ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"438"> corchoient, en enlevant par - tout l'épaisseur qu'ils vouloient donner à la bronze; de sorte que leur modele devenoit leur noyau: ils faisoient recuire ce noyau, le couvroient de cire, terminoient ces cires, faisoient sur ces cires terminées le moule de potée, & achevoient l'ouvrage comme nous: mais on ne suit plus cette méthode que pour les bas - reliefs, & les ouvrages d'exécution facile.

Quant aux grands ouvrages, quand on a assemblé toutes les pieces dans leurs chapes, on y met de la cire autant épaisse qu'on veut que la bronze le soit. Cette épaisseur totale des cires varie selon la grandeur des ouvrages; & chaque épaisseur particuliere d'une piece, suivant la nature des parties de cette piece: on donne deux lignes d'épaisseur aux figures de deux piés; un demi - pouce aux figures de grandeur humaine; au - delà de ce terme il n'y a presque plus de regle. M. de Boffrand dit qu'au cheval de la statue équestre de la place de Louis le grand, on fit les cires massives jusqu'au jarret, pour être massives en bronze, & qu'on donna un pouce d'épaisseur aux cuisses, dix lignes aux autres parties jusqu'à la tête, & six lignes à la queue.

Il faut que la cire dont on se sert ait deux qualités presqu'opposées; celle de prendre facilement les formes, & de les conserver après les avoir prises. Prenez cent livres de cire jaune, dix livres de térébenthine commune, dix livres de poix grasse, dix livres de sain - doux; mêlez, & faites fondre sur un feu modéré, de peur que la cire ne bouille, ne devienne écumeuse, & ne soit difficile à travailler: vous aurez ainsi un mêlange qui satisfera aux deux conditions que vous requerez.

Quand cette composition sera prête, imbibez bien les pieces du moule en plâtre d'huile d'olive, de saindoux, & de suif fondus ensemble; penez de la composition que j'appellerai cire, avec des brosses de poil de blereau; répandez - la liquide dans les pieces du moule en plâtre; donnez aux couches environ une ligne d'épaisseur; abandonnez ensuite la brosse; servez - vous de tables faites au moule: ces moules sont à peu près semblables à ceux des Fondeurs de tables en cuivre, où des tringles de fer plus ou moins hautes fixées entre deux surfaces unies déterminent l'épaisseur des tables; ayez deux ais; ajustez sur ces ais deux tringles; amollissez vos cires dans de l'eau chaude; maniez - les bien comme de la pâte; étendez - les avec un rouleau qui passe sur les tringles; & mettez ainsi ces tables d'une épaisseur qui vous convienne.

Prenez vos pieces en plâtre couvertes d'une couche en cire; ratissez cette couche; faites - en autant à une des surfaces de vos tables de cire; faites chauffer modérément ces deux surfaces écorchées, & appliquez - les l'une contre l'autre.

La quantité de cire employée détermine la quantité de métal nécessaire pour l'ouvrage. On compte dix livres de métal pour une livre de cire, non compris les jets, les évents, & les égoûts. M. de Boffrand dit qu'on employa pour la statue équestre de la place de Louis le grand, 5326 livres de cire; ce qui demandoit par conséquent 53260 livres de métal non compris les jets, les évents, & les égoûts.

Quand on a donné à toutes les cires les épaisseurs convenables, on démolit le modele en plâtre, en le coupant par morceaux, qui servent ensuite à réparer les cires. On remonte toutes les assises du moule jusqu'à la moitié de la hauteur du cheval, s'il s'agit d'une statue équestre; & on établit au - dedans & au - dehors des assises l'armature du noyau.

L'armature est un assemblage des différens morceaux de fer destinés à soùtenir le noyau & le moule de potée d'un grand ouvrage de fonderie: entre ces fers, les uns restent dans le corps de l'ouvrage fondu, d'autres en sont retirés après la sonte: dans une statue équestre, ceux qui passent d'un flanc à l'autre du cheval, qui descendent dans la queue, & qui passent dans les jambes, sont assemblés à demeure; les fers des jambes s'étendent même à trois piés au - delà des piés du cheval, & sont scellés dans le corps du pié - d'estal.

Voyez figure 1. Plan. III. l'armature de fer qui a été faite dans le corps du cheval, avec les pointals & piliers butans pour soûtenir la figure équestre.

Le noyau est un corps solide qui remplit l'espace contenu sous les pieces du modele en cire, quand elles sont assemblées: la matiere qui le compoe doit avoir quatre qualités; la premiere, de ne s'étendre ni resserrer sous les cires; la seconde, de résister à la violence du feu, sans se fendre ni ne se tourmenter; la troisieme, d'avoir du pouf, c'est - à - dire, de résister au métal en fusion, & de céder au métal se réfroidissant; la quatrieme, de ne lui pas être analogue, c'est - à - dire, de ne le point boire, & de ne point lui être contraire, ou de ne le point repousser; ce qui occasionneroit dans le premier cas des vuides, & dans le second des soufflures.

Mêlez deux tiers de plâtre, avec un tiers de briques bien battues & bien sassées, & vous aurez la matiere requise. On mêlange, on gâche cette matiere, & on en coule dans les assises du moule quand l'armature est disposée, allant d'assises en assises jusqu'au haut de la figure. Il est cependant à propos de savoir qu'on observe différens mêlanges, & que le noyau des grandes figures n'est pas tout entier de la même matiere. Dans la formation du noyau de la statue équestre dont jai déjà parlé, les jambes qui portent, devant être solides, n'eurent point de noyau: on fit la queue, la jambe qui est levée, la tête, le cou, &c. de plâtre & de briques battues & sassées; le corps du cheval d'un mêlange de deux tiers de terre rouge & sabloneuse, qu'on trouve derriere les Chartrex, & qui passe pour la meilleure de l'Europe pour ces sortes d'ouvrages, & d'un tiers de cotin de cheval & de bourre passés par les baguettes.

Avant que de commencer le noyau, on passe des verges de fer en botte entre les vuides des grands fers de l'armature, auxquels on les attache avec de gros fil d'archal; ces verges tiennent les terres du noyau en état: on laisse cependant des trous pour passer la main & ranger les gâteaux de terre. Sous les parties inférieures, comme le ventre d'un cheval, où les terres tendent à se détacher de tout leur poids, on place des crochets en S qui les arrêtent. Quand le noyau est fait, on prend de la composition du noyau détrempée à une certaine consistance; on en applique sur les cires avec les doigts, par couches d'environ un pouce d'épaisseur, qu'on fait bien sécher; on continue ainsi de couche en couche, se servant de gâteaux de la même composition de quatre pouces en quarré sur neuf lignes d'épaisseur, qu'on applique sur leur plat avec la même composition liquide, & qu'on unit avec les couches qu'on a déjà données aux cires, faisant toûjours sécher nuit & jour sans interruption, jusqu'à ce que les couches de terre à noyau ayent au pourtour des cires environ six pouces d'épaisseur; ce qui suffira pour achever de recouvrir tous les fers de l'armature. Mais avant que ces fers soient recouverts, on pose dans le noyau un rang de briques en cintre, maçonnées avec de la terre de la même composition que le noyau; ce qui forme dans son intérieur une sorte de voûte. On a soin de bien faire sécher les parties intérieures du noyau, par des poêles qu'on dispose en - dedans, en y descendant par une ouverture pratiquée à la croupe, si c'est une statue équestre; & pour que le feu ne soit pas étouffé, on pratique au noyau des cheminées de trois pouces en quarré: ces cheminées sont au [p. 439] nombre de trois. Quard il est bien sec, on acheve de le remplir tres - exactement avec de la brique bien seche, qu'on maçonne avec de la terre à noyau. S'il lui arrive de se resserrer & de diminuer en séchant, on le hache & on le renfle avec la même terre dont on l'a construit. Pour s'assûrer s'il est solide, on le frappe; s'il sonne creux, il a quelque défaut, il n'est pas plein.

Quand le noyau du cheval d'une statue équestre est dans cet état, on éleve les assises de la figure; on y ajuste les armatures, & l'on coule le restant du noyau avec la même composition, observant de pratiquer au - dedans de la figure des jets qui conduisent le métal aux parties coudées en montant: sans cette précaution, ces parties resteroient vuides.

Quand le noyau est achevé, on démonte toutes les assises, en commençant par le haut; on soûtient par des piliers butans les traverses principales de l'armature, qui percent les cires à mesure qu'on les découvre: on dépouille ensuite toutes les pieces de cire; on pratique sur le noyau des repaires, pour les mettre à leur place; on les place, & on a une figure en cire toute semblable au modele.

Pour fixer les cires sur le noyau, on y enfonce d'espace en espace des clous à tête large, sur lesquels on construit une espece de treillis avec du fil d'archal. Ce treillis sert à soûtenir les cires. On les lie encore entr'elles avec de la cire chaude, qu'on coule dans leurs jointures, ensorte qu'il ne reste aucun vuide. On acheve alors de réparer les cires assemblées; car on avoit déjà fort avancé le reparage, quand elles étoient par pieces détachées. On se sert dans cette manoeuvre de l'ébauchoire & d'une toile dure & neuve, imbibée d'huile, avec laquelle on suit les contours du nud & des draperies: on pose ensuite les égoût des cires, les jets & les évents.

Les jets, les évents, & les égoûts des cires sont des tuyaux de cire que l'on pose sur une figure après que la cire a été reparée. Ces tuyaux de cire étant ensuite enduits de la même terre que le moule, forment sur toute la figure & dans le moule de potée des canaux à trois usages: les uns servent d'égoúts aux cires, & se nomment égoûts; les autres conduisent le métal du sourneau à toutes les parties de l'ouvrage, & s'appellent jets; les autres sont des évents qui font une issue à l'air renfermé dans l'espace qu'occupoient les cires, & retiennent le no d'évents. Sans cette précaution, l'air comprimé par le métal à mesure qu'il descendroit, pourroit faire sendre le moule.

On fait les tuyaux de cire, creux comme des chalumeaux; ce qui les rend légers, & emporte moins de cire que s'ils étoient solides. Voici comment on les coule. On a des morceaux de bois tournés du diâmetre qu'on veut donner à ces canaux, & de deux piés de long ou enviton: on construit sur ces petits cylindres un moule de plâtre de deux pieces égales, & fermé par un des bouts: en l'imbibe bien d'huile; on le remplit de cire: quand il est plem, on le secoue bien: à l'approche du plâtre, la cire se fige: on renverse ce qui n'est pas figé: il reste une douille creuse, à laquelle on donne l'épaisseur qu'on veut, en recommençant de remplir de cire & de renverser.

Quand ces douilles ou tuyaux sont préparés en quantité suffisante, on les dispose sur la figure à deux pouces de sa surface. On commence par les égoûts de cire, qui servent par la suite de jets: ils sont soûtenus autour de l'ouvrage par des attaches ou bouts de tuyaux menus, soudés par un bout contre les cires de l'ouvrage, & de l'autre contre les égoûts. Il faut des égoûts à tous les endroits qui ont une pente marquée. Il y en a aux statues équestres à chaque pié du cheval, à chaque pié de la figure, à la queue du cheval, deux sous le ventre: on pose ensuite & de la même maniere, les jets & les évents.

Chaque ouvrier a sa maniere d'attacher. La bonne, c'est d'incliner les attaches des jets en descendant vers la figure, & par conséquent de couler la figure par le haut. Le diametre des jets, des égoûts, & des évents, est déterminé par la grandeur de l'ouvrage. Ils avoient les dimensions luivantes dans la sonte de la statue équestre de Louis XIV. dont nous avons déjà parlé. Les trois principaux jets, trois pouces quatre lignes de diametre; les jets moins forts, 21, 18, 15, 12, 9 lignes; les évents par le haut, 30 & 24 lignes de diametre, & en descendant, 13, 12, 9 lignes: les égoûts avoient les mêmes dimensions que les évents.

Quand on a poussé l'ouvrage jusqu'au point où nous venons de le conduire, on travaille au moule de potée & de terre. On prend trois sixiemes de terre de Châtillon, village à deux lieues de Paris, qu'on méle avec une sixieme partie de fiente de cheval; on a laissé pourrir ce mêlange dans une fosse pendant un hyver. A ce mêlange, on ajoûte ensuite deux sixiemes de creusets blancs & passés au tamis. On détrempe le tout avec de l'urine; on le broye sur une pierre; on en fait ainsi une potée très - fine. On commence par en mettre sur la cire, avec une brosse, quatre couches mêlées de blanc d'oeuf; puis on mêle un peu de poil fouetté & passé par les baguettes, avec la composition précédente. On donne avec ce nouveau mêlange vingt - quatre autres couches; observant de ne point appliquer une couche que la précédente ne soit bien sece: le moule prend ainsi environ un demi - pouce d'épaisseur. On ajoûte alors à la composition nouvelle moitié de terre rouge, de même qualité que celle du noyau, ayant soin de remplir les creux & autres lieux étroits où la brosse n'a pû pénétrer, avec cette composition un peu épaisse. Le moule a, à la quarantieme couche, environ deux pouces d'épaisseur. On met alors sous la figure, s'il en est besoin, sous le ventre du cheval, si c'est une statue équestre, des barres menues de fer plat, croisée, les unes sur les autres, entrelacées de fil de fer, & attachées aux gros fers de l'armature du noyau, qui percent les cires. Ces barres servent à soûlever les parties inférieures du moule, & à les empêcher de se détacher des cires. On pratique le même bandage sur le reste de la figure, par - tout où l'on craint que le moule ne fléchisse. On couvre ce premier bandage de terre rouge seule, délayée avec la bourre qu'on couche avec les doigts, jusqu'à ce que le moule ait envion huit pouces d'épaisseur par bas, & six pouces par haut.

Il faut avoir soin, avant que de commencer le moule de potée, de couper la cire en quelques endroits, afin d'avoir une ouverture à la bronze pour tirer du dedans de la figure les fers superflus de l'armature avec le noyau. En ces endroits on joint les terres du noyau avec le moule: mais on pratique des rebords de cire, dont le métal remplira l'espace; ce métal débordant sera rabattu dans la suite, & servira à boucher l'ouverture pratiquée.

Cent cinquante couches achevent l'épaisseur du moule, sur lequel on pose ensuite des bandages de fer pour le rendre solide, & empêcher que la terre qui perd de sa force par le recuit, ne s'éboule. Ces bandages sont de fers plats, disposés en réseau toute la figure en est couverte. On en remplit les mailles de terre & de tuileau. On place les tuileaux aux endroits où les fers du bandage ne touchent pas le moule. Sur ce bandage, on en pose un second, de maniere que les fers qui forment les mailles ou quarrés de ce second, croisent & coupent les mailles ou quarrés du premier. On remplit pareillement les endroits où ces barres ne touchent pas le moule, de terre & de tuileaux; & le reste des mailles, de la même terre. Dans toutes ces opérations, le moule a pris dix pou<pb->

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