ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"132"> il seroit ridicule d'employer en ce sens le terme de bataille; celui d'action ne convient pas davantage.

Bataille (Page 2:132)

Bataille, s. f. (Ordre encycl. Entend. Raison, Phuilos. ou Science, Science de la nat. Mathématique, Mathématiques pures, Géométrie, Tactique.) c'est dans l'Art militaire, une action générale entre deux armées rangées en bataille, qui en viennent aux mains dans une campagne assez vaste pour que la plus grande partie puisse combattre. Les autres actions des troupes, quoique souvent plus meurtrieres que les batailles, ne doivent, selon M. de Feuquieres, se nommer que des combats.

Ainsi, suivant cet officier, l'attaque d'un poste ou d'un village retranché, ne doit point s'appeller bataille, mais un combat. Voyez Ordre de bataille & Armée .

Une bataille perdue est celle dans laquelle on abandonne le champ de bataille à l'ennemi, avec les morts & les blessés. Si l'armée se retire en bon ordre avec son artillerie & ses bagages, le fruit de la bataille se borne quelquefois à avoir essayé ses forces contre l'ennemi, & au gain du champ de bataille: mais si l'armée battue est obligée d'abandonner son canon & de se retirer en desordre, elle n'est plus en état de reparoître devant l'ennemi qu'elle n'ait réparé ses pertes; il se trouve par là maître de la campagne, & en état d'entreprendre des fiéges: c'est cette suite qui décide ordinairement du succès des batailles, dont il n'est pas rare de voir les deux partis s'attribuer l'avantage.

Un grand combat perdu, dit M. de Feuquieres, quoique plus sanglant qu'une bataille, emporte rarement la perte de toute l'artillerie, & presque jamais celle des bagages; parce que les armées n'ayant pû s'aborder par leur front, il est certain qu'elles n'ont pû souffrir que dans la partie qui a combattu; & que quoique pour attaquer ou pour soûtenir on ait successivement été obligé de se servir de nouvelles troupes tirées du front qui ne pouvoient combattre, l'action n'ayant pû cependant devenir générale, elle n'a pû produire qu'une plus grande ou moindre perte d'hommes, sans influer si absolument sur la suite d'une campagne & sur la décision pour la supériorité, que le peut faire une bataille rangée: elle ne peut produire ni la perte générale des bagages, ni celle de l'artillerie, mais seulement ce qui peut s'en être trouvé sur le terrein où les troupes ont combattu. Mémoires de Feuquieres.

Il suit de là qu'un général qui craint de se commettre avec un ennemi en rase campagne, doit chercher des postes de chicane, où sans faire agir toute son armée, il puisse attaquer l'ennemi sans s'exposer au hasard de perdre une bataille. Mais il faut convenir que si par ces especes de batailles on ne se met pas en danger d'être battu entierement, on ne peut non plus battre entierement l'ennemi, & l'empêcher de reparoître après le combat comme avant, pour s'opposer aux entreprises qu'on peut former.

L'histoire des batailles n'est proprement que l'histoire des défauts & des bévues des généraux: mais il est heureusement assez ordinaire que les méprises des deux généraux opposés se compensent réciproquement. L'un fait une fausse démarche; l'autre ne s'en apperçoit pas, ou il n'en sait tirer aucun avantage: de - là il n'en résulte aucune conséquence fâcheuse.

Les Mémoires de M. de Feuquieres sur la guerre, ne sont, pour ainsi dire, qu'un récit des inadvertances & des fautes des deux partis: à peine fait - il mention d'un seul général, excepté Turenne, le grand Condé & Luxembourg, dont la conduite soit autre chose qu'un tissu continuel de fautes. Créqui & Catinat, en certaines occasions, en faisoient de grandes, selon ce même officier, mais ils savoient les compenser par une conduite judicieuse en d'autres occasions. M. le chevalier de Folard trouve aussi très - peu de généraux dont la réputation soit nette à tous égards. Le marquis de Feuquieres, dont la grande capacité dans la guerre paroît par ses Mémoires, eût été un général du premier ordre, dit M. de Folard, s'il eût plû à certaines gens, à qui son mérite faisoit ombrage, de s'empresser un peu moins à travailler à sa disgrace & à le perdre dans l'esprit du roi, après l'avoir gâté dans l'esprit du ministre; ce qui fit perdre à ce prince un des meilleurs & des plus braves officiers généraux de ses armées, & qui le servoit mille fois mieux & avec plus de courage & d'intelligence que ses indignes ennemis.

Maniere de disposer les troupes dans une bataille rangée. Lorsqu'on a formé le dessein d'aller à l'ennemi, & qu'on est à portée de le pouvoir combattre, « il faut disposer les troupes pour arriver devant lui en bataille, sur deux lignes: l'infanterie au centre, & la cavalerie sur les ailes, si le terrein le permet; parce qu'il y a des pays si coupés & si fourrés, qu'il faut mettre des brigades d'infanterie ou de dragons aux flancs de la droite & de la gauche, pour empêcher l'ennemi d'en approcher. Il y a d'autres situations partagées par des plaines & des buissons, où l'on place dans les intervalles d'infanterie, des escadrons pour la soûtenir & profiter du terrein que l'on veut disputer.

Quand il y a de la difficulté à pénétrer l'ennemi, & que l'on veut emporter un poste, forcer une droite, une gauche, ou le centre, on doit disposer les troupes de maniere, qu'elles se présentent également de toutes parts à l'ennemi, pendant que le plus fort de l'armée arrive en colonne sur l'endroit que l'on veut pénétrer, qu'on attaque vivement & sans relâche. Un ennemi qui n'est point prevenu de cette disposition, se trouve bien - tôt renversé par un nombre supérieur, & on le poursuit avec ordre, pour achever de le mettre en déroute.

Il y a d'autres situations qu'il faut absolument rechercher avant d'attaquer l'ennemi. S'il est posté dans des pays fourrés & coupés de haies & de fossés, où son infanterie peut avoir beaucoup d'avantage, il faut le tourner ou le déplacer, de maniere que la cavalerie sur laquelle on compte beaucoup, puisse agir & partager le mérite d'une action, qu'il vaut mieux différer quelque tems, que de s'exposer à la manquer. Lorsque le général a des troupes de confiance à la droite, & qu'il connoît que le terrein de la gauche de son champ de bataille est avantageux pour les y faire combattre, il doit les y porter, & mettre à la droite les troupes de la gauche: ce sont des dispositions qu'il faut faire quelquefois; pour mieux s'opposer aux forces de l'ennemi, suivant l'avantage que la situation du lieu donne, & le projet que le général forme pour attaquer; c'est de quoi le coup d'oeil décide.

Il faut autant qu'il est possible, avoir un corps de reserve composé de bonnes troupes, cavalerie & infanterie. La cavalerie doit être en troisieme ligne en bataille, derriere le centre de l'infanterie de la seconde ligne, pour être en état de se porter où elle seroit utile, sans rien déplacer de la seconde ligne; il faut dérober, s'il est possible, à l'ennemi la connoissance de cette disposition. Dans le moment que la premiere ligne s'ébranle pour combattre, on fait aussitôt passer les bataillons de la réserve par les intervalles de la cavalerie de la seconde ligne, pour se porter brusquement dans les intervalles des escadrons de la premiere, en joignant l'escadron le plus proche de la droite & de la gauche de l'infanterie de cette ligne. Suivant cette disposition, qui peut être inconnue à l'ennemi, on peut par le feu de l'infanterie, mettre un [p. 133] grand desordre dans sa cavalerie, lorsqu'elle vient au coup de main. Si l'infanterie reste dans la même disposition, elle favorise toûjours le retour de la cavalerie, ou elle marche pour attaquer en flanc l'infanterie ennemie de la premiere ligne qu'elle déborderoit.

Il faut observer, en mettant en bataille la premiere ligne, de laisser aux deux ailes de cavalerie des intervalles assez spacieux pour ne rien déplacer devant l'ennemi, lorsque l'infanterie de la réserve vient s'y porter. Le général doit faire reconnoître de fort près les flancs de l'armée ennemie pour les déborder, les entamer, & les replier sur le centre, rien n'est plus avantageux, & ne décide plus promptement de la victoire; l'ennemi ne peut plus s'étendre, ni disposer du terrein dont il étoit le maître, il s'y voit resserré: les troupes n'y combattent plus qu'avec contrainte, ne se reconnoissant plus dans la mêlée, & ne cherchent qu'à se faire jour pour se sauver.

Lorsqu'on a pénétré la ligne par quelque endroit, il est très à propos de faire avancer dans le même moment des troupes de la seconde ligne, s'il n'y en a pas du corps de réserve qui soient à portée pour partager l'ennemi, & profiter de cet avantage par la supériorité, sans quoi on lui donne le tems de se rallier & de réparer les desordres où il se trouve. Il faut absolument conserver un grand ordre dans tous les avantages que l'on remporte, afin d'être plus en état de jetter la terreur dans les troupes ennemies, & empêcher leur ralliement; la disposition doit être faite de maniere, que si la premiere ligne étoit pénétrée, la seconde puisse la secourir, observant toûjours les intervalles nécessaires pour faire agir les troupes, & les former derriere celles qui seront en ordre: on doit attaquer la bayonnette au bout du fusil, les troupes qui ont pénétré la premiere ligne, les prendre de front, & par leurs flancs, afin de les renverser, & remplir à l'instant le même terrein qu'elles occupoient; c'est dans des coups si importans, que les officiers généraux les plus proches doivent animer par leur présence cette action, & faire couler des troupes de ce côté - là, pour les former sur plusieurs lignes, & rendre inutile l'entreprise de l'ennemi. Un général a bien lieu d'être content des officiers qui ont prévenu & arrêté ce premier desordre par leur diligence & leur valeur.

Il faut que le corps de réserve soit à portée de remplacer les troupes aux endroits où elles auront été prises, afin que J'ennemi ne voie rien de dérangé, & qu'il trouve par - tout le bon ordre & la même résistance.

Les commandans des régimens doivent avoir des officiers sur les ailes & au centre, pour contenir les soldats, & les avertir, que le premier qui se dérangera de sa troupe pour fuir ou autrement, sera tué sur le champ, afin que personne ne puisse sortir de son rang: avec cette précaution, on se présente toûjours à l'ennemi avec beaucoup d'ordre.

Dans un jour de bataille, le poste du général ne doit pas être fixé; il est obligé de se porter dans les endroits où sa présence est utile, soit pour surprendre l'ennemi par quelques attaques, soit pour secourir une droite, une gauche ou le centre, qui commenceroient à s'ébranler; ou faire avancer des troupes pour réparer ce qui seroit dérangé, parcourir la premiere ligne, y animer les troupes, & en même tems jetter le coup d'oeil sur les forces & la situation de l'ennemi, pour en découvrir le foible, & en profiter par des détachemens que l'on fait marcher.

Tous les lieutenans généraux & maréchaux de camp doivent être aux postes marqués par l'ordre de bataille, pour conduire les troupes des ailes & du centre de l'armée; les brigadiers à la tête de leurs brigades pour les faire mouvoir suivant les ordres qu'ils en reçoivent, ou l'occasion; & lorsque dans l'action ils sont partagés par un mouvement brusque de l'ennemi, ils doivent prendre sur le champ le parti de se faire jour, rejoindre leurs troupes, ou de se jetter dans quelque poste, pour empêcher l'ennemi de pénétrer plus loin: par ces démarches hardies & faites à propos, on répare le desordre qui peut être arrivé.

Le major général de l'infanterie, ses aides - majors, le maréchal - de - logis de l'armée, de la cavalerie, des dragons, & le major de l'artillerie, doivent tous suivre le général pour porter ses ordres, & les faire exécuter promptement; le capitaine des guides doit aussi l'accompagner pour conduire les troupes, & lui expliquer la situation du pays. Les colonels, lieutenans - colonels, majors de brigades, aides - majors des régimens, doivent tous avoir une grande attention de se tenir à leur troupe, & de faire observer un grand silence pour bien entendre le commandement, & le faire exécuter dans l'instant même. C'est une chose essentielle pour bien combattre l'ennemi & le prévenir dans ses démarches.

Dans le tems même que l'on fait une disposition pour combattre, tout le canon de l'armée doit se placer par brigade devant la premiere ligne, & autant qu'il est possible devant l'infanterie aux endroits les plus élevés, pour faire feu sur tout le front de l'armée ennemie. Lorsque toutes les lignes s'ébranlent pour charger, l'on peut se servir de petites pieces dans les intervalles de l'infanterie, pour faire des décharges à portée de l'ennemi, & rompre son premier rang; après cette décharge, les officiers d'artillerie les font rentrer aussi - tôt dans l'intervalle des deux lignes, pour les faire recharger, & les avancer lorsqu'on leur ordonne.

Il est très - important que les officiers généraux expliquent à ceux qui commandent les troupes sous eux, ce qu'ils doivent faire pour attaquer l'ennemi, suivant la disposition que le général a réglée, afin que dans une affaire de cette conséquence, tout agisse & soit animé du même esprit, & qu'au cas que quelques officiers généraux fussent tués ou blessés, on fût toûjours en état de suivre le même ordre pour combattre. Il faut aussi que l'on sache, en cas de besoin, le lieu de la retraite, & l'ordre pour se rallier de nuit; ce sont des choses trop importantes pour les oublier.

On doit observer, lorsque les troupes vont au combat, de ne pas permettre que les officiers des régimens détachent des soldats des compagnies pour la garde de leurs équipages; on y laisse au plus les éclopés, & les valets pour en avoir soin, avec un détachement de l'armée: mais lorsqu'on prévoit une action, il faut absolument renvoyer au moins les gros bagages sous une place, pour ne pas s'affoiblir inutilement ». Observations sur l'Art de fairè la guerre suivant les maximes des plus grands généraux.

Le succès des batailles ne dépend pas toûjours de l'habilité du général, & il lui est difficile de se trouver par - tout pour donner les ordres qui peuvent être nécessaires. « Lorsque deux armées s'ébranlent pour se charger, dit M. le maréchal de Puységur, dans son livre de l'Art de la guerre, que peut faire le général? courra - t - il le long de la ligne, ou restera - t - il en place? il n'a pour lors d'autre avantage sur les officiers généraux inférieurs, que celui de commander par préférence les troupes qui sont sous sa

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