ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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au lieu que je devrois dire le rouge est en moi une maniere d'appercevoir le cercle, je dis, le rouge est une maniere d'être du cercle apperçu. Les couleurs sont un enduit dont nous couvrons les objets corporels; & comme les corps sont le soutien de ces petits mouvemens qui nous manifestent leur existence, nous regardons ces mêmes corps comme le soutien de la perception confuse que nous avons de ces mouvemens, ne pouvant, comme cela arrive toujours dans les perceptions confuses, séparer l'objet d'avec la perception.

La remarque que nous venons de faire sur l'erreur de notre jugement, par rapport aux perceptions confuses, nous aide à comprendre pourquoi l'ame ayant une telle sensation de son propre corps, se confond avec lui, & lui attribue ses propres sensations. C'est que d'un côté elle a l'idée claire de son corps, & le distingue aisément d'elle - même; d'autre côté elle a un amas de perceptions indistinctes qui ont pour objet l'économie générale des mouvemens qui se passent dans toutes les parties de ce corps, de - là vient qu'elle attribue au corps dont elle a en gros l'idée distincte, ces mêmes perceptions confuses, & croit que le corps se sent lui - même, tandis que c'est elle qui sent le corps. Delà vientqu'elle s'imagine que l'oreille entend, que l'oeil voit, que le doigt souffre la douleur d'une piquûre, tandis que c'est l'ame elle - même, entant qu'attentive aux mouvemens du corps, qui fait tout cela.

Pour les objets extérieurs, l'ame n'a avec eux qu'une union médiate, qui la garantit plus ou moins de l'erreur, mais qui ne l'en sauve pas tout - à - fait. Elle les discerne d'avec elle - meme, parce qu'elle les regarde comme les causes des divers changemens qui lui arrivent; cependant elle se confond encore avec eux à quelques égards, en leur attribuant ses sensations de couleur, de son, de chaleur, comme leurs propriétés inhérentes, par la même raison qui la faisoit se confondre elle - même avec son corps, en disant bonnement, c'est mon oeil qui voit les couleurs, c'est mon oreille qui entend les sons, &c.

Mais d'où vient qu'il arrive que parmi nos sensations diverses, nous attribuons les unes aux objets extérieurs, d'autres à nous - mêmes, & que par rapport à quelques - unes nous sommes indécis, ne sachant trop qu'en croire, lorsque nous n'en jugeons que par les sens? Le P. Mallebranche distingue trois sortes de sensations; les unes fortes & vives, les autres foibles & languissantes, & enfin des moyennes entre les unes & les autres. Les sensations fortes & vives sont celles qui étonnent l'esprit & qui le réveillent avec quelque force, par ce qu'elles lui sont fort agréables ou fort incommodes; or l'ame ne peut s'empêcher de reconnoître que de telles sensations lui appartiennent en quelque façon. Ainsi elle juge que le froid & le chaud ne sont pas seulement dans la glace & dans le feu, mais qu'ils sont aussi dans ses propres mains. Pour les sensations foibles, qui touchent fort peu l'ame, nous ne croyons pas qu'elles nous appartiennent, ni qu'elles soient dans notre propre corps, mais seulement dans les objets que nous en revêtons. La raison pour laquelle nous ne voyons point d'abord que les couleurs, les odeurs, les saveurs, & toutes les autres sensations, sont des modifications de notre ame, c'est que nous n'en avons point d'idée claire de cette ame. Cette ignorance sait que nous ne savons point par une simple vûe, mais par le seul raisonnement, si la lumiere, les couleurs, les sons, les odeurs, sont ou ne sont pas des modifications de notre ame. Mais pour les sensations vives, nous jugeons facilement qu'elles sont en nous, à cause que nous sentons bien qu'elles nous touchent, & que nous n'avons pas besoin de les connoître par leurs idées pour savoir qu'elles nous appartiennent. Pour les sensations mitoyennes, qui touchent lame médiocrement, comme une grande lumiere, un son violent, l'ame s'y trouve fort embarrassée.

Si vous demandez à ce pere pourquoi cette institution du créateur, il vous répondra que les fortes sensations étant capables de nuire à nos membres, il est à - propos que nous soyons avertis quand ils en sont attaqués, afin d'empêcher qu'ils n'en soient offensés; mais il n'en est pas de même des couleurs, qui ne peuvent d'ordinaire blesser le fond de l'oeil où elles se rassemblent, & par conséquent il nous est inutile de savoir qu'elles y sont peintes. Ces couleurs ne nous sont nécessaires que pour connoître plus distinctement les objers, & c'est pour cela que nos sens nous portent à les attribuer seulement aux objets. Ainsi les jugemens, conclut - il, auxquels les impressions de nos sens nous portent, sont très - justes, si on les considere par rapport à la conservation du corps; mais tout - à - fait bisarres & très - éloignés de la vérité, si on les considere par rapport à ce que les corps sont en eux - mêmes.

SENSE

SENSE, adj. (Gram.) qui a l'esprit droit & juste, de l'expérience, du jugement, & qui est peu sujet à se tromper, soit qu'il parle, soit qu'il agisse. Si ce mot s'applique à une chose, cette chose supposera toutes les qualités que nous venons d'attribuer à la personne. On dit un homme sensé. L'autorité d'un homme sensé est en certains cas de fait de plus grand poids que celle de vingt hommes d'esprit. On dit une réponse sensée.

SENSET, le

SENSET, le, ou la SANSSE, (Géog. mod.) petite riviere des Pays - bas; elle prend sa source en Artois, auprès du village de Boilioux, & se perd à Bouchain dans l'Escaut. (D. J.)

SENSIBILITE, SENTIMENT

SENSIBILITE, SENTIMENT, (Médecine) la faculté de sentir, le principe sensitif, ou le sentiment même des parties, la base & l'agent conservateur de la vie, l'animalité par excellence, le plus beau, le plus singulier phénomène de la nature, &c.

La sensibilité est dans le corps vivant, une propriété qu'ont certaines parties de percevoir les impressions des objets externes, & de produire en conséquence des mouvemens proportionnés au degré d'intensité de cette perception.

La premiere de ces actions est ce qu'on appelle le sentiment, sensatio, sensus, à l'égard duquel la sensibilité n'est qu'une faculté, une puissance reduite en acte, potentia in actum redacta, comme on parle dans les écoles: or le sentiment se définit une fonction de l'animal, qui le constitue tel, & distinct, par - là, des êtres inanimés; il consiste essentiellement dans une intelligence purement animale, qui discerne l'utile ou le nuisible, des objets physiques.

La seconde action ou la mobilité, n'est que l'expression muette de ce même sentiment, c'est - à - dire, l'impulsion qui nous porte vers ces objets, ou nous en éloigne: ainsi l'araignée se contracte toute en elle - même; les limaçons retirent soudainement leurs cornes, lorsqu'ils se sentent piqués ou blesses; au contraire ces mêmes animaux se dilatent, s'épanouissent, pour ainsi dire, se dressent, eriguntur, à l'approche des objets qu'ils reconnoissent leur être utiles, ou qui flattent agréablement leur sensibilité. C'est dans ce double rapport d'actions si étroitement liées entr'elles, que l'imagination peut seule les suivre ou les distinguer, que la sensibilité doit être considerée, & ses phénomènes estimés.

Les anciens philosophes & médecins ont parlé de la sensibilité comme d'un objet qui leur étoit familier, & qui sembloit fait pour leur génie, c'est toujours à un principe sentant & se mouvant en soi, aux facultés de l'ame animale ou corporelle, que sont livrées dans la plûpart de leurs écrits, toutes les fonctions du corps animal. Les différentes sectes ont employé à désigner ce principe, des expressions conformes à leur enthousiasme, ou à leur maniere de philosopher; tels sont les mots ORMH/ H/, impetus, appetitio, de l'an<pb->

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