ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"150"> ler; pour cet effet, on a à une certaine distance de la maison un háloir, qu'on voit méme Planc. méme division, en t: car il n'y a rien de si dangereux pour les incendies que de hâler dans les cheminées des maisons, comme quelques paysans le pratiquent: il y en a aussi qui mettent leur chanvre sécher dans leur four; dans ce cas on n'a rien à craindre pour la maison, mais souvent le feu prend à leur chanvre, & on ne peut pas par ce moyen en dessécher une grande quantité. Le háloir n'est autre chose qu'une caverne qui a ordinairement six à sept piés de hauteur, cinq à six de largeur, & neuf à dix de profondeur ou de creux; le dessous d'une roche fait souvent un très bon háloir. Il y en a de voûtés à pierres seches; d'autres qui sont recouverts de grandes pierres plates, ou simplement de morceaux de bois chargés de terre: chacun les fait à sa fantaisie. Mais tout le monde essaye de placer le hâloir à l'abri de la bise & au soleil de midi; paree que le tems our broyer est ordinairement par de belles gelées, quand on ne peut pas travailler à la terre.

Environ à quatre piés au - dessus du foyer du háloir, & à deux piés de son entrée, on place trois barreaux de bois qui ont au plus un pouce de grosseur; ils traversent le háloir d'un mur à l'autre, & y sont assujettis: c'est sur ces morceaux de bois qu'on pose le chanvre qu'on veut hâler, environ de l'épaisseur d'un demi - pié.

Tout étant ainsi disposé, une femme attentive entretient dessous un petit feu de chenevottes; je dis une femme attentive, parce qu'il faut continuellement fournir des chenevottes, qui sont bien - tôt consumées, entretenir le feu dans toutes les parties de l'âtre, & prendre garde que la flamme ne s'éleve & ne mette le feu au chanvre, qui est bien combustible, sur - tout quand il y a quelque tems qu'il est dans le háloir.

La même femme a encore soin de retourner le chanvre de tems en tems, pour que tout se desseche également; enfin elle en remet de nouveau à mesure que l'on ôte celui qui est assez sec pour être porté à la broye, qu'on voit méme Pl. même division, en u.

La broye ressemble à un banc qui seroit fait d'un soliveau de cinq à six pouces d'équarrissage sur sept à huit piés de longueur: on creuse ce soliveau dans toute sa longueur, de deux grandes mortoises d'un bon pouce de largeur, qui le traversent de toute son épaisseur, & on taille en couteau les trois languettes qui ont été formées par les deux entailles ou grandes mortoises dont je viens de parler.

Sur cette piece de bois on en ajuste une autre qui lui est assemblée à charniere par un bout, qui forme une poignée à l'autre bout, & qui porte dans sa longueur deux couteaux qui entrent dans les rainures de la piece inférieure.

L'homme qui broie, prend de sa main gauche une grosse poignée de chanvre, & de l'autre la poignée de la mâchoire supérieure de la broye; il engage le chanvre entre les deux mâchoires; & en élevant & en baissant à plusieurs reprises & fortement la mâchoire, il brise les chenevottes; en tirant le chanvre entre les deux mâchoires, il oblige les chenevottes à quitter la filasse; & quand la poignée est ainsi broyée jusqu'à la moitié, il la prend par le bout broyé pour donner la même préparation à celui qu'il tenoit dans sa main.

Enfin quand il y a environ deux livres de filasse de bien broyée, on la plie en deux, on tord grossierement les deux bouts l'un sur l'autre; & c'es ce qu'on appelle des queues de chanvre, ou de la filasse brute.

Les deux pratiques, savoir, celle de tiller le chanvre, & celle de le broyer, ont chacune des avantages & des défauts particuliers.

On a coûtume de dire qu'il faut plus roüir le chanvre qu'on destine à faire des toiles sines, que celui qu'on ne veut employer qu'à de grosses toiles: & que celui qu'on destine à faire des cordages, doit être le moins roüi.

Nous avons dit que le chanvre qui n'étoit pas assez roüi, étoit dur, grossier, élastique, & restoit chargé de chenevottes: on verra dans la suite que ce sont - là de grands défauts pour faire de bons cordages. Voyez l'article Corderie.

Nous conviendrons néanmoins qu'on peut roüir un peu plus les chanvres qu'on destine à des ouvrages fins; mais il ne faut pas espérer par ce moyen d'affiner beaucoup une filasse qui seroit naturellement grossiere, on la feroit plûtôt pourrir: car il faut pour avoir de la filasse fine, que bien des choses concourent.

1°. Le terrein; car, comme nous l'avons déjà remarqué, les terres trop fortes ou trop seches ne donnent jamais une filasse bien douce; elle est trop ligneuse, & par conséquent dure & cassante: au contraire si le terrein de la cheneviere est trop aquatique, l'écorce du chanvre qu'on y aura recueilli, sera herbacée, tendre, & aisée à rompre, ce qui la fait tomber en étoupes. Ce sont donc les terreins doux, substantiels & médiocrement humides, qui donnent de la filasse douce, flexible, & forte, qui sont les meilleures qualités qu'on puisse desirer.

2°. L'année; car quand les années sont hâleuses, la filasse est dure; au contraire elle est souple & quelquefois tendrc, quand les années sont fraîches & humides.

3°. La maturité; car si le chanvre a trop resté sur pié, les fibres longitudinales de l'écorce sont trop adhérentes les unes aux autres, la filasse brute forme de larges rubans qu'on a bien de la peine à refendre, sur - tout vers le pié; & c'est ce qu'on exprime en disant qu'une queue de chanvre a beaucoup de pattes: c'est le défaut de tous les chanvres femelles qu'on à été obligé de laisser trop long - tems sur pié pour y mûrir leurs semences; au contraire si l'on arrache le chanvre trop verd, l'écorce étant encore herbacée il y a beaucoup de déchet, & la filasse n'a point de force.

4°. La façon dont il a été semé; car celui qui a été semé trop clair a l'écorce épaisse, dure, noüeuse, & ligneuse: au lieu que celui qui a été semé assez dru, a l'écorce fine.

5°. Enfin les préparations qu'on lui donne, qui consistent à le broyer, à l'espader, à le piler, à le ferrer, & à le peigner, comme nous le rapporterons dans la suite.

Dans tout ce que nous avons dit jusqu'à présent, le chanvre a été le fruit de l'industrie des paysans, & il a fait une partie du travail de l'homme des champs; c'est dans cet état où on l'appelle filasse en brin, ou filasse brute; & dans les corderies, du chanvre simplement dit.

On apporte les chanvres par gros ballots, on les délie pour voir s'ils ne sont pas moüillés ou fourrés de mauvaises marchandises.

Il est important qu'ils ne soient pas moüillés, 1°. parce qu'ils en peseroient davantage; & comme on reçoit le chanvre au poids, on trouveroit un déchet considérable quand il seroit sec: 2°. si on l'entassoit humide dans les magasins, il s'échaufferoit & pourriroit. Il faut donc faire étendre & sécher les ballots qui sont humides, & ne les recevoir que quand ils seront secs.

Outre cela il est à propos d'examiner si ces ballots ne sont pas fourrés: car il y a souvent dans le milieu des ballots de chanvre, des liasses d'étoupes, des bouts de corde, des morceaux de bois, [p. 151] des pierres & des feuilles; tout cela augmente le poids, & ce sont des matieres inutiles.

Ainsi quand on trouve des ballots fourrés, il faut ôter soigneusement toutes les matieres étrangeres.

Nous avons parlé de ce qu'on appelle queue de chanvre; mais il importe ici de savoir comment ces queues sont faites, puisque leur forme aide à faire mieux connoître si le chanvre est bon, ou s'il ne l'est pas.

Il faut pour cela distinguer deux bouts dans un brin de chanvre; l'un fort délié qui aboutissoit au haut de la tige de la plante, & l'autre assez épais qui se terminoit à la racine: on appelle ce bout la patte du chanvre.

Lorsqu'on forme une queue de chanvre, on met toutes les pattes d'un côté; & cette extrémité s'appelle la tête: l'autre extrémité, qu'on appelle le petit bout ou la pointe, n'étant composée que de brins déliés, ne peut être aussi grosse que la tête.

Or il faut pour qu'une queue de chanvre soit bien conditionnée, qu'elle aille en diminuant uniformément de la tête à la pointe, & qu'elle soit encore bien garnie aux trois quarts de sa longueur; car quand le chanvre est bien nourri, quand la plante qui l'a fourni, étoit vigoureuse, il diminue insensiblement & uniformément depuis la racine jusqu'au petit bout: au contraire quand la plante a pâti, le chanvre perd tout d'un coup sa grosseur un peu au - dessus des racines; & alors les pattes qu'on sera obligé de retrancher, sont grosses, & le reste, qui est la partie utile, est maigre. Outre cela quand les paysans ont beaucoup de chanvre court, au lieu d'en faire des queues séparées, ils mêlent ce chanvre court avec le long; & alors les queues ne suivent pas non plus une diminution uniforme depuis la tête jusqu'à la pointe: mais il faut sur - tout être en garde contre une autre supercherie des paysans qui, pour faire croire que leurs queues de chanvre sont bien fournies dans toute leur longueur, ont soin de les fourrer vers le milieu avec de l'étoupe. On reconnoîtra néanmoins cette fourberie en prenant les queues de chanvre par la tête & en les secouant, pour voir si tous les brins se prolongent dans toute la longueur de la queue.

J'ai déjà fait remarquer que comme les pattes sont inutiles & qu'elles doivent être retranchées par les peigneurs, il est très - avantageux que les queues de chanvre n'ayent point trop de pattes; ce qui est le défaut principal de toutes les queues de chanvre qui ne suivent pas une diminution uniforme dans toute leur longueur.

D'ailleurs, tous les brins de chanvre que les paysans mettent pour nourrir les queues, restent sur le peigne, & ne fournissent que du second brin ou de l'étoupe.

Il faut de plus remarquer que quand les pattes sont très - grosses relativement aux brins de chanvre qui y répondent, ces brins foibles se rompent sur le peigne à cause de la trop grande résistance des pattes; & alors ils fournissent beaucoup de brin court, ou de second brin, ou d'étoupe, & fort peu de brin long ou de premier brin. On verra dans la suire combien il est avantageux d'avoir beaucoup de premier brin, qui est presque la seule partie utìle.

Il est aisé de conclure que quand le chanvre a ainsi beaucoup de pattes, ou quand les queues se trouvent fourrées ou nourries de chanvre court, il faudra augmenter la tare de sept, huit, ou dix livres par quintal, en un mot proportionnellement au déchet que ces circonstances doivent produire. Cependant quand ces défauts sont communs à tous les chanvres d'une année, il seroit injuste de s'en pren<cb-> dre au fournisseur, puisqu'il lui auroit été impossible d'en trouver de meilleur.

Nous avons expliqué comment on broyoit & comment on tilloit le chanvre; mais nous avons remis à expliquer les avantages & les desavantages de ces différentes pratiques.

Le chanvre broyé est plus doux & plus affiné que le tillé: il a aussi moins de pattes; & une partie des pointes les plus tendres & qui n'auroient pas manqué de fournir des étoupes, sont restées dans la broye: ainsi il paroîtroit que ce chanvre devroit moins fournir de déchet que le chanvre tillé; cependant il en fournit ordinairement davantage, non seulement parce qu'il n'est jamais si net de chenevottes, mais principalement parce que les brins étant mêlés les uns dans les autres, il s'en rompt un plus grand nombre quand on les passe sur le peigne; d'où il suit nécessairement que ce chanvre au sortir du peigne est plus doux & plus assiné que le chanvre tillé. Néanmoins l'inconvénient du déchet & celui d'avoir un peu plus de chenevottes que n'en a le chanvre tillé, a déterminé à contraindre les fournisseurs à ne fournir que du chanvre tillé. M. Duhamel croit cependant que les chanvres fort durs en vaudroient mieux s'ils étoient broyés; car, dit - il, quand nous parlerons dans la suite, des préparations qu'on donne au chanvre, on connoîtra que la broye est bien capable de l'assiner & de l'adoucir.

On s'attache quelquefois trop dans les recettes à la couleur du chanvre; celui qui est de couleur argentine & comme gris - de - perle, est estimé le meilleur; celui qui tire sur le verd est encore réputé bon; on fait moins de cas de celui qui est jaunâtre, mais on rebute celui qui est brun.

Nous avons fait voir que la couleur des chanvres dépend principalement des eaux où on les fait roüir; & que celui qui l'a été dans une eau dormante, est d'une autre couleur que celui qui l'auroit été dans une eau courante, sans que pour cela la qualité du chanvre en soit différente: ainsi nous croyons qu'il ne faut pas beaucoup s'attacher à la couleur des chanvres; pourvû qu'ils ne soient pas noirs, ils sont recevables: mais la couleur noire ou fort brune indique ou que les chanvres auroient été trop roüis, ou qu'ils auroient été mouillés étant en balles, & qu'ils se seroient échauffés.

On doit sur - tout examiner si les queues de chanvre sont de différente couleur; car si elles étoient marquées de taches brunes, ce seroit un indice certain qu'elles auroient été mouillées en balles: & dans ce cas les endroits plus bruns sont ordinairement pourris.

Il vaut mieux s'attacher à l'odeur du chanvre qu'à sa couleur; car il faut rebuter séverement celui qui sent le pourri, le moisi, ou simplement l'échauffé, & choisir par préférence celui qui a une odeur forte, parce que cette odeur indique qu'il est de la derniere récolte; condition que l'on regarde comme importante dans les corderies, parce que le chanvre nouveau produit moins de déchet que le vieux: il est vrai aussi qu'il ne s'affine pas si parfaitement; & si l'on y réfléchissoit bien, peut - être mépriseroit - on un peu de déchet pour avoir un chanvre plus assiné.

Il y a des queues e chanvre dont tous les brins depuis la racine jusqu'à la pointe, sont plats comme des rubans, & d'autres ont ces brins ronds comme des cordons: il est certain que les premiers sont plus aisés à affiner, parce qu'il se refendent plus aisément sur le peigne, & c'est la seule raison de préférence qu'on y trouve; aussi ne rebutera - t - on jamais une queue de chanvre, par la seule raison que les brins qui la composent sont ronds.

Il y a des chanvres beaucoup plus longs les uns que les autres, & on donne toûjours la préférence

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