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Jean-François Féraud: Dictionaire critique de la langue française (Marseille, Mossy 1787-1788)

BIEN (Page A270a)

BIEN, s. m. [Monosyllabe: en n'y a pas le son d'an. Un Auteur très-moderne fait rimer bien avec chagrin et avec refrein. Il prononce donc bein, comme font plusieurs: Je le veux bein. Cette prononciation ne vaut rien; ou comme prononcent les mêmes persones, ne vaut rein: prononciation normande.] 1°. Ce qui est bon, utile, avantageux, convenable. Le souverain bien; le bien public; rendre le bien pour le mal; il faut aler au bien de la chôse. — Faire du bien, se dit des persones et des chôses. "Il aime à faire du bien à tout le monde: "Cette saignée lui a fait du bien: "Cette succession a fait grand bien à ses afaires. = 2°. Religion, vertu, probité. Homme de bien, femme de bien, gens de bien. Aimer le bien, se porter, se tourner au bien. "Narbal déplora en homme de bien le malheur de Pigmalion. "Il se hâta de ralier tous les gens de bien, pour s'oposer à Adherbal. Télém. Voy. Honête homme, au mot HONNêTE. = 3°. Ce qu'on possède en argent, en fonds de terre, ou autrement. Avoir du bien; aquérir du bien; manquer de bien; être sans bien. Autrefois on l'employait pour bonheur, avantage: "J'ai le bien de vous conoître, écrit M. Arnaud à N. Perraut.
   On apèle, en style didactique, biens du corps, la santé, la force; biens de l'esprit, les talens; biens de l'âme, les vertus. "Les biens de l'âme sont préférables aux biens de l'esprit, et ceux-ci le sont aux biens du corps. L'Ab. Prévôt, dans l'Hist. des Voy. met souvent biens pour marchandises. "Ce qu'on apèle les biens secs, l'ivoire, l'or, la cire, etc. C'est un anglicisme. Voy. Dict. Angl. de Boyer, au mot GOOD.
   Vouloir du bien à... Aimer: "Alexandre Sévère, dans le temps qu'Héliogobale ne lui vouloit pas de bien; Font. — Dire du bien de... Louer: "Mde. de la Fayette vient de me mander que son fils est arrivé, qu'il lui a dit mille biens du vôtre. Sév.Sentir son bien; avoir l'air noble: "On ne cessoit de dire qu'il sentoit son bien, et qu'il ressembloit à Mde sa mère. Marm. Cette locution sent un peu le jargon moderne. — On dit, dans le style familier: grand bien vous fasse: "Prenez-en tant que vous voudrez, et grand bien vous fasse. Volt. — On dit, faire du bien, en parlant des chôses, ou faire grand bien: on l'a vu plus haut. Mde. de Sévigné dit, en ce sens: faire bien.: "Les eaux lui font très-bien depuis six jours. Cela n' est pas aussi conforme à l'usage. — Faire bien, signifie mieux, ce qui est dans l'ordre, et convenable. "Ce morceau fait bien dans cet endroit; cette figûre dans ce tableau. "Cet adjectif fait très-bien devant le substantif, etc. Il est-là adverbe.
   En bien, adv. Changement en bien. Parler en bien de tout le monde. Cela ne me touche ni en bien, ni en mal.

BIEN (Page A270b)

BIEN, adv. Qui sert à marquer un certain degré de perfection, d'avantage, de bonheur, etc. "Il se porte bien, il parle bien; tout va bien, etc. — Il signifie aussi, beaucoup, fort, extrêmement; il travaille bien, il mange bien; il y avait bien du monde, etc.
   Rem. 1°. BIEN est le seul adverbe de comparaison après lequel on mette l'article du, de l', ou des. On dit: beaucoup de monde, et bien du monde; peu d'argent, et bien de l'argent; plus ou moins de gens; et bien des gens, etc.
   2°. BIEN se met toujours après le verbe dans les temps simples, mais avec l'infinitif et les temps composés, il est mieux de le placer devant cet infinitif et le participe. "Il chante bien; il a bien chanté; il faut le bien faire, et non pas le faire bien; il a chanté bien.
   3°. BIEN, devant les adjectifs, régit quelquefois de et l'infinitif: "Vous êtes bien bon de vous gêner: "Tu es bien foible de t'afliger à cet excès.
   4°. BIEN, au comencement de la phrâse. Vaugelas le condamnait dans la prôse, mais il trouvait qu'il avait bone grâce en vers. On ne l'emploie plus que dans le style marotique.
   Bien est-il vrai qu'il parloit comme un livre.
       Ververt.
  Bien est-il vrai que par le temps mûri,
  D'autres leçons mon esprit s'est noûrri. Rouss.
  Bien le savez, Marot, mon maître cher.        Id.
  BIEN avec en et prendre, régit le datif, et est suivi de la conjonction que, ou de la prép. de. C'est la seule ocasion où il se mette à la tête de la phrâse dans la prôse. "Bien nous en prit qu'ils eussent saisi le bon moment. Voy. à la Mer du Sud. "Bien vous en a pris sur tout cela, de prendre les devans. Tart. Epist.
   Être bien, être joli; néologisme, qui a assez bien pris. "Je vous proteste que persone n'est moins avantageux que moi, et que si je suis bien, c'est sans le savoir. Marm.
   Lisidor, à la fin, a quité Doralise:
   Elle est bien, mais ma foi d'une horrible bêtise.
       Méchant.
Venir à bien; Réussir. "La natûre est prodigue en semences de plantes: il lui sufit que, sur un grand nombre de perdûes, il y en ait quelqu'une qui viène à bien.
   BIEN, à peu près, environ: "Il y a bien trois mois qu'il est parti. — Quelquefois il ne s' emploie que pour doner plus de force à ce qu'on dit. "Je le savois bien: "Aurez-vous bien la hardiesse de le soutenir?
   Bel et bien, adv. du style familier.
   Leur Avocat disoit qu'il faloit bel et bien
   Recourir aux Arrêts~, etc.        La Font.
* On dit: Il s'en faut de beaucoup, mais on ne doit pas dire, il s'en faut de bien, comme on dit en Provence; et c'est une nouvelle preuve que bien ne peut pas toujours se mettre à la place de beaucoup.
   * Quand bien et quand bien-même, sont vieux: "Il y a bien des persones, à qui je n'en voudrois pas dire autant, quand bien elles me tiendroient l'épée sur la gorge; Voit. On dit à présent, quand même.
   Trop bien pour fort bien, est du style marotique.
   Ta plume baptise
   De noms trop doux gens de tel acabit;
   Ce sont trop bien maroufles que Dieu fit.
       Rouss.
Le même Poète l'emploie ailleurs dans son sens naturel.
   Tu sais trop bien que le sage,
   De son loisir studieux
   Doit faire un plus noble usage.
   On dit, dans le Dict. Gramm. que bien que, pour quoique, encôre que, a fort vieilli. Nous ajoutons ici qu'il serait à souhaiter que l'usage le rapelât. L' Acad. le met sans remarque. On doit lui apliquer tout ce qu'on dit de quoique. Voy. ce mot. — On peut le mettre également bien, ou au commencement de la phrâse, ou au milieu, après le membre de la phrâse, auquel il répond. "Bien qu'il soit paûvre, il est honête homme, ou bien; il est honête homme, bien qu'il soit paûvre.
   Si bien que, De sorte que, est vieux aussi. Vaugelas blâmait ceux, qui ne voulaient pas s'en servir. Il n'est usité aujourd'hui que dans le style familier.
   Bien entendu que. Voy. ENTENDU.
   BIEN, beaucoup, fort (synon.) Voy. TRèS.


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