux & de l'eau. L'effervescence qui s'excite par l'action réciproque de la chaux & de l'eau, & plus encore la chaleur dont cette effervescence est accompagnée, exercent depuis long - tems la sagacité des Chimistes. La théorie générale de l'effervescence, prise simplement pour le gonflement & le bouillonnement de la masse qui la subit, s'applique cependant d'une façon assez naturelle à ce phénomene considéré dans la chaux, voyez Effervescence; mais il s'en faut bien que la production de la chaleur qui l'accompagne puisse être expliquee d'une maniere aussi simple.

La théorie chimique de la chaleur des effervescences nous manque absolument, depuis que notre maniere de philosopher ne nous permet pas de nous contenter des explications purement ingénieuses, telles que celles de Sylvius de Leboë, de Willis, & de toute l'école chimique du dernier siecle, que M. Lemery le pere a répandue chez nous, & qui est encore parmi les Physiciens l'hypothese dominante. Ces Chimistes prétendoient rendre raison de ce phénomene singulier par le dégagement des particules du feu enfermces dans les pores de l'un des deux corps, qui s'unissent avec effervescence comme dans autant de petites prisons. Cette théorie convenoit à l'effervescence de la chaux d'une façon toute particuliere; & l'on pourroit croire même que c'est de l'explication de ce phénomene particulier, déduite depuis long - tems de ce méchanisme (Voy. Vitruve, liv. II. c. v.), que les Chimistes ont emptunté leur théorie générale de la chaleur des effervescences. Rien ne paroît si simple en effet que de concevoir comment la calcination a pû former dans la chaux ces pores nombreux dont on la suppose criblée, & les remplir de particules de feu; & comment l'eau entrant avec rapidité dans cette terre seche, ouverte, & avide de la recevoir, dégage ces particules de feu de leur prison, &c. Quelques Chimistés, comme M. Homberg, ont ensuite appellé au secours de ce méchanisme le frottement causé dans toutes les parties de la chaux, par le mouvement impétueux avec lequel l'eau se porte dans ses pores, &c. mais cette cause, peut - être très - réelle, & qui est la seule que la Chimie raisonnée moderne ait retenu, n'est pas plus évidente ou plus prouvée que la premiere, entierement abandonnée aujourd'hui. Voyez Effervescence.

Chaux éteinte. La chaux perd par son union à l'eau quelques - unes de ses propriétés chimiques, ou du moins elle ne les possede dans cet état qu'en un moindre degré d'efficacité; c'est - à - dire proprement, que la chaux a plus d'affinité avec l'eau, qu'avec quelques - unes des autres substances auxquelles elle est miscible; ou du moins que son union à l'eau châtre beaucoup son activité.

Ce principe vif & pénétrant qui s'éleve de la

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