Dictionnaire de l'Académie Française, 8th edition (1932-5)

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PRÉFACE


QUATRE rééditions du Dictionnaire de l'Académie, publié pour la première fois en 1694, ont
paru au XVIIIe siècle, deux seulement au XIXe. La dernière date de 1877. Il y a donc plus
d'un demi-siècle que la Compagnie n'a présenté une forme nouvelle de son oeuvre. Il serait
injuste de la taxer d'indifférence à l'égard de la principale des obligations que lui a imposées
son illustre fondateur. Durant cette longue période, et sans en excepter les années de la grande
guerre, le travail de la Commission du Dictionnaire et celui de l'Académie réunie en séance
n'ont jamais été interrompus. La vérité est que, vers la fin du XIXe siècle, époque où l'on aurait
pu s'attendre à la publication d'une nouvelle édition, l'Académie a dû faire face à une tâche
que ses prédécesseurs avaient sans doute connue, mais que des circonstances particulières
rendaient singulièrement plus ample et plus délicate.

Sans songer à adopter le système encyclopédique de Furetière, " l'Académie, lit-on dans la
Préface de la première édition, en bannissant de son Dictionnaire les termes des Arts et des
Sciences, n'a pas creu devoir estendre cette exclusion jusques sur ceux qui sont devenus fort
communs, ou qui, ayant passé dans le discours ordinaire, ont formé des façons de parler figurées ".
L'infiltration dans l'usage commun de ces termes spéciaux, très lente d'abord, s'accéléra forcé-
ment à partir du XVIIIe siècle, à mesure que le goût des sciences se répandait dans la société.
Aussi n'est-on pas étonné de lire dans la Préface de l'édition de 1762 : " Nous avons donc cru
devoir admettre dans cette nouvelle Édition les termes élémentaires des Sciences, des Arts, et
même ceux des Métiers qu'un homme de lettres est dans le cas de trouver dans des ouvrages où
l'on ne traite pas expressément des matières auxquelles ces termes appartiennent. " Et un peu
plus d'un siècle après, en 1877, l'Académie acceptait l'introduction dans son Dictionnaire de plus
de 2 000 mots nouveaux, dont presque tous étaient de provenance scientifique ou technique.

Aux dernières années du XIXe siècle, quand l'Académie s'occupa de préparer une nouvelle
édition de son Dictionnaire, elle se trouva en présence d'une brusque pénétration des vocabu-
laires des Sciences et des Arts dans le parler de tous qui, depuis, ne devait plus cesser de s'enfler
démesurément d'année en année. Non seulement les sciences déjà constituées se renouvelèrent,
mais d'autres prirent naissance, comportant en bien des cas des applications à l'industrie.
D'autre part, de notables transformations s'opéraient dans l'ordre économique, social et poli-
tique. De là un grand nombre de mots nouveaux aussitôt vulgarisés par la conversation, par
la presse et par l'école. Quel adolescent de nos jours ne connaît pas par leur nom les différentes
pièces d'une automobile? De quel artisan, de quel paysan de France restent ignorés des termes
tels que microbe, sanatorium, otite, diphtérie, hydravion, commutateur, carburateur, court-circuit?

Mais, dans cet afflux de vocables nouveaux, il en est beaucoup dont l'existence ne peut être
qu'éphémère. Les uns disparaîtront avec les objets, eux-mêmes éphémères, qu'ils représentent;
d'autres, qui se sentent de l'improvisation, seront remplacés par des dénominations plus exactes;

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