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GIBIER (Page 7:658)
GIBIER, s. m. (Chasse.) c'est en général tout ce qui est la proie du chasseur; ainsi les loups, les renards, &c. sont gibier pour ceux qui les chassent; les buzes, les corneilles, sont gibier dans la Fauconnerie, &c. Cependant ce nom est plus particulierement affecté aux animaux sauvages qui servent à la nourriture de l'homme. Si l'on parle d'une forêt bien peuplée de gibier, on veut dire qu'il y a beaucoup de cerfs, de daims, de chevreuils, &c. Une terre giboyeuse est celle où l'on trouve abondamment des lievres, des lapins, des perdrix, &c.
La propriété des terres étant établie, il paroît que celle du gibier qu'elles nourrissent devroit en être
La reserve de la chasse à la classe des nobles, a dû être une suite naturelle du gouvernement militaire. Les cultivateurs étoient serfs; les nobles avoient en main l'autorité & la force: il leur falloit bien pendant la paix un exercice indépendant, qui ne leur laissât pas oublier la guerre. Cette police est peut - être fort avantageuse en elle - même; la liberté de chasser donnée à tout le monde, pourroit enlever beaucoup de bras à l'Agriculture, qui déjà n'en a pas assez. Mais ce qui ne peut être utile à rien, c'est la conservation d'une excessive quantité de gibier, surtout des especes qui détruisent les récoltes. Quelques êtres accablés du poids de leur inutilité, pour se ménager des occasions de se fuir, font gémir sous le poids de l'amertume & de la misere, une foule d'hommes respectables par leurs travaux & leur honnêteté: mais en blâmant les goûts excessifs, nous devons servir ceux qui sont raisonnables. La conservation de certaines especes de gibier peut être agréable & utile sans beaucoup d'inconvéniens. On en a fait un art qui a des regles, & qui demande quelques connoissances. Nous allons dire ce qu'il est essentiel de savoir là - dessus.
Il y a plusieurs especes qui ne demandent que des soins ordinaires. La nature a destiné un certain nombre d'animaux à servir de nourriture à quelques autres; retranchez seulement les animaux carnassiers, vous porterez très loin la multiplication des autres: ainsi en détruisant les loups, vous aurez des cerfs, des chevreuils, &c. faites périr les renards, les fouines, les belettes, &c. vos bois se peupleront de lapins, vos plaines se couvriront de lievres, de maniere à vous incommoder vous même. La destruction des animaux carnassiers est donc le point le plus essentiel pour la conservation de toute espece de gibier; & le retranchement de ces animaux nuisibles, est un dédommagement du mal que le gibier peut faire lorsqu'il n'est pas excessivement abondant. La moindre négligence là - dessus rend inutiles tous les soins qu'on pourroit prendre d'ailleurs, & cela demande de la part de ceux qui en sont chargés beaucoup d'attention & d'habitude.
Ce soin principal n'est cependant pas le seul qu'exigent
les especes de menu gibier qu'on peut conserver
avec le moins d'inconvéniens; je parle des
perdrix grises, des perdrix rouges & des faisans.
Nous avons donné la maniere de les élever familierement
pour en peupler promptement une terre.
Voyez
Chacune de ces especes demande un pays disposé d'une maniere particuliere, & des soins propres que nous allons indiquer séparement. En réunissant ces dispositions & ces soins, on peut réunir & conserver les trois especes ensemble.
Les perdrix grises se plaisent principalement dans les plaines fertiles, chaudes, un peu sablonneuses, & où la récolte est hâtive. Elles fuyent les terres froides, ou du moins elles ne s'y multiplient jamais à un certain point. Cependant si des terres naturellement froides sont échauffées par de bons engrais, si elles sont marnées, &c. l'abondance des perdrix peut y devenir très - grande: voilà pourquoi les environs de Paris en sont peuplés à un point qui paroit prodigieux. Tous les engrais chauds que fournit cette grande ville, y sont répandus avec profusion, & il favorisent autant la multiplication du gibier, que la fécondité des terres. En supposant les mêmes soins, [p. 659]
La terre étant bien cultivée, les animaux destructeurs
étant pris avec soin, il faut encore pour la sûreté
& la tranquillité des perdrix grises, qu'une plaine
ne soit point nue, qu'on y rencontre de tems en
tems des remises plantées en bois, ou de simples buissons
fourrés d'épines: ces remises garantissent la
perdrix contre les oiseaux de proie, les enhardissent
à tenir la plaine, & leur font aimer celle qu'elles habitent.
Quand on n'a pour objet que la conservation,
il ne faut pas donner une grande étendue à ces remises;
il vaut mieux les multiplier; des buissons de six
perches de superficie seroient tres suffisans, s'ils n'étoient
placés qu'à cent toises les uns des autres; mais
si l'on a le dessein de retenir les perdrix après qu'elles
ont été chassées & battues dans la plaine, pour
les tirer commodément pendant l'hyver, on ne peut
pas donner aux remises une étendue moindre que
celle d'un arpent. La maniere de les planter est différente
aussi, selon l'usage qu'on en veut faire. Voyez
On peut être sûr que dans un pays ainsi disposé & gardé, on aura beaucoup de perdrix; mais l'abondance étant une fois établie, il ne faut pas vouloit la porter à l'excès. Il faut tous les ans ôter une partie des perdrix, sans quoi elles s'embarrasseroient l'une l'autre au tems de la ponte, & la multiplication en seroit moindre. C'est un bien dont on est contraint de jouir pour le conserver. La trop grande quantité de coqs est sur - tout pernicieuse. Les perdrix grises s'apparient; les coqs surabondans troublent les ménages établis, & les empêchent de produire: il est donc nécessaire que le nombre des coqs ne soit qu'egal à celui des poules; on peut même laisser un peu moins de coqs: quelques - uns se chargent alors de deux poules, & leur suffisent; elles pondent chacune dans un nid separé, mais fort près l'une de l'autre; leurs petits édlosent dans le même tems, & les deux familles se réunissent en une compagnie sous la conduite du pere & des deux meres. Voilà ce qui concerne la conservation des perdrix grises.
Les rouges cherchent naturellement un pays disposé d'une maniere dusserente; elles se plaisent dans les lieux élevés, secs & pleinsde gravier; elles cherchent les bois, sur - tout les jeunes taillis & les fourrés de toute cspece. Dans les pays où la nature seule les a établies, on les trouve sur les bruyeres, dans les roches; & quand on n'a d'elles que des soins ordinaires, elles ne paroissent pas se multiplier beaucoup. Les perdrix rouges sont plus sauvages & plus sensibles au froid que ne sont les grises: il leur faut donc plus de retraites qui les rassûrent, & plus d'abris qui pendant l'hyver les garantissent du vent & du froid. Les perdrix grises ne quittent point la plaine lorsqu'elles y sont en sûreté; elles y couchent & sont pendant tout le jour occupées du soin de chercher à vivre. Les perdrix rouges ont des heures plus marquées pour aller aux gagnages; elles sortent le soir deux heures avant le soleil couchant; le matin lorsque la chaleur se fait sentir, c'est - à - dire pendant l'été vers neuf heures, elles rentrent dans les bois & surtout dans les taillis, que nous avons dit leur être nécessaires. Il faut donc que le pays où l'on veut multiplier les perdrix rouges, soit mêlé de bois & de piaines; il faut encore que ces plaines, quoique voisines des bois, soient fourrées d'un assez grand nom<cb->
Les faitans se plaisent assez dans les lieux humides; mais avec de l'attention on peut en retenir partout où il y a du bois & du grain. Il faut aux faitans des taillis qui les couvrent, des arbres sur lesquels ils se perchent, des plaines fertiles qui les nourrissent, dans ces plaines des buissons qui les assûrent, & autant que tout cela une tranquillité profonde, qui seule peut les fixer. Si je voulois peupler d'une grande quantité de faisans un pays nud, je plinterois des bosquets de vingt arpens, à trois cents toises les uns des autres. Ces bosquets seroient divisés en quatre parties, dont chacune seroit coupée à l'âge de seize ans, afin qu'il y eût toûjours des taillis fourrés & dequoi percher. Les entre - deux de ces bosquets seroient cultivés comme la terre l'est ordinairement; une partie seroit semée en blé; l'autre en mars, pendant que le troisieme resteroit en jachere. Je voudrois outre cela planter à cent toises de chacun de ces grands bosquets, des buissons alongés en haies, qui établiroient la sûreté des faisans dans la plaine; & ces buissons serviroient à les faire tuer. Le terrein ainsi disposé, on ne tourmenteroit jamais les faisans dans les grands bosquets dont j'ai parlé; ils y trouveroient un asyle assûré, lorsqu'on les auroit chassés à la faveur des buissons. Si vous faites partir deux ou trois fois les faisans, ils s'effrayent & desertent. On espere en vain d'en retenir beaucoup par - tout où l'on chasse souvent. Ce seroit dans ces haies intermédiaires dont nous avons parlé, qu'on donneroit à manger aux faisans pendant l'hyver. L'orge & le sarrasin sont leur nourriture ordinaire; ils sont très - friands des féverolles: on peut aussi leur planter des topinambours; c'est une espece de pomme de terre qu'ils aiment, & qui sert à les retenir, parce qu'il leur faut beaucoup de tems pour la déterrer. Des qu'on s'apperçoit que la campagne ne fournit plus aux faisans beaucoup de nourriture; dès que les coqs commencent à s'ecarter, il faut leur jetter du grain: on ne leur en donne pas [p. 660]
Il faut découvrir le gason des prés pour les perdrix
grises. Pour cela on se sert de traîneaux triangulaires
qui doivent être fort pesans, & armés pardevant
d'une espece de soc de fer qui fende la neige.
On y attele un ou deux chevaux, & on attache sur
le derriere, pour faire l'office du balai, une bourrée
d'épines fort rudes, qu'on a soin de charger. Il faut
que des hommes balayent, le long des buissons au
midi, des places, pour donner à manger aux perdrix
rouges. Il faut pour les faisans répandre dans
différentes places du fumier, sur lequel on jette du
grain. Il est nécessaire qu'ils soient long - tems à le
trouver. Si on ne le leur donnoit pas de cette maniere,
il seroit dévoré sur le champ; & après cela leur
oisiveté & leur inquiétude naturelle les feroient deserter.
Malgré tous ces soins on perd encore beaucoup
de faisans, sur - tout pendant les brouiliards qui
sont fréquens à la fin de l'automne. Voilà ce que nous
connoissons de plus essentiel pour la conservation du
gibier. Les détails de pratique ne peuvent point être
écrits; mais ils ne seront ignorés d'aucun de ceux qui
voudront s'en instruire par l'usage. Nous en avons
peut - être trop dit, vû le peu d'importance de la matiere.
Le nombre de ceux qu'intéresse la conservation
du gibier, ne peut pas être comparé à la foule
d'honnêtes gens qu'elle tourmente. Nous ne devons
pas finir sans avertir ceux - ci, qu'en fumant leurs
terres un peu plus, & en semant leurs blés quinze
jours plûtôt, les faisans & les perdrix ne leur feront
qu'un leger dommage. A l'égard des lievres & des
lapins, leur abondance fait un tort auquel il n'y a
point de remede; on ne les multiplie qu'aux dépens
des autres especes de gibier, & à la ruine des recoltes.
Ce projet ne peut donc appartenir qu'à des hommes
qui ont oublié ce qu'ils sont, & ce qu'en cette
qualité ils doivent aux autres. Cet article est ce M.
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