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Bataille (Page 2:132)
Ainsi, suivant cet officier, l'attaque d'un poste ou
d'un village retranché, ne doit point s'appeller bataille, mais un combat. Voyez
Une bataille perdue est celle dans laquelle on abandonne le champ de bataille à l'ennemi, avec les morts & les blessés. Si l'armée se retire en bon ordre avec son artillerie & ses bagages, le fruit de la bataille se borne quelquefois à avoir essayé ses forces contre l'ennemi, & au gain du champ de bataille: mais si l'armée battue est obligée d'abandonner son canon & de se retirer en desordre, elle n'est plus en état de reparoître devant l'ennemi qu'elle n'ait réparé ses pertes; il se trouve par là maître de la campagne, & en état d'entreprendre des fiéges: c'est cette suite qui décide ordinairement du succès des batailles, dont il n'est pas rare de voir les deux partis s'attribuer l'avantage.
Un grand combat perdu, dit M. de Feuquieres, quoique plus sanglant qu'une bataille, emporte rarement la perte de toute l'artillerie, & presque jamais celle des bagages; parce que les armées n'ayant pû s'aborder par leur front, il est certain qu'elles n'ont pû souffrir que dans la partie qui a combattu; & que quoique pour attaquer ou pour soûtenir on ait successivement été obligé de se servir de nouvelles troupes tirées du front qui ne pouvoient combattre, l'action n'ayant pû cependant devenir générale, elle n'a pû produire qu'une plus grande ou moindre perte d'hommes, sans influer si absolument sur la suite d'une campagne & sur la décision pour la supériorité, que le peut faire une bataille rangée: elle ne peut produire ni la perte générale des bagages, ni celle de l'artillerie, mais seulement ce qui peut s'en être trouvé sur le terrein où les troupes ont combattu. Mémoires de Feuquieres.
Il suit de là qu'un général qui craint de se commettre avec un ennemi en rase campagne, doit chercher des postes de chicane, où sans faire agir toute son armée, il puisse attaquer l'ennemi sans s'exposer au hasard de perdre une bataille. Mais il faut convenir que si par ces especes de batailles on ne se met pas en danger d'être battu entierement, on ne peut non plus battre entierement l'ennemi, & l'empêcher de reparoître après le combat comme avant, pour s'opposer aux entreprises qu'on peut former.
L'histoire des batailles n'est proprement que l'histoire des défauts & des bévues des généraux: mais il est heureusement assez ordinaire que les méprises des deux généraux opposés se compensent réciproquement. L'un fait une fausse démarche; l'autre ne s'en apperçoit pas, ou il n'en sait tirer aucun avantage: de - là il n'en résulte aucune conséquence fâcheuse.
Les Mémoires de M. de Feuquieres sur la guerre, ne sont, pour ainsi dire, qu'un récit des inadvertances & des fautes des deux partis: à peine fait - il mention d'un seul général, excepté Turenne, le grand Condé & Luxembourg, dont la conduite soit autre chose qu'un tissu continuel de fautes. Créqui & Catinat, en certaines occasions, en faisoient de grandes, selon ce même officier, mais ils savoient les compenser par
Maniere de disposer les troupes dans une bataille rangée. Lorsqu'on a formé le dessein d'aller à l'ennemi,
& qu'on est à portée de le pouvoir combattre,
Quand il y a de la difficulté à pénétrer l'ennemi,
& que l'on veut emporter un poste, forcer
une droite, une gauche, ou le centre, on doit disposer
les troupes de maniere, qu'elles se présentent
également de toutes parts à l'ennemi, pendant que
le plus fort de l'armée arrive en colonne sur l'endroit
que l'on veut pénétrer, qu'on attaque vivement
& sans relâche. Un ennemi qui n'est point
prevenu de cette disposition, se trouve bien - tôt
renversé par un nombre supérieur, & on le poursuit
avec ordre, pour achever de le mettre en déroute.
Il y a d'autres situations qu'il faut absolument
rechercher avant d'attaquer l'ennemi. S'il est posté
dans des pays fourrés & coupés de haies & de fossés,
où son infanterie peut avoir beaucoup d'avantage,
il faut le tourner ou le déplacer, de maniere que
la cavalerie sur laquelle on compte beaucoup,
puisse agir & partager le mérite d'une action, qu'il
vaut mieux différer quelque tems, que de s'exposer
à la manquer. Lorsque le général a des troupes
de confiance à la droite, & qu'il connoît que le terrein
de la gauche de son champ de bataille est avantageux
pour les y faire combattre, il doit les y porter,
& mettre à la droite les troupes de la gauche:
ce sont des dispositions qu'il faut faire quelquefois;
pour mieux s'opposer aux forces de l'ennemi, suivant
l'avantage que la situation du lieu donne, & le
projet que le général forme pour attaquer; c'est de
quoi le coup d'oeil décide.
Il faut autant qu'il est possible, avoir un corps
de reserve composé de bonnes troupes, cavalerie
& infanterie. La cavalerie doit être en troisieme
ligne en bataille, derriere le centre de l'infanterie
de la seconde ligne, pour être en état de se porter
où elle seroit utile, sans rien déplacer de la seconde
ligne; il faut dérober, s'il est possible, à l'ennemi
la connoissance de cette disposition. Dans le moment
que la premiere ligne s'ébranle pour combattre,
on fait aussitôt passer les bataillons de la
réserve par les intervalles de la cavalerie de la seconde
ligne, pour se porter brusquement dans les
intervalles des escadrons de la premiere, en joignant
l'escadron le plus proche de la droite & de
la gauche de l'infanterie de cette ligne. Suivant
cette disposition, qui peut être inconnue à l'ennemi,
on peut par le feu de l'infanterie, mettre un
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Il faut observer, en mettant en bataille la premiere
ligne, de laisser aux deux ailes de cavalerie
des intervalles assez spacieux pour ne rien déplacer
devant l'ennemi, lorsque l'infanterie de la réserve
vient s'y porter. Le général doit faire reconnoître
de fort près les flancs de l'armée ennemie
pour les déborder, les entamer, & les replier sur
le centre, rien n'est plus avantageux, & ne décide
plus promptement de la victoire; l'ennemi ne
peut plus s'étendre, ni disposer du terrein dont il
étoit le maître, il s'y voit resserré: les troupes n'y
combattent plus qu'avec contrainte, ne se reconnoissant
plus dans la mêlée, & ne cherchent qu'à
se faire jour pour se sauver.
Lorsqu'on a pénétré la ligne par quelque endroit,
il est très à propos de faire avancer dans le
même moment des troupes de la seconde ligne,
s'il n'y en a pas du corps de réserve qui soient à
portée pour partager l'ennemi, & profiter de cet
avantage par la supériorité, sans quoi on lui donne
le tems de se rallier & de réparer les desordres
où il se trouve. Il faut absolument conserver un
grand ordre dans tous les avantages que l'on remporte,
afin d'être plus en état de jetter la terreur
dans les troupes ennemies, & empêcher leur ralliement;
la disposition doit être faite de maniere,
que si la premiere ligne étoit pénétrée, la seconde
puisse la secourir, observant toûjours les intervalles
nécessaires pour faire agir les troupes, &
les former derriere celles qui seront en ordre: on
doit attaquer la bayonnette au bout du fusil, les
troupes qui ont pénétré la premiere ligne, les
prendre de front, & par leurs flancs, afin de les
renverser, & remplir à l'instant le même terrein
qu'elles occupoient; c'est dans des coups si importans,
que les officiers généraux les plus proches
doivent animer par leur présence cette action, &
faire couler des troupes de ce côté - là, pour les
former sur plusieurs lignes, & rendre inutile l'entreprise
de l'ennemi. Un général a bien lieu d'être
content des officiers qui ont prévenu & arrêté ce
premier desordre par leur diligence & leur valeur.
Il faut que le corps de réserve soit à portée de
remplacer les troupes aux endroits où elles auront
été prises, afin que J'ennemi ne voie rien de dérangé,
& qu'il trouve par - tout le bon ordre & la
même résistance.
Les commandans des régimens doivent avoir
des officiers sur les ailes & au centre, pour contenir
les soldats, & les avertir, que le premier qui
se dérangera de sa troupe pour fuir ou autrement,
sera tué sur le champ, afin que personne ne puisse
sortir de son rang: avec cette précaution, on se
présente toûjours à l'ennemi avec beaucoup d'ordre.
Dans un jour de bataille, le poste du général ne
doit pas être fixé; il est obligé de se porter dans
les endroits où sa présence est utile, soit pour surprendre
l'ennemi par quelques attaques, soit pour
secourir une droite, une gauche ou le centre, qui
commenceroient à s'ébranler; ou faire avancer
des troupes pour réparer ce qui seroit dérangé,
parcourir la premiere ligne, y animer les troupes,
& en même tems jetter le coup d'oeil sur les forces
& la situation de l'ennemi, pour en découvrir
le foible, & en profiter par des détachemens que
l'on fait marcher.
Tous les lieutenans généraux & maréchaux de
Le major général de l'infanterie, ses aides - majors, le maréchal - de - logis de l'armée, de la cavalerie,
des dragons, & le major de l'artillerie, doivent
tous suivre le général pour porter ses ordres,
& les faire exécuter promptement; le capitaine
des guides doit aussi l'accompagner pour conduire
les troupes, & lui expliquer la situation du pays.
Les colonels, lieutenans - colonels, majors de brigades,
aides - majors des régimens, doivent tous
avoir une grande attention de se tenir à leur troupe,
& de faire observer un grand silence pour bien
entendre le commandement, & le faire exécuter
dans l'instant même. C'est une chose essentielle
pour bien combattre l'ennemi & le prévenir dans
ses démarches.
Dans le tems même que l'on fait une disposition
pour combattre, tout le canon de l'armée doit se
placer par brigade devant la premiere ligne, &
autant qu'il est possible devant l'infanterie aux endroits
les plus élevés, pour faire feu sur tout le
front de l'armée ennemie. Lorsque toutes les lignes
s'ébranlent pour charger, l'on peut se servir de petites
pieces dans les intervalles de l'infanterie,
pour faire des décharges à portée de l'ennemi, &
rompre son premier rang; après cette décharge, les
officiers d'artillerie les font rentrer aussi - tôt dans
l'intervalle des deux lignes, pour les faire recharger,
& les avancer lorsqu'on leur ordonne.
Il est très - important que les officiers généraux
expliquent à ceux qui commandent les troupes
sous eux, ce qu'ils doivent faire pour attaquer l'ennemi,
suivant la disposition que le général a réglée,
afin que dans une affaire de cette conséquence,
tout agisse & soit animé du même esprit, &
qu'au cas que quelques officiers généraux fussent
tués ou blessés, on fût toûjours en état de suivre
le même ordre pour combattre. Il faut aussi que
l'on sache, en cas de besoin, le lieu de la retraite,
& l'ordre pour se rallier de nuit; ce sont des choses
trop importantes pour les oublier.
On doit observer, lorsque les troupes vont au
combat, de ne pas permettre que les officiers des
régimens détachent des soldats des compagnies
pour la garde de leurs équipages; on y laisse au plus
les éclopés, & les valets pour en avoir soin, avec
un détachement de l'armée: mais lorsqu'on prévoit
une action, il faut absolument renvoyer au
moins les gros bagages sous une place, pour ne
pas s'affoiblir inutilement ».
Le succès des batailles ne dépend pas toûjours de
l'habilité du général, & il lui est difficile de se trouver
par - tout pour donner les ordres qui peuvent être
nécessaires.
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