ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"154"> dions pas, dit - il, d'occasionner trop de déchet, nous voudrions, quand les chanvres sont rudes, qu'on les fit passer sous des maillets avant que de les espader.

Le chanvre a commencé à être un peu nettoyé, démêlé, & affiné dans l'attelier des espadeurs; les coups de maillet ou d'espade qu'il y a reçus, en ont fait sortir beaucoup de poussiere, de petites chenevottes, & en ont séparé quantité de mauvais brins de chanvre: de plus, les fibres longitudinales ont commencé à se desunir; mais elles ne se sont pas entierement séparées, la plûpart tiennent encore les unes aux autres, ce sont les dents des peignes qui doivent achever cette séparation; elles doivent, comme l'on dit, refendre le chanvre; mais elles feront plus, elles détacheront encore beaucoup de petites chenevottes qui y sont restées, elles acheveront de séparer tous les corps étrangers qui seront mêlés avec le chanvre, & les brins trop courts ou bouchonnés qui ne peuvent donner que de l'étoupe; enfin elles arracheront presque toutes les pattes, qui sont toûjours épaisses, dures, & ligneuses. Ainsi les peigneurs doivent perfectionner ce que les espadeurs ont ébauché. Parcourons donc leur àttelier; connoissons les instrumens dont ils se servent; voyons travailler les peigneurs; examinons les différens états du chanvre à mesure qu'on le peigne.

L'attelier des peigneurs, qu'on voit Pl. I. troisieme division, est une grande salle dont le plancher doit être élevé, & qui doit, ainsi que celui des espadeurs, être percé de plusieurs grandes fenêtres, afin que la poussiere qui sort du chanvre fatigue moins la poitrine des ouvriers; car elle est presque aussi abondante dans cet attelier que dans celui des espadeurs. Mais les fenêtres doivent être garnies de bons contrevents, pour mettre les ouvriers à l'abri du vent & de la pluie, & même du soleil quand il est trop ardent.

Le tour de cette salle doit être garni de fortes tables R, solidement attachees sur de bons treteaux de déux piés & demi de hauteur, qui doivent être scellés par un bout dans le mur, & soûtenus à l'autre bout par des montans bien solides.

Les peignes sont les seuls outils qu'on trouve dans l'attelier dont nous parlons; on les appelle dans quelques endroits des serans.

Ils sont composés de six ou sept rangs de dents de fer, à - peu - près semblables à celles d'un rateau; ces dents sont fortement enfoncées dans une épaisse planche de chêne: il y a des corderies où on ne se sert que de peignes de deux grosseurs; dans d'autres il y en a de trois, & dans quelques - unes de quatre.

Les dents des plus grands S, ont 12 à 13 pouces de longueur; elles sont quarrées, grosses par le bas de six à sept lignes, & écartées les unes des autres par la pointe, ou en comptant du milieu d'une des dents au milieu d'une autre, de deux pouces.

Ces peignes ne sont pas destinés à peigner le chanvre pour l'affiner, ils ne servent qu'à former les peignons ou ceintures; c'est - à - dire à réunir ensemble ce qu'il faut de chanvre peigné & assiné pour faire un paquet suffisamment gros, pour que les fileurs puissent le mettre autour d'eux sans en être incommodés, & qu'il y en ait assez pour faire un sil de la longueur de la corderie; nous appellerons ce grand peigne le peigne pour les peignons.

Le peigne de la seconde grandeur T, que nous appellerons le peigne à dégrossir, doit avoir les dents de sept à huit pouces de longueur, de six lignes de grosseur par le bas, & elles doivent être écartées les unes des autres de quinze lignes, en prenant toûjours du milieu d'une dent au milieu d'une autre, ou en mesurant d'une pointe à l'autre.

C'est sur ce peigne qu'on passe d'abord le chanvre pour ôter la plus grosse étoupe; & dans quelques corderies on s'en tient à cette seule préparation pour tout le chanvre qu'on prépare, tant pour les cables que pour tout les manoeuvres courantes, dans d'autres on n'employe ce chanvre dégrossi que pour les cables.

Le peie de la troisieme grandeur V, que nous appellerons peigne à assiner, a les dents de quatre à cinq pouces de longueur, cinq lignes de grosseur par le bas, & éloignées les unes des autres de dix à douze lignes.

C'est sur ce peigne qu'on passe dans quelques corderies le chanvre qu'on destine à faire les haubans & les autres manoeuvres tant dormantes que courantes.

Enfin il y a des peignes X, qui ont les dents encore plus courtes, plus menues & plus serrées que les précédens; nous les appellerons des peignes fins.

C'est avec ces peignes qu'on prépare le chanvre plus sin, qui est destiné à faire de petits ouvrages, comme le sil de voile, les lignes de loc, lignes à tambours, &c. Il est bon d'observer:

1°. Que les dents doivent être rangées en échiquier ou en quinconce, ce qui fait un meilleur effet que si elles étoient rangées quarrément, & vis - à - vis les unes des autres, quand même elles seroient plus serrées; il y a à la vérité beaucoup de peignes où les dents sont rangées de cette façon; mais il y en a aussi où elles le sont sur une même ligne, & c'est un grand défaut, puisque plusieurs dents ne font que l'effet d'une seule.

2°. Que les dents doivent être taillées en losange, & posées de façon que la ligne qui passeroit par les deux angles aigus, coupât perpendiculairement le peigne suivant sa longueur, d'où il résulte deux avantages; savoir, que les dents résistent mieux aux efforts qu'elles ont à souffrir, & qu'elles refendent mieux le chanvre; c'est pour cette seconde raison qu'il faut avoir grand soin de rafraîchir de tems en tems les angles & les pointes des dents, qui s'émoussent assez vîte, & s'arrondissent enfin en travaillant.

Quand on a espadé une certaine quantité de chanvre, on le porte à l'attelier des peigneurs.

Alors un homme fort & vigoureux prend de sa main droite une poignée de chanvre, vers le milieu de sa longueur: il fait faire au petit bout de cette poignée un tour ou deux autour de cette main, de sorte que les pattes & un tiers de la longueur du chanvre pendent en - bas; alors il serre fortement la main, & faisant décrire aux partes du chanvre une ligne circulaire, il les fait tomber avec force sur les dents du peigne à dégrossir, & il tire à lui, ce qu'il répete en engageant toûjours de phus en plus le chanvre dans les dents du peigne, jusqu'à ce que ses mains soient prêtes à toucher aux dents.

Par cette opération le chanvre se nettoye des chenevottes & de la poussiere; il se démêle, se refend, s'affine; & celui qui étoit bouchonné ou rompu, reste dans le peigne, de même qu'une partie des pattes; je dis une partie, car il en resteroit encore beaucoup si l'on n'avoit pas soin de le moucher. Voici comment cela se fait:

Le peigneur tenant toûjours le chanvre dans la même situation de la main droite, prend avec sa main gauche quelques - unes des pattes qui restent au bout de sa poignée, il les tortille à l'extrémité d'une des dents du peigne, & tirant fortement de la main droite, il rompt le chanvre au - dessus des pattes qui restent ainsi dans les dents du peigne, & il réitere cette manoeuvre jusqu'à ce qu'il ne voye plus de pattes au bout de la poignée qu'il prépare; alors il la repasse deux fois sur le peigne, & cette partie de son chanvre est peignée.

Il s'agit ensuite de donner à la pointe qu'il tenoit dans sa main une préparation pareille a celle qu'il [p. 155] donnée à la tête; mais commc ce travail est le même, à la réserve qu'au lieu de la moucher on ne fait que rompre quelques brins qui excedent un peu la longueur des autres, nous ne répeterons point ce que nous venons de dire en parlant de la préparation de la tête, nous nous contenterons de faire les remarques suivantes.

On commence à peigner le gros bout le premier; parce que les pattes qui s'engagent dans les dents du peigne, ou qu'on tortille autour quand on veut moucher, exigent qu'on fasse un effort auquel ne résisteroit pas le chanvre qui auroit été peigné & affiné auparavant: c'est aussi pour cette raison que les bons peigneurs tiennent leur chanvre assez près des pattes, parçe que les brins de chanvre diminuant toûjours de grosseur, deviennent de plus en plus foibles.

Il est important que les peigneurs commencent par n'engager qu'une petite partie de leur chanvre dans le peigne, & qu'à différentes reprises ils en engagent toûjours de plus en plus jusqu'à la partie qui entre dans leur main, en prenant les mêmes précautions qu'on prendroit pour peigner des cheveux. En effet, on peigne le chanvre pour l'affiner & pour le démêler; cela étant, on conçoit que si d'abord on engageoit une grande longueur de chanvre dans le peigne, il se feroit des noeuds qui résisteroient aux efforts des peigneurs, jusqu'à ce que les brins qui forment ces noeuds fussent rompus.

On ne démêleroit donc pas le chanvre, on le romproit, & on feroit tomber le premier brin en étoupe, ou on l'accourciroit au point de n'en faire que du second brin, ce qui diminueroit la partie utile, en augmentant celle qui ne l'est pas tant: on prévient cet inconvénient en n'engageant que peu - à - peu le chanvre dans le peigne, & en proportionnant l'esfort à la force du brin; c'est - là où un peigneur habile se peut distinguer, en faisant beaucoup plus de premier brin qu'un mal - adroit.

Il faut çue les peigneurs soient forts; car s'ils ne serroient pas bien la main, ils laisseroient couler le premier brin, qui se bouchonneroit & se convertiroit en etoupe; d'ailleurs un homme foible ne peut jamais bien engager son chanvre dans les dents du peigne, ni donner en - arriere un coup de foüet, qui est tres - avantageux pour détacher les chenevottes: enfin quoique le métier de peigneur paroisse bien simple, il ne laisse pas d'éxiger de l'adresse, & une certaine intelligence, qui fait que les bons peigneurs tirent d'un même chanvre beaucoup plus de premier brin que ne font les apprentis.

Le chanvre est quelquefois si long qu'on est obligé de le rompre; car si on le coupoit, les brins coupés se termineroient par un gros bout qui ne se joindroit pas si bien aux autres brins, quand on en feroit du sil, que quand l'extrémité du chanvre se termine en pointe: il faut donc rompre les chanvres qui sont trop longs, mais il le faut faire avec certaines précautions que nous allons rapporter.

Si l'on pouvoit prolonger dans le fil les brins de chanvre suivant toute leur longueur, assûrément ils ne pourroient jamais être trop longs; ils se joindroient mieux les uns aux autres, & on seroit dispensé de les tordre beaucoup pour les empêcher de se séparer; mais quand le chanvre est long de six à sept piés, les sileurs ne peuvent l'étendre dans le fil de toute sa longueur, ils sont obligés de le replier, ce qui nuit beaucoup à la perfection du sil; d'ailleurs, comme nous le dirons à l'art. Corderie, il suffit que le premier brin ait trois piés de long.

Quand donc on est obligé de rompre le chanvre, les peigneurs prennent de la main gauche une petite partie de la poignée, ils la tortillent autour d'une des dents du peigne à dégrossir, & tirant fortement de la main droite, ils rompent le chanvre, en s'y prenant de la même façon que quand ils le mouchenr; cette portion étant rompue, ils en prennent une autre qu'ils rompent de même, & ainsi successivement jusqu'à ce que toute la poignée soit rompue.

A l'occasion de cette pratique, on peut remarquer deux choses; la premiere, qu'il seroit bon, tant pour moucher que pour rompre le chanvre, d'avoir à cóté des peignes une espece de rateau qui eût les dents plus fortes que celles des peignes; ces dents seroient taillées en losange, & ne serviroient qu'à cet usage; car nous avons remarqué que par ces opérations on force ordinairement les dents des peignes, & on les dérange, ce qui fait qu'ils ne sont plus si bons pour peigner, ou qu'on est obligé de les réparer fréquemment.

En second lieu, si le chanvre n'est pas excessivement long, il faut défendre très - expressément aux peigneurs de le rompre; il vaut mieux que les fileurs ayent plus de peine à l'employer, que de laisser rogner un pié ou un pié & demi de chanvre qui tomberoit en second brin ou en étoupe.

Mais quelquefois le chanvre est si excessivement long qu'il faut absolument le rompre; toute l'attention qu'il faut avoir, c'est que les peigneurs le rompent par le milieu, car il est beaucoup plus avantageux de n'avoir qu'un premier brin un peu court, que de convertir en second brin ce qui peut fournir du premier.

A mesure que les peigneurs ont rompu une pincée de chanvre, ils l'engagent dans les dents du peignc, pour la joindre ensuite au chanvre qu'ils tiennent dans leur main, ayant attention que les bouts rompus répondent à la tête de la queue; & ensuite ils peignent le tour ensemble, afin d'en tirer tout ce qui a assez de longueur pour fournir du premier brin.

Nous avons dit qu'on peignoit le chanvre pour le débarrasser de ses chenevottes, de sa poussiere, & de son étoupe; pour le démèler, le refendre, & l'affiner; mais il y a des peigneurs paresseux, timides ou mal - adroits, qui, de crainte de se piquer les doigts, n'approchent jamais la main du peigne; alors ils ne préparent que les bouts, & le milieu des poignées reste presque brut, ce qui est un grand défaut: ainsi il faut obliger les peigneurs a faire passer sur le peigne toute la longueur du chanvre, & s'attacher à examiner le milieu des poignées.

Malgré cette attention, quelqu'habile que soit un peigneur, jamais le milieu des poignées ne sera aussi bien affiné que les extrémités, parce qu'il n'est pas possible que le milieu passe aussi fréquemment & aussi parfaitement sur le peigne.

C'est pour remédier à cet inconvénient que M. Duhamel voudroit qu'il y eût, dans tous les atteliers des peigneurs, quelques fers ou quelques frottoirs.

Nous allons décrire ces instrumens le plus en abregé qu'il nous sera possible, en indiquant la maniere de s'en servir, & leurs avantages.

Le fer A, est un morceau de fer plat, large de trois à quatre pouces, épais de deux lignes, long de deux piés & demi, qui est solidement attaché, dans une situation verticale, à un poteau par deux bons barreaux de fer qui sont soudés à ses extrémités; enfin le bord intérieur du fer plat forme un tranchant mousse.

Le peigneur B, tient sa poignée de chanvre comme s'il la vouloit passer sur le peigne, excepté qu'il prend dans sa main le gros bout, & qu'il laisse pendre le plus de chanvre qu'il lui est possible, afin de faire passer le milieu sur le tranchant du fer; tenant donc la poignée de chanvre comme nous venons de le dire, il la passe dans le fer, & retenant le petit bout de la main gauche, il appuye le chanvre sur le tranchant mousse du fer, & tirant fortement la main droite, le chanvre frotte sur le tranchant; ce qui

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