ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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On appelle chaux commune, chaux vive, chaux, &c. le produit de la calcination des pierres & des terres calcaires; des parties dures des animaux, comme os, arrêtes, cornes, coquilles, lithophytes, &c. avec lesquelles les fossiles calcaires non métalliques, ont en général l'analogie la plus intime, & desquelles elles paroissent évidemment tirer leur origine. Voyez Calcination, Calcaire, & Terre. (b)

Chaux commune. (Page 3:262)

* Chaux commune. Sa définition qui précede est très - exacte; cependant on n'y employe guere que les pierres calcaires & les coquilles, lorsqu'on est à portée d'en faire de grands amas, comme dans le ressort de l'amirauté de Brest, où, même pendant le tems des chaleurs, lorsque la pêche des huîtres cesse par - tout ailleurs, on ne laisse pas de la continuer, non pour le poisson qui ne vaut plus rien, mais pour les écailles dont on fait une chaux, qu'on employe à blanchir le fil & les toiles qui s'embarquent à Landernau pour le commerce d'Espagne. Cette chaux peut être très - bonne à cet usage; on peut aussi l'employer aux gros ouvrages de maçonnerie: mais il est d'expérience qu'elle ne vaut rien à blanchir la surface des murs, & qu'elle s'écaille.

Lorsqu'on se sera assûré de la présence des pierres calcaires dans une contrée (voy. à l'article Calcaire les caracteres distinctifs de ces pierres); alors on songera à y construire des fours à chaux. Pour cet effet, on commencera par jetter des fondemens solides, qui embrasseront un espace de 12 piés en quarré: on se servira pour cette maçonnerie, qui doit être ferme & solide, des pierres mêmes de la carriere, si elles y sont propres; on élevera ensuite sur ces fondemens la partie de l'édifice, qu'on nomme proprement le four ou la tourelle. A l'extérieur, la tourel est quarrée, ce n'est qu'une continuation des mu dont on a jetté les fondemens; ces murs doivent avoir une épaisseur capable de résister à l'action du feu qui se doit allumer en - dedans. A l'intérieur, la tourelle a la figure d'un sphéroïde allongé, tronqué par se deux extrémités. Voyez parmi les Planches de l'c nomie rustique, celle du four à chaux. La figure p miere montre un four à chaux, au - dehors; & la fig. 5. le même four, coupé verticalement par sa gueule en deux parties égales; 1, 2, 3, 4, est le sphéroïde dont on vient de parler, ou la capacité du four. Il a douze piés de hauteur, quatre piés & demi de diametre au débouchement qui est sur la plate - forme, c'est - a - dire à la distance de 1 à 2; neuf piés au milieu, & six piés au sond, c'est - à - dire à la distance de 3 à 4. On unit la maçonnerie des quatre piés droits avec celle de la tourelle, en faisant le remplissage convenable. Au centre du plancher de la tourelle 5, on pratiquera un trou d'un pié de diametre, qui répondra au milieu d'une petite voûte 6, de quatre piés environ de hauteur sur deux piés de largeur, ouverte des deux côtés du nord au sud, traversant toute la masse du bâtiment, & descendant au - dessous du niveau du terrein de 6 à 7 piés; on appelle cette voûte l'ébraisoir. Pour avoir accès dans l'ébraisoir, on déblaiera des deux côtés, à son entrée, selon une pente douce & une largeur convenable, toute la terre qu'on élevera en glacis, afin de monter au haut de la plate - forme. Voyez cette terre élevée en glacis, fig. prem. depuis le rez - de - chaussée jusqu'au haut de la plate - forme, a, a, a, b. A l'est, on pratiquera une petite porte cintrée de cinq piés de hauteur sur deux piés de largeur, pour entrer dans la tourelle.

Le four ainsi construit, il s'agit d'y arranger les pierres qu'on se propose de convertir en chaux. On aura de ces pierres amassées en tas autour du four, on choisira les plus grosses & les plus dures, & l'on en formera au centre de la tourelle une espece de voûte sphérique de six piés de hauteur, laissant entre chaque pierre un petit intervalle de deux ou trois pouces, ensorte qu'elles représentent grossierement les boulins ou pots d'un colombier; autour de cet édifice, on placera d'autres pierres, & l'on continuera de remplir la tourelle: observant de placer toûjours les plus grosses & les plus dures le plus proche du centre, & les plus petites & les moins dures sur des circonsérences plus éloignées, & ainsi de suite; ensorte que les plus tendres & les plus petites touchent la surface concave de la tourelle. On a chevera le comblement de la tourelle avec des petites pierres de la grosseur du poing ou environ, qui seront provenues des éclats qui se sont faits en tirant la pierre de la carriere, ou qu'on aura brisées exprès avec la masse. On maçonnera ensuite en - dehors, grossierement la porte de la tourelle, à hauteur d'appui, ensorte qu'il ne reste plus que le passage d'une botte de bruyere qui a ordinairement dix - huit pouces en tout sens. On finira ce travail par élever autour d'une partie de la circonférence du débouchement, une espece de mur en pierres seches du côté opposé au vent.

Les choses ainsi disposées, on brûlera un quarteron ou deux de bruyeres, pour ressuyer la pierre. Cinq ou six heures après, on commencera à chauffer en regle: pour cet effet, le chauffournier dispose avec sa fourche, sur l'atre de la tourelle, une douzaine de bottes de bruyere; ce qu'il fait fig. 5. il y met le feu; & lorsqu'elles sont bien enflammées, il en prend une treizieme qu'il place à la bouche du four, & qui la remplit exactement. Le feu poussé par l'action de l'air extérieur qui entre par les portes de l'braisoir, & se porte dans la tourelle par la lunette pratiquée au centre de son atre, saisit la bourée pla<-> sur la bouche du four, coupe son lien, & l'enflamme: alors le chauffeur la pousse dans l'atre avec son fourgon, l'éparpille, & en remet une autre sans interruption de mouvement, à l'embouchure du four qu'elle ferme, comme la précédente. Le feu atteint pareillement celle - ci, & la délie; & le chauffeur avec son fourgon, la pousse pareillement dans la tourelle, & l'éparpille sur son atre: il continue cette manoeuvre, avec un de ses camarades qui le relaye, pendant douze heures ou environ, jusqu'à ce qu'ils ayent consumé douze à quinze cents bottes de bruyeres. On connoît que la chaux est faite, quand il s'éleve au - dessus du débouchement de la plate - forme, un cone de feu de dix à douze piés de haut, vif, & sans presque aucun mêlange de fumée; & qu'en examinant les pierres, on leur remarque une blancheur éclatante.

Alors on laisse refroidir le four: pour cet effet, on monte sur la plate - forme, on étend des gaules sur le débouchement, & on répand sur ces gaules quelques bourées. Lorsque le four est froid, on tire la chaux du four; on la met dans des tonneaux sous une voûte contiguë au four, de peur d'incendie, & on la transporte par charrois aux lieux de fa destination.

Observations. 1°. Que quand il fait un peude vent, que l'air est un peu humide, la chaux se fait mieux que dans les grands vents & par les pluies; apparemment la chaleur se conserve mieux alors, la flamme se répand par - tout plus uniformément, ne s'éleve point au débouchement avec tant de violence, ou peut - être même par quelqu'autre cause plus secrette.

2°. Que les bourées trop vertes, nuisent & à la cuisson & à la qualité de la chaux.

3°. Que le chauffeur doit avoir la plus grande attention à élancer de la bouche du four au milieu de l'atre sa bourée enflammée, & de l'éparpiller avec un grand fourgon, qu'on lui voit à la main fig. 5. de [p. 263] dix piés de tige de fer, ajustée à un manche de bois de dix - huit pouces de longueur. Si plusieurs bourées s'arrêtoient d'un même côté, il pourroit arriver que toute une partie de la fournée se brûleroit, qu'une autre partie ne seroit qu'à demi - cuite, & qu'il en résulteroit un grand dommage pour le maître.

4°. Que le feu qu'on entretient dans le four est très - violent; que le soin qu'on a de boucher la bouche du four avec une bourée, le concentre & le porte en - haut; qu'il blanchit le fer du fourgon en quatre à cinq secondes; & qu'il écarteroit avec fracas les murs du fourneau, s'ils étoient trop légers.

5°. Qu'il faut que ce feu soit poussé sans intermission, sans quoi la fournée entiere seroit perdue, du moins au témoignage de Palissi, qui raconte que passant dans les Ardennes il trouva sur son chemin un four à chaux, dont l'ouvrier s'étoit endormi au milieu de la calcination; & que, comme il travailloit à son reveil à le rallumer, Palissi lui dit qu'il brûleroit toute la forêt d'Ardennes, avant que de remettre en chaux la pierre à demi - calcinée.

6°. Que la chaux sera bien cuite, si la pierre est devenue d'un tiers plus légere après la calcination qu'auparavant, si elle est sonore quand on la frappe, & si elle bouillonne immédiatement après avoir été arrosée; & qu'on l'aura d'autant meilleure, que les pierres qu'on aura calcinées seront dures: les anciens calcinoient les fragmens de marbre, & prenoient, quand il étoit question de la mêler au ciment & de l'éteindre, toutes les précautions imaginables. Voyez Ciment.

7°. Que la maniere de faire la chaux, que nous venons de décrire, n'est pas la senle en usage. Au lieu de fourneaux, il y a des endroits où l'on se contente de pratiquer des trous en terre, où l'on arrange les pierres à calciner, les unes à côté des autres; on y pratique une bouche & une cheminée; on recouvre les trous & les pierres avec de la terre glaise; on allume au centre un feu qu'on entretient sept à huit jours, & lorsqu'il ne sort plus ni fumée ni vapeurs, on présume que la pierre est cuite.

8°. Qu'il faut creuser un puits aux environs du four à chaux, 1° pour le besoin des ouvriers: 2° pour la petite maçonnerie qu'on fait à l'entrée de la tourelle: 3° en cas d'incendie; car il peut arriver qu'un grand vent rabatte le cone de feu sur les bourées, & les enflamme.

9°. Que pour transporter la chaux dans des voitures, il faut avoir grand soin de les bien couvrir de bannes tendues sur des cerceaux; que les chaufourniers allument du feu avec la chaux assez commodément: ils en prennent une pierre grosse comme le poing, la trempent dans l'eau, & quand elle commence à fumer, ils la couvrent légerement de poussiere de bruyere, & soufflent sur la fumée jusqu'à ce que le feu paroisse; & qu'on ne fait guere de chaux pendant l'hyver.

Quant à l'emploi de la chaux dans la maçonnerie, voici la méthode que Philibert de Lorme prescrit. Amassez dans une fosse la quantité de chaux que vous croyez devoir employer; couvrez - la également partout d'un pié ou deux de bon sable; jettez de l'eau sur ce sable, autant qu'il en faut pour qu'il soit suffisamment abreuvé, & que la chaux qui est dessous puisse fuser sans se brûler; si le sable se fend, & donne passage à la fumée, recouvrez aussi - tôt les crevasses; cela fait, laissez reposer deux ou trois ans; au bout de ce tems vous aurez une matiere blanche, douce, grasse, & d'un usage admirable tant pour la maçonnerie que pour le stuc.

Les particuliers ne pouvant prendre tant de précautions, il seroit à souhaiter que ceux qui veulent bâtir trouvassent de la chaux toute préparée, & vieille, & que quelqu'un se chargeât de ce commer<cb-> ce. Quand on veut avoir du mortier incontinent, on pratique un petit bassin en terre; on en creuse au - dessous dans le voisinage un plus grand; on met dans le petit la chaux qu'on veut employer; on l'arrose d'eau sans crainte de la noyer; s'il y avoit à craindre, ce seroit de la brûler, en ne l'humectant pas assez; on la fait boire à force de bras avec le rabot; quand elle est liquide & bien délayée, on la fait couler dans le grand bassin par une rigole; on la tire de - là pour la mêler au sable, & la mettre en mortier. On met 2/3 ou 7/9 de sable sur un tiers ou 2/3 de chaux mesurée vive. Voyez Mortier. Vitruve prescrit l'épreuve suivante, pour s'assûrer si la chaux est bien éteinte. Si on y rencontre des grumeaux ou parties solides, elle n'est pas encore bonne, elle n'est pas bien éteinte; si elle en sort nette, elle n'est pas assez abreuvée. Nous venons d'exposer ce qu'il y a de méchanique à savoir sur la cuisson de la chaux commune, c'est maintenant au Chimiste à examinor les caracteres, les propriétés générales & particulieres de cette substance; c'est ce que M. Venel va exécuter dans la suite de cet article.

Qualités extérieures de la chaux. Les qualités extérieures & sensibles de la chaux vive, par lesquelles on peut définir cette substance à la façon des naturalistes, sont celles - ci: la chaux vive est friable, blanche, ou grisâtre, légere, seche, d'un goût acre & caustique. & d'une odeur qu'on pourroit appeller de feu, empyreumatique, ou phlogistique.

Propriétés physiques de la chaux. Les propriétés physiques générales de la chaux sont, 1° toutes les propriétés communes des alkalis fixes, soit salins, soit terreux; 2° quelques - unes des qualités particulieres aux alkalis terreux; 3° quelques - unes de celles qui ne se rencontrent que dans les alkalis fixessalins; 4° enfin quelques propriétés spéciales & caractéristiques.

Les propriétés communes aux alkalis fixes que possede la chaux, sont; la fixité, voyez Fixité; la solubilité par les acides, voyez Menstrue; la faculté de changer en verd la couleur bleue des violettes, & celle de précipiter les substances métalliques unies aux acides. On découvriroit peut - être que cette derniere propriété seroit au moins réciproque entre certaines terres calcaires, & quelques substances métalliques, comme elle l'est entre la terre de l'alun & le fer, si on examinoit dans cette vûe tous les sels à base calcaire, & tous les sels métalliques; mais ces expériences nous manquent encore. Voyez Rapport.

Les propriétés des alkalis terreux qui se rencontrent dans la chaux, sont: l'infusibilité, ou ce degré de difficile fusibilité, par le secours des fondans, que les Chimistes prennent pour l'infusibilité absolue, voyez Fusible & Vitrifiable: l'opacité & la couleur laiteuse qu'elle porte dans les verres, lorsqu'on l'a mêlée dans les frites en une certaine quantite, voyez Verre: la difficile solubilité par l'eau; (les alkalis terreux ne sont pas parfaitement insolubles dans ce menstrue, V. Eau & Terre) la précipitabilité par les alkalis salins, tant fixes que volatils: l'utilité dans la fonte des mines de fer, dansles cementations de ce métal, faites dans la vûe de le rendre plus doux, ou de le convertir en acier, voyez Fer, Acier, & Castine: la qualité singuliere découverte par M. Pott, par laquelle elle dispose le régule d'antimoine, préparé par son moyen, à former avec le mercure un amalgame solide, voyez Mercure: la faculté de fixer, d'améliorer, & même d'augmenter les métaux, que beaucoup d'habiles Chimistes prétendent lui avoir reconnue par des faits, voyez substances métalliques, au mot Métallique: & enfin la propriété remarquable de précipiter les alka<pb->

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