ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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On appelle chaux commune, chaux vive, chaux,
&c. le produit de la calcination des pierres & des
terres calcaires; des parties dures des animaux,
comme os, arrêtes, cornes, coquilles, lithophytes,
&c. avec lesquelles les fossiles calcaires non métalliques,
ont en général l'analogie la plus intime,
& desquelles elles paroissent évidemment tirer leur
origine. Voyez
Calcination, Calcaire, & Terre. (b)
Chaux commune.
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* Chaux commune. Sa définition qui précede
est très - exacte; cependant on n'y employe
guere que les pierres calcaires & les coquilles,
lorsqu'on est à portée d'en faire de grands amas,
comme dans le ressort de l'amirauté de Brest, où,
même pendant le tems des chaleurs, lorsque la pêche
des huîtres cesse par - tout ailleurs, on ne laisse
pas de la continuer, non pour le poisson qui ne vaut
plus rien, mais pour les écailles dont on fait une
chaux, qu'on employe à blanchir le fil & les toiles
qui s'embarquent à Landernau pour le commerce
d'Espagne. Cette chaux peut être très - bonne à cet
usage; on peut aussi l'employer aux gros ouvrages
de maçonnerie: mais il est d'expérience qu'elle ne
vaut rien à blanchir la surface des murs, & qu'elle
s'écaille.
Lorsqu'on se sera assûré de la présence des pierres
calcaires dans une contrée (voy. à l'article Calcaire les caracteres distinctifs de ces pierres); alors on
songera à y construire des fours à chaux. Pour cet
effet, on commencera par jetter des fondemens solides,
qui embrasseront un espace de 12 piés en quarré:
on se servira pour cette maçonnerie, qui doit être
ferme & solide, des pierres mêmes de la carriere,
si elles y sont propres; on élevera ensuite sur ces fondemens
la partie de l'édifice, qu'on nomme proprement
le four ou la tourelle. A l'extérieur, la tourel
est quarrée, ce n'est qu'une continuation des mu>
dont on a jetté les fondemens; ces murs doivent avoir
une épaisseur capable de résister à l'action du feu qui
se doit allumer en - dedans. A l'intérieur, la tourelle
a la figure d'un sphéroïde allongé, tronqué par se
deux extrémités. Voyez parmi les Planches de l'>c>
nomie rustique, celle du four à chaux. La figure p>
miere montre un four à chaux, au - dehors; & la fig. 5.
le même four, coupé verticalement par sa gueule en
deux parties égales; 1, 2, 3, 4, est le sphéroïde
dont on vient de parler, ou la capacité du four. Il a
douze piés de hauteur, quatre piés & demi de diametre
au débouchement qui est sur la plate - forme,
c'est - a - dire à la distance de 1 à 2; neuf piés au milieu,
& six piés au sond, c'est - à - dire à la distance de
3 à 4. On unit la maçonnerie des quatre piés droits
avec celle de la tourelle, en faisant le remplissage
convenable. Au centre du plancher de la tourelle 5,
on pratiquera un trou d'un pié de diametre, qui répondra
au milieu d'une petite voûte 6, de quatre piés
environ de hauteur sur deux piés de largeur, ouverte
des deux côtés du nord au sud, traversant toute la
masse du bâtiment, & descendant au - dessous du niveau
du terrein de 6 à 7 piés; on appelle cette voûte
l'ébraisoir. Pour avoir accès dans l'ébraisoir, on déblaiera
des deux côtés, à son entrée, selon une pente
douce & une largeur convenable, toute la terre qu'on
élevera en glacis, afin de monter au haut de la
plate - forme. Voyez cette terre élevée en glacis, fig.
prem. depuis le rez - de - chaussée jusqu'au haut de la
plate - forme, a, a, a, b. A l'est, on pratiquera une
petite porte cintrée de cinq piés de hauteur sur deux
piés de largeur, pour entrer dans la tourelle.
Le four ainsi construit, il s'agit d'y arranger les
pierres qu'on se propose de convertir en chaux. On
aura de ces pierres amassées en tas autour du four,
on choisira les plus grosses & les plus dures, & l'on
en formera au centre de la tourelle une espece de
voûte sphérique de six piés de hauteur, laissant entre
chaque pierre un petit intervalle de deux ou trois
pouces, ensorte qu'elles représentent grossierement
les boulins ou pots d'un colombier; autour de cet
édifice, on placera d'autres pierres, & l'on continuera
de remplir la tourelle: observant de placer
toûjours les plus grosses & les plus dures le plus proche
du centre, & les plus petites & les moins dures
sur des circonsérences plus éloignées, & ainsi de
suite; ensorte que les plus tendres & les plus petites
touchent la surface concave de la tourelle. On a chevera
le comblement de la tourelle avec des petites
pierres de la grosseur du poing ou environ, qui seront
provenues des éclats qui se sont faits en tirant
la pierre de la carriere, ou qu'on aura brisées exprès
avec la masse. On maçonnera ensuite en - dehors,
grossierement la porte de la tourelle, à hauteur d'appui,
ensorte qu'il ne reste plus que le passage d'une
botte de bruyere qui a ordinairement dix - huit pouces
en tout sens. On finira ce travail par élever autour
d'une partie de la circonférence du débouchement,
une espece de mur en pierres seches du côté
opposé au vent.
Les choses ainsi disposées, on brûlera un quarteron
ou deux de bruyeres, pour ressuyer la pierre.
Cinq ou six heures après, on commencera à chauffer
en regle: pour cet effet, le chauffournier dispose
avec sa fourche, sur l'atre de la tourelle, une douzaine
de bottes de bruyere; ce qu'il fait fig. 5. il y
met le feu; & lorsqu'elles sont bien enflammées, il
en prend une treizieme qu'il place à la bouche du
four, & qui la remplit exactement. Le feu poussé par
l'action de l'air extérieur qui entre par les portes de
l'>braisoir, & se porte dans la tourelle par la lunette
pratiquée au centre de son atre, saisit la bourée pla<->
> sur la bouche du four, coupe son lien, & l'enflamme: alors le chauffeur la pousse dans l'atre avec
son fourgon, l'éparpille, & en remet une autre sans
interruption de mouvement, à l'embouchure du four
qu'elle ferme, comme la précédente. Le feu atteint
pareillement celle - ci, & la délie; & le chauffeur avec
son fourgon, la pousse pareillement dans la tourelle,
& l'éparpille sur son atre: il continue cette manoeuvre,
avec un de ses camarades qui le relaye, pendant
douze heures ou environ, jusqu'à ce qu'ils ayent
consumé douze à quinze cents bottes de bruyeres. On
connoît que la chaux est faite, quand il s'éleve au - dessus
du débouchement de la plate - forme, un cone
de feu de dix à douze piés de haut, vif, & sans presque
aucun mêlange de fumée; & qu'en examinant
les pierres, on leur remarque une blancheur éclatante.
Alors on laisse refroidir le four: pour cet effet,
on monte sur la plate - forme, on étend des gaules sur
le débouchement, & on répand sur ces gaules quelques
bourées. Lorsque le four est froid, on tire la
chaux du four; on la met dans des tonneaux sous une
voûte contiguë au four, de peur d'incendie, & on
la transporte par charrois aux lieux de fa destination.
Observations. 1°. Que quand il fait un peude vent,
que l'air est un peu humide, la chaux se fait mieux
que dans les grands vents & par les pluies; apparemment
la chaleur se conserve mieux alors, la
flamme se répand par - tout plus uniformément, ne
s'éleve point au débouchement avec tant de violence,
ou peut - être même par quelqu'autre cause
plus secrette.
2°. Que les bourées trop vertes, nuisent & à la
cuisson & à la qualité de la chaux.
3°. Que le chauffeur doit avoir la plus grande attention
à élancer de la bouche du four au milieu de
l'atre sa bourée enflammée, & de l'éparpiller avec
un grand fourgon, qu'on lui voit à la main fig. 5. de
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dix piés de tige de fer, ajustée à un manche de bois
de dix - huit pouces de longueur. Si plusieurs bourées
s'arrêtoient d'un même côté, il pourroit arriver que
toute une partie de la fournée se brûleroit, qu'une
autre partie ne seroit qu'à demi - cuite, & qu'il en résulteroit
un grand dommage pour le maître.
4°. Que le feu qu'on entretient dans le four est
très - violent; que le soin qu'on a de boucher la bouche
du four avec une bourée, le concentre & le
porte en - haut; qu'il blanchit le fer du fourgon en
quatre à cinq secondes; & qu'il écarteroit avec fracas
les murs du fourneau, s'ils étoient trop légers.
5°. Qu'il faut que ce feu soit poussé sans intermission,
sans quoi la fournée entiere seroit perdue, du
moins au témoignage de Palissi, qui raconte que
passant dans les Ardennes il trouva sur son chemin
un four à chaux, dont l'ouvrier s'étoit endormi au
milieu de la calcination; & que, comme il travailloit
à son reveil à le rallumer, Palissi lui dit qu'il
brûleroit toute la forêt d'Ardennes, avant que de
remettre en chaux la pierre à demi - calcinée.
6°. Que la chaux sera bien cuite, si la pierre est
devenue d'un tiers plus légere après la calcination
qu'auparavant, si elle est sonore quand on la frappe,
& si elle bouillonne immédiatement après avoir été
arrosée; & qu'on l'aura d'autant meilleure, que les
pierres qu'on aura calcinées seront dures: les anciens
calcinoient les fragmens de marbre, & prenoient,
quand il étoit question de la mêler au ciment
& de l'éteindre, toutes les précautions imaginables.
Voyez Ciment.
7°. Que la maniere de faire la chaux, que nous
venons de décrire, n'est pas la senle en usage. Au
lieu de fourneaux, il y a des endroits où l'on se
contente de pratiquer des trous en terre, où l'on arrange
les pierres à calciner, les unes à côté des autres;
on y pratique une bouche & une cheminée;
on recouvre les trous & les pierres avec de la terre
glaise; on allume au centre un feu qu'on entretient
sept à huit jours, & lorsqu'il ne sort plus ni fumée
ni vapeurs, on présume que la pierre est cuite.
8°. Qu'il faut creuser un puits aux environs du
four à chaux, 1° pour le besoin des ouvriers: 2°
pour la petite maçonnerie qu'on fait à l'entrée de la
tourelle: 3° en cas d'incendie; car il peut arriver
qu'un grand vent rabatte le cone de feu sur les bourées,
& les enflamme.
9°. Que pour transporter la chaux dans des voitures,
il faut avoir grand soin de les bien couvrir de
bannes tendues sur des cerceaux; que les chaufourniers
allument du feu avec la chaux assez commodément: ils en prennent une pierre grosse comme le
poing, la trempent dans l'eau, & quand elle commence
à fumer, ils la couvrent légerement de poussiere
de bruyere, & soufflent sur la fumée jusqu'à ce
que le feu paroisse; & qu'on ne fait guere de chaux
pendant l'hyver.
Quant à l'emploi de la chaux dans la maçonnerie,
voici la méthode que Philibert de Lorme prescrit.
Amassez dans une fosse la quantité de chaux que vous
croyez devoir employer; couvrez - la également partout
d'un pié ou deux de bon sable; jettez de l'eau sur
ce sable, autant qu'il en faut pour qu'il soit suffisamment
abreuvé, & que la chaux qui est dessous puisse
fuser sans se brûler; si le sable se fend, & donne passage
à la fumée, recouvrez aussi - tôt les crevasses;
cela fait, laissez reposer deux ou trois ans; au bout
de ce tems vous aurez une matiere blanche, douce,
grasse, & d'un usage admirable tant pour la maçonnerie
que pour le stuc.
Les particuliers ne pouvant prendre tant de précautions,
il seroit à souhaiter que ceux qui veulent
bâtir trouvassent de la chaux toute préparée, &
vieille, & que quelqu'un se chargeât de ce commer<cb->
ce. Quand on veut avoir du mortier incontinent,
on pratique un petit bassin en terre; on en creuse
au - dessous dans le voisinage un plus grand; on met
dans le petit la chaux qu'on veut employer; on l'arrose
d'eau sans crainte de la noyer; s'il y avoit à
craindre, ce seroit de la brûler, en ne l'humectant
pas assez; on la fait boire à force de bras avec le rabot;
quand elle est liquide & bien délayée, on la
fait couler dans le grand bassin par une rigole; on la
tire de - là pour la mêler au sable, & la mettre en
mortier. On met 2/3 ou 7/9 de sable sur un tiers ou 2/3 de
chaux mesurée vive. Voyez Mortier. Vitruve prescrit
l'épreuve suivante, pour s'assûrer si la chaux est
bien éteinte. Si on y rencontre des grumeaux ou
parties solides, elle n'est pas encore bonne, elle
n'est pas bien éteinte; si elle en sort nette, elle n'est
pas assez abreuvée. Nous venons d'exposer ce qu'il
y a de méchanique à savoir sur la cuisson de la chaux
commune, c'est maintenant au Chimiste à examinor
les caracteres, les propriétés générales & particulieres
de cette substance; c'est ce que M. Venel va
exécuter dans la suite de cet article.
Qualités extérieures de la chaux. Les qualités extérieures
& sensibles de la chaux vive, par lesquelles on
peut définir cette substance à la façon des naturalistes,
sont celles - ci: la chaux vive est friable, blanche,
ou grisâtre, légere, seche, d'un goût acre & caustique.
& d'une odeur qu'on pourroit appeller de feu,
empyreumatique, ou phlogistique.
Propriétés physiques de la chaux. Les propriétés
physiques générales de la chaux sont, 1° toutes les
propriétés communes des alkalis fixes, soit salins,
soit terreux; 2° quelques - unes des qualités particulieres
aux alkalis terreux; 3° quelques - unes de celles
qui ne se rencontrent que dans les alkalis fixessalins;
4° enfin quelques propriétés spéciales & caractéristiques.
Les propriétés communes aux alkalis fixes que
possede la chaux, sont; la fixité, voyez Fixité; la
solubilité par les acides, voyez Menstrue; la faculté
de changer en verd la couleur bleue des violettes,
& celle de précipiter les substances métalliques
unies aux acides. On découvriroit peut - être que cette
derniere propriété seroit au moins réciproque entre
certaines terres calcaires, & quelques substances
métalliques, comme elle l'est entre la terre de l'alun
& le fer, si on examinoit dans cette vûe tous les sels
à base calcaire, & tous les sels métalliques; mais
ces expériences nous manquent encore. Voyez Rapport.
Les propriétés des alkalis terreux qui se rencontrent
dans la chaux, sont: l'infusibilité, ou ce degré
de difficile fusibilité, par le secours des fondans,
que les Chimistes prennent pour l'infusibilité absolue,
voyez
Fusible & Vitrifiable:
l'opacité & la
couleur laiteuse qu'elle porte dans les verres, lorsqu'on l'a mêlée dans les frites en une certaine quantite,
voyez
Verre:
la difficile solubilité par l'eau;
(les alkalis terreux ne sont pas parfaitement insolubles
dans ce menstrue, V. Eau & Terre) la précipitabilité
par les alkalis salins, tant fixes que volatils:
l'utilité dans la fonte des mines de fer, dansles cementations
de ce métal, faites dans la vûe de le rendre
plus doux, ou de le convertir en acier, voyez
Fer, Acier, & Castine: la qualité singuliere découverte
par M. Pott, par laquelle elle dispose le régule
d'antimoine, préparé par son moyen, à former avec
le mercure un amalgame solide, voyez
Mercure:
la faculté de fixer, d'améliorer, & même d'augmenter
les métaux, que beaucoup d'habiles Chimistes
prétendent lui avoir reconnue par des faits, voyez
substances métalliques, au mot
Métallique:
& enfin
la propriété remarquable de précipiter les alka<pb->
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