ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"496"> tems; mais plus abondamment vers les deux solstices que dans les autres saisons.

Ses fleurs qui sont régulieres & en rose, mais fort petites & sans odeur, sortent par bouquets des aisselles des anciennes feuilles, dont on apperçoit encore, pour ainsi dire, les cicatrices aux endroits où l'arbre s'en étoit autrefois dépouillé. Une grande quantité de ces fleurs coulent, & à peine de mille y en a - t - il dix qui noüent; en sorte que la terre qui est au - dessous paroît toute couverte de ces fausses fleurs.

Chaque fleur est attachée à l'arbre par un pédicule délié, & long de cinq à six lignes; & quand elle est encore en bouton, elle n'a qu'environ deux lignes de diametre, sur deux & demie ou trois tout au plus de longueur. Plus elle est petite par rapport à l'arbre & au fruit, plus elle m'a paru singuliere & digne d'attention.

Lorsque le bouton vient à s'épanoüir, on peut considérer le calice, le feuillage, & le coeur de la fleur.

Le calice se forme de l'enveloppe du bouton, divisée en cinq parties ou feuilles de couleur de chair fort pâle.

Les cinq véritables feuilles de même couleur leur succedent, & remplissent les vuides ou séparations du calice. Ses feuilles ont deux parties; l'une qui est au - dessous en forme de tasse oblongue, panachée intérieurement de pourpre, se recourbe vers le centre par le moyen d'une étamine qui lui sert comme de lien, d'où sort ensuite au - dehors l'autre partie de la feuille qui semble en être séparée, & est formée en maniere de fer de pique.

Le coeur de la fleur est composé de cinq filets & de cinq étamines, avec le pistil au milieu; les filets sont droits, de couleur de pourpre, & disposés vis - à - vis des intervalles des feuilles; les étamines sont blanches & courbes en - dehors, avec une espece de bouton au sommet qui s'engage dans le milieu de chaque feuille pour la soûtenir.

Quand on observe ces menues parties avec le microscope, on diroit que la pointe des filets est argentine, & que les étamines sont de crystal, aussi bien que le pistil que la nature semble avoir placé au centre, en forme de filet blanc, ou pour être les prémices du jeune fruit, ou pour lui servir de défense, s'il est vrai que cet embryon ne se produise & ne se développe qu'à sa base.

Le cacaoyer porte presque toute l'année des fruits de tout âge, qui mûrissent successivement, mais qui ne viennent point au beut des petites branches, comme nos fruits en Europe, mais le long de la tige & des meres branches; ce qui n'est pas rare en ces pays - là, où plusieurs arbres ont la même propriété: tels sont les cocotiers, les abricotiers de S. Domingue, les calebassiers, les papayers, &c.

Le fruit du cacao est contenu dans une cosse, qui d'une extrème petitesse parvient en quatre mois à la grosseur & à la figure d'un concombre qui seroit pointu par le bas, & dont la surface seroit taillée en côte de melon.

Cette gousse dans les premiers mois est ou rouge ou blanche, ou mêlée de rouge & de jaune; & cette variété de couleurs fait trois sortes d'arbres de cacao, qui n'ont entr'eux que cette seule différence, que je ne crois pas suffisante pour établir trois especes de cacao.

La premiere est d'un rouge vineux & foncé, principalement sur les côtés, lequel devient plus clair & plus pâle en mûrissant.

La seconde, qui est la blanche, est au commencement d'un verd si clair, qu'il en paroît blanc; peu - à - peu elle prend la couleur de citron; & se colorant toûjours de plus en plus, elle devient enfin tout - à - fait jaune dans sa maturité.

La troisieme, qui est rouge & jaune tont ensemble, tient un milieu entre ces deux premieres; car en mûrissant la rouge pâlit, & la jaune se renforce.

On a remarqué que les cosses blanches sont plus trapues que les autres, sur - tout du côté qu'elles tiennent à l'arbre, & que les cacaoyers de cette sorte en rapportent communément davantage.

Si l'on fend une de ces cosses suivant la longueur, on trouve qu'elle a environ quatre lignes d'épaisseur, & que sa capacité est pleine d'amandes de cacao, dont les intervalles sont remplis avant leur maturité d'une substance blanche & ferme, mais qui se change enfin en une espece de mucilage d'une acidité charmante; c'est pourquoi on se donne souvent le plaisir de mettre de ces amandes de cacao avec leurs enveloppes dans la bouche, pour la rafraîchir agréablement, & pour étancher la soif: mais on se garde bien d'y appuyer la dent, parce qu'en perçant la peau du cacao on sentiroit une amertume extrème.

Lorsqu'on examine avec attention la structure intérieure de ces cosses, & qu'on en anatomise, pour ainsi dire, toutes les parties, on trouve que les fibres de la queue du fruit passant à travers la cosse se partagent en cinq branches; que chacune de ces branches se divise en plusieurs filamens, qui se terminent chacun au gros bout d'une des amandes; & que le tout ensemble forme comme une espece de grappe de vingt, vingt - cinq, trente à trente - cinq grains au plus, rangés & appliqués l'un contre l'autre dans la cosse avec un ordre merveilleux.

Après un grand nombre d'expériences, on n'y trouve ni moins ni plus de vingt - cinq: peut - être qu'à force de chercher les plus grosses cosses, dans les fonds les plus féconds, & sur les sujets les plus vigoureux, on en pourroit trouver de quarante amandes; mais comme cela n'ira jamais au - delà, il est de même certain qu'on ne trouvera point de cosses qui en ayent au - dessous de quinze, à moins que ce ne soient des cosses avortées, ou le fruit de quelqu'arbre fatigué, c'est - à - dire, usé de vieillesse, de méchant fonds, ou par défaut de culture.

Lorsqu'on ôte la peau à quelqu'une des graines de cacao, on découvre la substance de l'amande, qui paroît tendre, lisse, un peu violette, & comme divisée en plusieurs lobes, quoique dans la vérité elle n'en ait que deux, mais fort irréguliers, & fort embarrassés l'un dans l'autre.

Enfin coupant l'amande en deux suivant la longueur, on trouve à l'extrémité du gros bout une espece de grain cylindrique de deux lignes de long, sur une demi - ligne de diametre, qui est le vrai germe de la plante; au lieu que dans nos amandes Européennes cette partie est placée à l'autre bout.

On peut voir même en France cette irrégularité des lobes, & le germe du cacao, dans les amandes rôties & mondées pour fare le chocolat.

Du choix & de la disposition du lieu pour planter une cacaoyere. Le cacaoyer croît naturellement dans plusieurs contrées de la zone torride de l'Amérique, mais particulierement au Mexique, dans les provinces de Nicarague & de Guatimale, comme aussi le long des bords de la riviere des Amazones, & sur la côte de Caraque, c'est - à - dire, depuis Comana jusqu'à Carthagene, & à l'île d'Or; on en a même trouvé quelques - uns dans les bois de la Martinique.

Les Espagnols & les Portugais ont été les premiers à qui les Indiens ont donné connoissance du cacao; ils en ont long - tems usé sans le communiquer aux autres nations.

En 1649 on ne connoissoit encore aux îles du Vent qu'un seul arbre de cacao, planté par curiosité dans le jardin d'un Anglois habitant de l'île de Sainte - Croix. En 1655 les Caraïbes montrerent à M. du Parquet le cacaoyer, dans les bois de l'île de la Martinique [p. 497] dont il étoit seigneur: cette découverte donna lieu à plusieurs autres de même espece, dans les mêmes bois de la Capestere de cette île; & c'est apparemment aux graines qu'on en tira que les cacaoyeres qu'on y a depuis plantées doivent leur origine. Un Juf nommé Benjamin y planta la premiere vers l'aée 1660: mais ce ne fut que vingt ou vingt - cinq ans après, que les habitans de la Martinique commencerent à s'appliquer à la culture du cacao, & à planter des cacaoyeres.

On appelle une cacaoyere, une espece de verger d'arbres de cacao plantés au cordeau, à peu pres comme nous disons en France une cerisaie, une pommeraie, une prunelaie, une figuerie, &c.

Lorsqu'on veut planter une cacaoyere, il faut surtout choisir la situation du lieu, & la nature du terroir qui lui conviennent.

Le cacaoyer demande un lieu plat, humide, & à l'abri des vents; une terre neuve, & pour ainsi dire vierge, médiocrement grasse, meuble & profonde; c'est pourquoi les fonds nouvellement défrichés, dont la terre est noire & sabloneuse, qu'une riviere tient frais, & que les côteaux ou mornes d'alentour (pour parler le langage du pays) mettent à couvert des vents, sur - tout du côté de la mer, sont préférables à toute autre situation; & l'on ne manque guere de les mettre à cet usage, quand on est assez heureux pour en avoir de semblables.

J'entends par fonds nouvellement défrichés, ceux dont le bois vient d'être abattu exprès pour cela; car il faut remarquer qu'on place encore aujourd'hui toutes les cacaoyeres au milieu des bois, de même qu'on a fait depuis la création du monde; & cela pour deux raisons très - essentielles; la premiere, afin que le bois debout qui reste autour leur serve d'abri; & la seconde, afin qu'elles donne it moins de peine à sarcler, la terre qui n'a jamais produit d'herbe n'en poussant que peu faute de graines.

Aux cacaoyeres plantées sur des éminences, la terre n'a ni assez d'humidité ni assez de profondeur, & ordinairement le pivot ou la maîtresse racine, qui seule s'enfonce à plomb dans la terre, ne peut percer le tuf qu'elle rencontre bien - tôt: les vents d'ailleurs y ont plus de prise, font couler les fleurs noüées, & pour peu qu'ils soient forts, abattent les arbres dont presque toutes les racines sont superfcielles.

C'est encore pis aux côteaux dont la pente est un peu rude; car outre les mêmes inconvéniens, les avalaisons en entrainent la bonne terre, & découvrent insensiblement toutes les raines.

On peut donc conclurre que toutes ces sortes de cacaoyeres sont long - tems à porter, qu'elles ne sont jamais abondantes, & qu'elles se ruinent en peu de tems.

Il est bon aussi (autant qu'il est possible) qu'une cacaoyere soit entourée de bois debout; ou s'il y a quelque côté d'ouvert, on doit y remédier de bonne heure par une lisiere à plusieurs rangs de bananiers.

Il faut encore qu'une cacaoyere soit d'une grandeur médiocre; car les petites, surtout dans les fonds, n'ont pas assez d'air, & sont comme étouffées; & les grandes jusqu'à l'excès sont trop exposées à la secheresse & aux grands vents qu'on nomme ouragans en Amérique.

La place de la cacaoyere étant choisie, & les dimensions déterminées, on se met à abattre le bois: on commence par arracher les petites plantes, & à couper les arbrisseaux & le menu bois; puis on tronçonne les tiges & les grosses branches des petits arbres, & des médiocres; on fait des bûchers & on allume des feux de toutes parts; on brûle même sur pié les plus gros arbres, pour s'épargner la peine de les couper.

Lorsque tout est brûlé, qu'il ne reste plus sur la terre que les troncs des plus grands arbres qu'on néglige de faire consumer, & que l'abattis se trouve parfaitement nettoyé, on dresse au cordeau des allées équidistantes & paralleles, où l'on plante en quinconce des piquets de deux à trois piés de long, à l'intervalle de 5. 6. 7. 8. 9. ou 10 piés, en un mot, à telle distance qu'on a résolu de donner aux cacaoyers qu'ils représentent. Enfin on fait une piece de manioc de tout l'espace défriché, prenant garde de n'en planter aucun pié trop près des piquets.

On observera que les cacaoyeres plantées à grandes distances de 8. 9. & 10 piés donnent bien plus de peine à tenir nettes dans les premieres années (comme nous dirons dans la suite): mais aussi quand elles sont dans de bons fonds, elles réussissent mieux de cette sorte, rapportent & durent beaucoup plus.

Les habitans qui sont pressés de leurs besoins, plantent plus près les arbres, parce que cela augmente considérablement le nombre des piés, & diminue en même tems le travail de les tenir nets. Quand dans la suite les arbres vïennent à se nuire réciproquement par leur proximité, ils ont déja recueilli quelques levées de cacao, qui ont pourvû à leurs nécessités les plus urgentes; & au pis aller ils coupent alors une partie des arbres pour donner de l'air au reste.

A la côte de Caraque, on plante les cacaoyers à 12 & 15 piés d'intervalle, & l'on pratique des rigoles de tems en tems pour les arroser dans les grandes sécheresses: on a fait aussi une heureuse expérience de cette pratique à la Martinique depuis quelques années.

Au reste le manioc est un arbuste dont les racines gragées & cuites sur le feu, fournissent la cassave & la farine qui servent de pain à tous les habitans naturels de l'Amérique. On en plante dans les nouveaux abatris, non - seulement parce qu'il en faut nécessairement à un habitant pour la nourriture de ses negres, mais aussi pour diminuer la production des mauvaises herbes, & pour mettre à l'ombre les piés de cacao qui levent, dont la plume tendre ni même les secondes feuilles ne pourroient résister à l'ardeur excessive du soleil: c'est pourquoi on attend que le manioc puisse ombrager le pié des piquets, avant que de planter le cacao.

De la maniere de planter une cacaoyere, & de la cultiver jusqu'à la maturité des fruits. Tout le cacao se plante de graine, le bois de cet arbre ne prenant point de bouture. On ouvre une cosse de cacao, & à mesure qu'on en a besoin, on en tire les amandes, & on les plante une à une, commençant, par exemple, par le premier piquet, on l'arrache & avec une sorte de houlette de fer bien affilée, ayant fait une espece de petit labour, & coupé, en béquillant tout autour, les petites racines qui pourroient nuire, on plante la graine à trois au quatre pouces de profondeur, & l'on remet le piquet un peu à côté pour servir de marque; & ainsi de piquet en piquet, & de rang en rang, on parcourt toute la cacaoyere.

Il faut observer, 1°. de ne point planter dans les tems secs; on le peut à la vérité tous les mois, & toutes les lunes vieilles ou nouvelles; lorsque la saison est fraiche, & que la place est prête: mais on croit communément que plantant depuis le mois de Septembre jusqu'aux fêtes de Noël, les arbres rapportent plûtôt de quelques mois.

2°. De ne planter que de grosses amandes, & bien nourries; car, puisque dans les plus belles cosses il se trouve des graines avortées, il y auroit de l'imprudence de les employer.

3°. De planter le gros bout des graines en bas, c'est celui - là qui tient par un petit filet au centre de la cosse quand on tire l'amande en dehors. Si on plan<pb->

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