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Le faste n'est pas le luxe. On peut vivre avec luxe
dans sa maison sans faste, c'est - à - dire sans se parer
en public d'une opulence révoltante. On ne peut
avoir de faste sans luxe. Le faste est l'étalage des dépenses
que le luxe coûte. Art. de M.
On se sert plus communément du mot faste, pour exprimer cet appareil de magnificence; ce luxe d'apparence, & non de commodité, par lequel les grands prétendent annoncer leur rang au reste des hommes. Ils ont presque tous du faste dans les manieres: c'est un des signes par lesquels ils font reconnoître leur état. Dans les pays où ils ont part au gouvernement, ils ont de la morgue & du dédain: dans les pays où ils ont moins de crédit que de prétentions, ils ont une politesse qui a son faste, & par laquelle ils cherchent à plaire sans commettre leur rang.
On demande si dans ce siecle éclairé il est encore utile que les hommes qui commandent aux nations, annoncent la grandeur & la puissance des nations par des dépenses excessives, & par le luxe le plus fastueux? Les peuples de l'Europe sont assez instruits de leurs forces mutuelles, pour distinguer chez leurs voisins un vain luxe d'une véritable opulence. Une nation auroit plus de respect pour des chefs qui l'enrichiroient, que pour des chefs qui voudroient la faire passer pour riche. Des provinces peuplées, des armées disciplinées, des finances en bon ordre, imposeroient plus aux étrangers & aux cito y ens, que la magnificence de la cour. Le seui faste qui convienne à de grands peuples, ce sont les monumens, les grands ouvrages, & ces prodiges de l'art qui font admirer le génie autant qu'ils ajoûtent à l'idée de la puissance.
Varron dans un endroit dérive le nom de fastes de fari, parler, quia jus fari licèbat; & en un autre endroit il le fait venir de fas, terme qui signifie proprement loi divine, & est différent de jus, qui signifie seulement loi humaine.
Mais les fastes, quelle qu'en soit l'étymologie, & dans quelque signification qu'on les prenne, n'etoient point connus des Romains sous Romulus. Les jours leur étoient tous indifférens, & leur année composée de dix mois selon quelques - uns, ou de douze selon d'autres, bien loin d'avoir aucune distinction certaine pour les jours, n'en avoit pas même pour les saisons, puisqu'il devoit arriver nécessairement plûtôt ou plûtard que les grandes chaleurs se fissent quelquefois senur au milieu de Mars, & qu'il gelât à glace au milieu de Juin: en un mot Romulus étoit
Tout changea sous Numa: ce prince établit un ordre constant dans les choses. Après s'être concilié l'autorité, que la grandeur de son mérite & la fiction de son commerce avec les dieux pouvoient lui attirer, il fit plusieurs reglemens, tant pour la religion, que pour la politique; mais avant tout, il ajusta son année de douze mois au cours & aux phases de la Lune; & des jours qui composoient chaque mois, il destina les uns aux affaires, & les autres au repos. Les premiers furent appellés dies fasti, les derniers dies nefasti; comme qui diroit jours permis, & jours defendus. Voilà la premiere origine des fastes.
Il paroît que le dessein de Numa fut seulement d'empêcher qu'on ne pût quand on voudroit, convoquer les tribus & les curies, pour établir de nouvelles lois, ou pour faire de nouveaux magistrats: mais par une pratique constamment observée depuis ce prince jusqu'à l'empereur Auguste, c'est - à - dire pendant l'espace d'environ 660 ans, ces jours permis & défendus, fasti & nefasti, furent entendus des Romains, aussi bien pour l'administration de la justice entre les particuliers, que pour le maniment des affaires entre les magistrats. Quoi qu'il en soit, Numa voulut faire sentir à ses peuples que l'obtervation réguliere de ces jours permis & non - permis, étoient pour eux un point de religion, qu'ils ne pouvoient négliger sans crime: de - là vient que fas & n fas dans les bons auteurs, signifie ce qui est conforme ou contraire à la volonté des dieux.
On fit donc un livre où tous les mois de l'année, à commencer par Janvier, furent placés dans leur ordre, ainsi que les jours, avec la qualité que Numa leur avoit assignée. Ce livre fut appellé fasti, du nom des principaux jours qu'il contenoit. Dans le même livre se trouvoit une autre division de jours nommés festi, prefesti, intercisi, auxquels furent ajoûtés dans la suite, dies senatorü, dies comitiàles, dies proeliares, dies fausti, dies atri, c'est - à - dire des jours destinés au culte religieux des divinités, au travail manuel dès hommes, des jours partagés entre les uns & les autres, des jours indiqués pour les assemblées du sénat, des jours pour l'élection des màgistrats, dès jours propres à livrer bataille, des jours marqués par quelque heureux évenement, ou par quelque calamité publique. Mais toutes ces différentes especes se trouvoient dans la premiere subdivision de dies fasti & nefasti.
Cette division des jours étant un point de religion, Numa en déposa le livre entre les mains des pontifes, lesquels joüissant d'une autorité souveraine dans les choses qui n'avoient point été reglées par le monarque, pouvoient ajoûter aux fêtes ce qu'ils jugeoient à - propos: mais quand ils vouloient apporter quelque changement à ce qui avoit été une fois établi & confirmé par un long usage, il falloit que leur projet fût autorisé par un decret du sénat: par exemple, le 15 de devant les ides du mois Sextilis, c'est à dire le 17 de Juin, étoit un jour de fête & de réjoüissance dans Rome; mais la perte déplorable des 300 Fabius auprès du fleuve de Crémera l'an de Rome 276, & la défaite honteuse de l'armée romaine auprès du fleuve Allia par les Gaulois l'an 372, firent convertir ce jour de fête en jour de tristesse.
Les pontifes furent déclarés les dépositaires uniques
& perpétuels des fastes; & ce privilége de posséder
le livre des fastes à l'exclusion de toutes autres
personnes, leur donna une autorité singuliere. Ils
pouvoient sous prétexte des fastes ou néfastes, avancer
ou reculer le jugement des affaires les plus importantes,
& traverier les desseins les mieux concertés
des magistrats & des particuliers. Entin, com<pb->
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