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Les matieres que ce Dictionnaire doit renfermer sont de deux especes; savoir les connoissances que les hommes acquerent par la lecture & par la société, & celles qu'ils se procurent à éux - mêmes par leurs propres réflexions; c'est - à - dire en deux mots, la science des faits & celle des choses. Quand on les considere sans aucune attention au rapport mutuel qu'elles doivent avoir, la premiere de ces deux scìences est fort inutile & fort étendue, la seconde fort nécessaire & fort bornée, tant la Nature nous a traités peu favorablement. Il est vrai qu'elle nous a donné dequoi nous dédommager jusqu'à un certain point par l'analogie & la liaison que nous pouvons mettre entre la science des faits & celle des choses; c'> sur - tout relativement à celle - ci que l'Encyclopédie doit envisager celle - là. Réduit à la science des choses, ce Dictionnaire n'eût été presque rien; réduit à celle des faits, il n'eût été dans sa plus grande partie qu'un champ vuide & stérile: soûtenant & éclairant l'une par l'autre, il pourra être utile sans être immense.
Tel étoit le plan du dictionnaire Anglois de Chambers, plan que toute l'Europe savante nous paroît avoir approuvé, & auquel il n'a manqué que l'exécution. En tâchant d'y suppléer, nous avons averti du soin que nous aurions de nous conformer au plan, parce qu'il nous paroissoit le meilleur qu'on pût suivre. C'est dans cette vûe que l'on a crû devoir exclure de cet ouvrage une multitude de noms propres qui n'auroient fait que le grossir assez inutilement; que l'on a conservé & completé plusieurs articles d'Histoire & de Mythologie, qui ont paru nécessaires pour la connoissance des différentes sectes de Philosophes, des différentes religions, de quelques usages anciens & modernes; & qui d'ailleurs donnent souvent occasion à des réflexions philosophiques, pour lesquelles le public semble avoir aujourd'hui plus de goût que jamais (d); aussi est - ce principalement par l'esprit philosophiqu>e nous tâcherons de distinguer ce Dictionnaire. C'est par - là sur - tout qu'il obtiendra les suffrages auxquels nous sommes le plus sensibles.
Ainsi quelques personnes ont été étonnées sans raison de trouver ici des articles pour
les Philosophes & non pour les Peres de l'Eglise; il y a une grande différence entre les uns
& les autres. Les premiers ont été créateurs d'opinions, quelquefois bonnes, quelquefois
mauvaises, mais dont notre plan nous oblige à parler: on n'a rappellé qu'en peu de mots
& par occasion quelques circonstances de leur vie; on a fait l'histoire de leurs pensées plus
que de leurs personnes. Les Peres de l'Eglise au contraire, chargés du dépôt précieux &
inviolable de la Foi & de la Tradition, n'ont pû ni dù rien apprendre de nouveau aux hommes
sur les matieres importantes dont ils se sont occupés. Ainsi la doctrine de St Augustin,
qui n'est autre que celle de l'Eglise, se trouvera aux articles
On ne trouvera donc dans cet Ouvrage, comme un Journaliste l'a subtilement observé, ni la vie des Saints, que M. Baillet a suffisamment écrite, & qui n'est point de notre objet; ni la généalogiè des grandes Maisons, mais la généalogie des Sciences, plus précieuse pour qui sait penser; ni les avantures peu intéressantes des Littérateurs anciens & modernes, mais le fruit de leurs travaux & de leurs découvertes; ni la description détaillée de chaque village, telle que certains érudits prennent la peine de la faire aujourd'hui, mais une notice du commerce des provinces & des villes principales, & des détails curieux sur leur histoire naturelle (e); ni les Conquérans qui ont desolé la terre, mais les génies immortels qui l'ont éclairée; ni enfin une foule de Souverains que l'Histoire auroit dû proscrire. Le nom même des Princes & des Grands n'a droit de se trouver dans l'Encyclopédie, que par le bien qu'ils ont fait aux Sciences; parce que l'Encyclopédie doit tout aux talens, rlen aux titres, & qu'elle est l'histoire de l'esprit humain, & non de la vanité des hommes.
Mais pour prévenir les reproches qu'on pourroit nous faire d'avoir suivi le plan de Chambers sans nous en écarter, rapportons le jugement d'un critique dont nous ne prétendons fil déprimer ni faire valoir le discernement & le suffrage, mais dont au moins la bonne volonté pour nous n'est pas suspecte. Il parloit ainsi de l'ouvrage de Chambers au mois de Mai 1745, lorsque la traduction en fut proposée par souscription.
A en juger par le Prospectus que nous annonçons, & qui cite quatre articles pour
servir de modeles, savoir, Atmosphere, Fable, Sang, Teinture; il n'est rien de plus utile,
de plus fécond, de mieux analysé, de mieux lié, en un mot de plus parfait & de plus
beau que ce Dictionnaire; & tel est le présent que M. Mills fait à la France, sa patrie par
adoption, en faisant honneur à l'Angleterre sa vraie patrie ».
Il est vrai que le même auteur, après avoir donné tant de louanges au simple projet (qu'on peut lire) de la traduction Françoise de Chambers, entreprise par un Anglois aidé d'un Allemand, n'a pas annoncé de la même maniere au mois de Décembre 1750 la nouvelle Encyclopédie, entreprise & exécutée par une Société de Gens de lettres, qui à la vérité ne sont point une conquête de la France sur l'Angleterre. Nous ne chercherons point ici les motifs d'une pareille conduite. Nous sommes encore plus éloignés de réclamer en faveur de l'Encyclopédie Françoise les éloges qu'on vient de lire, & que nous regardons comme excessifs; nous croyons seulement que celle - ci méritoit un traitement plus favorable. Mais Chambers étoit mort & étranger.
L'article
Si nous avons quelque chose à nous reprocher, c'est peut - être d'avoir suivi trop exactement le plan de Chambers, sur - tout par rapport à l'Histoire, & de n'avoir pas toûjours été assez courts sur cet article. Il y a beaucoup d'apparence que plus ce Dictionnaire se perfectionnera, plus il perdra du côté des simples faits, & plus il gagnera au contraire du côté des choses, ou du moins du côté des faits qui y menent.
Il pourra, par exemple, être fort riche en Physique générale & en Chimie, du moins
quant à la partie qui regarde les observations & l'expérience; car pour ce qui concerne les
causes, il ne sauroit être au contraire trop réservé & trop sage; & la devise de Montagne (f)
à la tête de presque tous les articles de ce genre, seroit ordinairement très - bien placée. On
ne se refusera pourtant pas aux conjectures, sur - tout dans les articles dont l'objet est utile
ou nécessaire, comme la Medecine, où l'on est obligé de conjecturer, parce que la nature
force d'agir en empêchant de voir. La Métaphysique des Sciences, car il n'en est point qui
n'ait la sienne, fondée sur des principes simples & sur des notions communes à tous les
hommes, fera, nous l'espérons, un des principaux mérites de cet Ouvrage. Celle de la
Grammaire sur - tout, & celle de la Géométrie sublime seront exposées avec une clarté qui
ne laissera rien à desirer, & que peut - être elles attendent encore. A l'égard de la Métaphysique proprement dite, sur laquelle on croit s'être trop étendu dans les premiers volumes,
elle sera réduite dans les suivans à ce qu'elle contient de vrai & d'utile, c'est - à - dire à très peu
de chose. Enfin dans la partie des Arts, si étendue, si délicate, si importante, & si peu
connue, l'Encyclopédie commencera ce que les générations suivantes finiront ou perfectionneront.
Elle fera l'histoire des richesses de notre siecle en ce genre; elle la fera à ce siecle
qui l'ignore, & aux siecles à venir, qu'elle mettra sur la voie pour aller plus loin. Les Arts,
ces monumens précleux de l'industrie humaine, n'auront plus à craindre de se perdre dans
l'oubli; les faits ne seront plus ensevelis dans les atteliers & dans les mains des Artistes; ils
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