Jean-François FÉRAUD: Dictionaire critique de la langue française. Marseille, Mossy,  1787-1788, 3 vol. Fol. 

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honte, et aûtres que nous avons raportés, il ne faut pas croire que cela s'étende à tous les substantifs. Les Poètes en abusaient autrefois. On trouve plusieurs exemples de cet abus dans Corneille et Molière.
   J'aurai pour vous respect jusques au monument.
"J'ai joie à vous voir; j'ai soupçon que; j'ai dépit de. "Son exemple auroît force. "Ils ont aversion pour, etc. Il faut, du respect, de la joie, du soupçon, du dépit, de la force, de l'aversion, etc. M. Moreau, qui aime à retrancher l'article après plusieurs verbes, le suprime sur-tout après le v. avoir. "La Commune, qui souvent avoit la force en main, s' acoutuma à croire qu'elle avoit autorité. "Ils n' eurent d'abord que surveillance. "Il y eut et variété dans les stipulations, et progrès dans les entreprises.
   2°. Suivant que ces noms, que régit avoir, ont l'article indéfini ou défini, ce verbe demande de ou à devant l'infinitif. On dit: avoir du plaisir, de la satisfaction, de la peine à faire, etc. et avoir le plaisir, la satisfaction, la peine de faire, etc. La phrâse suivante pèche contre cette règle, ou elle est mal apliquée. "Celui qui vous aime, ne doit pas avoir de plus grande satisfaction qu'à se soumettre à votre volonté. Saci, Imitat. de J. C. Il falait, que de se soumettre; parce que, quoique le de devant satisfaction paraisse indéfini, il est réellement défini et déterminé par le superlatif plus grande; c'est comme si l'on disait: la plus grande satisfaction que puisse avoir celui qui vous aime, est de faire votre volonté. — Quand avoir est impersonel, il régit toujours à: "Il y a du plaisir à faire, etc.
   * 3°. On disait autrefois avoir avec des adjectifs. "Je vous ai contraire, favorable, etc. c. à. d. vous m' êtes contraire, favorable. Voiture le dit souvent.
   4°. AVOIR, régit souvent la prép. à devant l'infinitif, pour signifier la disposition, l'obligation ou la volonté où l'on est. J' ai à vous remercier; j'ai à parler à un tel, etc. Ce qu'il y a de particulier dans cette manière de parler, c'est que les noms précèdent les verbes, qui les régissent, et semblent régis par avoir: J'ai plusieurs lettres à faire, plusieurs visites à rendre. On pourrait dire aussi: j'ai à faire plusieurs lettres, à rendre plusieurs visites; mais cela ne serait pas si bien. = N'avoir que, avoir seulement.
   Je n'ai qu'à dire un mot, & vous êtes perdu.

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