ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"498"> toit le petit bout en bas, le pié viendroit tortu, & ne réussiroit point; si on plantoit la graine de plat, le pié ne laisseroit pas de venir assez bien.

4°. De mettre deux ou trois graines à chaque piquet, afin que si par malheur les criquets ou autres petits insectes coupoient la plume encore tendre d'un ou deux piés, il en restât un troisieme; pour suppléer au défaut des autres. S'il n'arrive point d'accident, on a au moins l'avantage de pouvoir choisir ensuite le brin qui est le plus droit & de meilleure venue: mais on ne se résout à couper les piés surnuméraires, que lorsque celui qu'on a choisi, est couronné, & hors de risque selon toutes les apparences.

Les graines de cacao levent dans huit, dix ou douze jours plus ou moins, selon que le tems plus ou moins propre avance ou recule la végétation: le grain cylindrique du germe venant à se gonfler, pousse en bas la radicule, qui devient ensuite le pivot de l'arbre; & en haut la plume, qui est un racourci de la tige & des branches: ces parties croissant, & se développant de plus en plus, les deux lobes de l'amande un peu séparés & recourbés, sortent les premiers de la terre, & à mesure que le pié s'éleve, se redressent & se séparent tout - à - fait en deux feuilles dissemblables, d'un verd obscur, épaisses, inégales, & comme recoquillées, qui font ce qu'on appelle les oreilles de la plante: la plume paroît en même - tems, & se partage en deux feuilles tendres, & d'un verd clair & naissant; à ces deux premieres feuilles opposées deux à deux en succedent deux autres de - même, à celles - ci deux troisiemes, le pié s'éleve à proportion, & ainsi de suite durant une année ou environ.

Toute la culture du cacao se réduit alors à la pratique de deux choses.

Premierement à le recouvrir tous les quinze jours, c'est - à - dire, planter de nouvelles graines aux lieux où les premieres n'ont pas levé, ou bien plûtôt, où les piés ont été rongés par les criquets, & autres insectes, qui sont souvent un dégât terrible de ces nouvelles plantes, lors même qu'on les croit hors de tout danger. Quelques habitans font des pépinieres à part, & transplantent ensuite des piés de cacao où il en manque; mais comme ils ne prennent pas tous, lors principalement qu'ils sont un peu grands, ou que la saison n'est pas favorable, & que la plûpart même de ceux qui prennent, sont long - tems à languir, il a toûjours paru plus convenable de recouvrir avec la graine.

Secondement, à ne laisser croître aucune herbe dans la cacaoyere, recommençant à sarcler par un bout dès qu'on a fini par l'autre; & prenant garde sur toutes choses de laisser jamais grener aucune herbe; car s'il arrive une fois qu'on en laisse monter en graine, on a dans la suite bien de la peine & du travail à détruire les mauvaises herbes, & à tenir nets les cacaoyers, parce que la végétation n'est jamais interrompue en ce pays - là par le froid.

Ces sarclaisons continuelles durent jusqu'à ce que les cacaoyers devenus grands, & leurs branches se croisant, l'ombrage empêche les herbes de pousser; & que d'ailleurs, les feuilles tombant des arbres & couvrant la terre, achevent d'étouffer les herbes. Ainsi finit le pénible exercice de sarcler; il suffit alors de faire tous les mois une revûe eu se promenant dans la cacaoyere, d'arracher par - ci par - là le peu d'herbes qu'on y trouve, & de les transporter loin dans le bois, crainte des graines.

Dès que les cacaos ont neuf mois, on doit commencer à arracher le manioc, & faire si bien qu'en trois mois au plus tard il n'y en ait plus. mesure qu'on l'arrache, on peut encore en replanter une rangée ou deux au milieu de chaque allée, & se<cb-> mer dans les autres vuides des concombres, des citrouilles, des giraumonts & des choux caraïbes; parce que ces plantes ayant de grandes feuilles rempantes, sont fort propres à conserver la fraîcheur de la terre, & à étouffer les méchantes herbes. Quand les cacaoyers sont parvenus à couvrir leur terre, on est contraint d'arracher tout, car rien ne peut plus profiter au - dessous.

Les cacaoyers d'un an ont ordinairement quatre piés de tige ou environ; & commencent à faire leur tête en poussant tout à la fois cinq branches au sommet, qui forment ce qu'on appelle la couronne du cacao. Il arrive rarement que cette couronne n'ait pas ces cinq branches; & lorsque par quelque accident, ou contre l'ordre de la nature, elle n'en a que trois ou quatre, l'arbre ne vient jamais bien; & il seroit peut - être mieux de le recéper d'abord, & d'attendre une nouvelle couronne qui ne seroit pas long - tems à se former.

Si à la fin de l'année le manioc n'étoit pas encore arraché, cela retarderoit la portée des arbres; & leurs tiges montant trop haut, eroient foibles, veules, & plus exposées aux coups de vent: que si elles couronnoient, les couronnes seroient trop serrées, & les meres branches ne s'évasant pas assez, les arbres ne seroient jamais bien dégagés, & n'auroient point l'étendue qui leur est naturelle.

Quand tous les piés sont couonnés, on fait choix des plus beaux jets, & l'on coupe sans miséricorde tous les surnuméraires; si l'on ne prend brusquement ce parti, on a bien de la peine à s'y résoudre dans la suite; cependant il n'est pas possible que des arbres ainsi accolés ne s'entrenuisent à la fin.

Les cacaoyers ne sont pas plûtôt couronnés qu'ils poussent de tems en tems un pouce ou deux au - dessous de leur couronne, de nouveaux jets qu'on appelle rejettons; si on laisse agir la nature, ces rejettons produisent bientôt une seconde couronne, sous laquelle un nouveau rejetton venant à pousser, en forme encore une troisieme, &c. C'est ainsi que sont faits les cacaoyers naturels & sans culture, qu'on trouve dans les bois de la Capesterre de la Martinique. Mais parce que toutes ces couronnes à plusieurs étages ne font qu'anéantir en quelque maniere la premiere, qui est la principale, & que l'arbre abandonné à lui - même devient trop haut & trop effilé; on a soin tous les mois en sarclant, ou en cueillant le fruit, d'ébourgeonner, c'est - à - dire, de châtrer tous ces rejettons; & c'est ce qu'on appelle sur les lieux rejettonner.

On ne s'est point encore avisé de tailler, non plus que de greffer les cacaoyers; il y a cependant une espece de taille qui pourroit leur être avantageuse. Il est constant, par exemple, que ces sortes d'arbres ont toûjours quelque partie de bois mort, les uns plus, les autres moins; sur - tout aux extrémités des branches: & il n'y a pas lieu de douter qu'il ne leur fût très - utile de retrancher ce bois mort jusqu'au vif avec la serpette: mais comme l'avantage qu'on en retireroit ne seroit ni si présent, ni si sensible que le tems & le travail qu'on y employeroit; il y a bien de l'apparence qu'on négligera toûjours cette opération, & qu'on la traitera même de peine inutile. Les Espagnols n'en jugent pas de même, & ils ont au contraire un grand soin de retrancher tous ces bois morts; aussi leurs arbres sont plus vigoureux que les nôtres, & donnent de plus beaux fruits. On doute qu'ils ayent la même attention de les greffer, & que personne ait encore tenté de le faire; on croit néanmoins que les cacaos en seroient bien meilleurs.

A mesure que les cacaoyers croissent, ils se dépouillent peu à peu des feuilles de la tige, qu'il faut laisser tomber d'elles - mêmes; car des qu'ils en sont entierement dépouillés, ils ne sont pas long - tems à fleu<pb-> [p. 499] rir: mais ces premieres fleurs coulent ordinairement, & on ne doit guere espérer de fruit mûr avant trois ans, encore faut - il que ce soit en bonne terre; à quatre ans la levée est médiocre, & à cinq elle est dans toute sa force. Pour lors les cacaoyers portent ordinairement pendant toute l'année des fleurs & des fruits de tout âge; il est à la vérité des mois, où ils n'en ont presque point, & d'autres où ils en sont tout chargés; vers les solstices les levées sont toûjours plus abondantes que dans les autres saisons.

Comme dans les ouragans le vent peut faire le tour du compas en très - peu d'heures, il est mal - aisé que perçant par l'endroit le plus foible, & le moins couvert des cacaoyers, il n'y fasse bien du desordre, & il est nécessaire d'y rémédier le plus promptement qu'il est possible. Si le vent n'a fait que renverser les arbres sans rompre leur pivot, en ce cas le meilleur parti qu'il y ait à prendre, sur - tout dans les bonnes terres, est de relever sur le champ ces arbres, & de les remettre en place; les appuyant avec une fourche, & les rechaussant bien avec de la terre d'alentour: de cette maniere ils sont raffermis en moins de six mois, & rapportent comme s'ils n'avoient jamais cu de mal. Dans les mauvaises terres, il vaut mieux les laisser couchés, rechausser les racines, & cultiver à chaque pié le rejetton de plus belle venue, & le plus proche des racines qu'il poussera, en retranchant avec soin tous les autres: l'arbre en cet état ne laisse pas de fleurir & de porter du fruit; & quand dans deux ans le rejetton conservé est devenu un arbre nouveau, on étronçonne le vieux arbre à un demi pié du rejetton.

De la cueillette du cacao, & de la maniere de le faire ressuer & sécher, pour pouvoir être conservé & transporté en Europe. Le cacao est bon à cueillir lorsque toute la cosse a changé de couleur, & qu'il n'y a que le petit bouton d'en - bas qui soit demeuré verd. On va d'arbre en arbre, & de rang en rang, & avec des gaulettes fourchues, on fait tomber les cosses mûres, prenant garde de ne point toucher à celles qui ne le sont pas, non plus qu'aux fleurs: on employe à cela les Negres les plus adroits; & d'autres qui les suivent avec des paniers, ramassent les cosses à terre, & en font à droit & à gauche dans la cacaoyere des piles qu'on laisse là quatre jours sans y toucher.

Dans les mois d'un grand rapport. on cueille tous les quinze jours: dans les saisons moins abondantes, on cueille de mois en mois.

Si les graines restoient dans les cosses plus de quatre jours, elles ne manqueroient pas de germer & de se gâter; c'est pourquoi, lorsque de la Martinique, on a voulu envoyer aux iles voisines des cosses de cacao pour avoir de la graine à planter, on a eu un soin extrème de ne cueillir que lorsque le bâtiment de transport alloit mettre à la voile, & de les employer d'abord en arrivant: il n'est done pas possible que les Espagnols voulant avoir de la semence pour produire ces arbres, laissent parfaitement mûrir & sécher les gousses qui la contiennent, qu'après ils ôtent la semence de ces gousses, & qu'ils les fassent soigneusement sécher à l'ombre, pour les planter enfin en pépiniere, comme le rapporte Oexmelin, Histoire des aventuriers, tom. I. pag. 424. Il est nécessaire de les écaler dès le matin du cinquieme jour au plus tard; pour cela on frappe sur le milieu des cosses, avec un morceau de bois pour les fendre, & avec les mains on acheve de les ouvrir en travers, & d'en tirer les amandes qu'on met dans des paniers, jettant dans la cacaoyere les cosses vuides pour lui servir d'amandement & d'engrais, quand elles sont pourries, à peu près comme les feuilles de la dépouille des arbres leur servent de fumier continuel.

On porte ensuite dans une case tour le cacao écalé, & on le met en pile, sur une espece de plancher vo<cb-> lant couvert de feuilles de balisier, qui ont environ quatre piés de long sur vingt pouces de large; puis entourant le cacao de planches recouvertes des mêmes feuilles, & faisant une espece de grenier qui puisse contenir toute la pile de cacao étendue, on couvre le tout de semblables feuilles, qu'on affermit avec quelques planches: le cacao ainsi entassé, couvert, & enveloppé de toutes parts, ne manque pas de s'échauffer par la fermentation de ses parties insensibles, & c'est ce qu'on appelle sur les lieux ressuer.

On découvre ce cacao soir & matin, & l'on fait entrer dans le lieu où il est des Negres qui travaillant à force des piés & des mains, le remuent bien & le renversent sens - dessus - dessous, après quoi on le recouvre comme auparavant avec les mêmes feuilles & les mêmes planches. On continue cette opération chaque jour jusqu'au cinquieme, auquel il est ordinairement assez ressué; ce qu'on connoit à la couleur qui est beaucoup plus foncée, & tout - à - fait rousse.

Plus le cacao ressue, & plus il perd de sa pesanteur & de son amertume: mais s'il ne ressue pas assez, il est plus amer, sent le verd, & germe quelquefois; il y a donc pour bien faire, un certain milieu à garder, ce qui s'apprend par l'usage.

Dès que le cacao a assez ressué, on le met à l'air, & on l'expose au soleil pour le faire sécher en la maniere suivante.

On a déja dressé d'avance plusieurs établis à deux piés ou environ, au - dessus du plan d'une cour destinée à cela; (ce sont deux especes de sablieres paralleles, à deux piés l'un de l'autre, affermies sur de petits poteaux enfoncés dans la terre). On étend sur ces établis plusieurs nattes faites de brins de roseaux refendus, assemblés avec des liens d'écorce de mahot; (le mahot est un arbrisseau dont les feuilles sont rondes & douces au maniement, comme celle de la guimauve; son écorce qui se leve facilement, & qu'on divise en longs rubans, sert de ficelle & de corde aux habitans & aux sauvages) & sur ces nattes on met du cacao ressué environ à la hauteur de deux pouces, on le remue & on le retourne fort souvent avec un rabot de bois, sur - tout les deux premiers jours: le soir on plie le cacao dans ses nattes, qu'on recouvre de quelques feuilles de balisier, crainte de la pluie; on en fait autant le jour quand il va pleuvoir. Ceux qui craignent qu'on ne le vole la nuit, l'enferment dans une case.

Il y a des habitans qui se servent de caisses d'environ cinq piés de long sur deux de large, & trois à quatre pouces de rebord, pour faire sécher leur cacao: elies ont cette commodité, que dans les grandes pluies ou qui surviennent tout - à - coup, lorsque le cacao commence à sécher, on peut vîte mettre toutes ces caisses en pile l'une sur l'autre, ensorte qu'il ne reste que la derniere à couvrir, ce qui est bientôt fait avec des feuilles de balisier, recouvertes d'une caisse vuide renversée. Mais ce qui rend l'usage des nattes préférable, est que l'air qui passe par - dessous à travers les vuides des roseaux, fait mieux sécher le cacao. Des caisses dont le fond seroit en réseau fort serré de fil de laiton, seroient excellentes; mais il faudroit les faire faire en Europe, ce qui seroit une dépense considérable.

Quand le cacao est assez ressué, il faut l'exposer sur les nattes quelque tems qu'il fasse: si l'on prévoyoit même une pluie abondante & de durée, il seroit bon de le laisser moins ressuer d'un demi - jour ou environ; on remarque que quelques heures de pluie dans le commencement, bien loin de lui nuire, ne servent qu'à le rendre plus beau & mieux conditionné. Dans la belle saison au lieu de cette pluie, il n'est pas mal de l'exposer les premieres nuits au serein & à la rosée. La pluie même d'un jour ou deux ne lui sera pas

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