ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"490"> tiere de gommes, de résines, de baumes, & d'autres sucs de végétaux.

Regne minéral. Des collections de terres, de pierres communes & de pierres figurées, de pétrifications, d'incrustations, de résidus pierreux, & de stalactites: une très - belle suite de cailloux, de pierres sines, brutes, polies, façonnées en plaques, taillées en vases, &c. & de pierres précieuses, de crystaux; toutes sortes de sels & de bitumes, de matieres minérales & fossiles, de demi - métaux & de métaux. Enfin une très - nombreuse collection de minéraux du royaume, & de toutes les parties de l'Europe, surtout des pays du nord, des autres parties du monde, & principalement de l'Amérique.

Toutes ces collections sont rangées par ordre méthodique, & distibuées de la façon la plus favorable à l'étude de l'Histoire naturelle. Chaque individu porte sa dénomination, & le tout est placé sous des glaces avec des étiquettes, ou disposé de la maniere la plus convénable. (I)

* Pour former un cabinet d'Histoire naturelle, il ne suffit pas de rassembler sans choix, & d'entasser sans ordre & sans goût, tous les objets d'Histoire naturelle que l'on rencontre; il faut savoir distinguer ce qui mérite d'être gardé de ce qu'il faut rejetter, & donner à haque chose un arrangement convenable. L'ordre d'un cabinet ne peut être celui de la nature; la nature affecte par - tout un desordre sublime. De quelque côté que nous l'envisagions, ce sont des masses qui nous transportent d'admiration, des groupes qui se font valoir de la maniere la plus surprenante. Mais un cabinet d'Histoire naturelle est fait pour instruire; c'est - là que nous devons trouver en detail & par ordre, ce que l'univers nous présente en bloc. Il s'agit d'y exposer les thrésors de la nature selon quelque distribution relative, soit au plus ou moins d'importance des êtres, soit à l'intérêt que nous y devons prendre, soit à d'autres considérations moins savantes & plus raisonnables peut - être, entre lesquelles il faut préférer celles qui donnent un arrangement qui plait aux gens de goût, qui intéresse les curieux, qui instruit les amateurs, & qui inspire des vûes aux savans. Mais satisfaire à ces différens objets, sans les sacrifier trop les uns aux autres; accorder aux distributions scientifiques autant qu'il faut, sans s'éloigner des voies de la nature, n'est pas une entreprise facile; & entre tant de cabinets d'Histoire naturelle formés en Europe, s'il doit y en avoir de bien rangés, il doit aussi y en avoir beaucoup d'autres qui peut - être auront le mérite de la richesse, mais qui n'auront pas celui de l'ordre. Cependant qu'est - ce qu'une collection d'êtres naturels sans le mérite de l'ordre? A quoi bon avoir rassemblé dans des édifices, à grande peine & à grands frais, une multitude de productions, pour me les offrir confondues pêlemêle & sans aucun égard, soit à la nature des choses, soit aux principes de l'histoire naturelle? « Je dirois volontiers à ces Naturalistes qui n'ont ni gout ni génie: Renvoyez toutes vos coquilles à la mer; rendez à la terre ses plantes & son engrais, & nettoyez vos appartemens de cette foule de cadavres, d'oiseaux, de poissons, & d'insectes, si vous n'en pouvez faire qu'un chaos où je n'apperçois rien de distinct, qu'un amas où les objets épars ou entassés ne me donnent aucune idée nette & précise. Vous ne savez pas faire valoir l'opulence de la nature, & sa richesse dépérit entre vos mains. Restez au fond de la carriere, taillez des pierres; mais laissez à d'autres le soin d'ordonner l'édifice». Qu'on pardonne cette sortie au regret que j'ai de savoir dans des cabinets, même célebres, les productions de la nature les plus prétieuses, jettées comme dans un puits: on accourt sur les bords de ce puits, vous y suivez la foule, vous cher chez à percer les ténebres qui couvrent tant de raretés; mais elles sont trop épaisses, vous vous fatiguez envain, & vous ne remporterez que le chagrin d'être privé de tant de richesses, soit par l'indolence de celui qui les possede, soit par la négligence de ceux à qui le soin en est confié.

Nous n'aurions jamais fait, si nous entreprenions la critique ou l'éloge de toutes les collections d'Histoire naturelle qui sont en Europe; nous nous arrêterons seulement à la plus florissante de toutes, je veux dire le cabinet du Roi. Il me semble qu'on n'a rien négligé, soit pour faire valoir, soit pour rendre atile ce qu'il renferme. Il a commencé dès sa naissance à interesser le public par sa propreté & par son élegance: on a pris dans la suite tant de soins pour le compléter, que les acquisitions qu'il a faites en tout genre, sont surprenantes, sur - tout si on les compare avec le peu d'années que l'on compte depuis son institution. Les choses les plus belles & les plus rares y ont afflué de tous les coins du monde; & elles y ont heureusement rencontré des mains capables de les réunir avec tant de convenance, & de les mettre ensemble avec tant d'ordre, qu'on n'auroit aucune peine à y rendre à la nature un compte clair & fidele de ses richesses. Un établissement si considérable & si bien conduit, ne pouvoit manquer d'avoir de la célébrité, & d'attirer des spectateurs; aussi il en vient de tous états, de toutes nations, & en si grand nombre, que dans la belle saison, lorsque le mauvais tems n'empêche pas de rester dans les salles du cabinet, leur espace y suffit à peine. On y reçoit douze à quinze cents personnes toutes les semaines: l'accès en est facile; chacun peut à son gré s'y introduire, s'amuser, ou s'instruire. Les productions de la nature y sont exposées sans fard, & sans autre apprêt que celui que le bon goût, l'élegance, & la connoissance des objets devoient suggérer: on y répond avec complaisance aux questions qui ont du rapport à l'Histoire naturelle. La pédanterie qui choque les honnêtes gens, & la charlatanerie qui retarde les progrès de la science, sont loin de ce sanctuaire: on y a senti par une impulsion particuliere aux ames d'un certain ordre, quelle bassesse ce seroit à des particuliers qui auroient quelques collections d'Histoire naturelle, de prétendre s'en faire un mérite réel, & de travailler à enfler ce mérite, soit en les étalant avec faste, soit en les vantant au - delà de leur juste prix, soit en mettant du mystere dans de petites pratiques qu'il est toûjours assez facile de trouver, lorsqu'on veut se donner la peine de les chercher. On a senti qu'une telle conduite s'accorderoit moins encore avec un grand établissement, où l'on ne doit avoir d'autres vûes que le bien de l'établissement, où en rendant le public témoin des procédés qu'on suit, on en tire de nouvelles lumieres, & l'on répand le goût des mêmes occupations. C'est le but que M. d'Aubenton, garde & démonstrateur du cabinet du Roi, s'est proposé, & dans son travail au cabinet même qu'il a mis en un si bel ordre, & dans la description qu'on en trouve dans l'Histoire naturelle. Nous ne pouvons mieux faire que d'insérer ici ses observations sur la maniere de ranger & d'entretenir en général un cabinet d'Histoire naturelle; elles ne sont point au - dessous d'un aussi grand objet. « L'arrangement, dit M. d'Aubenton, le plus favorable à l'étude de l'Histoire naturelle, seroit l'ordre méthodique qui distribue les choses qu'elle comprend, en classes, en genres, & en especes; ainsi les animaux, les végétaux, & les minéraux, seroient exactement séparés les uns des autres; chaque regne auroit un quartier à part. Le même ordre subsisteroit entre les genres & les especes; on placeroit les individus d'une même espece les uns auprès des autres, sans qu'il fût jamais perinis de les éloigner. On verroit les especes dans leurs gen<pb-> [p. 491] res, & les genres dans leurs classes. Tel est l'arrangement qu'indiquent les principes qu'on a imaginés pour faciliter l'étude de l'Histoire naturelle; tel est l'ordre qui seul peut les réaliser. Tout en effet y devient instructif; à chaque coup d'oeil, non - seulement on prend une connoissance réelle de l'objet que l'on considere, mais on y découvre cncore les rapports qu'il peut avoir avec ceux qui l'environnent. Les ressemblances indiquent le genre, les différences marquent l'espece; ces caracteres plus ou moins ressemblans, plus ou moins différens, & tous comparés ensemble, présentent à l'esprit & gravent dans la mémoire l'image de la nature. En la suivant ainsi dans les variétés de ses productions, on passe insensiblement d'un regne à un autre; les dégradations nous préparent peu à peu à ce grand changement, qui n'est sensible dans son entier que par la comparaison des deux extrèmes. Les objets de l'Histoire naturelle étant présentés dans cet ordre, nous occupent assez pour nous intéresser par leurs rapports, sans nous fatiguer, & même sans nous donner le dégoût qui vient ordinairement de la confusion & du desordre.

Cet arrangement paroît si avantageux, que l'on devroit naturellement s'attendre à le voir dans tous les cabinets; cependant il n'y en a aucun où l'on ait pû le suivre exactement. Il y a des especes & même des individus qui, quoique dépendans du même genre & de la même espece, sont si disproportionnés pour le volume, que l'on ne peut pas les mettre les uns à côté des autres; il en est de même pour les genres, & quelquefois aussi pour les classes. D'ailleurs on est souvent obligé d'interrompre l'ordre des suites; parce qu'on ne peut pas concilier l'arrangement de la méthode avec la convenance des places. Cet inconvénient arrive souvent, lorsque l'espace total n'est pas proportionné au nombre des choses qui composent les collections: mais cette irrégularité ne peut faire aucun obstacle à l'étude de l'Histoire naturelle: car il n'est pas possible de confondre les choses de différens regnes & de différentes classes; ce n'est que dans le détail des genres & des especes, que la moindre équivoque peut causer une erreur.

L'ordre méthodique qui, dans ce genre d'étude, plait si fort à l'esprit, n'est presque amais celui qui est le plus avantageux aux yeux. D'ailleurs, quoiqu'il ait bien des avantages, il ne laisse pas d'avoir plusieurs inconvéniens. On croit souvent connoître les choses, tandis que l'on n'en connoît que les numeros & les places: il est bon de s'éprouver quelquefois sur des collections, qui ne suivent que l'ordre de la symmétrie & du contraste. Le cabinet du Roi étoit assez abondant pour fournir à l'un & à l'autre de ces arrangemens; ainsi dans chacun des genres qui en étoit susceptible, on a commencé par choisir une suite d'especes, & même de plusieurs individus, pour faire voir les variétés aussi bien que les especes constantes; & on les a rangés méthodiquement par gemes & par classes. Le surplus de chaque collection a été distribué dans les endroits qui ont paru le plus favorables, pour en faire un ensemble agréable à l'oeil, & varié par la différence des formes & des couleurs. C'est - là que les objets les plus importans de l'Histoire naturelle sont présentés à leur avantage; on peut les juger sans être contraint par l'ordre méthodique, parce qu'au moyen de cet arrangement, on ne s'occupe que des qualités réelles de l'individu, sans avoir égard aux caracteres arbitraires du genre & de l'espece. Si on avoit toûjours sous les yeux des suites rangées méthodiquement, il seroit à craindre qu'on ne se laissât prevenir par la methode, & qu'on ne vînt à négliger l'étude de la nature, pour se livrer à des con<cb-> ventions auxquelles elle n'a souvent que tres - peu de part. Tout ce qu'on peut rassembler de ses productions, dans un cabinet d'Histoire naturelle, devroit y être distribué dans l'ordre qui approcheroit le plus de celui qu'elle suit, lorsqu'elle est en liberté. Quoique contrainte, on pourroit encore l'y reconnoître, après avoir rassemblé dans un petit espace des productions qui sont dispersées au loin sur la terre; mais pour peu que ces objets soient nombreux, on se croit obligé d'en faire des classes, des genres & des especes, pour faciliter l'étude de leur histoire: ces principes arbitraires sont fautifs pour la plûpart; ainsi il ne faut les suivre rangées méthodiquement, que comme des indices qui conduisent à observer la nature dans les collections où elle paroît, sans presqu'aucun autre apprêt que ceux qui peuvent la rendre agréable aux yeux. Les plus grands cabinets ne suffiroient pas, si on vouloit imiter scrupuleusement les dispositions & les progressions naturelles. On est donc obligé, afin d'éviter la consusion, d'employer un peu d'art, pour faire de la symmétrie ou du contraste.

Tant qu'on augmente un cabinet d'Histoire naturel, on n'y peut maintenir l'ordre qu'en déplaçant continuellement tout ce qui y est. Par exemple, lorsqu'on veut faire entrer dans une suite une espece qui y manque, si cette espece appartient au premier genre, il faut que tout le reste de la suite soit déplacé, pour que la nouvelle espece soit mise en son lieu. . . . . Quoique ce genre d'occupation demande de l'attention, & qu'il emporte toûjours beaucoup de tems, ceux qui font des collections d'histoire naturelle ne doivent point le négliger: on ne le trouvera point ennuyeux ni même infructueux, si on joint au travail de la main l'esprit d'observation. On apprend toûjours quelque chose de nouveau en rangeant méthodiquement une collection; car dans ce genre d'étude plus on voit, plus on sait. Les arrangemens qui ne sont faits que pour l'agrément, supposent aussi des tentatives inutiles; ce n'est qu'après plusieurs combinaisons qu'on trouve un résultat satisfaisant dans les choses de goût: mais on est bien dédommagé de la peine qu'on a eue par le plaisir qu'on ressent, lorsqu'on croit avoir réussi. Ce qu'il y a de plus désagréable sont les soins que l'on est obligé de prendre pour conserver certaines pieces sujettes à un prompt dépérissement; l'on ne peut être trop attentif à tout ce qui peut contribuer à leur conservation, parce que la moindre négligence peut être préjudiciable. Heureusement toutes les pieces d'un cabinet ne demandent pas autant de soins les unes que les autres, & toutes les saisons de l'année ne sont pas également critiques.

Les minéraux en général ne demandent que d'être tenus proprement, & de façon qu'ils ne puissent pas se choquer les uns contre les autres; il y en a seulement quelques - uns qui craignent l'humidité, comme les sels qui se fondent aisément, & les pyrites qui se fleurissent, c'est - à - dire qui tombent en poussiere. Mais les animaux & les végétaux sont plus ou moins sujets à la corruption. On ne peut la prévenir qu'en les desséchant le plus qu'il est possible, ou en les mettant dans des liqueurs préparées; dans ce dernier cas, il faut empêcher que la liqueur ne s'évapore ou ne se corrompe. Les pieces qui sont desséchées demandent encore un plus grand soin; les insectes qui y naissent & qui y trouvent leurs alimens, les détruisent dans l'intérieur avant qu'on les ait apperçûs. Il y a des vers, des scarabées, des teignes, des papillons, des mites, &c. qui s'établissent chacun dans les choses qui leur sont le plus convenables; ils rongent les chairs, les cartilages, les peaux, les poils, & les plumes;

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