ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"vj"> seront dévoilés au Philosophe, & la réflexion pourra enfin éclairer & simplifier une pratique aveugle.

Tel est en peu de mots notre plan, que nous avons crû devoir remettre sous les yeux des lecteurs; ainsi ce Dictionnaire, sans que nous prétendions le préférer à aucun autre, en différera beaucoup par son objet. Plusieurs Gens de lettres déclament aujourd'hui contre la multiplication de ces sortes d'ouvrages, comme d'autres contre celle des journaux; à les en croire, il en est de cette multiplication comme de celle des Acadéies; elle sera aussi funeste au véritable progrès des Sciences, que la premiere institution en a été utile. Nous avons tâché dans le Discours Préliminaire de justifier les dictionnaires du reproche qu'on leur fait d'anéantir parmi nous le goût de l'étude. Néanmoins, quand ils mériteroient ces reproches, l'Encyclopédie nous sembleroit en être à couvert. Parmi plusieurs morceaux destinés à instruire la multitude, elle renfermera un très - grand nombre d'articles qui demanderont une lecture assidue, sérieuse & approfondie. Elle sera donc tout à la fois utile aux ignorans & à ceux qui ne le sont pas.

Quelques Savans, il est vrai, semblables à ces prêtres d'Egypte qui cachoient au reste de la nation leurs futiles mysteres, voudroient que les livres fuslent uniquement à leur usage, & qu'on dérobât au peuple la plus foible lumiere même dans les matieres les plus indifférentes; lumiere qu'on ne doit pourtant guere lui envier, parce qu'il en a grand besoin, & qu'il n'est pas à craindre qu'elle devienne jamais bien vive. Nous croyons devoir penser autrement comme citoyens, & peut - être même comme Gens de lettres.

Qu'on les interroge en effet presque tous, ils conviendront s'ils sont de bonne foi, des lumieres que leur ont fourni les dictionnaires, les journaux, les extraits, les commentaires, & les compilations même de toute espece. La plûpart auroient beaucoup moins acquis, si on les avoit réduits aux livres absolument nécessaires. En matiere de Sciences exactes, quelques ouvrages lûs & médités profondément suffisent; en matiere d'érudition, les originaux anciens, dont le nombre n'est pas infini à beaucoup près, & dont la lecture faite avec réflexion, dispense de celle de tous les modernes; car ceux - ci ne peuvent être, quand ils sont fideles, que l'écho de leurs prédécesseurs. Nous ne parlons point des Belleslettres pour lesquelles il ne faut que du génie & quelques grands modeles, c'est - à - dire bien peu de lecture. La multiplication des livres est donc pour le grand nombre de nos Littérateurs un supplément à la sagacité, & même au travail; & nul d'entr'eux ne doit envier aux autres un avantage dont il a tiré souvent de si grands secours.

Ainsi nous n'avons pas jugé à propos, comme quelques personnes l'auroient voulu, de borner les articles de ce Dictionnaire à de simples tables, & à des notices des différens ouvrages où les matieres sont le mieux traitées. L'avantage d'un tel travail eût été grand sans doute, mais pour trop peu de personnes.

Un autre inconvénient que nous avons dû éviter encore, c'est d'être trop étendus sur chacune des différentes Sciences qui doivent entrer dans ce Dictionnaire, ou de l'être trop sur quelques - unes aux dépens des autres. Le volume, si on peut ainsi parler, que chaque science occupe ici, doit être proportionné tout à la fois, & à l'étendue de cette science, & à celle du plan que nous nous proposons. L'Encyclopédie satisfera suffisamment à chacun de ces deux points, si on y trouve les principes fondamentaux bien développés, les détails essentiels bien exposés & bien rapprochés des principes, des vûes neuves quelquefois soit sur les principes, soit sur les détails, & l'indication des sources auxquelles on doit recourir pour s'instruire plus à fond. Nous n'ignorons pas cependant que sur cet article il nous sera toûjours impossible de satisfaire pleinement les divers ordres de lecteurs. Le Littérateur trouvera dans l'Encyclopédie trop peu d'érudition, le Courtisan trop de morale, le Théologien trop de mathématique, le Mathématicien trop de théologie, l'un & l'autre trop de jurisprudence & de medecine. Mais nous devons faire observer que ce Dictionnaire est une espece d'ouvrage cosmopolite, qui se feroit tort à lui - même par quelque préférence & prédilection marquée; nous croyons qu'il doit suffire à chacun de trouver dans l'Encyclopédie la science dont il s'occupe, discutée & approfondie sans préjudice des autres, dont il sera peut - être bien - aise de se procurer une connoissance plus ou moins étendue. A l'égard de ceux que ce plan ne satisfera pas, nous les renvoyerons pour derniere réponse à l'apologue si sage de Malherbe à Racan (g).

L'empire des Sciences & des Arts est un palais irrégulier, imparfait, & en quelque maniere monstrueux, où certains morceaux se font admirer par leur magnificence, leur solidité & leur hardiesse; où d'autres ressemblent encore à des masses informes; où d'autres enfin, que l'art n'a pas même ébauchés, attendent le génie ou le hasard. Les principales parties de cet édifice sont élevées par un petit nombre de grands hommes, tandis que les autres apportent quelques matériaux, ou se bornent à la simple description. Nous tâche<pb-> [p. vij] rons de réunir ces deux derniers objets, de tracer le plan du temple, & de remplir en même tems quelques vuides. Nous en laisserons beaucoup d'autres à remplir; nos descendans s'en chargeront, & placeront le comble, s'ils l'osent ou s'ils le peuvent.

L'Encyclopédie doit donc par sa nature contenir un grand nombre de choses qui ne sont pas nouvelles. Malheur à un ouvrage aussi vaste, si on en vouloit faire dans sa totalité un ouvrage d'invention! Quand on écrit sur un sujet particulier & borné, on doit, autant qu'il est possible, ne donner que des choses neuves, parce qu'on écrit principalement pour ceux à qui la matiere est connue, & à qui l'on doit apprendre autre chose que ce qu'ils savent; c'est aussi la maxime que plusieurs des Auteurs de l'Encyclopédie se flattent d'avoir pratiquée dans leurs ouvrages particuliers; mais il ne sauroit en être de même dans un Dictionnaire. On auroit tort d'objecter que c'est - là redonner les mêmes livres au public: & que font tous les Journalistes, dont néanmoins le travail en lui - même est utile, que de donner au public ce qu'il a déjà, que de lui redonner même plusieurs fois ce qu'on n'auroit pas dû lui donner une seule? Ce n'est point un reproche que nous leur faisons; nous serons nous - mêmes dans ce cas, notre Ouvrage étant destiné à exposer non - seulement le progrès réel des connoissances humaines, mais quelquefois aussi ce qui a retardé ce ptogrès. Tout est utile dans la Littérature, jusqu'au rôle d'historien des pensées d'autrui. Il a seulement plus ou moins d'autorité, à proportion de la justice avec laquelle on l'exerce, des talens de l'historien, de sa sagacité, de ses vûes, & des preuves qu'il a données qu'il pouvoit être autre chose.

Il résulte de ces réflexions, que l'Encyclopédie doit souvent contenit, soit par extrait, soit même quelquefois en entier plusieurs morceaux des meilleurs ouvrages en chaque genre: il importe seulement au public que le choix en soit fait avec lumiere & avec oeconomie. Mais il importe de plus aux Auteurs de citer exactement les originaux, tant pour mettre le lecteur en état de les consulter, que pour rendre à chacun ce qui lui appartient. C'est ainsi qu'en ont usé plusieurs de nos collegues. Nous souhaiterions que tous s'y fussent conformés; mais du reste quand un article est bien fait, on en jouit également de quelque main qu'il vienne; & l'inconvénient du défaut de citation, toûjours grand par rapport à l'auteur, l'est beaucoup moins par rapport à ce Dictionnaire.

Feu M. Rollin, ce citoyen respectable, à qui l'Université de Paris doit en partie la supériorité que les études y conservent encore sur celles qu'on fait ailleurs, & dont les ouvrages, composés pour l'instruction de la jeunesse, cn ont fait oublier tant d'autres, se permettoit d'insérer en entier dans ses ecrits les plus beaux morceaux des Auteurs anciens & modernes. Il se contentoit d'avertir en général dans ses préfaces, de cette espece de larcin, qui par l'aveu même cessoit d'en être un, & dont le public lui savoit gré, parce que son travail étoit utile. Les Auteurs de l'Encyclopédie oseroient - ils avancer que le cas où ils se trouvent est encore plus favorable? Elle n'est & ne doit être absolument dans sa plus grande partie qu'un Ouvrage recueilli des meilleurs Auteurs (h). Et plût à Dieu qu'elle fût en effet un recueil de tout ce que les autres livres renferment d'excellent, & qu'il n'y manquât que des guillemets!

Nous irons même plus loin que nos censeurs sur la nature des emprunts qu'on a faits. Bien loin de blâmer ces emprunts en eux - mêmes, ou du moins ce qu'ils ont produit, ils en ont fait les plus grands élges; pour nous nous croyons devoir être plus difficiles ou plus sinceres. L'Auteur de l'article Ame avoue, par exemple, qu'il eût dû se rendre plus sévere sur les endroits de cet article qu'il a tirés d'un ouvrage d'ailleurs utile (i). De très - bons juges ont trouvé ces endroits fort inférieurs à ceux qui appartiennent en propre à l'Auteur. Il n'étoit pas nécessaire, sur - tout dans un article de Dictionnaire où l'on doit tâcher d'être court, d'accumuler un si grand nombre de preuves pour démontrer une vérité aussi claire que celle de la spiritualité de l'ame; comme elle est du nombre de celles qu'on nomme fondamentales & primitives, elle doit être susceptible de preuves très - simples & sensibles aux esprits même les plus communs. Tant d'argumens inutiles, déplacés, & dont quelques-uns même sont obscurs, quoique concluans pour qui sait les saisir, ne serviroient qu'à rendre l'évidence douteuse, si elle pouvoit jamais l'être. Un seul raisonnement, tiré de la nature bien connue des deux substances, eût été suffisant.

De même l'article Amitié, dont la fin est tirée d'un Ecrivain moderne très - estimable par plusieurs écrits (k), fait voir que cet Ecrivain n'étoit pas aussi bon Logicien fur cette matiere que sur d'autres. Il ne pouvoit trop donner de liberté & d'étendue à cette égalité si douce & si nécessaire sans laquelle l'amitié n'existe point, & par laquelle elle rapproche & confond les états les plus éloignés. On ne devoit point sur - tout rapporter d'après cet Au<pb->

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