ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"148"> derniers labours, pour en tirer plus de profit: cependant quand le printems est sec, il y a à craindre qu'il nc brûle la semence; ce qui n'arriveroit pas si on l'avoit repandu l'hyver: mais en ce cas il faudroit en mettre davantage, ou en espérer moins de profit.

Le premier & le plus considérable de ces labours se donne dans les mois de Décembre & de Janvier: on le nomme entre - hyver, Il y en a qui le font à la charrue, en labourant par sillons; d'autres le donnent à la houe ou à la mare, formant aussi des sillons, pour que les gelees d'hyver ameublissent mieux la terre: il y en a aussi qui le font à la bêche; il est sans contredit meilleur que les autres, mais aussi plus long & plus pénible; au contraire du labour à la charrue, qui est le plus expédif, & le moins profitable.

Le printems on prépare la terre à recevoir la semence, par deux ou trois labours qu'on fait à quinze jours ou trois semaines les uns des autres; les faisant toujours de plus en plus légers, & travaillant la terre à plat.

Il est bon de remarquer que ces labours peuvent, comme celui d'hyver, être faits à la charrue, à la houe, ou à la bêche.

Enfin quand après tous ces labours il reste quelques mottes, on les rompt avec des maillets; car il faut que toute la cheneviere soit aussi unie & aussi meuble que les planches d'un parterre.

Dans le courant du mois d'Avril on seme le chenevi, les uns quinze jours plûtôt que les autres, & tous courent des risques différens: ceux qui sement de bonne heure, ont à craindre les gelées du printems, qui font beaucoup de tort aux chanvres nouvellement levés; & ceux qui sement trop tard, ont à craindre les sécheresses, qui empêchent quelquefois le chenevi de lever.

Le chenevi doit être semé dru, sans quoi le chanvre deviendroit gros, l'écorce en seroit trop ligneuse, & la filasse trop dure; ce qui est un grand défaut: cependant quand il est semé trop dru, il reste beaucoup de petits piés qui sont étouffés par les autres, & c'est encore un inconvénient. Il faut donc observer un milieu, qu'on atteint aisément par l'usage; & ordinairement les chenevieres ne sont trop claires que quand il a péri une partie de la semence, ou par les gelées, ou par la sécheresse, ou par d'autres accidens.

Il est bon de remarquer que le chenevi est une semence huileuse; car ces sortes de semences rancissent avec le tems, & alors elles ne levent plus; c'est pourquoi il faut faire en sorte de ne semer que du chenevi de la derniere récolte: quand on en seme qui a deux ans, il y a bien des grains qui ne levent pas; & de celui qui seroit plus vieux, il en leveroit encore moins.

Lorsque le chenevi est semé, il le faut enterrer; & cela se fait ou avec une herse, si la terre a été labourée à la charrue, ou avec un rateau, si elle a été façonnée à bras.

Malgré cette précaution, il faut garder très - soigneusement la cheneviere jusqu'à ce que la semence soit entierement levée, sans quoi quantité d'oiseaux, & sur - tout les pigeons, détruisent tout, sans épargner les semences qui seroient bien enterrées. Il est vrai que les pigeons & les oiseaux qui ne gratent point, ne font aucun tort aux grains de blé qui sont recouverts de terre; mais la différence qu'il y a entre ces deux semences, c'est que le grain de blé ne sort point de terre avec l'herbe qu'il pousse, au lieu que le chenevi sort tout entier de terre quand il germe; c'estalors que les pigeons en font un plus grand dégât, parce qu'appercevant le chenevi, ils arrachent la plante & la font périr.

Les chenevieres qui ont coûté beaucoup de peine & de travail jusqu'à ce que le chenevi soit levé, n'en exigent presquè plus jusqu'au tems de la récolte; on se contente ordinairement d'entretenir les fossés, & d'empêcher les bestiaux d'en approcher.

Cependant quand les sécheresses sont grandes, il y a des gens laborieux qui arrosent leurs chenevieres; mais il faut qu'elles soient petites, & que l'eau en soit à portée; à moins qu'on ne pût les arroser par immersion, comme on le pratique en quelques endroits.

Nous avons dit qu'il arrivoit quelquefois des accidens au chenevi, qui faisoient que la cheneviere étoit claire, & nous avons remarqué qu'alors le chanvre étoit gros, branchu, & incapable de fournir de belle filasse; dans ce cas, pour tirer quelque parti de la cheneviere, ne fùt - ce que pour le chenevi qui n'en sera que meilleur, il faudra la sarcler, pour empêcher les mauvaises herbes d'étouffer le chanvre.

Vers le commencement d'Août les piés de chanvre qui ne portent point de graine, qu'on appelle mal à propos chanvre femelle, & que nous appellerons le mâle, commencent à jaunir à la cime, & à blanchir par le pié; ce qui indique qu'il est en état d'être arraché: alors les femmes entrent dans la cheneviere, & tirent tous les piés mâles dont elles font des poignées qu'elles arrangent au bord du champ, ayant attention de n'endommager le chanvre femelle que le moins qu'il est possible; car il doit rester encore quelque tems en terre pour achever d'y mûrir sa semence.

Nous avons dit qu'en arrachant le chanvre mâle on en formoit des poignées: on a soin que les brins qui forment une poignée soient à - peu - pres d'une égale longueur, & on les arrange de façon que toutes les racines soient égales; enfin chaque poignée est liée avec un petit brin de chanvre.

On les expose ensuite au soleil pour faire sécher les feuilles & les fleurs; & quand elles sont bien seches, on les fait tomber en frappant chaque poignée contre un tronc d'arbre ou contre un mur, & on joint plusieurs de ces poignées ensemble, pour former des bottes assez grosses qu'on porte au routoir.

Le lieu qu'on appelle routoir, & où l'on donne au chanvre cette préparation qu'on appelle roüir ou naiser, est une fosse de trois ou quatre toises de longueur, sur deux ou trois toises de largeur, & de trois ou quatre piés de profondeur, remplie d'eau: c'est souvent une source qui remplit ces routoirs; & quand ils sont pleins, ils se déchargent de superficie par un écoulement qu'on y a ménagé.

Il y a des routoirs qui ne sont qu'un simple fossé fait sur le bord d'une riviere; quelques - uns même, au mépris des ordonnances, n'ont point d'autres routoirs que le lit même des rivieres: enfin quand on est éloigné des sources & des rivieres, on met roüir le chanvre dans les fossés pleins d'eau & dans les mares. Examinons maintenant ce qu'on se propose en mettant roüir le chanvre.

Pour roüir le chanvre, on l'arrange au fond de l'eau, on le couvre d'un peu de paille, & on l'assujettit sous l'eau en le chargeant avec des morceaux de bois & des pierres, comme on voit Pl. I. premiere division en q.

On le laisse en cet état jusqu'à ce que l'écorce qui doít fournir la filasse se détache aisément de la chenevotte qui est au milieu; ce qu'on reconnoît en essayant de tems en tems si l'écorce cesse d'être adhérente à la chenevotte; & quand elle s'en détache sans aucune difficulté, on juge que le chanvre estassez roüi, & on le tire du routoir.

L'opération dont nous parlons fait quelque chese [p. 149] de plus que de disposer la filasse à quitter la chenevotte; elle affine & attendrit la filasse.

Il est dangereux de tenir trop long - tems le chanvre dans l'eau; car alors il roüit trop, le chanvre est trop pourri, & en ce cas la filasse n'a plus de force: au contraire, quand le chanvre n'a pas été affez longtems dans l'eau, l'écorce reste adhérente à la chenevotte, la filasse est dure, élastique, & on ne la peut jamais bien affiner. Il y a donc un milieu à garder; & ce milieu ne dépend pas seulement du tems qu'on laisse le chanvre dans l'eau, mais encore:

1°. De la qualité de l'eau; il est plûtôt roüi dans l'eau dormante que dans celle qui coule, dans l'cau qui croupit, que dans celle qui est claire.

2°. De la chaleur de l'air; il se roüit plûtôt quand il fait chaud que quand il fait froid.

3°. De la qualité du chanvre; celui qui a été élevé dans une terre douce, qui n'a point manqué d'eau, & qu'on a cueilli un peu verd, est plûtôt roüi que celui qui a crû dans une terre forte ou seche, & qu'on a laissé beaucoup mûrir.

En général, on croit que quand le chanvre reste peu dans l'eau pour se roüir, la filasse en est meilleure; c'est pour cela qu'on prétend qu'il ne faut roüir que par les tems chauds: & quand les automnes sont froids, il y en a qui remettent au printems suivant à roüir leur chanvre femelle; quelques - uns même préferent de roüir leur chanvre dans de l'eau dormante, même dans de l'eau croupissante, plûtôt que dans de l'eau vive.

M. Duhamel, auteur du traité de Corderie, d'où nous tirons cet article abregé, mit roüir du chanvre dans différentes eaux, & il lui parut que la filasse du chanvre qui avoit été roüi dans l'eau croupissante, étoit plus douce que celle du chanvre qu'on avoit roüi dans l'eau courante; mais la filasse contracte dans les eaux qui ne coulent point, une couleur desagréable, qui ne lui cause, à la vérité, aucun préjudice, car elle n'en blanchit que plus aisément: cependant cette couleur déplait, & la filasse en est moins marchande; c'est pourquoi on fait passer, autant qu'on le peut, au - travers des routoirs un petit courant d'eau qui renouvelle celle du rotoir, & qui empêche qu'elle ne se corrompe.

Il est évident par ce que nous avons dit, qu'on ne peut pas fixer le tems qu'il faut laisser le chanvre dans le routoir, puisque la qualité du chanvre, celle de l'eau & la température de l'air, ralentissent ou précipitent cette opération.

On a coûtume de juger que le chanvre a été suffisamment roüi, en éprouvant si l'écorce se leve aisément & de toute sa longueur de dessus la chenevotte; outre cela il faut avoiier que la grande habitude des paysans qui cultivent le chanvre, les aide beaucoup à ne lui donner que le degré de roüi qui lui convient: cependant ils s'y trompent quelquefois, & il m'a paru qu'il y avoit des provinces où l'on étoit dans l'usage constant de roüir plus que dans d'autres.

Il est bon d'être averti qu'il faut éviter de mettre roüir le chanvre dans certaines eaux où il y a quantité de petites chevrettes; car ces animaux le coupent, & la filasse est presque perdue.

En parlant de la récolte du chanvre mâle, nous avons dit qu'on laissoit encore quelque tems le chanvre femelle en terre pour lui donner le tems de mûrir sa semence; mais ce délai fait que le chanvre femelle mûrit trop, son écorce devient trop ligneuse; & il s'ensuit que la filasse qu'il fournit, est plus grossiere & plus rude que celle du mâle: néanmoins quand on voit que la semence est bien formée, on arrache le chanvre femelle comme on a fait le mále, & on l'arrange de même par poignées.

Dans certains pays, pour achever la maturité du chenevi, on fait à différens endroits de la cheneviere des fosses ondes de la profondeur d'un pié & de trois à quatre piés de diametre, & on arrange dans le fond de ces fosses les pognées de chanvre bien serrées les unes uprés des utres, de telle sorte que la grainé soit en bas & la racine en haut; on les retient ensuite en cette situation avec des liens de paille, & on releve tout autour de cette grosse gerbe la terre qu'on avoit tirée de la fosse, pour que les têtes du chanvre soient bien .

La tête de ce chanvre s'écha de l'<-> midité qui y est contenue, com un tas de foin verd ou une couche de fuier: cette chaleur acheve de m le chenevi, & le dispose à sortir plus aisément de ses enveloppes.

Quand le chenevi a acquis cette qualité, on retire le chanvre de ces fosses, où il se moistroit si on l'y laissoit plus long - tems.

Dans d'autres ctons où il y a becoup de chanvre, on ne l'enterre point, on se contente de l'arr<-> ger par tas tête contre tête; & quelques jours après on travaille à en retirer le chenevi, comme nous allons l'expliquer.

Ceux qui ne font que de petites récoltes, étendent un drap par terre pour recevoir leur chenevi; les autres nettoyent & préparent une place bien unie fur laquelle ils étendent leur chanvre, en mettant toutes les têtes du même coté; ils le battent légerement, ou avec un morceau de bois, ou avec de petits fléaux: cette opération fait tomber la meilleure graine, qu'ils mettent à part pour la semer le printems suivant; mais il reste encore beaucoup de chenevi dans les têtes. Pour le retirer, ils peignent la tête de leur chanvre sur les dents d'un inument qu'on appelle un égrgeoir, qu'on voit Plancméme division en r; & par cette opération on fait tomber en même tems & pêle - mêle, les feuilles, les enveloppes des semences, & les semences elles - mêmes: on conserve tout cela en tas pendant quelques jours, puis on l'étend pour le faire sécher, enfin on le bat, & onettoye le chenevi en le vannant & en le passant par le crible.

C'est cette seconde graine qui sert à faire l'huile de chenevi & à nourrir les volailles.

A l'égard du chanvre, on le porte au routoir, , pour y souffrir la même préparation que le chanvre mâle.

Quand on a retiré le chanvre du routoir, on délie les bottes pour les faire sécher, on les étend au soleil le long d'un mur, ou sur la berge d'un fossé, ou simplement à plat dans un endroit où il n'y ait point d'humidité: on a soin de les retourner de tems en tems; & quand le chanvre est bien sec, on le remet en bottes pour le porter à la maison, où on le conserve dans un lieu sec jusqu'à ce qu'on veuille le tiller ou le broyer de la maniere suivante.

Il y a des provinces où l'on tille tout le chanvre, & dans d'autres il n'y a que ceux qui en recueillent peu qui le tillent; les autres le broyent.

La façon de tiller le chanvre est si simple, que les enfans y réussissent aussi - bien que les grandes personnes: elle consiste à prendre les brins de chanvre les uns après les autres, à rompre la chenevotte, & à en détacher la filasse en la faisant couler entre les doigts. On voit méme Planche, même division, opération en s.

Ce travail paroît un peu long; néanmoins comme il s'exécute dans des momens perdus & par les enfans qui gardent les bestiaux, il n'est pas fort à charge aux familles nombreuses: mais il feroit perdre beaucoup de tems aux petites familles, qui ont bien plûtôt fait de le broyer.

Avant que de broyer le chanvre, il le faut bien dessécher, ou, comme disent les paysans, le bien h<pb->

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