ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"500"> fort nuisible, si l'on observe de ne le point couvrir absolument jusqu'à ce qu'il ait eu un jour, ou tout au moins un demi - jour de soleil; car aprés un jour de beau tems, on le plie le soir dans sa natte, comme nous avons dit, & après un demi - jour, on se contente sans le plier, de le couvrir pendant la nuit de feuilles de balisier, arrêtées avec des pierres mises dessus aux deux bouts. Mais une trop longue pluie fait fendre le cacao; & parce qu'alors il ne se conserve pas longtems, on l'employe sur les lieux à faire du chocolat.

Si le cacao n'est pas assez ressué, ou qu'on le plie trop tôt dans sa natte, il est sujet à germer; ce qui le rend fort amer, & tout - à - fait mauvais.

Lorsque le cacao a été une fois plie dans sa natte, & qu'il a commencé à se sécher, il ne faut plus souffrir qu'il se mouille; il ne s'agit alors que de le remuer de tems en tems, jusqu'à ce qu'il soit suffisamment sec; ce qu'on connoit, si en prenant une poignée de cacao dans la main, & la serrant, il craque; alors il est tems de le mettre en magasin, & de l'exposer en vente.

Ceux qui veulent acquérir la réputation de livrer de belle marchandise, se donnent le soin, avant que d'enfutailler leur cacao, de trier & de mettre à part les grains trop petits, mal nourris, & plats, qui sont seulement moins beaux à la vûe, & rendent un peu moins en chocolat.

C'est de cette maniere que les graines ou amandes de cacao sechées au soleil, nous sont apportées en Europe, & vendues chez les Epiciers, qui les distinguent (je ne sai pourquoi) en gros & petit caraque, & en gros & petit cacao des îles; car ur les lieux il n'est point fait mention de cette diversité, & il faut apparemment que les marchands qui en font commerce, ayent trouvé leur compte à faire ce triage, puisque naturellement tout cacao provenu du même arbre & de la même cosse, n'est jamais de la même grosseur. Il est bien vrai que comparant une partie entiere de cacao avec une autre, on peut trouver que l'une est pour la plûpart composée de plus gros grains que l'autre, ce qui peut provenir ou de l'âge du plant, ou de la vigueur des arbres, ou bien de la fécondité particuliere de la terre: mais très - assûrement il n'y a point d'espece de cacao qu'on puisse appeller grande par rapport à une autre qu'on puisse appeller petite.

Le cacao qui nous vient de la côte de Caraque, est plus onctueux & moins amer que celui de nos iles, & on le préfere en Espagne & en France à ce dernier: mais en Allemagne & dans le Nord, on est, à ce qu'on dit, d'un goût tout opposé. Bien des gens mêlent le cacao de Caraque avec celui des îles moitié par moitié, & prétendent par ce mêlange rendre leur chocolat meilleur. On croit que dans le fond la différence des cacaos n'est pas fort considérable, puisqu'elle n'oblige qu'à augmenter ou diminuer la dose d sucre pour tempérer le plus ou le moins d'amertume de ce fruit. Car il faut considérer, comme nous l'avons déja dit, qu'il n'y a qu'une espece de cacao, qui croît aussi naturellement dans les bois de la Martinique, que dans ceux de la côte de Caraque; que le climat de ces lieux est presque le même, & par conséquent la température des saisons égales, & qu'ainsi il ne sauroit y avoir entre ces fruits de différence intrinseque qui soit fort essentielle.

A l'égard des différences extérieures qu'on y remarque, elles ne sauroient provenir que du plus ou du moins de fécondité des terroirs, du plus ou du moins de soin donné à la culture des arbres, du plus ou du moins d'industrie & d'application de ceux qui le préparent & qui le travaillent, depuis sa cueillette jusqu'à sa livraison; & peut - être même de tous les trois ensemble; ce qu'on peut observer à la Martinique même, où il y a des quartiers où le cacao réussit mieux que dans d'autres, par la seule différence des terres plus ou moins grasses, plus ou moins humides.

On a l'expérience de ce que l'attention à la culture & à la préparation du cacao, peuvent ajoûter à son prix: avec des soins & de l'intelligence, on trouve le moyen de faire la plus belle marchandise de toute l'île, & de se procurer la préférence de tous les marchands pour la vente & le prix du cacao, sur tous ses voisins.

Le cacao de Caraque est un peu plat, & ressemble assez par son volume & sa figure à une de nos grosses féves; celui de S. Domingue, de la Jamaïque, & de l'ile de Cube, est généralement plus gros que celui des Antilles. Plus le cacao est gros & bien nourri, & moins il y a de déchet après l'avoir rôti & mondé.

Le bon cacao doit avoir la peau fort brune & assez unie; & quand on l'a ôtée, l'amande doit se montrer pleine, bien nourrie, & lisse; de couleur de noisette fort obscure au - dehors, un peu plus rougeâtre en - dedans; d'un goût un peu amer & astringent, sans sentir le verd ni le moisi; en un mot sans odeur & sans être piqué des vers.

Le cacao est le fruit le plus oléagineux que la nature produise; il a cette prérogative admirable de ne jamais rancir, quelque vieux qu'il soit, comme font tous les autres fruits qui lui sont analogues en qualité, tels que les noix, les amandes, les pignons, les pistaches, les olives, &c.

On nous apporte aussi de l'Amérique du cacao réduit en pains cylindriques d'environ une livre chacun; & comme cette préparation est la premiere & la principale qu'on lui donne pour faire le chocolat, il me semble à propos d'ajoûter ici la maniere de la faire.

Les Indiens, dont on l'a tirée, n'y faisoient pas grande façon; ils faisoient ôtir leur cacao dans des pots de terre, puis l'ayant monde de sa pu & bien écrasé & broyé entre deux pierres, ils en formoient des masses avec leurs mains.

Les Espagnols, plus industrieux que les Sauvages, & aujourd'hui les autres nations, à leur exemple, font choix du meilleur cacao & du plus recent. (Comme le cacao n'est jamais si net, que parmi les bons grains il n'y en ait d'avortés, de la terre, des pierres, &c. il faut, avant que de l'employer, faire passer ces ordures à travers un crible, qui leur donne issue sans donner passage aux amandes de cacao.) Ils en mettent environ deux livres dans une grande poêle de fer sur un feu clair, & ils les remuent & les retournent continuellement avec une grande spatule, jusqu'à ce que les amandes soient assez rôties pour être facilement dépouilées de leur peau; ce qu'il faut faire une à une, & les mettre à part, prenant un soin extrème de rejetter les grains cariés, les moisis, & toute la dépouille des bons; car ces pellicules restées parmi le cacao ne se dissolvent jamais dans aucune liqueur, pas même dans l'estomac, & se précipitent au fond des tasses de chocolat, dont le cacao n'a pas été bien mondé. Les ouvriers, pour expédier plus promptement cette opération & gagner du tems, mettent une grosse nappe sur une table, & y étendent leur cacao sortant tout chaud de la poêle, puis ils font couler le rouleau de fer dessus, pour faire craquer & détacher les pellicules du cacao; enfin ils vannent le tout dans un van d'osier, jusqu'à ce que le cacao soit parfaitement mondé.

Si on a eu soin de peser le cacao chez l'épicier, & qu'ensuite on le repese après qu'il est rôti & mondé, on y trouvera environ un sixieme de déchet, un peu plus, un peu moins, selon la nature & les qualités du cacao; c'est - à - dire, par exemple, que de trente livres d'achat, il en restera à peu - près vingt - cinq toutes mondées.

Tout le cacao étant ainsi rôti & mondé à diverses reprises, on le met encore une fois rôtir dans la mê<pb-> [p. 501] me poéle de fer, mais avec un feu moins violent; on ren sans cesse les amandes avec la spatule, jusqu'à ce qu'elles soient rôties également & au point qu'il faut; ce qu'on connoît au goût savoureux & à la couleur brune sans être noire; l'habileté consiste à éviter les deux extrémités, de ne les pas rôtir suffisamment & de les trop rôtir, c'est - à - dire de les brûler. Si on ne les rôtit pas assez, elles conservent une certaine rudesse de goût desagréable; & si on les rôtit jusqu'à les brûler, outre l'amertume & le dégoût qu'elles contractent, on les prive entierement de leur onctuosité, & de la meilleure partie de leurs bonnes qualités.

En France, où on outre ordinairement toutes choses, on s'est fort entêté du goût de brûlé & de la couleur noire, comme de qualités requises au bon chocolat; ne considérant pas que charbon pour charbon il vaudroit autant y mettre celui du feu que celui du cacao. Cette observation n'est pas seulement conforme à la raison & au bon sens: mais elle est d'ailleurs confirmée par le consentement unanime de tous ceux qui ont écrit sur cette matiere, & elle est de même autorisée par la pratique universelle de toute l'Amérique.

Lorsque le cacao est rôti à propos & bien mondé, on le pile dans un grand mortier pour le éduire en masse grossiere, qu'on passe enfin sur la pierre jusqu'à ce qu'elle soit d'une extreme finesse, ce qui demande une explication plus étendue.

On choisit une pierre qui résiste naturellement au feu, & dont le grain soit ferme, sans être ni trop doux pour s'égrainer, ni trop dur pour recevoir le poli. On la taille de seize à dix - huit pouces de large sur vingt - sept à trente de long & trois d'épaisseur, ensorte que sa surface soit courbe & creuse au milieu d'environ un pouce & demi; cette pierre est affermie sur un chassis de bois ou de fer, un peu plus re<-> evé d'un côté que de l'autre: on place dessous un brasier pour échausser la pierre, afin que la chaleur mettant en mouvement les parties huileuses du cacao, & le reduisant en consistance liquide de miel, facilite beaucoup l'action d'un rouleau de fer, dont on se sert pour le travailler avec force, le broyer, & l'affiner jusqu'à ce qu'il n'y ait ni grumeau, m la moindre dureté. Ce rouleau est un ylindre de fer poli, de deux pouces de diametre sur dix - huit ou environ de long, ayant à chaque out un manche de bois de même grosseur, & de six pouces de long pour placer les mains de l'ouvrier.

Quand la pâte est autant broyée qu'on le juge nécessaire, on la met toute chaude dans des moules de fer blanc, où elle se fige & se rend solide en très - peu de tems. La forme de ces moules est arbitraire & chacun les peut faire à sa fantaisie: cependant les cylindriques qui peuvent contenir deux à trois livres de matiere, me paroissent les plus convenables, parce que les pains les plus gros se conservent plus longtems dans leur bonté, & sont plus commodes pour le maniement quand il s'agit de les râper. On doit conserver ces billes envcloppées de papier dans un lieu sec, & observer qu'elie, sont fort susceptibles des bonnes & des mauvaises odeurs, & qu'il est bon de les garder cinq ou six mois avant que d'en user.

Au reste le cacao étant suffamment broyé & passé sur la pierre, comme nous venons de l'expliquer, si l'on veut achever la composition du chocolat en masse, il ne s'agit plus que d'ajoûter à cette pâte une poudre passée au tamis de soie, & composée de sucre, de canelle, & si l'on veut de vanle, suivant les doses & les proportions que nous enseignerons dans la suite de cet article; de repasser le tout sur la pierre pour le bien mêler & incorporer ensemble, & de distribuer enfin cette confection Américaine dans des moules de fer blanc en forme de tablettes d'environ quatre onces chacune, ou demi - livre si l'on veut.

Propriétés du cacao. Le cacao est fort tempéré, nourrissant, & de facile digestion. Il répare promptement les esprits dissipés & les forces épuisées; il est salutaire aux vieillards.

Usages du cacao; on en fait des confitures, du chocolat, & l'on en tire l'huile qu'on appelle beurre de cacao.

Du cacao en confiture. On fait choix des cosses de cacao à demi mûres; on en tire proprement les amandes sans les endommager, & on les met tremper pendant quelques jours dans de l'eau de fontaine, que l'on a soin de changer soir & matin: ensuite les ayant retirées & essuyées, on les larde avec des petits lardons d'écorce de citron & de canelle, à peu - près comme on fait les noix à Rouen.

On a cependant préparé un fu op du plus beau sucre, mais fort clair, c'est - à - dire où il y ait fort peu de sucre; & après l'avoir bien purifié & bien clarifié, on l'ôte tout bouillant de dessus le feu, on y jette les grains de cacao, & on les y laisse tremper pendant vingt - quatre heures, après quoi on les retire de ce sirop; & pendant qu'on les laisse égoutter, on en fait un nouveau semblable au précédent, mais plus fort de sucre, où on les fait pareillement tremper durant vingt - quatre heures. On réitere cinq ou six fois cette opération, augmentant à chaque fois la quantité de sucre, sans les mettre jamais sur le feu ni donuer d'autre cuisson. Enfin ayant fait cuire un dernier sirop en consistance de sucre, on le verse sur les cacaos qu'on a mis bien essuyer dans un pot de favence pour les conserver, & quand le sirop est presque refroidi, on y méle quelques gouttes d'essence d'ambre.

Quand on veut tirer cette confiture au sec, on ôte les amandes hors de leur sirop; & après les avoir bien égoutrées, on les plonge dans une bassine pleine d'un sirop bien clarifié & sort de sucre, & sur le champ on les met dans une étuve, où elles prennent le candi.

Cette confiture, qui ressemble assez aux noix de Rouen, est excellente pour fortifier l'estomac sans trop l'échauffer, ce qui fait qu'on peut meme en donner aux malades qui ont la fievre.

Du chocolat. Voyez l'article Chocolat.

Beurre de cacao. On prend du cacao rôti, mondé, & passé sur la pierre; on jette cette pâte bien fine dans une grande bassine pleine d'eau bouiliante sur un feu clair, où on la laisse bouillir juiqu'à la consomption presque entiere de l'eau; alors on verse dessus une nouvelle eau dont on remplit la bassine: l'huile monte à la surface, & se fige en maniere de beurre, à mesure que l'eau se refroidit. Si cette huile n'est pas bien blanche, il n'y a qu'a la faire fondre dans une bassine pleine d'eau chaude, où elle se dégagera & se purifiera des parties rousses & terrestres qui lur restoient.

A la Martinique cette huile est en consistance de beurre: mais portée en France, elle devient comme du fromage assez dur, qui se fond néanmoins & se rend liquide à une légere chaleur; elle n'a point d'odeur fort sensible, & a la bonne qualité de ne rancir jamais. L'huile d'olive ayant manqué une année, on usa de celle de cacao pendant tout un carême: elle est de fort bon goût; & bien loin d'être malfaisante, elle contient les parties les plus esientieiles & les plus salutaires du cacao.

Comme cette huile est très - anodyne, elle est excellente à l'intérieur pour guérir l'enrouement, & pour émousser l'acreté des els qui dans le rhume pi<-> otent la poitrine. Pour s'en servir on la fait fondre, on y mêle une suffisante quantité de sucre cand, & on en forme de petites tablettes, qu'on retient le plus long - tems qu'on peut dans la bouche, les laissant fondre tout doucement sans les avaler.

L'huile de cacao prise à propos, pourroit être encore merveilleuse contre les poisons corrosifs. Elle

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